Chapitre 15 : Continuer à vivre sans toi
Je m'éveille, les côtes emprisonnées dans une étroite étreinte. Le poids pèse lourd autour de ma taille et raccourcit ma respiration. J'ouvre les yeux. La lumière s'infiltre dans la pièce à travers les volets. Estéban est assoupi face à moi, la bouche entrouverte contre l'oreiller. C'est la première fois que je le vois dormir. Le sommeil lui donne des traits angélique. Sauf que ce n'est pas son bras qui m'entoure. Je croyais que Cons était parti hier soir, mais je suis pourtant sûr que c'est lui. Je le reconnaîtrais entre mille.
Je me retourne pour voir son visage. Il entrouvre les yeux au même moment. J'ai dû le réveiller en gigotant, mais je m'en moque. J'ai eu si peur pour lui. Mes rêves étaient pleins d'angoisse et de culpabilité. Je me suis souvenu de toutes les fois où je me suis mal comporté au cours de notre amitié. Puis mes songes m'ont représenté sans lui, et j'étais comme un fou à le chercher partout. Il y en avait un où il n'avait jamais existé, et je me sentais vide, et je savais qu'il m'attendait quelque part. Qu'est-ce que j'ai pu être nul ! Je n'ai pensé qu'à moi. Je ne l'ai pas poursuivi. Je ne l'ai pas réconforté alors qu'il avait besoin de me voir, même pour me critiquer, même pour passer ses nerfs. J'aurais dû être là.
— Cons ! murmuré-je en l'enlaçant de toutes mes forces. Je suis désolé... Je suis tellement désolé... C'est toi qui avais raison.
Il referme ses bras autour de moi. Ça me soulage. Je me sens rassuré. Il aurait eu besoin que je fasse la même chose hier soir, que je le prenne dans mes bras et que je le rassure. Ce n'était même pas compliqué. Et moi, je l'ai laissé partir faire n'importe quoi. Je savais qu'il avait sa voiture, qu'il pouvait conduire complètement bourré, et je n'ai rien fait pour le rattraper.
— C'est pas grave... J'ai été méchant avec toi, excuse-moi.
Il a la voix cassée. Je m'écarte un peu pour le regarder, et je remarque que ses yeux sont rouges et bouffis. Il a l'air d'avoir pleuré toute la nuit. Mon cœur se serre. Est-ce à cause de moi ? A cause de mon absence ? Je prie égoïstement pour qu'il y ait une autre raison. Ses larmes me font sentir affreusement mal.
— Oh non, Cons, je suis désolé... Arrête de pleurer, je t'en supplie...
— Pardon..., répond-t-il d'une voix étranglée. C'est pas ta faute...
— Bien-sûr que c'est ma faute !
— Non, Ju...
Il se blottit contre moi et niche sa tête dans mon cou. Ses larmes me bouleversent. Il n'est pas si sensible, d'habitude. On s'est déjà disputé, mais je ne l'ai jamais vu dans un tel état... Je sens sa respiration ralentir peu à peu contre mon torse.
— Qu'est-ce qui s'est passé, hier ? demandé-je.
Il se tait un instant, puis chuchote :
— Rien.
— Qu'est-ce que tu as fait quand tu es parti ?
Nouveau silence.
— J'ai fait un tour dehors pour me calmer, explique-t-il.
Il ment. Il s'est passé autre chose. Je sens sa honte lui enflammer les joues et me brûler les tripes. Ça a toujours été comme ça. Cons est incapable de me mentir sans que je le sache. Et ça n'arrive pas souvent. J'imagine qu'il a une bonne raison, donc je n'insiste pas.
— Cons... J'ai eu tellement peur. Tout est ma faute. Julien n'était pas en état. J'aurais dû m'occuper de toi.
La voix d'Estéban tonne dans mon dos. Le matin la fait baisser d'une octave. Il me semble qu'il caresse les cheveux de Cons. Avec tout le bruit que j'ai fait, je l'ai réveillé, lui aussi.
— Non, ne vous inquiétez pas. C'est moi qui suis parti. Si j'avais eu besoin de vous, je...
— J'ai merdé, coupe Estéban. C'est tout. Il n'y a rien à ajouter. Julien n'est pas coupable. Toi, encore moins. C'était à moi de mieux gérer cette situation, et je n'ai pas été à la hauteur. Maman va me défoncer si elle l'apprend.
