S'ils s'étaient rencontrés en 2004
Si Amandine et Armando s'étaient rencontrés en à onze ans, Armando aurait réussi à émouvoir Amandine, et celle-ci lui aurait fait peur en retour. Dans la ville où ils habitaient tous deux, différentes écoles primaires avaient été sollicitées pour participer à un concours de dessin. Amandine n'aimait pas beaucoup le dessin, l'un des rares domaine où elle n'excellait pas, mais on ne lui avait pas laissé d'autre choix que de participer. Armando, quant à lui, avait carrément remporté le concours en question, et, à l'exposition qui avait été organisée pour présenter les fruits de cette compétition, son œuvre était à l'honneur.
A l'exposition en question, Amandine s'était rendue le samedi matin ; et Armando l'après-midi. S'il n'avait pas fait la grasse matinée ce samedi là, il l'aurait vue en train d'admirer ce qu'il avait dessiné. C'est pour la qualité technique de son dessin qu'Armando avait remporté le prix : les juges avaient apprécié la précision de son trait de crayon, l'harmonie des couleurs et l'équilibre de la composition. Amandine, elle, n'avait rien à faire de tout ça : elle avait été touchée par ce qui était représenté. En bas à droite de l'œuvre, on pouvait voir un enfant tout petit, recroquevillé sur lui-même, avec à la main un ours en peluche semblant presque plus grand et plus vivant que lui. En haut à gauche, il y avait un groupe d'enfants dansants, riants, et partageant clairement un bon moment. Amandine a dû, ce jour là, passer dix bonnes minutes bloquée là ; les larmes au bord des yeux devant cette représentation d'une séparation d'avec les autres symbolisant trop bien celle qu'elle ressentait chaque jour.
Si Armando avait été là ce matin là, il n'aurait pas pu s'empêcher de demander à Amandine pourquoi son dessin la faisait pleurer. Pour lui, il s'agissait d'un dessin plutôt joyeux : représentant d'un côté le passé confortable dont il était heureux d'avoir bénéficié, et d'autre part le futur empli de confiance qu'il souhaitait pouvoir conquérir. Amandine aurait séché ses larmes, oubliant sa tristesse dans les joies du débat ; tentant d'approfondir l'analyse et de montrer à Armando qu'il avait peut-être en réalité exprimé plus que ce qu'il pensait avoir représenté. Peut-être qu'elle aurait eu raison : peut-être qu'il se voyait plus à droite qu'à gauche, peut-être que cet attachement au confort encore trop présent en lui le séparait des autres déjà passés de l'autre côté du dessin et déjà plus pleinement vivants. Armando l'aurait peut-être même reconnu intérieurement ; mais jamais à voix haute.
Il aurait eu peur de cette inconnue qui se permettait de creuser ainsi son esprit et son monde intime, de cette fille qui semblait avoir tant de facilité à lire en lui et y voir si clairement ce qu'il souhaitait tant cacher. Sa peur se serait teintée d'une once d'énervement devant l'insistance d'Amandine et sa propension à faire des phrases à rallonges emplies de termes compliqués. Pour couronner le tout, elle lui aurait montré son propre dessin, et il y serait resté complètement hermétique. Déjà, techniquement parlant, il ressemblait plus au dessin d'un enfant de neuf ans que de onze. Mais surtout, écrire des mots sur un dessin, aux yeux d'Armando, ce n'était pas du dessin ; c'était de la triche ! Et puis, un dessin choisissant de représenter cartables, livres et cahiers, c'était barbant au possible. Alors, si en plus la dessinatrice affirmait fièrement que son œuvre représentait "l'amour de l'école", Armando n'aurait pas eu d'autre choix qu'ajouter du mépris à la peur et à l'énervement qu'Amandine lui aurait fait ressentir.
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