chapitre 2 : le bain

Plus tard, quand Nala était en train de ramasser ses uniformes pour les remettre sur les cintres, Bonnie vint la joindre, son petit seau rempli de jouets de bains déjà fin prêt. Cette enfant consacrait une telle importance à ses bains, comme une institution... Tant mieux dans un sens, si elle arrivait à passer si vite à autre chose, plutôt que de continuer sur ce que son père avait bien pu faire, quelque part là bas, dans les landes ensablées aux confins du Texas. 

- Tu viens, maman ?

Elle lâcha ce qu'elle faisait et enjamba le reste du désordre pour se diriger vers la salle de bains quand elle aperçut tout d'un coup de l'eau qui s'écoulait depuis la porte ouverte.

- Euh... Tu veux bien aller dans ta chambre s'il te plaît ? Attends moi là bas, d'accord ?

La fillette obéit et retourna dans sa chambre en sautillant, ses longs cheveux tressautant sur ses épaules et une fois qu'elle s'était assurée qu'elle était bien partir, Nala se dépêcha pour aller voir ce qui était en train de se passer. Une fois sur place, elle vit Nash complètement bloqué, les yeux rivés sur les écoulées d'eau qui s'égouttaient sur le sol.

- Nash, mais qu'est ce qui se passe bon sang ?

- Hein ? Je... Merde, pardon, j'ai pas fait exprès !

Il se ressaisit et s'agenouilla dans le sol trempé d'eau pour tourner le robinet et ainsi couper l'eau.

- Merde, merde, merde...

- Hey, hey, Nash, c'est pas grave, c'est bon, ça arrive à tout le monde.

Elle posa une main sur son bras mais il le retira vite d'un geste de reflexe avant de s'excuser, encore une fois. Il avait vraiment l'air désemparé, son souffle était rapide à un point que ses narines en palpitaient et ses pupilles étaient vivement rétractées dans ses iris bleus ciel.

- Qu'est ce qui s'est passé ?

- Rien. Il s'est rien passé. J'ai juste pas réagi à temps, c'est tout.

Nala aurait bien voulu continuer à l'harceler de cette même question pour lui tirer des réponses du nez mais elle savait qu'avec lui, c'était une bataille perdue d'avance. Cette position de défense sur laquelle il se mettait constamment était incassable, il devenait une vraie forteresse. La jeune femme releva ses mains au plafond et se tourna vers ses étagères pour faire tomber au sol toutes les serviettes qu'elle pouvait trouver. Lorsqu'elle s'agenouilla pour essuyer l'eau, Nash vint l'aider en balbutiant.

- Je suis vraiment désolé, Nala, j'ai voulu t'aider pour t'enlever tes problèmes de la tête et maintenant tu en as un en plus...

- Nash, tu te rappelles quand tu me disais d'arrêter de m'excuser en disant que c'était énervant ?

- Oui...

- T'avais raison. Arrête. C'est chiant.

Et voilà, un nouveau sourire sur ses lèvres. Mission accomplie. Nala l'accompagna et jeta la première serviette trempée dans la cabine de douche à ses côtés et en reprit une autre, comme une machine.

- Comment tu fais ça, Nala ?

- Faire quoi ?

- Rester calme... Dans une situation de crise. Comment tu fais pour...

- Garder tout à l'intérieur de soi et s'occuper de faire sourire les autres ?

- Exactement.

Nala s'arrêta un instant d'essuyer le sol pour souffler sur les mèches noires de ses cheveux qui avaient décidé d'attendre ce moment pour venir se mettre dans ses yeux.

- Déjà pour commencer, toi et moi on sait très bien que je suis ultra mauvaise à rester calme dans une situation de crise...

- Je suis pas d'accord. Tu n'es juste plus calme quand la crise est passée.

Putain. Il avait raison. Est ce que ça faisait d'elle une junkie d'adrénaline ? Non, c'était pas le moment pour les révélations existentielles.

- Et puis sérieusement, c'est ce qu'on apprends à West Point. Tu es sûr d'y être allé ? Même moi qui était dans le nouvelles branches pour sous officiers, j'ai appris à ménager... Mais toi ! Tu es sorti officier ! Allez, Lieutenant Peters. Reprenez vous ! 

Son sourire s'élargit et très vite, elle l'entendit réprimer un petit rire dans le creux de son épaule, profitant au passage d'essuyer ses cheveux qui étaient encore plus fins et donc plus encombrants que les siens.