Grand silence. Cons ne dit rien et se serre un peu plus contre moi. On dirait un petit ourson. Je le trouve trop mignon.
Notre conversation d'hier, avec Estéban me revient à l'esprit. Maintenant que je suis sobre, je ne suis pas tout à fait sûr que jouer aux amoureux transis soit une bonne idée. Il n'y a aucune raison précise pour que notre petit cinéma nous évite de nous retrouver dans des situations similaires aux cas Gaëtan, Haruka et Clémentine. D'un autre côté, nous n'avons aucune autre solution, et je suis plutôt excité de faire semblant de sortir avec Estéban. Je pense que ce sera drôle.
J'ai la ferme intention d'en parler avec Cons, mais ce n'est pas le bon moment. Il se calme enfin, toujours serré dans mes bras, toujours avec Estéban qui lui papouille les cheveux.
Hier, quand j'ai dit que nous n'avions peut-être jamais été amis tous les trois, j'ai pensé que je trouverais cette phrase complètement stupide le lendemain. Mais vu notre position, à tous les trois, serrés dans ce lit sans la moindre gêne, j'ai de plus en plus de mal à me cacher derrière l'excuse d'une amitié si forte qu'elle nous rapproche physiquement. Je crois qu'il y a autre chose. Difficile de savoir quoi. Pour moi, on s'aime à deux et pas à trois. Je me sens proche de Cons et d'Estéban pour des raisons qui n'ont rien à voir, mais si on me forçait à choisir entre eux deux, je ne sais pas ce que je ferais.
L'estomac de Cons gargouille. Ça m'amuse. D'habitude, il est le premier à se lever et proposer de petit-déjeuner, mais ce matin, il ne dit rien.
— Vous voulez manger ? propose Estéban.
— Oui, réponds-je.
Moi aussi, je meurs de faim. Il doit être neuf ou dix heures, et je suis toujours affamé les lendemains de soirées. Cons garde le silence, une fois de plus. J'ai peur. Soit il lui est arrivé quelque chose dont il ne veut pas parler, soit j'ai brisé notre amitié hier, comme le plus grand des connards.
Pourtant, il reste collé à moi, même une fois hors du lit. Ou alors c'est moi qui me colle à lui. Je ne sais pas. Mais quoiqu'il en soit, nous sommes proches et il ne me repousse pas.
Dans la cuisine, nous déposons du pain, du beurre et de la confiture sur la table. Estéban passe une main dans ses boucles brunes en préparant le café. Sa beauté est réellement prodigieuse. Beaucoup de personnes seront jalouses de moi quand elles nous verront jouer au couple sur l'esplanade, en face de l'école.
Je m'imagine le tenir par la taille, et lui parler de banalités trop près, trop souriant. Je l'imagine regarder mes lèvres, remettre mes cheveux en place au lieu des siens. Et j'imagine qu'il m'embrasse. Au poids de ses lèvres sur les miennes, à sa manière d'expirer contre mon nez, d'unir nos langues et notre salive. Et tout à coup, j'ai l'impression d'exploser, que mon corps et mes vêtements sont trop petits pour contenir le désir violent qui me ronge.
Je crains de ne jamais pouvoir l'embrasser, parce que si ça arrive, je n'aurai plus le choix de tomber amoureux de lui. Je serai contraint de l'aimer, et il me brisera le cœur.
— Ta mère n'est pas là ? demande Cons à Estéban.
— Apparemment... Ça m'étonne. D'habitude, elle prépare tout, mais elle est peut-être fatiguée.
— Oh...
Nous nous attablons en silence. Cons a l'air de reprendre ses esprits peu à peu. Il semble plus joyeux et détendu. Ça me rassure. Il se sert trop de pain, beurre toutes ses tartines avant d'y ajouter de la confiture à la petite cuillère.
— Les quantités que tu es capable d'ingurgiter m'impressionnent, lance Estéban.
— Le petit-déjeuner est le repas le plus important de la journée ! réplique Cons.
— Ouais... Il vaut mieux ne pas te le dire deux fois.
Cons lève les yeux au ciel et continue à manger tranquillement. Je suis tellement habitué à ses six tartines de pain au beurre salé journalières que je ne dis plus rien. Une fois, quand on avait dix ans, il m'a traîné au supermarché du coin parce que ma mère n'avait que du beurre doux. Je sais depuis longtemps à quel point le petit-déjeuner est primordial pour lui.
