Chap 8 : pdv Hailie (passé)
J'étais assise sur mon lit, en pleine écriture.
Je sursautai lorsque maman ouvrit la porte avec dynamisme. J'avais mon journal entre les mains et cela me glaça le sang. Je ne voulais pas qu'elle sache que j'écrivais. Je le refermai aussitôt puis le glissai sous les draps dans un mouvement de panique.
L'avait-elle vu ? Pourquoi est-ce que je ne voulais pas qu'elle sache que je tenais un journal ? Je ne savais pas pourquoi je réagissais aussi vivement. Peut-être aurait-elle été capable de le lire derrière mon dos ?
-Tu pourrais prévenir ? lançai-je, légèrement agacée.
- Ne me parle pas sur ce ton, Hailie ! D'habitude, tu ne me parles jamais comme ça !
-Désolée maman, répondis-je, soulagée de sentir au travers des draps la forme de mon journal. Il était invisible.
-Et puis, je suis chez moi ! Je rentre si je veux, non ? continua Jill sur un ton déplaisant.
Pourquoi me provoquait-elle toujours comme cela ? Que cherchait-elle ? J'étais tranquille dans ma chambre et je me sentais soudain envahie.
Je la contemplai avec résignation, mordillant ma lèvre afin de contenir un flot de paroles qui reflétait ma pensée. Mais je préférai éviter la confrontation.
Depuis quelques mois, je ne supportais plus cette relation étrange que j'entretenais avec ma mère. Parfois, j'espérais plus de respect de sa part, plus de considération, mais maman se croyait toujours tout permis. Tout devait tourner autour d'elle. Elle voulait attirer l'attention sur elle et semblait ne pas chercher à découvrir qui j'étais devenue. Elle faisait sa star mais quel âge avait-elle pour agir comme cela ?
J'avais souvent l'impression que mon avis ne comptait pas. Que je devais juste obéir et me taire. Mais je n'avais plus cinq ans.
Je savais qu'elle avait toujours tout réussi dans sa vie. Elle avait l'habitude d'être mise en avant et de prendre beaucoup de place mais moi, j'étais là. J'existais aussi. Le réalisait-elle ?
-Regarde ce que j'ai trouvé à la poste !
Jill me tendit un folder, surexcitée. Elle repoussa ses cheveux bruns foncés pour mieux me fixer. Son regard me transperça littéralement.
-Qu'est-ce que c'est ?
-Regarde !
-Des cours de violon ?
Je ne sus que répondre face à l'enthousiasme de maman.
Du violon, vraiment ???
-J'ai toujours rêvé d'en jouer ? Pas toi ? expliqua Jill.
-Pas vraiment, répondis-je, dépitée.
Elle n'avait pas écouté ma réponse, je le savais.
-Tu devrais t'inscrire !
-Maman, mon agenda est déjà surchargé. Et tu le sais parfaitement puisque c'est toi qui le planifies.
-Tu exagères comme d'habitude !
-C'est le mercredi ! Regarde toi-même sur le document ! J'ai déjà espagnol et danse classique.
Et puis, c'est toi qui a toujours rêvé de faire du violon. Pas moi.
-Ah oui ... répondit-elle, déçue. Dommage ! Allez, je te laisse lire, ma future traductrice.
Je contemplai la silhouette harmonieuse de ma maman fermer la porte derrière elle dans un élan de bonne humeur. Elle était toujours aussi belle. J'avais l'impression que sa beauté était inaltérable. Son visage mature avait su conserver son harmonie et ses beaux cheveux bruns épais retombaient sur ses épaules gracieusement.
J'étais fière d'elle, je cherchais même à lui ressembler car elle était impressionnante mais ces derniers temps, Jill dépassait les bornes. Sa perfection me rendait dingue. Je n'arriverais jamais à être aussi parfaite qu'elle. Jamais de la vie.
Je repensai à mon agenda. Du violon ? Et puis quoi encore ? J'avais déjà espagnol alors que je rêvais d'apprendre le japonais. C'était son rêve à elle. Pas le mien.
Avait-elle oublié que je n'étais plus une petite fille ? J'avais 16 ans. J'avais parfois envie qu'elle le réalise. Je n'étais plus un bébé.
La main posée sur mon journal intime, je n'eus soudain plus envie d'écrire ni même envie de respirer à cet instant.
Je suffoquais.
Je me perdais dans cette vie où je devais toujours réussir. Je manquais d'air tout à coup alors je respirai très profondément. Je me couchai sur le lit et me mis à compter les étoiles sur le plafond afin de retrouver mon calme. J'attendis que la crise de panique passe. Paniquer ne servait à rien.
Je délaissai mon journal pour me coucher sous mon couvre-lit épais. Il sentait l'adoucissant. Toute ma chambre sentait le désinfectant et le propre. Normal, maman passait son temps à tout nettoyer et à ranger sans cesse. Cela me rappela lorsque j'étais toute petite et que je faisais encore la sieste. Je me mis en boule sous les draps, les yeux humides, les cheveux en bataille.
Je me sentais complètement perdue depuis quelque temps. Mais qu'est-ce qui m'arrivait ? Était-ce normal de me sentir aussi mal certains jours ?
Je me posais toutes ces questions mais en fait, je connaissais déjà les réponses. Je savais parfaitement ce qui clochait dans ma vie.
Je me mis à marmonner tout haut, entre deux respirations :
-Je ne serai jamais violoniste, je ne serai jamais danseuse, je ne serai jamais traductrice, je déteste l'espagnol, je ...
Ma voix s'éteint dans un sanglot.
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