chapitre 46 : l'erreur est humaine
CHRISTIAN
La fièvre l'avait atteint en à peine quelques heures après la bataille. On aurait pu croire que toute cette neige et tout ce froid l'aurait privé de bactéries en tout genre, mais en réalité, c'était tout l'inverse.
Dès le lendemain, il dégoulinait de sueur et chaque mouvement l'assassinait. Il ne se plaignait pas, loin de là, à en juger les cris des autres hommes à ses côtés, il ne souffrait pas autant. Alors il serrait les dents et se la fermait, peu importait s'il en perdait ses molaires au passage. Allongé dans ce lit aux draps tâchés de sang, Christian se concentra sur la buée qui s'échappait de ses narines.
Finalement, le bruit de claquements de doigts percuta ses tympans et le visage de Jay se dessina au-dessus du sien.
- Tout va bien, Major Santiago ?
- Vas-y, rigole bien...
Jay tira une chaise et après avoir relevé les pans de son pantalon d'uniforme blanc, il s'assit. Christian se redressa sur ses coudes et demanda en lorgnant ses habits.
- Tu vas quelque part ?
- Ouais.
- Où ça ?
Son visiteur hésita un instant mais finit par indiquer la cicatrice carrée qu'il y avait sur sa gorge.
- Ceux qui se sont fait enlever... On leur a retiré ça, il y a quelques heures.
- C'était rapide...
- Ils ont pas voulu se faire suivre, c'est normal... Sauf qu'ils ne l'ont pas fait assez rapidement.
- Le dernier signal a été localisé où ?
- C'était celui de Grace et c'était dans la Mer Méditerranée.
- Merde...
Jay secoua la tête et posa sa main sur son bras pour lui assurer.
- Ce n'est pas pour autant qu'on les a perdu. On sait de source sûre que c'est l'un des bateaux de leur flotte des côtes Françaises.
- Ils les ramènent en France ?
- Ce n'est pas vraiment surprenant... C'est un territoire qu'ils ont vidé de l'armée Française. Il y a quelques bastions Alpins qui sont donc à leur disposition.
- Ah oui... Ils vont les utiliser pour perforer la barrière naturelle avec le restant de l'Europe.
- Ils sont donc plus accessibles qu'on ne le pensait. Plus près, plus vulnérables, plus désespérés.
Christian se recoucha sur son oreiller humide de sueur et posa ses mains sur ses blessures bandées.
- Donc toi... Capitaine Jimson Carter, tu vas porter les armes en montagne ?
- C'est ironique, hein ? Pourtant, à West Point, j'étais derrière toi au classement pour le poste.
- J'étais le meilleur.
- Deuxième meilleur.
Rectifia Jay, ce qui fit souffler Christian. Oui. Second meilleur. Parfait petit Nash qui obtenait ce qu'il voulait dans un claquement de doigts. Riche, beau, intelligent... Alors oui, il le détestait. Sauf que Billie, elle avait été la goutte d'eau de trop.
- Dis-moi, Christian... Elle t'as rendu heureux ? Elle en a valu la peine ?
Christian aurait tellement voulu dire oui. Il aurait tellement voulu lui dire que son mariage était réussi et basé sur le bonheur... Que le sourire était présent sur toutes les étapes de leurs vies communes... Mais peu importait à quel point il essayait, chaque fois qu'il n'effleurait ne serait-ce que sa joue, elle frissonnait. Elle était horrifiée, dégoûtée par lui.
La pire douleur au monde.
Jay, voyant qu'il ne répondit pas, poursuivit.
- Je suis désolé pour toi. Vraiment.
- Arrête, tu ne l'as jamais été et tu ne le seras jamais. C'est de la pitié, que tu m'accordes. Et ça... Je n'en veux pas.
- Non. C'est sincère. Parce qu'en attendant, ni toi, ni lui, ni elle, en est sorti heureux.
- Et je crèverai seul.
- Tu ne crèveras pas, arrête...
Jay lui adressa un sourire rassurant, mais finit par changer de sujet.
- Tu as un conseil à me donner ? Pour les Alpes ?
- Fais gaffe aux glaciers, hydrate-toi, mets de la crème solaire, ne casse pas tes moyens de communication, prends plus de café et de bœuf séché, de munitions et ne te détache jamais de tes hommes.
- J'avais dit un seul. Mais d'accord.
Christian se remit à souffler sa buée et marmonna.
- L'enfer blanc... Certains payent une fortune pour aller se casser la gueule sur une montagne et nous, on nous paye pour y crever.
- Personnellement, je n'ai pas encore reçu mon salaire.
- Traître pro-bono. C'est plutôt pas mal.
Les deux esquissèrent un sourire identique et Jay finit par se lever quand Sarah se rapprocha en mettant un bonnet sur la tête.
- Prends soin d'elle.
- Mais je...
Trop tard, les deux étaient déjà partis.
***
Le soir venu, alors qu'il dormait il fut brutalement réveillé par un contact de doigts froids sur sa peau. Il ne sursauta pas longtemps car ce n'était que Sarah qui lui adressa un regard rassurant.
- Je ne prendrai pas plus de cinq minutes, c'est juste pour changer tes bandages.
- Hm.
Rouillé par le manque d'activités, Christian tenta de se redresser pour lui laisser plus d'accès. Il passa ses doigts dans ses faibles boucles brunes et demanda à la docteure qui avait le front froncé sous la concentration.
- Ils sont partis ?
- Oui. Ne bouge plus, et ne sursaute pas, ça va être froid.
La jolie brune frotta la plaie de désinfectant et en effet, Christian dut agripper ses draps pour ne pas gémir de douleur.
- Pourquoi vous vous détestiez ?
Pour une fois, c'était elle qui entamait la conversation. Il souffla donc et répondit à contre cœur.
- J'étais légèrement compétitif, à l'Académie.
- « Légèrement » ?
- Je l'étais beaucoup, je l'avoue.
- Bon, il n'y a rien de mal à ça, c'est le cas de tout le monde quand on apprend à tenir les armes.
- Disons qu'il y avait un, surtout, qui me gonflait plus que les autres.
- Jay ?
- Non. Son meilleur ami... Nash.
Sarah ouvrit le paquet de bandages et fit dérouler la banderole blanche avant de continuer.
- On ne fait pas de l'ombre au Soleil.
- Le pire, c'était ça... C'est qu'il arrivait à être parfait sans forcément se reposer sur la gloire de son paternel.
- Wow... Si détestable !
Railla-t-elle, un sourire amusé étirant ses lèvres.
- Et comment ça s'était terminé ?
Il avait couché avec sa petite amie. Voilà une belle chose à dire.
- Disons qu'on a tous dépassé un peu les bornes.
- L'erreur est humaine...
- Ouais... C'est ce qu'on se dit quand on essaye de rationaliser ce qu'on a fait de mal. Un air coupable traversa le visage de la jeune femme et elle se tut jusqu'à ce qu'elle eut fini de le bander. Elle remonta son drap sur lui mais avant de partir, elle revint sur ses pas et lui dit.
- On a tous fait des trucs immondes... Maintenant, il faut qu'on arrête de regarder en arrière et qu'on avance, on a pas le temps pour nos vies, ici, alors ferme-là, soigne-toi, et remets-toi au travail... ça ira mieux.
Il rit et elle s'en alla dans un sourire identique au sien.
Elle avait raison.
Il fallait qu'il se ressaisisse.
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