- Tu as raison. Autant pour moi, Sergent Major Quinn.

- Non mais plus sérieusement, Nash, j'ai bien un conseil à te donner mais je pense qu'il ne s'applique pas vraiment à toi...

- Je t'écoute quand même.

- Regarde tes amis et ta famille mourir, regarde ton âme sœur te promettre quelque chose dans la plus profonde de tes pupilles et ne pas tenir deux jours avant de te poignarder dans le dos pour une sois disante "noble cause" et crois moi... T'en auras tellement ras le cul que la prochaine crise ne t'étonnera plus.

Elle aurait peut être pas dû être aussi obscure à ce sujet parce que le sourire de Nash commença à disparaître, ne laissant plus qu'un regard peiné à son attention. C'est ce qu'elle ne voulait pourtant pas recevoir.

- Nala.

- Quoi ?

- Je crois que tu devrais t'asseoir deux secondes et respirer.

- J'ai pas le temps.

- Si, si, tu vas avoir le temps. C'était pas une question.

Son ton ferme et autoritaire la surprit un peu mais il avait raison, elle avait besoin de déverser ce qui lui pesait sur son âme, elle était aussi submergée par le ressenti que le sol de sa salle de bains était avec l'eau. Nala se recroquevilla sur elle-même en lâchant d'un coup sec sa serviette et tant pis si elle posait ses fesses dans la grosse flaque d'eau qui s'était écoulé du bain, elle n'en pouvait plus.

-  Il m'a dit d'attendre. Il m'a promit qu'il allait tout faire pour revenir vite. Et maintenant j'apprends qu'il est juste... Parti ? Alors pourquoi je devrai l'attendre ? Alors qu'il... Qu'il... Comment toi, tu faisais ? Comment toi, tu pouvais juste... Attendre, qu'il revienne et qu'en plus il te jette des horreurs au visage, comment tu... Putain, j'en ai juste marre !

 Nash resta un instant comment il se trouvait, à moitié agenouillé dans le reste de l'eau, à moitié accoudé sur l'évier, la main passant avec nervosité dans ses cheveux qui refusaient à tout prix de prendre leurs place. Il semblait hésiter mais face à son désarroi, il se décida quand même à lui avouer, après un énorme soupir.

- Je vais te dire pourquoi mais je ne suis pas vraiment sûr que ma réponse te plairait... Il y a longtemps de ça, quand Shayne était parti à West Point, et que mon père est revenu me... Je ne sais pas si je devrai dire « adopter », c'était son boulot de base, putain... Jay s'était retrouvé tout seul en famille d'accueil. Et... Par ennui, je suppose, j'en sais rien, il a commencé à...

Il finit sa phrase en tapotant deux doigts sur les plis de ses coudes, avant de continuer.

- J'ai vite remarqué qu'il y avait quelque chose qui clochait. Quand j'ai essayé de lui demander ce qui s'est passé, il m'a frappé et je ne l'ai plus revu.

- Jay t'as frappé ?

- Oh oui, crois moi, il avait une très grosse tendance à exprimer sa haine avec la violence... Heureusement West Point s'est chargé de le calmer. Bref, une nuit je suis quand même allé voir comment il allait avec la folle idée que j'allais m'excuser. Je ne savais pas pourquoi mais je savais juste qu'il fallait que je le fasse.

Nash garda le silence et Nala se redressa un peu sous le coup, des frissons parcourant son échine parce qu'elle avait peur de savoir où il voulait en venir. Les pupilles du jeune homme d'affaires s'étaient rétractés dans ses iris bleus éclatants, figés comme s'ils revoyaient la scène de l'époque tandis que sa main droite se frotta son autre bras avec un peu trop de force.

- Il s'était mit en tête que les Xannies qu'il prenait n'étaient pas assez puissants et il avait fait un... ravissant cocktail avec de l'héroïne. Autant te dire que quand je suis arrivé... Y'avait plus grand chose envers quoi je pouvais m'excuser. Son overdose était tellement puissante que j'avais l'impression que... il bougeait plus. Mais... plus du tout.

Il posa son menton sur ses bras croisés sur ses genoux en déglutissant pour ne pas qu'elle remarque que sa voix était en train de se briser dans sa gorge, mais il ne s'arrêta pas.

