Chap 55 : pdv Hailie (passé)

   Peut-être avais-je muri, peut-être étais-je plus réaliste face au monde extérieur, peut-être que mon regard se dépoussiérait peu à peu pour enfin entrevoir ce qu'auparavant je n'avais jamais pris la peine de considérer ?

Cette semaine-là, je l'avais vue alors que jamais je n'avais fait attention à elle. Cette semaine-là, dans le couloir de notre école, j'avais croisé le regard fuyant de Madison. Pour la première fois, j'avais vu ses yeux bleus et ceux-ci m'avaient remuée.

C'était un regard profond, sincère, chargé de doutes. Un regard vibrant et anxieux, un regard qui ne s'attardait jamais sur personne. Madison ne pensait pas compter réellement. Alors que c'était faux.

Tout le monde compte, non ?

Ce lundi-là, je l'avais vue et j'avais compris ce qui se cachait derrière ses prunelles insaisissables.

Peut-être que mon regard à moi avait changé ? Peut-être que les autres ne m'apparaissaient plus de la même manière ? Peut-être étais-je moins centrée sur moi-même depuis la maladie de grand-père ? Je n'étais plus cette petite princesse gâtée qui ne voyait qu'elle. Il existait d'autres élèves en dehors de mes amis proches qui valaient la peine d'être connus.

Je le pensai à l'instant même où Madison devint réelle à mes yeux. J'aurais dû faire attention à elle plus tôt, me soufflai-je intérieurement. Je n'avais jamais fait attention à elle, jeune fille discrète qui rasait les murs. Je réalisai tout à coup que, malgré moi, j'avais participé à la rendre transparente.

J'eus une pensée émue pour monsieur Herbert. 

Lui aussi m'avait rendue clairvoyante, c'était lui qui m'avait fait comprendre qu'il n'y avait pas que mes amis populaires qui importaient, qu'il n'y avait pas que ceux qui faisaient assez de bruit pour prendre toute la place qui comptaient, il n'y avait pas que ceux qui parvenaient aisément à se faire voir, à exister qui devaient briller.

Il y avait aussi les autres.

Il y avait les autres.

Monsieur Herbert m'avait ouvert les yeux. Et cela en valait vraiment la peine. À cet instant, j'aurais voulu lui dire merci, lui expliquer mon ressenti.

Je restai immobile, seule, dans le couloir quasi désert et je ne pus m'empêcher de suivre des yeux la silhouette discrète de Madison, petite blonde au visage pâle, petite blonde au regard triste, mais, celle-ci ne remarqua même pas que je l'avais enfin remarquée.

Enfin.

Elle continua sa route sans m'avoir vue. Elle continua sa route sans jamais se rendre compte que l'espace de quelques minutes, elle n'avait plus été invisible.

La prochaine fois, je lui sourirai.

La prochaine fois, je lui parlerai.

Et j'étais bien décidée à tenir ma promesse.

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