Chap 44 : pdv Mr Herbert (passé)

      Quelques jours plus tard, Monsieur Herbert ne pensait plus qu'à elle.

Hailie.

Il la revoyait sans cesse déambuler devant chez lui, à portée de main. Si proche et à la fois si loin de lui. Il se souvenait de la voiture dans la rue qui s'était arrêtée à hauteur d'Hailie. Tout avait été si vite. Il faisait noir. Il avait été tétanisé sur place. Il avait regardé la voiture filer dans la rue sans se sentir capable d'intervenir. Il n'avait même pas pensé regarder la plaque d'immatriculation. 

Il avait été pitoyable comme à chaque fois.

La ville tout entière était bouleversée et remuait ciel et terre pour comprendre ce qui était arrivé à Hailie. Chaque parcelle de terrain était ratissée au peigne fin, chaque habitant interrogé, chaque solution envisagée.

Il semblait être le dernier à l'avoir vue.

Certains parlaient de fugue, d'autres d'un accident de voiture ou encore d'enlèvement par un psychopathe. Seul lui avait la réponse et pourtant, il n'avait rien su faire pour changer le cours des choses.

Il avait été un bon à rien, une fois de plus.

Il hésita à aller au poste de police pour expliquer sa version des faits, mais il se savait détesté par la population. Personne n'avait confiance en lui. Peut-être que la situation se retournerait-elle contre lui ? Il savait que tout tournait toujours mal pour lui. Malheureusement, il n'avait jamais eu de chance.

Paralysé, il avait rapidement abandonné l'idée.

Il était la bête noire de la ville, l'exclu du quartier. C'était lui le bizarre dans la rue. C'était lui le suspect. Lorsque les gens étaient noyés par les préjugés, la partie était perdue d'avance.

Ce jour-là, il resta tétanisé lorsque Hugues Macbeth se présenta à sa porte. Il le reconnut directement. Son regard mesquin et son attitude hautaine lui rappelèrent les mauvais traitements qu'il lui avait infligés à l'école primaire.

Lorsque Hugues était enfant, il avait toujours été la terreur de la cour de récré et malheureusement pour lui, James Herbert en avait été la cible.

Des coups aux insultes, des farces aux railleries, l'attitude passée de Hugues avait laissé des traces. James ne s'en était jamais remis. Cela l'avait même enfoncé davantage dans son isolement. Seuls ses quatre murs le rassuraient, l'apaisaient.

Après être resté figé quelques secondes, Mr Herbert finit par ouvrir la porte à contrecœur.

-Que fais-tu là ? demanda-t-il sèchement à son visiteur. Je te croyais à la retraite.

-Les gars sont submergés de travail avec la disparition de la petite Holloway. Je leur donne un coup de main.

Hugues dévisagea le vieil Herbert. Il faisait peine à voir. Pâle, le visage ridé et déshydraté, sale, celui-ci ne pouvait que le rebuter. Il eut facile à reconnaître celui qu'il avait si souvent tourmenté lorsqu'ils étaient enfants.

Son corps obèse caché par une robe de chambre tachée, les pieds chaussés par de vieilles pantoufles râpées, il semblait sortir tout droit de son lit. Les cheveux en bataille, le regard fuyant, rien ne lui inspirait confiance chez ce solitaire endurci.

-Quand je pense que tu ne sors même pas de chez toi ? Comment fais-tu pour te nourrir Herbert ?

-Tout le monde sait que Loélia me livre chaque semaine.

-On dirait que tu as vingt ans de plus que moi alors que nous sommes de la même année. Tu fais vraiment pitié ! cracha Hugues avec mépris.

Certes, Hugues avait bien meilleure allure que James. Ses cheveux blancs venaient d'être coupés, son visage était basané et il respirait l'intelligence. Il avait vieilli, mais ses vêtements propres et couteux lui donnaient un style chic et classe. Imbu de lui-même, il bomba le torse pour en imposer à ce vieil Herbert misérable.

-Que me vaut ta visite ? finit par demander James, ne cherchant même pas à se défendre.

Il n'avait plus l'âge pour ses enfantillages. Il était las de tout ça. Il sentit malgré tout un profond malaise monter en lui, mélange d'anxiété et de colère. Il ne voulait plus replonger dans ce passé détestable où Hugues le martyrisait et le harcelait.

-Je visite chaque habitant pour en savoir plus sur la disparition de la petite. As-tu vu quelque chose ?

-Je n'ai rien à dire ! dit-il sur la défensive. Surtout pas à toi !

-Je m'en doutais. Tu ne sors jamais, Herbert ?Tu n'es qu'un pauvre type.

-Ne recommence pas.

-Je vois que je peux toujours autant te tourner en bourrique qu'avant. Tu ne changeras jamais. Tu seras toujours une victime, même à ton âge.

-Je n'ai rien à te dire ! Mais si tu m'envoies un collègue peut-être que je lui parlerai à lui. Tu entends, Hugues ? Envoie-moi un collègue. August peut-être ?

-J'entends bien ce que tu me dis. Mais tu n'es qu'un vieux fou. Je suis certain que tu raconteras des salades juste pour attirer l'attention sur toi.

-Ce n'est pas en prenant l'enquête à la légère que vous la retrouverez, répondit James, surpris lui-même par cette répartie inattendue.

Hugues leva les yeux au ciel, insensible face à la remarque de son ancien camarade de classe.

Il n'avait jamais eu beaucoup d'estime pour lui et encore moins de respect. Ce n'était pas aujourd'hui qu'il porterait attention à ses propos.

Hugues MacBeth tourna les talons sans même le saluer. Il traversa le jardin en friche avec dédain puis referma derrière lui la petite barrière en bois.

Son rapport serait vite rédigé. Retraité ou pas, il avait pleinement confiance en son instinct et en ses compétences.

Grâce à lui, les jeunes policiers ne perdraient pas leur temps avec cet abruti.

Ce fut avec suffisance qu'il marcha jusqu'à sa Jaguar flambant neuve, la tête haute.

Il n'y a pas d'âge pour avoir du talent, pensa-t-il fièrement.

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