#3 - FANNY

Vendredi midi. Gueule de bois. Les cours du jour ne démarrant pas avant la semaine prochaine, Constantin et Fanny ont choisi d'aller en Italie un peu plus tôt, histoire de profiter plus longtemps.

Mercredi, quand ils ont décidé, en pleine journée, en pleine amphithéâtre, de partir ensemble et de trouver une destination, ils sont tombés sur les billets d'avion à trente euros d'une compagnie low-cost.

« Les vacances de dernière minute sont souvent les moins chères. Si t'es un peu aventureux, ça vaut le coup ! » lui a dit Fanny. Cons s'est promis de retenir ce précieux conseil. L'aventure, ça le connaît.

Il observe Fanny. Elle dort. Pas plus fraîche que lui. Des bribes de souvenirs surgissent par flashs dans sa mémoire. Il sait qu'il a oublié quelque chose d'important. Mais quoi ? Sa tête lui fait mal. La pression atmosphérique lui donne envie de mourir. L'avion lui semble être le pire endroit pour décuver.

Il se remémore son vomi spectaculaire d'hier soir. Il a voulu imiter Julien et Estéban, qui buvaient comme des trous. Sauf que Julien et Estéban ont une descente phénoménale, et qu'ils tiennent mieux l'alcool que deux bretons en fin de carrière. Cons ne peut pas en dire autant.

Pendant la soirée, ça allait. Quand il s'est couché, il s'est senti bien plus bourré, mais ça allait. Après vingt minutes dans le lit, ça n'allait plus du tout. Le monde s'est mis à tanguer. Deux minutes plus tard, il s'est levé, mué par une force supérieure, soumis aux ordres de son corps. Il a tout juste eu le temps de courir jusqu'aux toilettes, et de rendre son kebab, ses deux bières, et sa douzaine de shots de vodka.

Julien l'a poursuivi, a tapoté son dos d'un air compatissant pendant qu'il dégobillait en pleurant, à quatre pattes, la tête dans la cuvette. Estéban est arrivé quelques minutes après. Il lui a frotté les cheveux quand Cons poussait des cris d'ours à l'agonie, les larmes aux yeux.

— Vous êtes vraiment mes potes, a murmuré Cons d'une voix étranglée, une fois la crise passée. Je vous aime tellement.

— Allez, on va se brosser les dents, maintenant, d'accord ? a répondu Estéban en le soulevant.

— Oui...

Après ça, les souvenirs sont flous. Estéban n'est plus dans la scène. Julien lui apporte de l'eau. Cons se souvient avoir vaguement réussi à se brosser les dents, avant de boire le verre que lui tend son ami. Il se rappelle son « J'adore l'eau. », suivi de :

— Je suis désolé, Ju, j'ai tout gâché.

— C'est pas grave. Je voulais dormir de toute façon.

— Dans le fond, je sais que c'est bizarre. Mais je peux pas m'en empêcher. T'es tellement... T'es mon meilleur ami, tu comprends, Ju ?

— Oui, Cons. Je comprends. Parle moins fort. Estéban dort.

— Ce que je veux dire, c'est que... Je veux t'aimer de toutes les manières, tu comprends ?

Silence.

— Je comprends. On va se coucher ?

Et ça lui revient, tout à coup. Le baiser. L'envie terrible. Dévorante. La pulsion de lui. De Julien. Ses raisonnements balayés par ce besoin fondamental de le connaître à nouveau, de le rencontrer encore, plus fort, plus près. Pour de vrai. Impossible de résister.

Son envie de Julien a été comme un vent solaire. Elle a tout détruit sur son passage. Elle a effacé la présence d'Estéban de la pièce, et celle de ses conquêtes de son esprit. Il n'y a plus eu que Julien.

Il a aimé l'embrasser. Peut-être trop. Il s'imaginait que son envie s'apaiserait une fois que leurs lèvres se rencontreraient. Ça n'a pas été le cas. Il a voulu le serrer contre lui, sentir sa chaleur, sa peau, ses muscles enlacés aux siens.

