Le Ténébreux

(29 plus tôt, Forêt Enchantée)

Rumplestiltskin n'avait ni patience, ni pitié pour les misérables pleurnicheurs. Surtout quand ils n'avaient pas tant que ça de raison de pleurer. Comme la jeune fille blonde balayant le sol qu'il observait. Quel était son nom déjà, Ellen ? Ah oui, Ella, bien que ses harpies de demi-sœurs l'aient surnommée Cendrillon.

La jeune Ella avait peu de raison de pleurer. Certes, ses parents étaient morts depuis longtemps, et elle était accablée par une horrible belle-mère et deux demi-sœurs qui l'intimidaient, mais c'était tout. Elle était maintenant assez âgée pour quitter sa maison et commencer une vie ailleurs. Elle était jolie, gentille, elle n'aurait aucun mal à se faire aimer (-personne ne pourra jamais m'aimer-) et se trouver quelqu'un. Elle n'avait plus besoin de se conformer aux exigences de sa belle-famille, et pourtant la faible fille restait, reniflant pathétiquement en balayant la cour pavée, comme si elle n'avait pas d'autres choix.

Invisible, caché dans l'ombre, Rumplestiltskin roula des yeux. Il ne supportait pas les gens qui n'essayaient même pas de s'aider eux-mêmes, attendant juste quelqu'un d'autre vienne résoudre leurs problèmes pour eux. Ils devaient savoir prendre leur destin en main. Evidemment, si les gens le faisaient plus souvent, il aurait beaucoup moins de personnes à manipuler pour qu'ils acceptent ses contrats.

Belle n'avait pas été comme ça.

Sa Belle... Sa gouvernante, son amie...son Véritable A-(personne ne pourra jamais m'aimer !). Il fut incapable de terminer cette pensée. Le simple murmure de son nom dans son esprit avait fait ressortir des souvenirs aussi beaux que douloureux. Il ne put s'empêcher de constater les différences entre sa Belle et la fille triste à quelques mètres de lui.

Oui, elle avait conclu un accord avec lui, mais sa situation avait été bien plus grave et désespérée que les problèmes de la servante blonde pleurnichant. Les Ogres ravageaient ses terres, son fief tombait en ruine, son peuple était massacré ou mourrait de faim à cause de la guerre qu'il ne pouvait gagner. Non, il ne pouvait pas se moquer de Belle pour avoir accepté l'accord, ni même de son royaume pour avoir cherché son aide, ils étaient dans une véritable crise. Après tout, ne s'était-il pas lui-même tourné vers le Ténébreux il y a tant d'années pour arrêter les Ogres aussi et sauver son fils de la guerre ?

Belle, en la courageuse jeune femme qu'elle était, avait acceptée de devenir la servante d'une bête (-pas un homme, je ne suis pas un homme-), et en retour, son peuple serait sauvé et en sécurité. Il était certain que s'il avait exigé qu'elle soit tuée et rôtie à la broche au lieu de devenir juste sa femme de chambre, elle aurait quand même accepté. Son cœur pur et son courage n'avaient aucune limite. Belle n'avait pas été exactement une princesse, plutôt la fille d'un noble seigneur, mais elle était meilleure que la plupart des membres de la famille royale, et méritait toutes leurs richesses et bien plus encore.

Et lui, le monstre qu'il était, l'avait jeté dans un donjon. Elle avait pleuré ses premiers jours, des sanglots larmoyants qui avaient traversé les murs de pierre jusqu'à la salle à manger où il utilisait son rouet. Une première fois, il descendit pour la faire taire, mais s'arrêta en l'entendant se parler à elle-même. Il avait alors écouté attentivement de l'autre côté de la porte avec un sourire amusé, se demandant si elle était en train de le maudire.

« -Au revoir, papa. Je ne te reverrai plus jamais... Il ne m'a même pas laissé te dire au revoir... »

Ces mots étouffés l'avaient paralysé. Il connaissait cette douleur, celle de ne pouvoir dire au revoir, de ne pouvoir partager un moment de plus avec un être cher. L'image des doigts de Baelfire glissant de sa main lui traversèrent l'esprit un bref instant avant qu'il le ne chasse rapidement et retourne à son rouet sans se montrer. 