— Bon, Cons, Julien et moi, on a pris une décision.
J'arrête de manger. Mon cœur cesse de battre. Je voulais attendre plus. Mais attendre quoi ? Et pourquoi ai-je si peur de la réaction de mon meilleur ami ? Pourquoi Estéban ne m'a-t-il pas consulté avant de lui en parler ? Il faut que je respire. Il n'y a rien de grave. Ce n'est pas comme si nous nous mettions en couple pour de vrai, de toute façon. Si ?
— Qu'est-ce qu'il se passe ? demande Cons, l'air inquiet, en arrêtant de manger à son tour.
Estéban me jette un coup d'œil puis dit :
— J'ai proposé à Julien qu'on fasse semblant de sortir ensemble.
— Tous les trois ?!
— Mais non, Con. Julien et moi, on va faire semblant d'être en couple.
Cons l'observe, puis fronce les sourcils. Puis il me détaille à mon tour. Je ne sais pas si ça l'agace ou s'il ne comprend pas. Je crois que c'est un peu des deux.
— Pourquoi ?
— Parce que j'ai remarqué que Gaëtan s'est vachement calmé depuis qu'il croit qu'Haruka et moi sommes ensemble. Et comme j'ai envie qu'Haruka me foute la paix, et que Julien n'est pas très à l'aise non plus, surtout depuis l'affaire Clémentine, je me suis dit que ce serait la bonne personne pour faire ça.
— Parce que tu penses que te mettre en couple avec Julien va arrêter l'effet de l'arbre ?
Le ton de Cons est bizarre. Je crois qu'il le prend mal. Merde. Peut-être qu'on aurait dû le cacher. Peut-être que j'aurais dû refuser...
— C'est ce que j'espère.
— Et puis, on ne sera pas ensemble pour de vrai, m'empressé-je d'ajouter.
Cons garde son regard posé sur moi un moment, pensif. Puis il baisse les yeux sur sa tasse de café et dit :
— Je suis désolé de vous avoir imposé ce vœu... Ce n'était peut-être pas une bonne idée...
— Qu'est-ce que tu racontes ? demande Estéban. Tu ne pouvais pas savoir que ça fonctionnerait vraiment. D'ailleurs, je reste sceptique. Ça ne m'étonnerait pas qu'on se fasse des films... Mais dans tous les cas, le fait de croire que nous sommes casés, Julien et moi, ça va calmer les autres, pouvoir d'arbre magique ou pas. Et puis, toi, tu es content, non ? Tu n'as pas spécialement envie de ralentir les choses, je crois.
— Oui... Je ne sais pas... répond Cons sans lever les yeux.
C'est peut-être le moment de savoir ce qui lui arrive. Je décide de tenter ma chance. Je pose doucement ma main sur son épaule, puis je lui demande :
— Il s'est passé quelque chose, Cons ?
Il me regarde à nouveau, comme un petit enfant perdu. Sa bouche s'ouvre puis se referme, et il dit :
— Non... Mais j'ai l'impression que tout est faux. Je plais à des filles de manière insensée. C'est comme si je les manipulais. Je me sens un peu comme un imposteur, parfois... Parce que je ne suis pas sûr qu'elles s'intéresseraient à moi en temps normal... Et je... J'ai peur. J'ai été bête. Peut-être qu'on n'aurait jamais dû faire de vœu à cet arbre.
Je lui caresse le dos avec la paume de ma main, peiné. Il tente de sourire, puis voyant que personne ne prend la parole, il explique :
— Je ne sais pas si j'ai envie d'annuler le vœu, ou de faire en sorte que tout ça s'arrête, mais je ne me sens plus aussi à l'aise, maintenant. Je veux dire, j'aime bien plaire et être séduisant, mais j'ai l'impression que ça ne rime à rien, que ce n'est pas sincère. Et j'ai peur d'apporter du malheur autour de moi.
— Je suis prêt à parier qu'avec ou sans l'arbre, ça n'aurait rien changé, dit Estéban. L'arbre ne fait que nous faciliter la vie, mais ce qui arrive maintenant aurait sans doute eu lieu de toute façon. Peut-être que ça aurait pris plus de temps. Mais je crois que tu aurais séduit les personnes à qui tu plais de toute façon. On ne dirait pas, comme ça, mais tu as des qualités.
