chapitre 5 : crise de masse

JAY

Quand les gens parlent de l'Europe, ils parlent souvent des destinations de vacances. Des montagnes allemandes, des côtes espagnoles, des forêts baltiques... L'Europe à elle seule est l'un des grands rêves pour les habitants d'autres continents, surtout pour les habitants d'Amérique. 

Mais quand les portes de leur avion volé s'ouvrirent sur la piste d'atterrissage de la base militaire de Naples, c'était non pas un paradis Européen qu'ils pouvaient découvrir, comme on pouvait voir sur les photos des agences de voyage, mais un blizzard cauchemardesque de neige à n'en plus finir.

Le froid glacial vint immédiatement s'enfoncer dans leurs uniformes Texans, ces tissus fins conçus pour survivre dans les déserts rocheux n'allaient pas faire long feu dans cet environnement de glace et de vent. Jay se tourna donc vers les hommes qui étaient les siens désormais, qui se tenaient là, grelotants sous le joug de la neige, et se râcla la gorge pour être certain que sa voix prenait le dessus avec les hurlements aux alentours.

- OK, je vous avoue que je suis tout aussi surpris que vous mais il ne faut pas que ça nous démonte, d'accord ? On va rentrer et je compte sur chacun d'entre vous de se tenir à carreau le temps qu'on se mette d'accord sur un quelconque fonctionnement ici.

Grace, qui était en train de se tenir les bras, la tête enfoncé dans son cou pour se protéger du froid, brandit une main derrière lui et s'écria.

- Les voilà qui arrivent, justement !

Le jeune Capitaine se tourna vers la direction indiquée et en effet, il put voir deux hommes se diriger vers eux d'un pas rapide, tenant de leurs mains gantés leurs bérets d'armée de terre. L'un d'eux, un homme d'une cinquantaine d'années peut être qui se trouvait être un Général de Brigade, arriva très vite à leur hauteur et ordonna d'une voix profonde et autoritaire.

- Suivez nous, vous allez geler sur place, sinon !

Ils ne se firent pas prier et prirent leurs affaires primaires en quatrième vitesse et se mirent à courir dans la direction du grand hangar qu'on gardait ouvert pour leur entrée.

***

Une fois à l'intérieur et qu'on ferma avec difficultés les grands portes du hangar derrière eux en se battant contre la force du blizzard, Jay se débarrassa de toute la neige qui lui avait atterri dessus. Christian, qui faisait de même à ses côtés, en marmonna d'ailleurs.

- Putain, on est en Sibérie ou à Naples ?

- Vous êtes bien arrivé en Italie, messieurs dames, ceci est juste le résultat drastique de notre ancienne vie de consommation excessive.

Répliqua le Général de Brigade qui était venu les accueillir, en se tournant vers eux, les sourcils fermement froncé sur son visage déjà bien sévère. Il n'en fallut pas plus au Major spécialisé dans l'élite de tir en montagne pour fermer son clapet d'insolent. Jay coupa cependant court à la honte en question et tendit la main vers l'officier Italien dont l'anglais s'avérait être quasi parfait.

- Je suis le Capitaine Jimson Carter, c'est moi et la Lieutenante Wilkersfield qui avons établi contact hier.

- Je suis le Général de Brigade Orlando Natoli. J'en conclus donc que vous êtes l'officier en charge de votre... Brigade ?

Jay échangea un petit regard avec les autres officiers qui étaient présents mais ceux-ci lui assurèrent qu'il pouvait prendre cette responsabilité. Il ne savait pas si c'était par respect vis à vis de lui ou par lâcheté quant à la carrure effroyablement menaçante du Général de Brigade, mais tant pis, il fallait bien que quelqu'un s'y plonge. Il soupira donc et serra la main de l'officier Italien, accompagné d'un hochement affirmatif de la tête.

- Exactement.

- Bien. Alors on va faire court. Vous viendrez avec moi avec peu importe qui peut être votre bras droit et pendant ce temps, mes hommes montreront aux votres un endroit temporaire où rester. Je ne vous garantis pas le confort absolu étant donné les circonstances mais... Au moins ce sera déjà ça. Vous pourrez les briefer après ça.

L'homme tourna finement les talons et se dirigea déjà vers l'intérieur de la base, il était donc pointilleux. Jay envoya un regard assurant à tout le monde pour leur dire que ça ira et s'empressa de le rejoindre, accompagné de Chelsea.

- C'est quoi ce temps, Général ? D'où vient toute cette neige ?

- Ah, ça fait déjà une semaine qu'on en est submergé... Vous avez eu de la chance de ne pas avoir eu de problèmes avec ce temps d'ailleurs... On en sait rien, sinon. Un jour il faisait beau, comme d'habitude et à notre réveil... Une couverture. Nous ne sommes pas les seuls, d'ailleurs, la Grèce a été classée en zone rouge.