Il était redescendu une seconde fois, plusieurs jours après, alors que les pleurs continuaient, et était entré dans sa cellule pour la faire taire. C'était devenu  lassant, et avait commencé à faire germer une petite graine de culpabilité dans son cœur... Il n'avait plus travaillé ce jour-là de toute manière, lorsqu'un voleur s'était ensuite introduit dans sa demeure.

Le Ténébreux fut tirée de ses souvenirs, à la fois précieux et tortueux (il aurait besoin de faire tourner son rouet plus tard pour oublier) par l'arrivée d'une fée. La fureur et la haine le traversèrent en voyant l'insecte ailé. La fée Bleue lui avait fait perdre son fils, et par association d'idée, avait développé un dégoût profond pour toutes les fées.

« Ne te désespère pas, mon enfant. Tu iras à ce bal. » assura la méprisable créature volante à la jeune fille.

« Qui êtes-vous ? » demanda cette dernière avec étonnement.

Elle se transforma pour passer de sa petite taille à une taille humaine, ses ailes de libellules disparaissant derrière son dos, alors que Cendrillon la regardait d'un air émerveillé.

« Je suis ta marraine la bonne fée. Et je suis venue changer ta vie, Cendrillon. »

Comme c'était charmant, l'insecte s'adressait à la fille avec le même surnom dégradant que ses demi-sœurs utilisaient. L'admiration de celle-ci faiblit alors qu'elle baissait les yeux vers le sol avec soumission.

« Ma vie ? Ma belle-mère m'a dit que je ne pouvais pas aller au bal, elle me l'a interdit. »

« Ta belle-mère ne peut pas aller contre ceci. » déclara la fée avec confiance, montrant sa baguette magique.

Ça y est, le moment qu'il attendait. Rumplestiltskin se faufila derrière la fée, ricanant alors qu'il préparait son attaque, tandis que les yeux de la jeune fille suivaient avidement la baguette du regard.

« Cette baguette a le pouvoir de te conduire à ce bal, à ton prince, et à une nouvelle- »

Un souffle de magie noire dans le dos non de la fée, prise par surprise, eut tôt fait de la réduire à néant. Dans un torrent de fumée et de cendres étincelantes, la baguette magique retomba sur le chemin pavé. Un moustique de moins sur cette terre. Ella/Cendrillon haleta de peur et recula de plusieurs pas, laissant tomber son balai sous l'effet de la surprise.

Souriant sournoisement, il sortit de l'ombre et ramassa la baguette.

« Qu'est-ce... Qu'est-ce que vous avez fait ? » demanda la fille blonde, un mélange d'horreur et de peur dans les yeux.

« Allons, allons. J'ai obtenu ce que je voulais. Il n'y aucune raison d'avoir peur. » répondit-il en se relevant, son sourire narquois ne quittant pas son visage.

« Aucune raison ? » répéta-t-elle, incrédule. « Vous venez de tuer ma marraine la bonne fée. Tout ce qu'elle voulait, c'était m'aider ! »

« Vraiment ? » Comme cette servant était stupide et naïve. S'il n'avait pas eu besoin de conclure un accord avec elle, il l'aurait laisser se vautrer dans son apitoiement. Mais il avait besoin d'elle pour ces plans, alors il ravala son irritation.

« Sais-tu seulement ce que c'est que cela ? » la taquina-t-il, agitant la baguette devant elle.

Son expression revint à l'émerveillement en regardant l'objet, avec confiance, elle répondit :

« Bien sûr. C'est de la magie. »

Enfant stupide. Elle ne savait vraiment rien.

« La magie, c'est le mal. » précisa-t-il plus sérieusement dans un rare moment de vérité. « Crois-moi, je t'ai rendu un fier service. » Il reprit ensuite son comportement excentrique, levant ses mains en l'air d'une manière dramatique. « Quand on use de la magie, il y a un prix à payer. Reprends le cours de ta vie, et remercie ta bonne étoile que ce soit encore possible. »

Bien sûr, elle n'écouta pas, personne ne l'avait jamais écouté.

« Quelle vie ? Elle est misérable. » déclara-t-elle d'un air morose.

« Alors change-la. » rétorqua-t-il, souriant méchamment en brandissant la baguette. « Tu n'es pas de taille à affronter ça. »

Il se détourna pour partir, mais comme il s'y attendait, la fille courut pour le rattraper.