La boutade d'Estéban nous fait sourire, Cons et moi. Moi, je suis toujours trop dramatique, trop psychologique. Donc quand Cons se sent mal, je mets du temps à le faire sentir mieux parce que je veux tout explorer, comprendre profondément pourquoi il ne se sent pas bien. Mais Estéban sait exactement comment l'amuser et lui faire oublier ses doutes. Je comprends pourquoi ils sont devenus amis, tous les deux. Ils sont bien plus joyeux et légers quand ils sont ensemble, toujours prêts à rire de tout et n'importe quoi, à se chamailler sans jamais se vexer. Ils savent qu'ils peuvent compter l'un sur l'autre quoiqu'il arrive.
— C'est quand même bizarre que ma mère ne soit toujours pas levée. Il est 10h30... Je ne l'ai jamais vue faire un truc comme ça. J'espère qu'elle n'est pas malade.
— C'est parce qu'on l'a épuisée à force de faire du bruit, hier soir, dis-je.
Je m'attendais à ce que Cons ajoute une blague très lourde, mais il ne dit rien. Il mange ses tartines, ignore complètement notre conversation et regarde ailleurs. Je ne comprends pas ce qui lui arrive.
— J'ai pas mal de boulot, donc je vais rentrer tôt, lance-t-il en se levant d'un bond, dès qu'il a englouti son dernier morceau de pain.
Estéban semble étonné. D'habitude, Cons est le dernier à vouloir nous quitter, et il fait tout son possible pour nous maintenir ensemble plus longtemps.
Depuis ce matin, je le trouve très distant. J'ai peur de l'avoir déçu malgré tout. J'ai peur qu'il tente d'être gentil, mais qu'il nous en veuille. Je ne peux pas perdre Cons. Je ne le supporterais pas. Ce serait comme m'arracher un morceau de moi-même.
— T'es sûr que tu veux pas rester un peu ?
Estéban insiste, et ça m'étonne. Il est plutôt du genre à se faire désirer. A mon avis, il sent qu'on a dépassé les bornes hier soir, et il veut se rattraper. Mais Cons est intraitable.
— Non, mec, je suis désolé. J'ai pris du retard sur mon boulot. Je dois le rattraper. Ju, tu veux que je te dépose ?
— Oui, je veux bien.
Je serais bien resté avec Estéban, mais ce n'est pas lui qui est en train de me chasser de sa vie. En fait, je suis même soulagé que Cons accepte encore que je pose mes fesses sur le siège de sa voiture.
Nous ramassons nos affaires, puis enfilons vestes et chaussures sur le pas de la porte. Estéban claque une bise à Cons en lui tapant sur l'épaule, puis il se tourne vers moi avec un sourire bizarre. Je panique dans l'instant. Il m'effraie. Parfois, j'ai l'impression qu'Estéban est capable de n'importe quoi. Il passe son bras autour de ma taille et me fait un bisou sur la joue. Je rougis comme une pucelle. Super. Lui, il rigole. Cons lève les yeux au ciel.
— Il faut bien qu'on s'entraîne..., se justifie Estéban, toujours un peu trop proche de moi.
— Vous êtes vraiment trop cons, lance Cons.
Il sourit un peu. Enfin. Ça me fait du bien de le voir se dérider. J'avais peur qu'il prenne mal cette histoire de faux couple, mais au final, ça a l'air d'aller. Par contre, je sens qu'Estéban va s'y donner à cœur joie, et pour être tout à fait franc, ça m'inquiète un peu.
Cons soupire, une fois dans la voiture. Il a l'air soulagé. Avec un peu de chance, je vais en savoir plus sur le fond du problème. Je l'espère de tout cœur, du moins, mais pour l'instant, il ne dit rien.
La voiture démarre, et nous nous mettons en route sans qu'il prononce un traitre mot. Je panique à nouveau. Je ne sais pas gérer ce Cons-là. Je sais quoi faire de celui qui parle tout le temps, qui raconte des histoires nulles trop longtemps, avec beaucoup trop de détails. Mais le Cons qui ne parle pas, le Cons qui ne dit rien, je ne le connaissais pas jusqu'à aujourd'hui. Je ne l'avais jamais vu en plus de dix ans d'amitié.
Est-ce qu'il me déteste ? Pourquoi me raccompagne-t-il, dans ces cas-là ? Je respecte son silence pendant tout le trajet. Les rues défilent sous nos yeux sans que nous ne décrochions un mot. C'est bizarre. Il me semble que nous n'avons jamais été si muets.
