Quand elle vit tous les regards dirigée sur elle, elle songea presque à faire demi-tour. Alors comme ça, tout le monde le savait déjà? Cassie se dirigea le plus rapidement possible vers la salle de maths tout en essayant tant bien que mal d'ignorer tous ces chuchotis autour d'elle. Bon, c'était beaucoup plus dur que prévu.

Pause du matin:

Pas de Mike. Elle avait pourtant espéré le voir, affronter avec fougue la tempête qui se précipitais à grand pas vers elle, mais rien. Aujourd'hui, pas de dragon cracheur de feu à affronter, son courage attendra, soigneusement caché dans sa poitrine, prêts à se déployer en temps voulu. Tandis qu'elle marchait, Cassie imaginait la cène. Mike serait forcément fou de rage, elle connaissait ses énormes colères et il était évident qu'elle n'allait pas y échapper, au contraire, elle allait la battre brillement. Et puis, ils pourraient rester amis ?  Au fond, il pourrait comprendre s'il est si parfait qu'on le prétend. Il pourrait se refaire le film de leur relation et trouver les indices qu'elle avait laissé, se rendant compte qu'au fond, il était évident que son amour n'était pas réciproque pour un sous.

Soudain, quelque chose effleure l'épaule de Cassie.

« A nous deux Mike... »

Elle se retourna.

Explosions de papillons dorés, tsunami dans l'estomac, des montgolfières à la place des poumons et des cœurs dans les yeux : Cassie semblait sur le point d'exploser dans une pluie de confettis. Harper était là, les joues rougies par le froid, toujours incroyablement belle dans son anorak kaki qui lui remontait jusqu'à la moitié du visage.

-Salut.

-Heu... salut.

Sans attendre, celle-ci inspira profondément avant de se lancer :

-Cassie, il y a des choses que tu ne sais pas. Elle n'osait pas la regarder dans les yeux.

« Comment ça des choses que je ne sais pas ?! » Pensa Cassandre, une multitude de questions envahissant soudain sa boite crânienne. Déjà qu'elle ne s'était toujours pas remise de l'apparition de Harper en pleine journée d'école, il fallait qu'elle la trouble encore plus. Et d'ailleurs, elle ne devrait pas être en cours ?

-Mais tu fous quoi ici... ? Son cœur battait la chamade et son souffle se faisait court.

-Je... C'est pas ça l'important. J'y ai réfléchi toute la nuit et je me devais de... de te parler de Mike. Son regard grave fixait maintenant les yeux de Cassie, lourd de vérité. Suis-moi.

Tout se bousculait autour de Cassie. Qu'avait-il fait ? S'était-il vengé ? Etaient-ils sortis ensemble ? Lui était-il arrivé quelque chose ? Avait-il dit ou fait quelque chose de grave ? S'en était-il pris à quelqu'un ? S'était-il enfui ? Son regard dans le vide, elle se cramponnait à la manche de Harper, une angoisse grandissante qui la faisait haleter, une lueur de panique dans ses iris bleues. Il lui fallait des réponses à toutes ses questions.

-Mais purée Harper explique toi !

-Suis moi.

Son ton, puissant et ferme l'interrompit dans son flot de pensées intarissable, la ramenant instantanément dans la réalité.

Pendant tout le trajet de la cafète à derrière le gymnase, ni Harper ni Cassie ne se décidèrent à parler. Ce fut seulement quand elles furent assises sur le muret qui séparait le chemin principal du lycée au gymnase des collégiens que Harper amorça la conversation:

-Quand je te raconterai, tu n'auras plus le droit de parler ok ? Tu attendras la fin, tu ne m'interrompras pas.
-Harper...La terreur montait petit à petit, électrisant sa colonne vertébrale.
-Non. Ne parle pas.

Cassie n'en pouvait plus d'attendre. Elle voulait savoir. Tout de suite.

-C'était il y a deux ans. Je... On allait en cours avec Juliette.

Ah oui ! Cassie se souvenait d'elle, une fille assez timide sur laquelle Harper avait réussi à mettre le grapin et dont, pour une raison qui lui échappait autrefois, elle en était excessivement jalouse.

-On se tenait par la main et pour moi, c'était une première d'afficher ça en... public. Son ton était devenu rauque et un brin larmoyant. Et puis là je l'ai vu. Mike... Son visage se tord dans une étrange grimace. Avec une batte de baseball. Une putain de batte de baseball. C'était il y a longtemps mais...ça fait toujours aussi mal Cassie. Il s'est approché et il... il m'a frappé de partout, chaque parcelles de mon corps souffraient. Juliette elle s'était barrée. Elle m'a laissé là, à me faire tabasser par un mec que je connais depuis la maternelle.

Un frisson traversa la colonne vertébrale de Cassie, lui arrachant un cri de surprise. Comment cela avait été possible qu'elle ne sache rien ? Les larmes lui montaient aux yeux et des tremblements lui secouaient violemment la poitrine. Jamais elle n'avait subi en tel choc. Mike ? Le Mike qu'elle connait ?

-Et on m'a retrouvé là, explosée sur le bitume. Ils ont appelé une ambulance et... un an plus tard, je me suis taillée de cette école pour aller dans un lycée de surdoués, un simple prétexte  pour échapper à Mike qui faisait comme si rien ne s'était passé. Elle avait maintenant enfoui sa tête dans ses mains, sans pleurer, dans une détresse qui transperçais le cœur de Cassie. Je... Je veux juste pas qu'il t'arrive la même chose. C'est trop dangereux d'être avec qui on aime. Elle souffla ces derniers mots avec émotions, les laissant résonner dans l'air, trop vrais pour ne pas être entendus.

Les feuilles rougies frôlaient le sol dans une funèbre mélancolie et le paysage montagneux qui s'offrait aux deux filles avait perdus toute ses couleurs, comme pour compatir avec Harper, victime d'une haine qu'elle ne méritait pas.

-Je m'en fous Harper. Je m'en fous royalement pour te dire. Ils peuvent me tabasser si sa leur chante, je me relèverai toujours pour être avec toi, car c'est ce qui compte. Je mets au défi Mike de sortir sa batte de baseball de rien du tout et d'essayer de me frapper avec, il fera pas long feu. Je sais me battre Harper. J'ai de la volonté et c'est toi qui me la donnes. Donc j'en ai rien à foutre que ce soit dangereux, ce sera pas ça qui m'empêchera de vivre, d'aimer, d'être. Et j'ai mis du temps à le comprendre mais c'est comme ça, j'aime les filles et c'est pas deux trois coup de poings qui vont m'empêcher de faire ma life. Tu sais, je ne rêve que d'une chose, te tenir la main dans la rue... et cette fois, on sera deux et on laissera pas faire tout ceux qui sont pas contents.

Était-il possible de tomber amoureuse au lycée ? Surement.