Chapitre 4 et 5
Chapitre 4
PDV Alec
Allongé sur le dos, un bras derrière la tête, je regardais la pluie tomber au-dehors. Le temps était maussade, à l'image de mon humeur. Las, je tournais la tête vers la place vide à mes côtés. Magnus était précipitamment parti cette nuit, prétextant une urgence au Pandémonium et il n'était toujours pas rentré. Je n'avais pas l'habitude de me mêler de son « travail ». Ses clients lui demandaient des choses que l'Enclave désapprouverait s'il savait, et je préférais donc fermer les yeux et faire comme si je ne savais rien. C'était mieux pour nous d'eux. Pourtant, cette fois, quelque chose me poussait à agir différemment. Je me levais, enfilais un vieux sweat gris et un bas de jogging, et me saisit de mon portable posé sur la table de nuit. Passant une main nerveuse dans mes cheveux en bataille, je priais intérieurement pour qu'il me réponde. Malheureusement, je tombais sur sa messagerie. Dans ma poitrine, mon cœur battait à tout rompre : depuis qu'on se connaissait cela n'était jamais arrivé. Enfin, si, lorsqu'on avait rompu, mais ce n'était plus jamais arrivé depuis. Je le rappelais à nouveau, faisant les cent pas dans la chambre.
- Réponds, s'il te plaît, répond...
Au bout de je ne sais combien d'appels, je me résignais enfin à laisser tomber et laissais un message, essayant de cacher le plus possible la panique dans ma voix. Peine perdue... De toute manière, avec le nombre d'appels en absence qu'il avait de moi, je m'étais déjà trahi... La porte de la chambre s'ouvrit alors sur un petit ange encore à moitié endormi. Je souris et ouvris mes bras dans lesquels il vint aussitôt se blottir.
- Qu'est-ce que tu fais déjà debout, mon ange ? Lui demandais-je d'une voix douce en embrassant ses cheveux bleus.
- J'ai plus sommeil... Marmonna-t-il en se frottant les yeux.
Je souris.
- Oui, je vois ça.
- Il est où papa ?
Je me tendis et me forçais à lui faire un sourire rassurant.
- Papa travaille, mon cœur.
- On peut l'appeler ?
- Oui, on l'appellera tout à l'heure.
Il leva ses yeux bleus ensommeillés vers moi. Il semblait surpris de ma réponse et je ne m'en étonnais guère. Max était toujours anxieux quand l'un de nous n'était pas là, et de ce fait, peu importe ce que nous faisions et où nous étions, s'il voulait nous appeler, on le laissait faire. M'en voulant d'avance, je choisis de lui mentir.
- Ton papa est au Labyrinthe en Spirale. Les portables ne passent pas là-bas. Mais il va bientôt rentrer, ne t'en fais pas.
- Pourquoi t'es triste alors ?
- Je ne suis pas triste.
Je me levais tout en le gardant dans mes bras. Il passa ses bras autour de mon cou, et posa sa tête contre mon épaule.
- Tu devrais retourner te coucher, je te réveille quand papa rentre, d'accord ?
- Non, j'veux pas dormir. J'veux rester avec toi.
- D'accord. Mais moi je fais dodo, donc toi aussi.
Il hocha positivement la tête et je m'apprêtais à retourner me coucher lorsque j'entendis la porte d'entrée s'ouvrir. Je me précipitais dans le séjour, alors que Max s'échappait de mes bras.
- Papa !
Il courut dans les bras de son père, un grand sourire aux lèvres. Magnus croisa mon regard, et je sus aussitôt qu'il y avait un problème. Ma respiration s'accéléra et il reposa Max, avant de s'agenouiller à sa hauteur.
- Qu'est-ce que tu fais debout à cette heure-ci crevette ?
- J'voulais être avec toi et dad.
- Et bien on est là maintenant ! Lui fit Magnus en le reprenant dans les bras.
Il lui lut une histoire et Rafael finit par se lever à son tour. La présence de nos enfants m'empêcha d'interroger Magnus et je dus attendre qu'Izzy arrive pour les emmener avec elle. Aussitôt qu'ils eurent quitté l'appartement, je me tournais vers Magnus, décidais à lui faire subir un véritable interrogatoire.
- Tu étais où ?! Pourquoi tu ne m'as pas répon...
- Circus s'est échappé... Me coupa-t-il.
- Quoi ? Comment ça il s'est échappé ?
- Je sais pas... Je ne sais vraiment pas...
- Le Labyrinthe en Spirale n'est pas censé être l'endroit le plus sûr du monde ?! Crachais-je avec ironie. C'est bien ça que tu me disais, non ?! Ça fait juste deux fois qu'il s'en échappe, mais tout va bien, personne ne se pose de questions !
- Si, on s'en pose ! Tu crois quoi ?! Mais... C'est incompréhensible !
- Ouais, ben peut-être que si tu ne l'avais pas menacé de mort, il ne se serait pas tiré, et qu'on n'aurait pas un sorcier fou, capable de modeler le temps, en liberté !
- Je vais le retrouver, Alec. Dois-je te rappeler qu'il s'en est pris à toi et que de ce fait, j'en fais une affaire personnelle ?!
- Non, on va le retrouver. Ensemble.
Je m'approchais de lui et collais mes lèvres aux siennes.
- Ne disparais plus jamais comme tu l'as fait cette nuit...
- Je ne voulais pas t'inquiéter. Je suis désolé.