Au bout d'un quart d'heure, nous sommes devant chez moi. Cons se gare, mais je ne descends pas de la voiture. Je voudrais qu'il parle, qu'il dise quelque chose, mais il garde ses yeux baissés sur ses cuisses. N'y tenant plus, je prends la parole :
— Cons... Qu'est-ce qu'il y a ? J'ai l'impression que tu m'en veux et que tu me détestes. Je ne sais pas quoi faire. Je ne t'ai jamais vu comme ça... Je ne te dirai jamais assez à quel point je suis désolé. Mon attitude a été pitoyable. Je ne sais pas pourquoi j'ai agi comme ça, mais je t'en supplie, parle-moi. Si tu m'en veux, si tu ne veux plus me parler, dis-le. Au moins, je serai fixé, et je respecterai ta colère tout le temps qu'elle durera... Par contre, j'espère que tu me pardonneras d'être incapable de te laisser tranquille, de t'empêcher de couper les ponts entre nous. Je ne te laisserai pas m'ignorer, ne pas m'expliquer ce qui se passe. Pardonne-moi d'avance pour les jours où tu me verras tout faire pour te récupérer. Mais je ne te lâcherai pas. Je ne peux pas te lâcher, et continuer à vivre sans toi.
Il me regarde enfin. Ses yeux brillent. Il est sur le point de pleurer à nouveau. Je me sens broyé de l'intérieur. J'ai envie de pleurer aussi.
— Tu te trompes, Ju... Je ne t'en veux pas. Pardon si je te donne cette impression.
— Mais alors, pourquoi tu m'ignores comme ça ? Pourquoi tu ne me parles pas ?
Il se mord les lèvres.
— Parce que j'ai déconné...
— Quand ?
— Hier.
— Qu'est-ce que t'as fait ?
— La mère d'Estéban... Elle m'a embrassé.
Pardon ? Il a bien dit ce que j'ai entendu ? Alors, ça n'a pas vraiment de rapport avec moi ? Ce n'est pas après moi qu'il en a ? Je me sens un peu stupide, maintenant. Avec ma grande tirade à la Roméo... Je suis à côté de la plaque depuis tout à l'heure.
J'imagine la scène et de quelle manière ils en sont arrivés là, puis j'éclate de rire. Je ressens des trucs que je ne maîtrise pas. Ce n'est même pas drôle, mais je suis pris d'un fou rire incontrôlable. Ma gorge se serre. Mes côtes me font mal. Cons me regarde d'un air halluciné. Je ris de plus belle. Il commence à rire aussi, contaminé par mes cris suraigus que je suis incapable de contrôler. La mère d'Estéban a embrassé Cons... Quelle horreur...
— Arrête de rire, dit-il en tentant de conserver son sérieux. C'est chaud, mec.
— Oui... Oui... Pardon... Mais c'est tellement...
Je repars de plus belle. Je commence à suffoquer. Je prends de grandes inspirations d'asthmatique en fin de crise. Je vais mourir.
— Je croyais que tu m'en voulais. J'ai eu tellement peur.
— Bah je t'en voulais un peu, mais si tu veux, quand je me suis fait pécho par la daronne d'Estéban, je suis passé à autre chose.
Je commence à parvenir à contrôler mon rire. Enfin, je crois.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
— Quand on s'est disputé, j'ai voulu rentrer chez moi. Sauf qu'au moment de partir, Leandra me voit, et elle m'empêche de m'en aller. Moi, je suis assez lucide pour me rendre compte qu'elle a raison, et que conduire arraché comme je le suis est une mauvaise idée, donc je n'insiste pas. On va sur le canapé. On commence à discuter. Elle demande ce qui se passe. Comme je ne me vois pas lui expliquer qu'Estéban et moi... et puis toi... Enfin, bref, comme je ne lui explique pas que j'ai tendance à faire trop de dingueries quand je suis bourré, je lui dis que je ne veux pas lui raconter. Je parle un peu de mes doutes, et là elle commence à me complimenter bizarrement et à me faire des câlins chelous... Et après elle m'a pécho.
Beurk. Je suis horrifié. Je n'ai même plus envie de rire. C'est affreux. Je me demande ce que j'aurais fait dans une situation pareille. Je comprends mieux pourquoi Cons n'est plus très à l'aise avec l'histoire de l'arbre magique.