- De la neige sur le Panthéon...

Jay et Chelsea se regardèrent avec inquiétude mais n'eurent pas le temps de s'attarder plus longtemps sur cette conversation car ils arrivèrent dans une très grande pièce résonnante d'activités. 

Il y avait des radios et des écrans partout, des hommes qui courraient pour répondre, d'autres qui étaient regroupés autour des écrans indiquant des cartes des alentours, changeant et changeant à nouveau les positions... C'était le chaos autant à l'extérieur qu'à l'intérieur. Alors que Jay était en train de contempler ce qui était en train de se passer, il ne voyait même pas qu'il était dans le chemin d'un officier qui essayait de passer, Chelsea devait l'attraper par le bras et le pousser pour lui laisser la place.

- On est désolé si on arrive à un mauvais moment...

S'excusa la Lieutenante envers le Général de Brigade qui s'était dirigé vers la grande table, mais celui-ci secoua la tête.

- En fait, vous arrivez même en retard. Mais je suppose que je ne peux pas vous en blâmer pour ça, c'était soit vous maintenant soit personne et jamais. Je ne remettrai absolument pas en cause les décisions de votre pays, ne vous méprenez pas mais c'est juste que... On aurait préféré autre chose. Je dois quand même mettre quelque chose au clair... Aussitôt qu'ils ont su que vous avez fuit avec la plupart des équipements, des hommes hauts placés m'ont demandé de vous mettre tout de suite sur la touche, de ne pas écouter ce que vous avez à dire parce que vous n'êtes techniquement plus des militaires...

L'homme s'arrêta deux secondes de parler et Jay commença à craindre le pire quant à la suite de sa phrase, mais en fait tout le contraire, il y avait de la compassion dans son regard quand il se redressa de la table, une télécommande dans la main.

- Mais je ne vais pas faire ça. Je ne vais pas prétendre que vous n'êtes plus des militaires juste parce que vous avez désobéi aux ordres injustes de votre gouvernement. Vous avez prit un risque, un risque effroyablement énorme qui assure votre perte à tout les coups, si ce n'est la mort, mais vous êtes là, en face de moi, prêts à nous apporter votre aide et je ne vais pas mentir quand je vous dit que nous en avons sacrément besoin. Il y a deux mois, notre gouvernement a décrété une évacuation quasi totale de toute la moitié sud de l'Italie, il y a un mur militaire allant de Rome à Pescara. 

- Attendez, comment ça ?

- Tous les habitants en bas de ce mur ont reçu l'ordre d'évacuation d'aller se réfugier au nord, dans les terres, peu importe s'ils avaient de la famille là bas qui pouvaient les aider avec ça. Des centres de réfugiés ont été construits et tout, absolument tout a été militarisé dans les côtés. Notre flotte, nos hommes, nos armes, tout est en haut. Ici, nous sommes dans la zone occupée. 

- Votre gouvernement a fait comme la France durant la seconde guerre mondiale.

L'officier haut gradé se mit à rire, ce qui fit tourner quelques regards vers lui, tellement que c'était quelque chose qui ne se faisait plus depuis longtemps dans cet endroit.

- Croyez moi, c'est bien plus sale encore. Ce que vous voyez, cette pièce comme deux trois autres dans l'aile sud de cette base... C'est tout ce qui sépare l'ennemi avec Rome.

- Quoi ?

- On a aucune aide du nord du mur, aucun recours, ni de notre armée, ni des autres armées alliées qui nous ont lâché un à un, le Texas était d'ailleurs notre dernier espoir, jusqu'à ce que il y a quelques jours, comme vous le savez, votre président a refusé... On en est arrivé à compter les provisions pour nos troupes, que la plupart du temps nous sommes obligés de donner à ceux qu'on doit sauver parce qu'ils ont refusé de quitter leurs domiciles. Le Gouvernement aurait pourtant dû prévoir qu'on n'annonce pas juste comme ça à un Italien qu'il va devoir quitter sa maison... 

Jay roula les yeux au plafond en croisant ses mains derrière sa nuque, tant il n'arrivait pas à croire ce qu'il entendait. C'était encore pire que ce qu'il avait imaginé. Chelsea, elle aussi visiblement choquée, demanda, d'une petite voix.

- Pourquoi vous avez accepté de rester derrière ? C'est pourtant voué à la mort assuré...

- Pour la même raison que vous avez bravé les ordres de votre gouvernement, volé un avion et fait déserter plus d'une centaine d'hommes... Je me battrai jusqu'à ce que j'en saigne et saignerai jusqu'à ce que j'en mourrai. Comme tous les autres hommes que vous verrez dans cette base.

Jay le regarda programmer les cartes aux écrans, ne sachant pas vraiment quoi répondre à ça. Comment est ce qu'on pouvait, après tout ? 

Voilà ce que c'était, la bravoure.

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