PARTIE 6


Les rayons du soleil s'infiltraient dans ses yeux, Fleur ferma les paupières, aveuglée. Cela faisait longtemps qu'elle n'était pas sortie de son petit appartement mitoyen. Elle se sentait de plus en plus fatiguée, de plus en plus seule, de plus en plus déprimée.  Une petite brise roulait sur son visage et entreprenait une danse avec ses cheveux, il faisait un peu froid mais le froid la revigorait. Fleur prit une grande inspiration, remplissant ses poumons fragiles d'oxygène placide et commença sa petite promenade d'un pas lent. Un bruit sourd s'éleva soudainement dans l'air, intriguée elle tourna la tête et à sa grande surprise, reconnut au volant d'une vieille Renault Mégane le jeune homme de la dernière fois. Il lui faisait signe de venir, Fleur s'approcha du bas-côté pour le rejoindre.

- Vous allez bien, m'dame ? demanda Jean-René alors qu'elle s'engouffrait dans sa caisse.

- Qu'est-ce que tu fais là ? questionna-t-elle à son tour.

- À vrai dire, j'étais inquiet pour vous. Vous étiez toute pâlotte, la dernière fois, et vous sembliez toute triste et toute seule. Moi aussi j'suis tout seul, alors... Et vous êtes sympa. C'était bien de contempler les étoiles avec vous.

- C'était bien, oui. Tu viens ici tous les jours ?

- Ben...

Il haussa les épaules.

- Ouais, quand j'ai l'temps. J'reste là et j'vous guette. En général, j'reste une heure ou deux.

- Personne ne vient me voir.

- Moi, j'viens vous voir.

Elle sourit.

- C'est gentil. Mais tu n'as vraiment rien de mieux à faire qu'attendre une pauvre dame qui n'arrive même plus à découper des aubergines ?

- Je n'ai rien de mieux à faire.

Il démarra la voiture.

- Vous voulez aller où ? J'vous emmène vous promener.

- Allons dans la forêt.

Il acquiesça, et la voiture s'engagea sur la route et partit en direction de la forêt.

Cette situation était vraiment très étrange. Un jeune homme attend une femme malade tous les jours devant son immeuble dans l'espoir de la voir. La vérité était que Jean-René se sentait terriblement seul, et que cette dame lui avait donné ce qu'il recherchait depuis que tout allait de travers : de l'attention. Ils avaient passé un doux moment ensemble, à observer l'univers dans un soyeux silence. Quelque chose de réconfortant émanait de cette femme, et il se sentait bien en sa compagnie. Il s'était senti un peu idiot de s'acharner à l'attendre comme ça devant chez elle, mais tant pis.

Fleur regardait le paysage défiler par la fenêtre, le stress de la ville laissait peu à peu sa place à l'apaisement de la nature, et puis finalement, toute trace de l'activité humaine disparut et les grands arbres se dressèrent fièrement au bord de la route. Jean-René emprunta un petit chemin de terre et de pierre et la voiture se retrouva secouée par des cahots à cause du chaos rocheux, et la voiture s'engouffra dans la forêt. Le jeune homme gara le véhicule sur le côté lorsque le couloir de terre se rétrécit.

Ils marchèrent un instant sur le tout petit chemin de randonné, Jean-René ralenti le pas pour s'accommoder à celui de Fleur, et au bout de quelques minutes, il dit :

- C'est sympa ici, hein.

- Allons nous immerger dans la source de l'humanité. Allons faire des câlins aux arbres.

- Quoi ?

Fleur s'écarta du chemin pour s'enfoncer dans la forêt, Jean-René resta interdit un instant puis avant de la perdre de vue, il s'élança à sa suite.

- Non mais attendez ! Vous allez où, là ?!

Elle s'arrêta lorsqu'il la rejoignit, et avant de lui laisser le temps de s'exprimer elle indiqua deux arbres côte à côte.

- Moi je prends lui, et toi tu prends lui.

- Quoi ?

Jean-René était incrédule. Il avait l'impression de se retrouver face à un gamin, alors qu'il s'agissait d'une femme de 41 ans.

- Tu fais un câlin à cet arbre. Il sera heureux et toi aussi, dit-elle en voyant sa perplexité.

Sous ses yeux ébahis elle enroula ses bras autour du chêne et ferma les yeux. Faire des câlins aux arbres et puis quoi encore ? Il osa penser qu'elle était vraiment dérangée du cerveau. Mais comme il remarqua qu'elle avait ouvert les yeux et le fixait d'un air insistant, il l'imita en se sentant complètement idiot.

Mais quand l'Apaisement se pelota contre lui, il comprit qu'elle lui proposait juste une autre façon de voir la vie.


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