chapitre 21 : un bon prof
SHAYNE
- garde bien en tête qu'il fera probablement plus chaud quand l'été viendra.
Shayne était tranquillement assis à l'ombre d'un chêne massif, les jambes étirées devant lui, profitant de l'ombre de l'arbre. Ce n'était pas du tout le cas de Mikolaï qui fondait littéralement sous absolument toutes les causalités que pouvait comprendre son uniforme. Ensemble, ils s'étaient donné rendez vous pour une séance de tir à l'extérieur, profitant d'une journée exceptionnellement chaude pour un hiver Texan.
C'était à ne plus rien comprendre.
Bien à l'écart de la ville, le jeune tirait sur des cibles qu'il avait apporté, en tenue d'offense et lui... Mangeait tranquillement une pomme. Ben quoi ? Il fallait qu'il s'entraîne au mieux, et il n'allait plus lui tenir la cuillère sous la bouche... Mais fierté de côté, il fallait qu'il admette qu'il avait sacrément progressé.
Il était temps.
Il y avait une sacrée montée de violence à Dallas. Des petits connards qui profitaient du chaos externe pour se déclarer "rois du quartier" et jouer les anarchistes amateurs. Il n'y avait rien de pire. Comme s'ils demandaient de l'attention, tels des enfants dont les parents avaient tourné le dos l'espace de deux petites secondes.
C'était encore pire maintenant que les trois quarts de ces jeunes devaient se manifester aux centres de recrutement. Sous ordre du gouvernement.
Il y avait beaucoup d'entre eux qui avaient l'air motivés... Mais il y en avait aussi beaucoup d'entre eux que Shayne avait toujours qualifiés de "grandes gueules".
En gros, les grandes gueules c'étaient les gars qui parlaient beaucoup sans pour autant lever le moindre petit doigt pour changer le cours des choses.
Quand Shayne n'était qu'un jeune adulte avec trois poils au menton et la voix rocailleuse, il s'était levé sur des barricades qu'il avait aidé à monter... Cousu et distribué les Bonnie Blue Flags quand l'autorité ne regardait pas... Hurlé sur la grande place de Washington, idolâtrant Pearson et Julian pour leurs prouesses au Sénat...
Shayne avait agi.
Et ce même alors qu'il mettait chaque jour le drapeau des Américains sur son uniforme de cadet de West Point. Même dans le prestige et l'honneur que lui valait cette académie militaire... Il avait agi. Rendant ainsi fou les officiers Américains.
Combien de fois n'avait il pas failli se faire expulser ?
Mais il était là, fier officier Texan... À qui il manquait peut être un œil et l'usage totale de sa foutu jambe, mais quand même.
Il n'aimait pas les grandes gueules qui 13 ans auparavant avaient applaudi depuis le rebords de leurs fenêtres couverts de pétunias... Qui à présent râlaient parce que le pays était sous menace et qu'ils devaient aider à le protéger.
Putain, Dallas n'était pas loin des frontières !
Shayne secoua sa tête avant qu'il ne vienne à se disputer avec soi même et se reconcentra sur Mikolaï qui faisait un sans fautes incontestables. Celui-ci, quand il eut enfin fini, se roula sur le dos en gémissant sous la chaleur. Le Lieutenant-Colonel ne pût s'empêcher de sourire vis à vis de la scène et après s'être agrippé au tronc d'arbre derrière lui, il se releva pour lui faire volte face.
- bien.
- c'était quoi le pire au niveau du climat ? Le Gabon ou le Nigeria ?
Shayne essaya de comparer dans sa tête et finit par répondre, tout en jetant le trognon de pomme quelque part dans les fourrées d'hiver sans feuilles.
- le Gabon. Pas parce qu'il fait moins lourd au Nigeria mais parce que c'était au Gabon que je m'y suis habitué. Après, on remarque à peine le sable dans nos frocs quand on se couche. Donne moi ton fusil.
Mikolaï se redressa en vitesse après l'ordre donné et lui donna son arme proprement. Shayne se pencha sur un tronc d'arbre scié qui leur servant de table à chaque fois qu'ils venaient et démonta complètement l'engin noire matte de précision. Il enleva ensuite sa manche d'uniforme et lui dit, tout en préparant le chronomètre
- t'as trente secondes.
Mikolaï s'exécuta à la perfection et c'était en 25 secondes seulement qu'il finit. Shayne lui assainit un coup dans le bras en guise de félicitations et vint à nouveau s'asseoir dans l'herbe.
- c'est bon. T'es un Sniper... Moyen, à présent.
- ça vous tuerai de faire un compliment normal ?
- probablement.
