Cela faisait presque deux ans qu'Hailie n'était pas revenue à la maison. Elle aurait bientôt eu 18 ans. Cela me brisa d'y penser ce matin-là lorsque je quittai ma chambre.

Je restai un long moment immobile dans le couloir. Je m'observai dans le miroir avec désappointement. Mon corps n'était plus le même. Deux années avaient suffi à m'en faire prendre dix. Je n'étais plus le même homme qu'avant. Nous avions tous changé depuis ce fameux mercredi.

J'avais pris du poids à force de manger du chocolat, de me ruer sur toutes les friandises que je croisais. Moi, j'avais besoin de compenser avec de la malbouffe alors que Jill devait se forcer pour avaler quelque chose.

Je scrutai mon regard brun devenu livide. Les cheveux gris qui ravageaient peu à peu ma chevelure, ma peau laiteuse à force de ne plus profiter des jours ensoleillés. Je préférais rester cloîtré chez moi le week-end plutôt que de sortir faire une balade. Je ne faisais plus de sport. Rester confiné pour mieux survivre à la douleur. Rester enfermé chez nous pour oublier que le monde extérieur évoluait sans Hailie. Ne pas affronter les autres pour ne pas être déçu, une fois de plus, une fois de trop.

J'eus une pensée pour Jill, pour notre couple qui s'en sortait tant bien que mal. Nous étions toujours ensemble malgré les galères. C'était déjà ça. Une douleur parcourut ma poitrine, certainement ce sentiment d'impuissance qui me rongeait de l'intérieur.

Je n'étais pas parvenu à retrouver notre fille.

Je ne l'avais pas ramenée à la maison.

Je n'arrivais plus à me lever le matin sans cette impression toujours plus grande, toujours plus invalidante que je n'avais pas su faire le nécessaire pour retrouver notre fille.

J'avais échoué.

Cet échec cuisant me déprimait. Et maintenant, il n'y avait plus la colère qui m'aidait à tenir le coup, celle-ci avait disparu peu à peu. Il n'y avait plus la rage, mais plutôt de la lassitude ou de la frustration.

Je n'y étais pas parvenu. Tout comme mon propre père avait échoué. Certes, c'était une défaite différente, mais elle n'en restait pas moins une défaite. La pire de toute mon existence.

J'avais perdu ma fille.

Je levai les yeux vers sa chambre, hésitant un instant à ouvrir la porte. Je repensai au journal intime d'Hailie que Jill avait laissé là au cas où je changerais d'avis.

Peut-être avait-elle raison ?  Peut-être que ce journal intime avait été trouvé au bon moment ? Nous avions besoin de nous raccrocher à quelque chose pour ne pas chavirer.

Peut-être que je devais le lire pour trouver la force de survivre.

À bout de souffle, nous continuions nos vies plus par obligation que par envie. Pourtant, je voulais sourire de nouveau.

Je compris tout à coup qu'il était peut-être temps pour moi de reprendre ma vie en main et surtout de tendre celle-ci vers Jill.

Nous avions été trois, c'était à nous de redevenir deux.

Fébrile, je posai la main sur le journal d'Hailie. Je le contemplai avant de l'ouvrir. Les pages tournèrent sous mes yeux puis soudain, je réalisai un détail qui ne semblait pas avoir frappé Jill.

Il manquait une page.

Une seule. Tout à la fin du journal.

Hailie l'avait-elle arrachée pour nous cacher quelque chose au cas où nous le lirions à son insu ?

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Merci pour votre lecture.

D'après vous, que révèle cette page arrachée ?