Tout Seul [PARTIE 1]

Dix-sept heures, c'est l'hiver et il fait déjà nuit. Les rues de Buenos Aires sont presque vides. Seul un garçon marche, seul, en boitant, toussant quelques fois et recrachant quelques gouttes de sang. Il est mal en point, et désespéré, il cherche à joindre son père sur son portable, en vain. Des petites gouttes salées coulent sur ses joues. Lorsque son portable s'éteint pour de bon, il se dit qu'il ne s'en sortira jamais. Il désespère. Il a l'impression de pouvoir mourir à tout moment.
Une voiture passe à côté de lui. Dans celle-ci se trouve une belle brune avec des yeux couleur émeraude. Elle parle avec sa mère, mais lorsqu'elle voit son camarade de classe sur le trottoir à se débattre pour pouvoir avancer, elle ordonne à sa mère de s'arrêter. Le jeune homme regarde la voiture qui s'arrête à son niveau et lorsqu'il voit la brune pour qui il a un faible depuis des semaines, son cœur se met à battre encore plus fort, et son corps se met à trembler encore plus. Elle sort de la voiture et prend le visage abîmé de son ami entre ses mains.

“-Qu'est-ce qu'ils t'ont fait ?” demanda-t-elle d'une voix extrêmement douce.

Il ne répond pas et se contente de tousser, une fois de plus. Ce geste lui donne une affreuse douleur au ventre et aux poumons. Du sang sort de sa bouche, ce qui fait reculer la brune.

“-On te ramène Matteo ?” propose la mère de Luna.

“-Je crois que... je vais rentrer à pied...”

“-Non Matteo.”

“-Pourquoi ?” demande-t-il la voix tremblante.

“-Au mieux t'arrives à rentrer chez toi, mais tu tiendras pas longtemps dans cet état, donc tu vas faire un malaise ou un truc du genre. Et qui va être là pour te sauver ? Personne, mais pas un père drogué qui passe son temps à te rabaisser et à te faire du mal. Qui oublie même de venir te chercher. En plus t'as trois kilomètres à faire. Tu tiendras pas Matteo. Alors tu nous suis et tu viens chez nous. On va te soigner et tu resteras le temps que ça aille mieux. Tu veux pas mourir si ?”

“-Pff... Ça changerait pas grand chose...”

Elle roule des yeux avant de passer le bras du brun au-dessus de ses épaules et de le mener jusqu'à sa voiture. Il a du mal à marcher mais elle l'aide, malgré leur différence de taille et de poids. Il s'assied sur la banquette arrière et une fois assis, il pousse un long soupir, en tenant son ventre qui lui était très douloureux.

“-Qui est-ce qui t'a fait ça Matteo ?” demande Luna en entrant dans la voiture.

“-Tu connais pas...”

“-C'est qui Matteo ?”

“-Gaston, Simon, Ramiro, Nicolas, Pedro, Michel...”

“-Ils étaient six à s'acharner sur toi ?!” s'exclame la mère de Luna qui commence à conduire.

“-Mouais... Faut croire...”

“-Tu dois en parler Matteo.” intervient Luna.

“-À qui ? Personne peut rien faire. Il s'agit pas seulement de virer que ces six gars-là. Ils sont une centaine contre moi.”

Ces dernières paroles touchent les deux femmes. Elles n'avaient pas imaginé la gravité de la situation. Une centaine de personnes qui s'en prennent à une seule personne. Pas obligatoirement par des coups, mais aussi par des mots ou des regards qui peuvent bien plus blesser que certains coups.
Mónica — la mère de Luna — remarque que Matteo commence à fermer ses yeux. Elle devine qu'il est fatigué et qu'il a juste besoin de repos, et de calme. La vue de ce jeune homme, les yeux fermés et la tristesse et la douleur se lisant sur son visage, lui fait énormément de peine. Elle n'aimerait pas que sa fille se retrouve comme ça.

“-Si un jour ça t'arrive un truc comme ça, tu me le dis hein ?”

“-Maman j'ai confiance en toi... Mais je peux pas te dire là comme ça si j'en serais capable. C'est une situation très difficile le harcèlement... T'as l'impression d'être seul...”

Mónica se met encore plus à flipper. Si ça se trouve sa fille est déjà dans cette situation et elle ne le sait même pas. Mais elle ne pense pas. Et surtout, elle n'espère pas.
Ils arrivent chez les Valente et Luna réveille lentement son ami, qui somnolait jusqu'à présent.

“-On est arrivés Matt'...”

Il soupire et se lève difficilement, essayant de ne pas prendre appui sur la jambe où il a mal.

“-T'as besoin d'aide ?”

“-Nan je... oui...”

Luna sourit en voyant que Matteo accepte qu'il a besoin d'aide. Elle passe le bras de son ami autour de ses épaules et l'aide à marcher. Lui, il essaye de rester éveillé. Ses paupières sont lourdes. Luna avait raison, il n'aurait pas tenu jusqu'à chez lui. Sa tête lui fait mal et tourne. Il sait qu'il s'est pris plusieurs coups sur celle-ci et la douleur peut montrer quelque chose de grave au fond, mais il s'en fiche. C'est comme si c'était son destin. Il devait mourir, que ce soit sous les coups de son père ou de ses camarades.
Les deux adolescents arrivent dans la chambre de Luna, et directement celle-ci allonge Matteo sur le lit. Il ferme les yeux, épuisé et affaibli. La brune le regarde tristement, avant de s'asseoir sur le lit et de le prendre dans ses bras. Elle entend sa respiration lente et forte, et devine qu'il est déjà en train de dormir. Il en avait besoin. Il avait besoin de repos, et de calme. Sa vie n'est pas facile, et il est quelqu'un de très fragile. Elle le sait. Elle sait que l'homme qu'elle aime est sensible et ne sera pas toujours là à sourire. Elle sait qu'il a une part d'ombre et de malheur, même si il essaye de cacher sa tristesse. Elle sait aussi qu'il dissimule son malheur à travers l'alcool. Mais elle veut l'aider à changer, à s'accepter tel qu'il est, même si c'est difficile quand les gens te critiquent à longueur de journée. Ellle compte l'aider, et lui montrer qu'il n'est pas seul.
Elle s'adosse à la tête de lit et tire Matteo de sorte à ce qu'il soit sur elle, puis elle prend ses mains et jour avec ses doigts, tout en pensant à la manière dont elle peut aider la personne qu'elle aime.

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