Il était une fois, dans une vaste forêt aux herbes verdoyantes, où les arbres s'élevaient si haut qu'ils semblaient toucher le ciel. Là vivait un loup. Un loup majestueux, puissant, dont la force et l'intelligence surpassaient celle de tous les autres. Il ne lui fallut que peu de temps pour réunir autour de lui une meute, soumise à sa volonté et à son charisme naturel. Ce loup, fort de son instinct affûté, menait les siens vers l'eau la plus pure, vers les terres où le gibier abonde, et vers de glorieuses victoires. Sous sa gouvernance, la meute prospérait.

Lorsque l'hiver se faisait rude, que le froid mordait et que les ressources s'amenuisaient, il savait toujours où aller. Jamais sa meute ne souffrit de la faim, car il veillait sur eux avec des yeux perçants qui ne laissaient rien échapper. Femmes, enfants, tous étaient protégés par son regard vigilant et sa force implacable. Il sentait l'approche des ennemis avant même qu'ils ne posent leurs pattes sur la terre qu'il défendait. Son odorat et son ouïe détectaient la moindre menace, et grâce à lui, jamais la meute ne fut attaquée.

Cependant, au fil des saisons, quelque chose changea en lui. La puissance et la gloire le consumèrent peu à peu. Ce qui avait été autrefois un chef dévoué à sa meute devint un être égoïste, assoiffé de reconnaissance et de victoires. Durant l'hiver, alors que les proies se faisaient rares, il s'appropriait les plus grosses prises, ne laissant que des miettes à sa meute affamée. Personne ne devait boire avant lui, personne ne devait profiter des ressources avant que lui-même ne soit rassasié.

Ses yeux, autrefois protecteurs, ne servaient désormais qu'à satisfaire ses désirs égoïstes. Il n'était plus le gardien de la meute, mais son tyran silencieux. Et puis, un jour fatidique, tandis qu'il était parti vanter ses exploits dans toute la forêt, une autre meute fit irruption. Elle était sauvage, implacable, tuant sans pitié tout ce qui se dressait sur son passage. Femmes, enfants, aucun ne fut épargné. Le grand loup, aveuglé par son orgueil, n'avait ni senti, ni vu, ni entendu venir la menace.

Quand enfin il revint, il n'y avait plus rien. Le sang teintait le sol, et la vie avait quitté ses terres. Les survivants, quelques mâles désespérés, avaient fui, abandonnant le grand loup à sa solitude. En découvrant l'étendue de sa négligence, son cœur se brisa, mais il était déjà trop tard. Les Dieux, furieux de son égoïsme, le condamnèrent à la pire des punitions. Ils lui prirent ce qu'il avait autrefois tant vanté : sa vue. Désormais aveugle, il errait seul dans les profondeurs de la forêt.
Le grand loup, autrefois si fort et si glorieux, n'était plus qu'une ombre de lui-même. Il ne fonda jamais une autre meute. Il vagabonde aujourd'hui dans les bois, rongé par le désespoir, hanté par la culpabilité de n'avoir su protéger les siens. Certains disent qu'il veille sur la forêt, tentant désespérément de réparer ses erreurs, espérant, un jour, obtenir le pardon des Dieux. Mais ce jour ne semble jamais venir, et la forêt résonne encore des hurlements silencieux d'un loup autrefois si grand, maintenant prisonnier de sa propre tragédie.
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