Alors qu'il riait avec sadisme, un sifflement strident s'assainit dans sa tête et il grimaça sous le coup, portant ses mains à ses tempes pour les masser. Sûrement le retour du karma pour sa pique.
- ah, fallait que je vous parle d'un truc...
- je t'écoute...
Mikolaï se débarrassa d'abord de tout son attirail de police, de son casque à ses genouillères de protection. Quand sa tête toute transpirante dépassa du col noir de son uniforme, il ouvrit sa veste pour en sortir une enveloppe. Shayne n'avait pas besoin qu'il lui lise la lettre pour qu'il sache. Il venait de passer des jours à les faire écrire. Un frisson lui parcourra le dos et il demanda, avant même qu'il ai eut le temps d'expliquer.
- comment c'est possible ? T'es déjà dans les forces de l'ordre !
- ben justement... Ils disent que mes derniers examens de tirs sont beaucoup trop bons pour être négligés et que ce serait dommage de ne pas m'employer sur le terrain.
- t'es en train de me dire que c'est à cause de moi que tu iras sur le front ?
- non. Je suis en train de dire que je suis un très bon Sniper et que c'est à cause de ça, que j'irai sur le front.
- je t'ai appris pleins de choses, mais le sarcasme, je le garde pour moi, petit...
Siffla Shayne en lui arrachant l'enveloppe des mains pour pouvoir lire ce qu'il y avait exactement de décrit. Alors que ses yeux étaient en train de parcourir les lignes officielles, Mikolaï demanda, de l'inquiétude dans sa voix.
- qu'est ce que je vais bien pouvoir faire ?
- ça semble évident. Tirer, bien sûr.
- mais...
- pas de mais. Écoute moi bien, ce n'est rien, pour l'instant, d'accord ? Ceux qui vont au front, ce seront les militaires entraînés. Pas de civils en premier plan. Tout ce qu'on te demande pour l'instant c'est de passer l'entraînement de base. C'est quelques pompes, quelques tirs, quelques heures barbants en théories d'éthique et voilà. Rien de plus. Tout va encore bien. Nos hommes sont en train de gérer.
- vous êtes sûr ?
Shayne releva son œil unique de la lettre et ne répondit pas dans l'immédiat. Comment pouvait il faire une promesse alors que lui même n'en savait rien ? Mais le jeune policier d'élite semblait assoiffé d'assurance. Alors assurance il donnera.
- bien sûr. Tout ira b...
Un autre sifflement strident lui empoigna le cerveau, le coupant ainsi en plein milieu de sa phrase.
- vous allez bien ?
- oui, oui, c'est juste... C'est juste le soleil. Un coup de chaud. C'est rien.
C'était vraiment débile comme mensonge, surtout qu'il venait à peine de dire que le Nigeria n'était pas si complexe que ça à supporter. Le soleil Texan était une vraie lavette à côté de cette énorme boule de chaleur Nigériane ! Le visage dubitatif de Mikolaï lui indiqua qui plus est, qu'il avait fait mouche, alors il se reprit.
- tout ira bien. Le champ de bataille est encore bien loin de Dallas.
Son protégé n'avait toujours pas l'air convaincu mais tant pis. Il se leva donc, enfourna à nouveau ses affaires dans son sac et tendit une main à Shayne pour serrer la sienne.
- merci pour tout. Vous avez vraiment été un excellent prof.
- hey, tu me fais des adieux là ? Tu crois que tu vas aller à la guerre ?
Mikolaï sourit, d'un sourire presque innocent. Comment est ce qu'on pouvait s'imaginer qu'il était pourtant un tireur d'élite hors pair ? Shayne roula donc les yeux au ciel et lui serra la main d'une bonne poigne.
- t'es venu de loin. Mais t'as du potentiel. Si tu continues à respecter les autres et à rester attentif, tu n'auras absolument rien craindre.
- je l'ai bien compris.
Pesta celui-ci en portant une main derrière une oreille où était jadis marqué au sang, la colère foudroyante de Shayne.
- je ferai tout ce que je peux pour que tu sois avec les meilleurs officiers. J'y mettrai un bon mot pour toi.
- merci encore.
Et le petit partit.
Shayne le regarda disparaître sur le chemin, entourant son genou valide de son bras, et ne put s'empêcher de sentit un petit pincement qui cœur. Si les choses avaient si mal commencé entre eux, il pouvait à présent dire qu'il avait été l'un de ses meilleurs pupilles. C'est là qu'il pensait à son fils. À son petit bébé qu'il n'avait pas vu en plusieurs jours. À la négligence qu'il lui portait. Il était vraiment un père terrible... Et rien que cette pensée...
Renforça ce sifflement monstrueux dans sa tête.
Une douleur qu'il ne connaissait que trop bien.
Et c'était reparti...
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