Et puis il lui semble qu'ils ont eu peur au même moment, qu'ils ont frissonné de panique. Le sursaut de conscience qui nous rappelle qu'on fait n'importe quoi, qui tente de broyer le désir à grands coups de réalité.

— On devrait dormir, Cons.

Julien a sauté sur l'occasion. Constantin a suivi. Il a senti qu'il commençait à se sentir mal, à se poser des questions qu'il ne tenait pas à se poser. Il a perçu la limite de son laisser-aller, et il a préféré lui tourner le dos que de s'y confronter. Mais le mal-être psychologique est resté. Il est devenu physique. Il le sent encore, tapi au fond de lui.

— C'est peut-être un peu cliché, mais Venise est une de mes villes préférées. Je la connais bien. J'ai plein de trucs à te montrer.

Cons sourit à Fanny. Elle le fixe, blottie dans son siège. Depuis combien de temps l'observait-elle ?

— Moi, c'est ma première fois, répond-t-il.

— Je sais, dit-elle. Mais fais-moi confiance, je serai un super guide.

Effectivement, Fanny s'avère être un excellent guide. Elle le conduit les yeux fermés — c'est-à-dire les yeux bien ouverts, mais sans son smartphone — jusqu'à leur hôtel, en centre-ville. Ils ont dégoté une suite quatre étoiles deux fois moins chère qu'à l'accoutumée. Ils sont contents.

Les chaleurs de l'été imprègnent encore la ville. Le soleil illumine les murs et les cours d'eau. Les gens sortent bras nus, en shorts ou en robes. L'air est lourd d'humidité, d'une odeur de vase qui s'accroche aux murs et aux pavés.

Fanny et Cons dégainent rapidement leurs lunettes de soleil. Fanny porte un débardeur, et un mini-short qui couvre sa taille étroite. Ses seins sont petits, et Cons est prêt à parier qu'elle ne porte pas de soutien-gorge. Il sait que ce n'est pas pour lui, qu'elle doit simplement se sentir plus confortable ainsi, mais bon, l'idée de ses tétons à l'air libre qui frottent le tissu et se dressent l'excite énormément.

Elle sent qu'elle lui fait un effet monstrueux, mais qu'il résiste à la toucher par pudeur, par respect pour elle. Fanny imagine tous les fantasmes qui perturbent l'esprit de Constantin, et elle en vibre.

A chaque minute, elle se félicite un peu plus de l'avoir invité à partir avec elle. Il est adorable. Elle sent qu'ils pourraient devenir de bons amis. C'est le garçon le plus sympathique et le plus agréable à vivre qu'elle ait pu rencontrer.

Ils se baladent sur les petits ponts, dans les ruelles colorées. Ils admirent les grandes places, les monuments, la finesse des ornements. Demain, ils feront un tour en gondole, mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui, ils sont fatigués. Leur journée d'hier a été mouvementée.

Ils s'arrêtent à une pizzeria du coin, dans une petite rue au bord de l'eau. C'est la préférée de Fanny. Elle ne prétend pas que c'est la meilleure de la ville. Elle espère seulement qu'elle plaira à Constantin.

Les yeux du garçon brillent d'enthousiasme quand les deux pizzas arrivent. Fanny sourit de le voir si joyeux. Il mange plus proprement qu'elle ne l'aurait pensé, avec ses couverts, le dos droit. A la première bouchée, ses yeux se ferment. Il soupire de bonheur, réouvre les yeux et dit, la bouche pleine :

— Ch'est crop bon.

Fanny rayonne. Elle lui a fait plaisir. Elle a tant envie de devenir son amie que le voir si heureux, seulement pour de la nourriture, la rend heureuse à son tour. Elle prend sa pizza avec les doigts et mord dedans. C'est vrai que c'est trop bon.

Ils s'échangent des parts. Constantin pique un morceau et tend sa propre fourchette aux lèvres de Fanny, sans avoir l'air d'y penser. Elle aime. Cette façon de faire, ça lui donne de l'audace. Il ne lui laisse pas le choix. Pas parce qu'il souhaite la forcer, mais parce qu'il commande. Parce que diriger semble être dans sa nature profonde, même s'il ne s'en pas compte.

