ON

MÉTÉO DES MERS, mardi 11 octobre 2022 : mer ridée


Quand Alwena voit le Phare de Kerroc'h apparaitre à l'horizon, son cœur s'emplit de joie. D'ici quelques dizaines de minutes, elle quittera la mer et sera de retour sur le continent. Elle sera de retour à la maison, chez elle, sur la péninsule bretonne où elle est née un peu plus de deux décennies plus tôt. Bientôt, elle sera de nouveau à Lorient, dans sa ville, là où la plupart des membres de sa famille et de ses amis vivent. Là où l'attend aussi son petit-ami bien que ça ne soit pas son lieu de résidence principal. Mais comme souvent quand elle revient de ses longs séjours en mer, elle sait qu'Alex sera là pour l'attendre. Il est peut-être même déjà présent, observant son bateau entrer dans le port et rejoindre la base militaire lentement. 

Quand Alwena pense au fait qu'elle va bientôt le retrouver, un immense sourire se peint sur son visage bronzé par le soleil présent au Maroc. Le pilote lui a fortement manqué et elle est heureuse de pouvoir le retrouver pour une plus longue période que toutes les précédentes. Elle a hâte de parcourir le monde pendant quelques semaines à défaut de le faire avec ses collègues de compagnie. Et l'idée de la trêve hivernale arrivant prochainement, où elle sait qu'elle pourra pleinement en profiter l'enchante énormément. Ce sera en effet l'une des premières fois qu'elle pourra la passer en grande partie avec lui. Elle laisse ses yeux s'échouer sur l'horizon où le soleil descend lentement, sachant qu'il s'agit de la dernière vue qu'elle en aura depuis l'immense porte-avion sur lequel elle avait pris la mer des mois plus tôt. 

Quand Alwena pose finalement pied sur la terre ferme en cette fin de soirée, son cœur se serre violemment. Elle sait pourtant qu'à quelques centaines de mètres de là, Alex l'attend. Mais la douleur de quitter ce qui a été toute sa vie pendant quatre ans est particulièrement forte. Elle connaissait pourtant la règle du jeu dès l'instant où elle avait été choisie pour intégrer le fleuron de la musique bretonne et de la marine nationale. Lorsque l'on intégrait le bagad de l'armée française, celui qui avait le droit de la représenter partout dans le monde, on savait qu'on le faisait pour une durée limitée. Et ce jour-là, les quatre années s'étaient écoulées. 

Quand Alwena récupère son sac rempli de ses habits, il ne reste que quelques vêtements aux couleurs du Bagad de Lann-Bihoué, vestiges de ses années données à l'armée française pour vivre un rêve d'enfant. Elle se souvient encore la première fois qu'elle avait vu les marins musiciens, gamine au festival interceltique de Lorient. Ce jour-là, la fille d'un pêcheur et d'une institutrice avait su que c'était ce qu'elle voulait être un jour. Elle aussi voulait défiler avec un petit chapeau orné d'un pompon rouge vif au cours du défilé dans la ville. Elle voulait être applaudie alors qu'elle aurait un instrument à la bouche et qu'elle marcherait à travers la ville. Elle voulait porter leurs beaux T-shirt aux contours bleutés qui volaient alors que le vent se prenait dedans. Ils avaient les plus beaux vêtements d'entre tous. Et tout le monde semblait absolument vouloir les écouter jouer.

Quand Alwena avait parlé de cette envie, ses parents l'avaient inscrite au cours de musique et étaient venus à chacun de ses concerts pour la soutenir alors que le stress la noyait. Et puis ce qui n'était à leurs yeux qu'un rêve de gosse était devenu une réalité. Parmi les centaines de bretons tentant tous les ans d'intégrer le bagad de l'armée, elle faisait partie de ceux ayant été sélectionnés. Elle pouvait encore se souvenir de la fierté qu'elle avait ressentie ce jour-là, la vague de bonheur immense qui s'était emparée de son être. Elle aussi pourrait défiler au FIL en tant que marin. Alors que la mer avait toujours été une partie intégrante de sa vie, elle n'avait pas peur à l'idée de la prendre. Cela faisait bien longtemps qu'elle ne la craignait plus.

Quand Alwena dit au revoir à ses camarades au moment de quitter la base militaire de Lann-Bihoué, une boule se forme dans sa gorge. Car si elle n'a jamais participé aux manœuvres militaires, n'intégrant la base qu'en tant qu'artiste, elle s'est tout de même fait des amis au sein de celle-ci et elle se demande quand elle les reverra la prochaine fois. Après des années à vivre à longueur de journée à leurs côtés, son cœur s'ébrèche légèrement quand elle sait qu'elle devra peut-être attendre des mois avant de les revoir, lors de leur prochaine permission.