« Non, attendez ! Je suis de taille à tout affronter ! » réfuta-t-elle, se plaçant devant lui pour bloquer son chemin. Il retint un grognement. Combien de fois avait-il entendu des mots similaires ? Il avait donné un avertissement à tous ceux qui venaient à lui, et ils l'avaient toujours ignoré, si certains qu'ils savaient mieux. « S'il vous plaît, je ferai n'importe quoi pour m'en aller d'ici. »

« Tu en es certaine ? » demanda-t-il.

Les âmes désespérées... Peu importe qu'ils soient rois ou mendiants, tout le monde était prêt à promettre "n'importe quoi" pour obtenir ce qu'ils voulaient ou que l'on fasse disparaître leurs problèmes... Jusqu'à ce qu'ils réalisent que le "n'importe quoi" en question était toujours quelque chose d'irremplaçable.

« Savez-vous vous servir de cette baguette monsieur... »

« Rumplestiltskin. » se présenta le Ténébreux avec une révérence, son ton devenant plus mordant alors qu'il levait les yeux vers elle. « Eh oui, bien sûr que je sais. »

« Alors aidez-moi. »

Il sourit en se redressant, avançant lentement vers la servante.

« Si j'accepte...et que tu es réellement décidée à assumer toutes les conséquences de ton choix...tu me devras quelque chose, en échange. » lui dit-il en tournant autour d'elle.

« Très bien. Que voulez-vous ? »

Elle n'avait même pas pris le temps d'y réfléchir, n'est-ce pas ? Eh bien, elle avait au moins demandé ce qu'il voulait.

« Je veux quelque chose de précieux. »

« Mais je n'ai rien. » admit-elle doucement.

« Oh, rassure-toi, cela va changer. Une fois ton vœu exaucé, les richesses deviendront plus nombreuses chaque jour. »

Son ton aurait dû être un indice, mais personne n'avait jamais prêté attention à ses avertissements cachés. Non, ils se laissaient toujours distraire par leur cupidité, ou bien le considérait juste comme une autre de ses manies étranges. Mais tous les trésors n'étaient pas d'argent et d'or.

« Je n'ai que faire de ces richesses, je vous donnerai tout ce que vous voulez si vous m'aidez à partir d'ici. »

« Voilà qui devient intéressant. »

Il ne put s'empêcher de sourire. Un petit pas de plus vers Baelfire.

« Comment dois-je procéder ? » demanda-t-elle.

« N'aie crainte, ma chère, mes exigences sont modestes. La seule chose que tu as à faire, c'est signer au bas du parchemin. » D'un mouvement du poignet, il fit apparaître une longue feuille de parchemin dans sa main, avec une plume entre ses doigts. « Alors, marché conclu ? »

« Oui. Oui, merci beaucoup. » dit-elle joyeusement en lui prenant la plume.

Il se déplaça pour que le parchemin repose sur son dos et qu'elle puisse signer le contrat par lequel elle promettait de donner son premier-né en échange d'un peu de magie. Elle ne prit même pas la peine de lire le contrat.

Non, bien qu'elle ait été une servante comme sa Belle (un rôle qu'il lui avait assigné de force, elle qui était une véritable princesse), les similitudes entre les deux jeunes filles s'arrêtaient là.

Quand elle s'éloigna, il se redressa et examina sa signature. Bien, elle avait signé Ella, et non ce surnom déshonorant. Il observa un instant la jeune fille, et d'un autre geste du poignet, la baguette à la main, une fumée violette l'entoura. Elle s'estompa vite, révélant l'ancienne servante vêtue maintenant d'une élégante robe bleue au lieu de ses haillons, des bijoux argentés brillant sur sa peau, et ses cheveux placés en un chignon aux boucles complexes.

Elle sourit avec bonheur, puis remarqua les pantoufles qu'il avait fait apparaître devant elle.

« Du verre ? » s'étonna-t-elle.

« Ce sont les petits détails inoubliables qui font les bonnes histoires. Essaie-les, et voyons si elles te vont. »

Elle plaça avec empressement un pied puis l'autre dans les pantoufles de verre. Alors qu'elle lui souriait avec gratitude, Rumplestiltskin dut retenir un rire. Elle ne serait pas aussi agréable avec lui dans quelques semaines.

« Amuse-toi bien, mais fais attention à l'heure. »

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