C'est peut-être ce qui l'a séduite dès le départ. Cette puissance qu'il exerce sans effort, sa manière de s'imposer sans y penser. Elle attrape le morceau avec les dents, les yeux plantés dans ceux de Constantin. Il fixe ses lèvres, la bouche entrouverte. Ce regard qu'il a la fait frissonner. Elle a hâte de retourner à l'hôtel.

— Je suis crevée, ça te dérange si on rentre faire une sieste ? On pourra ressortir ce soir, si tu as envie.

— D'accord, je suis fatigué aussi.

Epuisé, éreinté de résister autant aux désirs qui le dominent. Etreindre cette fille, la serrer dans ses bras, la posséder. Ça le consume, et Cons n'est pas du genre à résister à ses envies. Ils règlent l'addition. Cons doit se battre pour réussir à l'inviter. Il finit par lui dire qu'elle n'aura qu'à payer le restaurant du soir, ce qu'elle accepte.

Une fois dehors, sur le chemin de l'hôtel, il marche derrière elle. Depuis le début de la journée, il est parvenu à ne pas reluquer ses fesses comme un pervers, mais désormais, il n'y tient plus. Elles le narguent depuis son short, se dandinent à chaque pas sous le jean et se dévoilent légèrement, de temps en temps.

Cons et Fanny passent par une place avec une fontaine à jets d'eau. Il n'y a pas de bac. L'eau jaillit directement du trottoir, et retombe sur les pavés. Le soleil s'y reflètent. Des enfants y jouent en criant.

Fanny s'arrête. Elle se retourne pour capter le regard de Constantin. Et ils n'ont pas besoin de parler pour s'y précipiter. Ils traversent la place en courant, comme des mômes, pour voir qui arrive en premier à la fontaine. Fanny le bat. Ils rigolent. L'eau glaciale rafraîchit leur peau chauffée par le soleil. Ça leur fait du bien. Ils font les cons en hurlant de rire, au milieu des jets.

Maintenant qu'ils sont mouillés, Cons les voient beaucoup mieux. Les deux petits seins fiers et dressés de Fanny. Ils sont tous pointus à cause du froid, du contact de l'eau. L'atmosphère drôle est devenue foutrement érotique en une fraction de seconde.

Elle sent son regard qui change, qui se pose différemment sur elle, son sourire qui se noie dans l'expression de son désir. Il est complètement trempé. Il s'en fou. Ses mains se pressent sur la taille mouillée de la jeune femme. Il sonde son regard, et il lui semble que ses yeux sont les plus beaux qu'il a jamais vu. Alors il se penche vers elle, et ils s'embrassent.

Ses lèvres sont trempées. Il sent les gouttelettes d'eau qui se brisent dans leur baiser et glissent dans sa bouche. Il sent sa poitrine durcie contre son torse, ses bras fins qui s'enroulent autour de son cou. Il agrippe plus fermement sa taille. Il a envie d'agripper autre chose.

— On va à l'hôtel, décide-t-il.

Et Fanny ne peut qu'acquiescer.

Lille. Vingt-et-une heure. Julien arrive à la soirée, une bouteille de rhum bas-de-gamme à la main. Il ne connaît pas son hôte. Il n'est pas tout à fait sûr que le type qui a ouvert la porte habite dans cet appartement.

La soirée est bien entamée. Les gens dansent, tentent de surplomber la musique avec leur voix sans grand succès. Ils tiennent quasiment tous un verre ou de la nourriture, parfois les deux.

L'appartement semble démesuré. Une lumière tamisée emplit la pièce. Julien sent toujours son résidu de gueule de bois, mais ce n'est pas ça qui l'arrête. On n'est jeune qu'une fois, se dit-il.

Il repère Bertille, qui lui fait coucou, et Clémentine, qui lui lance un regard affamé. Repli stratégique vers le côté opposé. Il se retrouve face au buffet, et ouvre la bière qu'il déteste le moins.