Quand Alwena prend les plus proches d'entre eux dans ses bras, elle sent les larmes se mettre doucement à rouler sur ses joues et ses épaules être secouées par des sanglots. Elle finit par les abandonner alors que leurs proches les attentent avec autant d'impatience que son petit-ami peut l'attendre. Elle partage un faible sourire avec les autres musiciens quittant leur rôle de sonneurs en même tant qu'elle. Contrairement aux militaires, elle ne doute pas que leur passion commune fera qu'ils se recroiseront même s'ils n'habitent pas forcément dans les mêmes endroits de Bretagne. Après avoir été dans l'un des plus prestigieux bagad de la région, il n'est pas difficile d'intégrer les meilleurs pour continuer d'y jouer de leurs divers instruments. Le bras de Yann est passé autour de son épaule alors qu'il l'entraine avec lui et qu'ils observent tous les deux en même temps qu'il le quitte professionnellement l'endroit où ils ont passé une grande partie des quatre dernières années de leur vie. 

Quand Alwena l'observe pour la dernière fois depuis la base navale, la mer derrière elle est légèrement secouée par le vent quasiment absent ce jour-là. Ses mèches volètent doucement alors que la mer se ride. La lumière du soleil descendant s'y reflète, y créant des reflets orangés brillants. La jeune bretonne les admire jusqu'à ce que l'éclat l'oblige à détourner ses yeux éblouis. Elle secoue la tête, se rappelant que la mer ne disparaitra pas parce qu'elle ne travaille plus dans la marine et que les bateaux l'attendront toujours dans le port pour des sorties sur celle-ci. Si c'est l'une des dernières fois qu'elle pourra l'observer d'ici en tant que sonneuse de Lann-Bihoué, elle pourra l'admirer à chaque fois que le vent sera faible de bien d'autres endroits. 

Quand Alwena finit par passer par l'accès principal de la base, la première chose qu'elle voit de l'autre côté est Alex. Alex le regard perdu au loin. Alex qui semble dans ses pensées. Alex qui sursaute légèrement quand il entend sa voix alors qu'elle dit au revoir au jeune soldat responsable de la surveillance de l'accès. Alex et son visage s'illuminant alors fortement quand il la reconnait et que ses yeux sombres tombent sur elle. Alex qui s'approche d'elle à vive-allure alors que la main de Yann quitte son épaule, qu'elle dépose son sac au sol et qu'elle se jette dans ses bras. 

Quand Alwena se retrouve serrée contre lui, elle inspire l'odeur de son parfum qu'elle aime tant sur sa peau. Un de ses amis portait le même et cela lui avait rappelé chaque jour pendant des semaines son absence. C'est désormais terminé. Elle va pouvoir profiter de celle-ci chaque jour de l'année. Elle sent les bras la serrant fortement et les lèvres se posant dans ses mèches brunes. D'ici quelques jours, elle compte éclaircir sa chevelure. Elle l'a toujours préférée un peu plus blonde mais cela fait des années qu'elle ne l'a plus portée ainsi. Avec les mois passés parfois en mer ou à la caserne, elle avait d'autres choses à faire que de passer du temps à se teindre les cheveux. Il n'y avait de toute façon pas de coiffeur suffisamment qualifié pour le faire dans la base aéronavale. Les coupes étaient simples et n'étaient que des rafraîchissements pour éviter d'avoir les cheveux trop longs. Ne pas avoir à les porter comme les femmes militaires était alors déjà une immense victoire. 

Quand Alwena a les lèvres épousant celles du thaïlando-britannique et que ses doigts s'entremêlent aux siens quelques dizaines de secondes plus tard, alors qu'il l'entraine dans la rue, elle se dit que c'est une nouvelle vie qui commence. Une à ses côtés. Une qu'elle attendait depuis des années. Une dont elle s'était, de nombreuses nuits dans sa chambre de la caserne, plu à rêver. Elle se laisse alors légèrement basculer, son épaule venant se poser sur celle du corps bien plus grand qu'elle de son compagnon. Elle sent les doigts s'enfoncer dans la chair de son épaule alors qu'un bras l'entoure. Ses yeux quittent quelques secondes la rue pour se poser une dernière fois ce jour-là sur la mer parfaitement ridée avant de plonger dans le regard brillant doucement de joie. Leurs sourires se peignent en même temps sur leurs visages alors que le bonheur les enveloppe lentement, telles des vagues venant s'échouer doucement sur des pieds marchant sur la grève. 

Quand Alwena s'endort enveloppée dans les bras d'Alex et les cheveux étalés sur son oreiller, elle a hâte de la suite, car c'est ce dont elle avait envie chaque jour depuis de nombreuses années désormais, quand bien même elle adorait la vie qu'elle avait pu mener.

et voilà, c'était le premier chapitre de cette courte histoire. c'est moins bavard que celle de l'an dernier haha. 

vous noterez encore le choix de métier ^^ (vraiment un de mes prefs, mais y a olivia au-dessus !)

suite certainement semaine pro !

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top