Chap 61 : pdv Jill (présent)
Ce matin-là, je passai la tête dans la chambre de ma fille.
Je n'avais plus fait ce rituel depuis un moment. Un objectif que je m'étais fixé pour pouvoir sortir la tête hors de l'eau, pour réussir à enfin prendre de la distance, mais aujourd'hui, tout était différent. Nous tournions une page de notre histoire en quittant les lieux pour un voyage de six mois.
Ce tour du monde était une escapade incroyable, mais aussi une épreuve.
Je m'avançai vers le bureau d'un pas lent afin d'y déposer le journal intime d'Hailie. Il n'avait pas sa place dans nos valises. Nous partions pour avancer, non pas pour reculer. Tant pis pour cette page déchirée dont m'avait parlé Gall. Nous ne savions pas où la chercher ni ce qu'elle contenait. Nous devions faire avec.
Je luttai contre une douleur lancinante et un intense sentiment d'abandonner ma fille, de fuir, de l'oublier. Je m'en voulais de vouloir continuer ma vie sans elle, mais nous étions décidés à partir.
Je perçus la voix de Gall dans l'escalier. Il venait de charger les valises dans notre voiture. Le regard souriant et le visage apaisé, il semblait partir sereinement. Ce nouveau départ lui redonnait l'énergie de se battre, de reprendre notre vie en main.
Certes, Gall se sentait coupable de vouloir passer à autre chose, comment pouvait-on ne pas culpabiliser ? Mais c'était notre seule solution pour ne pas sombrer davantage dans la détresse, dans la dépression. Nous devions partir, peut-être même vendre la maison à notre retour.
Peu importaient nos choix, Hailie laisserait toujours un trou béant dans nos cœurs blessés. Elle était irremplaçable.
Je descendis enfin les marches de l'escalier, un sourire mitigé sur les lèvres. Je suivis mon mari avec réticence jusque sur le porche de la maison.
-Tu vas y arriver, me dit gentiment Gall. Nous allons y arriver à deux !
-J'ai l'impression de la rayer de notre vie.
-Ce n'est pas ce que nous faisons.
-C'est quoi alors ?
-Nous voulons tout simplement survivre.
-Sans elle.
-Nous ne vivrons jamais sans elle. On ne l'oubliera jamais, mais elle doit trouver sa nouvelle place. Une place ni trop grande ni trop petite dans notre mémoire.
J'acquiesçai puis je m'installai dans le véhicule. Alors que Gall fermait la porte d'entrée à clé, il perçut la sonnerie du téléphone retentir dans le hall d'entrée.
Surpris, il croisa mon regard.
- Le téléphone sonne.
-Oui, j'entends.
-Bizarre. Qui est-ce ?
-Tu ne crois pas que c'est encore pour nous vendre quelque chose, supposai-je.
-Tu dois avoir raison. Cela attendra notre retour.
-Allez, c'est parti ! m'écriai-je tout en bouclant ma ceinture.
Gall démarra. Jetant un dernier coup d'œil sur notre maison dans le rétroviseur, nous nous engageâmes sur la route avec nostalgie.
Nous nous éloignâmes irréversiblement de notre plus grande peine.
Partir loin de tous nos tourments, laisser derrière nous notre pire cauchemar pour recommencer à vivre tout simplement.
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