Estéban l'appelle depuis le canapé. Il est avec la belle Haruka. Elle porte une jupe patineuse très courte qui dévoile ses longues jambes, et de petites baskets blanches. Ses cheveux sont attachés en chignon sur le dessus de sa tête. A ses côtés, Estéban arbore un col roulé jaune, un jean noir et une paire de Doc Martens classiques.

Le petit groupe se salue, puis Julien s'installe à côté d'Estéban. Ce dernier lui lance un petit sourire. Il a attendu ce moment depuis hier soir. Le moment où ils seraient à nouveau tous les deux.

Il s'attarde encore une fois sur les pupilles turquoise de Julien. C'est sans doute ce qui le fascine le plus, chez lui. Il n'a jamais vu des yeux d'une telle couleur, et il y lit que Julien ne se doute de rien. Il n'a pas idée de la quantité de choses qu'Estéban a à lui dire.

C'est peut-être ça qu'il le paralyse, dans le fond, qui l'empêche de s'ouvrir et de se livrer à lui. Il a peut-être trop de choses à dire. Julien lui sourit, joyeux et insouciant, et entame la conversation sans peine.

Une fois aussi proche de lui, Haruka remarque à son tour la couleur des yeux de Julien. Deux pierres précieuses qui lui servent à voir. Ses seules prunelles le rendent séduisant. Ce garçon a des bijoux a la place des pupilles, et il les porte sans orgueil, avec humilité. Ça le rend sans doute encore plus beau, encore plus sympathique.

Elle reporte son attention sur Estéban, puis elle le réalise une nouvelle fois. Il lui plaît terriblement. Sa douceur, sa tendresse, sa manière de parler, de s'habiller, de se coiffer... Tout est charmant. Tout la fait tomber amoureuse.

Haruka tente de se raisonner. L'amour ne naît pas en deux semaines, mais Estéban... Estéban est d'une sensualité chaude, enveloppée d'un charisme renversant. Il a une allure de prince, des traits calmes et reposés, un sourire énigmatique, impénétrable.

Il lui parle avec passion de ces sujets qu'il adore. Il dessine merveilleusement bien, traite inlassablement de philosophie sans jamais devenir ennuyeux. Chacune de ses attention est une marque de délicatesse. En cours, une fois, il a dessiné un petit portrait d'elle, dans la marge d'un cahier. Et il lui a offert ce sourire renversant, celui qui donne le sentiment qu'il a fait le plus beau cadeau du monde sans y penser. Naturellement. Simplement parce que c'est lui, et parce que c'est elle.

Elle croit lire dans ses yeux le même éclat, cet élan de passion folle qu'il refreine comme il peut. Mais ce soir, quand elle le voit avec son ami, elle n'est plus tout à fait sûre. Il lui semble qu'il le regarde pareil. Ou alors, non. Ce n'est pas pareil. Le regard qu'il porte à Julien est bien plus intense. Le regard qu'il porte à Julien ne brille pas. Il est plein de feu. Et son ami n'a même pas l'air de s'en rendre compte.

Fanny et Cons ne détachent plus. Ils ont enfin passé la porte de leur chambre d'hôtel, trempés mais brûlants d'un désir insensé l'un pour l'autre.

Fanny ne comprend pas. Elle ne s'explique pas cette poussée brutale d'excitation pour lui. Il est d'une banalité tragique, et pourtant... Pourtant, il l'écrase contre le mur sans cérémonie, ses lèvres pressantes scellées aux siennes. Il la soulève contre le mur et presse son érection sur les coutures de son short. Elle accroche ses jambes à sa taille, les cuisses serrées autour de ses flancs. Elle lui dévore le cou tandis qu'il la porte jusqu'au lit. Son odeur est merveilleuse, comparable à un mélange de vanille et de virilité exacerbée. La virilité n'a pas de parfum, mais si elle en avait un, Fanny est convaincue qu'elle sentirait comme ça. Comme Cons et la vanille.

Il la lance sur le lit et arrache son tee-shirt mouillé, qu'il jette au sol. Elle l'imite sans le lâcher des yeux. Son corps lui semble superbe. Il est large, massif, musclé et rondelet à la fois. Elle se demande s'il fait du rugby, s'il aura la force de la soulever et de la retourner dans tous les sens, s'il aura l'impatience délicieuse des premières fois.