Heureusement, j'ai quand même réussi à appeler les secours et ils étaient justement dans le coin pour un autre problème. Ils ont réussi à le réanimer et il est resté à l'hôpital pendant peut être... Deux, trois jours ? J'en sais rien... Je me rappelle juste que Shayne était venu et qu'il a... Ben au début, il avait pas réagi. Il voulait même pas voir Jay, c'était comme s'il s'en foutait.

Shayne qui ne réagissait pas ? ça c'était une nouvelle.

- Mais après quelques heures, il s'était juste tourné vers moi et il m'a dit que j'avais pas intérêt à l'aider. Que si Jay voulait crever en s'injectant des merdes dans les veines, qu'il le faisait. Mais j'ai juste pas pu m'y résoudre... Parce que depuis tout ce temps, j'arrêtais pas de me dire « Si on se serait pas disputé, ça ne se serait jamais passé, si je ne l'avais juste pas laissé au début, il serait pas mort dans mes bras ». Alors je l'ai accueilli chez moi, rien à foutre de ce que pensait mon père, et il est allé mieux, a rechuté, m'a volé pour s'acheter de l'héroïne, m'a menti... Mais j'ai juste continué. Puis même quand les années ont passé, même quand il a commencé à avoir ses problèmes avec le Yémen, j'ai juste continué à l'aider. Juste pour ça. Mais c'est là que vient mon point, Nala... Shayne... C'est le gars qui a le plus raison. Genre... Tout le temps, il a tout le temps raison.

Nala ne put s'empêcher de réprimer un rire, il avait vraiment tout le raison celui-là, s'en devenait agaçant...

- Shayne avait raison de me dire de ne pas lui venir en aide. Tu peux juste pas le faire, pas avec lui... Jay a cette affreuse manie de se foutre dans la merde en croyant qu'il fait le bien. Il le faisait quand on était gamins, il le fera encore jusqu'à ce qu'on crève tous. Je sais que c'est pas vraiment ce que tu veux entendre mais attends pas de lui qu'il te promettes de se tenir tranquille, parce qu'il ne le fera tout simplement pas. Enfin, il peut te le dire mais... Ne fais juste pas la même erreur que moi, et écoute les supers bons conseils de Shayne.

- Mon Dieu, non, si je l'écoutais, je devrai mettre un bouchon dans les fesses de Bear pour éviter qu'il fasse ses besoins sur mon tapis.

Ils se mirent tout les deux à rire, peut être un peu trop pour ce que c'était, mais tant pis, ça faisait quand même du bien. C'était surement dû à la nervosité de toutes ces révélations qui s'avéraient être bien abominables.

- Tu vois ? On arrive pas à se focaliser sur un sujet sérieux. On est vraiment des gamins.

Nash acquiesça en hochant la tête et d'un coup de jambes, se remit sur ses pieds et l'aida à se relever.

- Je suis pas en train de te dire de ne pas l'attendre, loin de là, crois moi, j'ai eu ma dose de familles brisées... Ce que je veux dire c'est que ne place pas tes attentes trop hautes. Il reviendra, quand il le voudra, c'est ce qu'il fait. Mais avant tout, n'attends jamais de quelqu'un d'être quelque chose qu'il n'est pas, parce que comme ça, tu ne te retrouveras pas blessée quand il vient à te décevoir.

Ce n'était pas exactement ce qu'elle attendait comme réponse à sa question initiale, plutôt une petite tape dans le dos accompagné du fameux « tout va bien se passer, ne t'inquiète pas »... Mais elle pensa que peut être que ça valait mieux. Nash avait raison. Parfois, il fallait mieux entendre la vérité plutôt qu'un mensonge qui faisait plaisir sur le coup. Au long terme, c'était exactement la réponse dont elle avait besoin. La jeune femme soupira alors, ce qui fit partir en même temps l'anxiété énorme qui la pesait et elle lui dit, une pointe de tendresse dans sa voix.

- Tu devrais plus parler de toi, Nash, tu sais ça ?

Il releva le regard vers elle, arrêtant un instant de faire ventiler son t-shirt trempé sur son torse et se mit à sourire, de toute la sincérité qu'il pouvait afficher.

- Je vais bien.

Il pouvait sourire, mais mentir, c'était loin de ses meilleurs dons offerts par la nature. Mais Nash était Nash, et comme il venait de dire, elle ne pouvait pas changer la personnalité des gens. La jeune femme sourit donc à son tour et marcha dans son mensonge.

- Je sais. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top