— Au début, moi, je suis paralysé. Je ne comprends pas ce qu'elle fout, tu vois ? reprend Cons. Et quand je finis d'être sidéré, je réalise que ça me dégoûte de ouf, qu'en plus, c'est hyper dangereux parce qu'Estéban est à une porte de nous, et que s'il me voit en train d'embrasser sa mère, il risque de me frapper. Et du coup, je la repousse. Je lui dis que c'est mort, et je me casse. Et voilà, c'est tout.
Je réalise tout à coup la position délicate de Cons. Et dire que je rigolais comme un phoque il y a deux minutes. Le pauvre.
— T'imagine si elle lui dit, Ju ? T'imagine si Leandra raconte à Estéban ce qui s'est passé, ou qu'elle lui fait croire une connerie ? Qu'on a couché ensemble, par exemple ? Non seulement il va me péter la gueule, mais en plus, ça va tout gâcher...
— Ouais... J'imagine, ouais... Merde...
— Comme tu dis. C'est sûr qu'elle va lui raconter, en plus. Ce matin, je suis allé dans le salon la peur au ventre. J'avais trop peur qu'elle fasse des trucs improbables... J'ai été tellement soulagé de ne pas la voir.
— Mais tout ça, ça ne fait que décaler le moment où Estéban va l'apprendre.
— Exactement. Et quoiqu'il arrive, ce sera une catastrophe. Si je lui dis, il va me casser la gueule. Si elle lui dit, il va me casser la gueule.
— Le mieux, ce serait qu'il ne l'apprenne pas...
Cons souffle.
— J'espère, mais j'ai du mal à y croire... Faut que j'achète un protège-dents, c'est tout ce qui me reste à faire, Ju...
Je pouffe sans le vouloir. Cons sourit aussi. Je ne sais pas comment il parvient à faire de l'humour dans de telles situations. Moi, j'irais prier.
— Je suis désolé, je ne voulais pas t'en parler, mais c'était trop pour moi..., conclut-il.
— Pourquoi est-ce que tu ne voulais rien me dire ?
— Parce que s'il apprend que tu es au courant, et que tu ne lui a rien dit, il va t'en vouloir aussi. Je ne vois pas comment tu pourrais le raisonner. Il ne pourra jamais entendre que c'est sa mère qui m'a embrassé contre ma volonté, même si c'est la vérité. C'est plus simple de croire que je suis un connard.
— Je pense qu'il finira bien par se rendre compte... Il n'arrête pas de dire que ce n'est pas de notre faute, cette histoire d'arbre. Une fois qu'il aura digéré la chose, il comprendra, et il te pardonnera. Pour l'instant, il n'est pas au courant, alors agis normalement. Peut-être que Leandra ne dira rien, et que tout ça sera vite oublié.
— Oui...
— Appelle-moi si ça ne va pas. Merci de m'avoir raccompagné, Cons. Je t'aime.
Ça me fait bizarre de lui dire ça de but en blanc. Mais j'ai eu si peur de le perdre que je ressens un besoin presque viscéral de lui dire combien je tiens à lui. Il me contemple, surpris, puis murmure :
— Je t'aime aussi, Ju.
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Plus que quelques jours avant les vacances !
Vous avez été nombreux à vous inquiéter sur ma quantité de travail. Tout va bien ! Mes profs se sont calmés. Je profite de cette période pour apprendre des choses. Je me mets au dessin, notamment. Par contre, en dehors de Wattpad, je ne lis quasiment pas, en ce moment. Il va falloir y remédier, surtout que j'ai une pile de romans qui m'attends.
Si jamais vous aimez écrire, sachez que la lecture est tout aussi importante l'écriture dans la construction d'un auteur. Pas la peine de vous taper des romans du XVIIIème siècle de 800 pages si ce n'est pas votre tasse de thé. Mais lire des romans dans un genre qui nous plaît nous permet de découvrir du vocabulaire, les différentes façons de construire une intrigue, de décrire, de faire monter le suspens, etc. Et lire des histoires d'une qualité plus moyenne, avec des défauts et des fautes est encore plus instructif. On comprend mieux ce qui ne fonctionne pas, quels sont les mots à éviter, les tournures de phrases lourdes, etc. Ce n'est même pas moi qui le dis, c'est Stephen King !
En bref, lisons n'importe quoi, mais lisons !
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