Constantin exhale la confiance en lui avec un corps qui ne rentre pas dans les standards de séduction, et ça, Fanny adore. Une énorme de tâche de naissance se déploie sur son pectoral gauche. Elle est recouverte d'un fin duvet blanc. Il a une cicatrice rose sur le flanc droit, et des vergetures sur le bas du ventre. Il n'est pas parfait, en somme. Et malgré, tout, il avance jusqu'à elle comme un félin. Pas parce qu'il cherche à la séduire. Parce qu'il est comme ça. Mais elle, ça la rend folle.

Cons embrasse encore Fanny. Plus il lui dévore les lèvres, et plus ses souvenirs de la veille se mêlent à ses sens. Le parfum de Julien. Ses baisers timides et empressés à la fois. Sa chambre. Son lit. Son univers habituel, confortable. Et Fanny à nouveau. L'inconnu, l'inédit. Ses cheveux noirs et courts. Son parfum de campagne. La passion incandescente qu'elle lui voue.

Il ne tient plus en place. Tandis qu'il étreint encore sa langue contre la sienne, il laisse ses mains glisser jusqu'à ses seins petits et fermes. Au toucher, ils sont doux, moelleux. Il peut les malaxer, enfoncer ses doigts. Il effleure plusieurs fois son téton. Elle soupire plus fort, tend ses seins pour qu'il les pince. Et il obéit. Par instinct ou par envie. Ils ne savent pas trop. Mais elle se mord les lèvres pour ne pas gémir de trop.

Il prend l'autre sein entre ses lèvres et l'aspire, en la regardant dans les yeux. Elle l'admire, les sourcils froncés, l'annulaire dans la bouche. Il est furieusement beau avec ses mèches rebelles qui retombent sur ses yeux gris profond, et ses joues roses de désir pour elle.

Il fait tourner son téton dans sa bouche, il le lèche et le suce avec une adresse surprenante, improbable même. Fanny s'était promise de le guider, mais elle ne sait plus très bien qui entre eux deux mène la danse.

Lille. 23h30. Le taux d'alcoolémie a grimpé en flèche. Julien s'extirpe de sa conversation passionnée avec Estéban et Haruka pour se vider la vessie. Il pousse un soupir de soulagement lorsqu'il trouve enfin les toilettes, après quatre minutes trente de recherche. Cet appartement est définitivement très grand.

A peine est-il sorti de la salle d'eau que Clémentine l'attend sur le pas de la porte. Il tente de chercher discrètement un échappatoire. Il est bourré. Il n'est pas discret. Tant pis.

— Salut, Clémentine. Ça va ?

— Oui. Tu ne m'appelles plus Clem' ?

— Boh... Tu sais...

— Julien, dis-moi, comment tu me trouves ?

Julien se sent frémir. Il regarde autour de lui. Aucun ami n'est dans les parages pour l'aider. Même pas Mathis. Il l'a vu traîner avec des gens sur la terrasse depuis le début de la soirée, à tel point qu'il semble y être vissé. De toute façon, même s'il était là, Julien n'est pas tout à fait convaincu qu'il aurait la présence d'esprit — ou la gentillesse — de lui venir en aide. Et Estéban est en mission flirt avec Haruka. Pas la peine de compter sur lui.

— Pourquoi tu me demandes ça ?

— C'est un gage que Bertille m'a donné. Je dois poser cette question aux trois mecs que je trouve les plus mignons dans la soirée.

— Ah... Et je suis dedans, moi ?

— Bien-sûr que tu es dedans. Tu es vraiment beau.

— Ah oui ?

Elle s'est rapprochée. Il voudrait s'éloigner, mais il est coincé contre la porte. Il suffirait que n'importe quel mec bourré lui demande de céder le passage pour qu'il s'extirpe de cette situation délicate, mais les gens autour de lui semblent disposer d'une vessie d'acier.

— Oui. Tu es beau, mais ce n'est pas seulement ta beauté... Tu es gentil, doux, drôle. Je dirais volontiers que tu es le garçon le plus adorable de notre classe. Et je dirais aussi que tes yeux... Tes yeux sont vraiment beaux... En fait, je dirais que tu es presque parfait.

Julien a envie de mourir. Clémentine se tient à quelques centimètres de lui, prête à l'embrasser. Lui, il enfonce la tête dans son cou comme une girafe morte.

— Bah c'est super, ça. Merci ! On va boire ?

Elle semble déstabilisée. Il profite de ce moment d'incompréhension pour la prendre par les épaules, et la pousser sur le côté. Puis il fuit le couloir à grandes enjambées, peu fier, mais vivant. Comme un déserteur pendant la guerre. Clémentine est terrifiante. Clémentine est un obus.

Devant le buffet, il est rejoint par Estéban. Ce dernier est légèrement plus saoul que la veille. Il a moins mangé avant de boire. Il observe Julien se servir maladroitement un verre de ponche, puis remarquer sa présence, et lui jeter un regard scandalisé.

— Putain, mec, tu sais pas ce qui vient de m'arriver, commence Julien.

— Tu t'es fait attaquer par ta copine folle... Comment elle s'appelle déjà ? Fruit Sec, là.

— Merde ! Comment t'as deviné ?

— Je suis médium à mes heures perdues, en fait.

Julien pouffe de rire et boit une gorgée de son verre.

— Dans ces cas-là, tu devrais savoir qu'elle s'appelle Clémentine.

— Je sais. Mais Fruit Sec lui va si bien...

Ils gloussent comme des enfants.

— Tu vas la pécho, Haruka ? demande Julien.

— Je la trouve sympa, mais c'est pas vraiment elle qui me plaît. Alors, je sais pas trop.

— Qui est-ce qui te plaît ?

— C'est un secret, ça.

— Monsieur est cachotier.

— Ouais... Et il n'est pas le seul.

Julien fronce les sourcils. Il connaît mieux les manières peu gracieuses d'Estéban lorsqu'il sait quelque chose qu'il n'est pas censé avoir vu. Il se sent en danger.

— Comment ça ?

— Hier, je vous ai entendu avec Cons.

Julien manque de recracher son verre. Il avale en toussant, se frappe sur le torse, avant d'articuler.

— Putain, mais tu dormais pas ?

— J'étais épuisé, mais vous parliez tous les deux, et je peux avoir beaucoup de mal à m'endormir quand il y a du bruit autour de moi. Quand Cons t'a demandé s'il pouvait t'embrasser, je suis complètement revenu à moi, tellement ça m'a surpris.

Julien le regarde, la bouche ouverte, les yeux écarquillés, une panique folle dans le regard.

— Je ne sais pas pourquoi il fait ça, répond Julien.

— Ecoute, je ne vous juge pas. Vous faites ce qui vous plaît, mais s'il s'avère que vous êtes amoureux l'un de l'autre, peut-être que vous devriez vous poser les bonnes questions.

— Je ne suis pas amoureux de Cons ! Et Cons n'est pas amoureux de moi... Enfin, je crois. Il n'y a rien de tout ça entre nous.

Le regard d'Estéban s'assombrit. Il boit une gorgée de son cocktail, ses pupilles noires rivées dans celles de Julien. Il s'approche ensuite de lui, d'une manière discrète, infime, presque imperceptible, puis demande d'une voix plus grave.

— Alors, embrasser tes potes, c'est quelque chose que tu fais souvent ?

— Non, c'est juste Cons qui m'a demandé, et je...

— Et si moi, je demande, tu acceptes ?

Oui, songe Julien.

— Je ne sais pas, répond-t-il. 



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Vous préférez un chapitre tard le soir ou tôt le matin ?

Au fait, n'hésitez pas à me signaler quand il manque des mots, ou s'il y a des fautes. Parfois, j'ai sacrément la tête dans le cul... Bon, vérifiez tout de même qu'il s'agit bien d'une faute, s'il vous plaît. ^^"

C'est ma rentrée, aujourd'hui. La deuxième partie de ce chapitre arrivera le plus vite possible, mais attendez-vous à un délai plus long entre mes posts... :*

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