- Faut que j'aille à l'Institut... Faut que je les prévienne...
- Oui. Je dois retourner voir Joseph. Faut qu'on retrouve Circus le plus vite possible.
- Je sais... Je vais tout faire pour...
- Fais attention à toi.
- Toi aussi...
Je le quittais à regret et pris le chemin de l'Institut après avoir revêtu ma tenue de combat. J'activais ma rune d'invisibilité et traversais les rues embrumées de New York. Un brouillard épais recouvrait la ville, faisant disparaître dans sa brume l'eau glacée de l'East River. Il régnait un froid glacial et le trajet me parut interminable. Arrivé devant l'Institut, je me figeais : l'allée menant à la chapelle était recouverte d'orchidées blanches. Je suivis le chemin qu'elles semblaient tracer et pénétrais dans la chapelle, poussant la lourde porte en bois. Je dégainais mon arc et l'armais, prêt à tirer si besoin.
- Dad...
Je me retournais brusquement et mon cœur rata un battement. Circus se tenait devant moi, tenant mes fils par la main. Ces derniers me lancèrent un regard effrayé, bien que cela semble plus dû au fait que je pointais mon arc sur eux, qu'au sorcier. Je baissais donc mon arme immédiatement.
- Max, Rafael. Pourquoi vous n'êtes pas avec votre tante ?
- Tu as de charmants garçons, Alexander. Me fit Circus en souriant.
Il portait toujours son habit et son maquillage d'arlequin.
- Leur tante s'est malencontreusement endormi, laissant ces adorables enfants sans surveillance. J'ai donc trouvé plus prudent de les surveiller moi-même.
- Éloigne-toi de mes fils... Lui ordonnais-je entre mes dents sans le quitter des yeux.
- Dad, Circus il nous a acheté pleins de bonbons ! Me fit Rafael en me montrant le sachet de sucrerie qu'il tenait à la main.
- Je vois ça... Mon cœur, tu veux bien venir me montrer tout ça ?
Je tendis la main vers lui et il lâcha la main de Circus. Je le pris aussitôt dans mes bras, essayant de cacher le plus possible mon anxiété.
- Max ? Appelais-je. Viens, toi aussi !
Il voulut à son tour lâcher la main du sorcier, mais celui-ci le retenu.
- Lâche-le ! Hurlais-je, faisant sursauter mes fils.
Dans mes bras, Rafael s'agita.
- Dad, qu'est-ce qu'il y a ?
Je ne répondis pas, me contenant de fixer les yeux effrayés de Max.
- Je n'ai pas l'intention de leur faire du mal, tu sais. Ni à eux, ni à qui que ce soit. Me fit Circus en relâchant enfin le plus jeune de mes fils.
Je les écartais alors tous les deux le plus possible de lui.
- Les garçons, rejoignez l'Institut, maintenant !
Ils m'obéirent et je poussais un soupir de soulagement. La colère revint aussitôt que j'eus posé mes yeux sur ce sorcier. L'attrapant par le col de sa veste multicolore, je le plaquais contre l'autel.
- Ne t'approche plus jamais d'eux !
Il éclata de rire.
- Alexander, je les aime bien tes fils, je n'ai aucune envie de leur faire du mal. Je veux juste m'amuser !
Il pencha la tête sur le côté et me dis :
- Ton cœur est blessé et je le comprends. Tu n'as pas pu sauver l'homme que tu aimes, tu ne peux rien faire pour atténuer sa souffrance. Vous souffrez tous les deux. Mais j'ai la solution tu sais. J'ai la solution à tous vos problèmes.... Il y a quelque chose que je veux et que je ne peux obtenir. Et j'ai quelque chose que tu veux et que tu ne peux obtenir. On pourrait peut-être s'entraider, non ? J'ai cru comprendre que tu souhaiterais passer l'éternité aux côtés de ta famille. Je peux t'offrir cela.
- Non, tu ne peux pas. Lui fis-je en le relâchant et en m'écartant légèrement de lui. Personne ne le peut.
- Oh si, je le peux. Mais il faut que votre amour soit sincère et pur. Il faut que vous soyez de réelles âmes sœurs. Et cet amour pourra me permettre de récupérer quelque chose qui m'est très précieux. Cette chose me libérera et te donnera ce que tu veux le plus au monde.
- Quelle chose ? Demandais-je, soudain intéressé.
Il me demanda de me pencher vers lui et me murmura quelque chose à l'oreille. Je haussais les sourcils, surpris.
- Tu te fous de moi, là ?! Fis-je avec un sourire moqueur.
- Oh ne crois pas que cela soit aussi facile. Je te l'ai dit, seul un amour pur peut s'en emparer.
- Et c'est tout ? Tu veux que je récupère ce truc et tu me donnes l'immortalité ?
- Je te donnerai plus que ça, Alexander. Mais avant, je dois m'assurer que votre amour est celui que je recherche.
- Qu'est-ce qu'il faut que je fasse ?
Il me sourit. J'étais peut-être en train de faire une grave erreur, erreur que j'avais déjà commise dans le passé, mais je n'arrivais pas à me résoudre à devoir un jour quitter celui que j'aimais et mes fils. Plus les années passaient, plus cela m'était insupportable, bien que je prétende le contraire à tout le monde.
- Fais-toi aimer de lui.
Je lui souris.
- Il est déjà amoureux de moi.
- Oh excuse-moi, je me suis mal exprimé.
Il tourna autour de moi comme un aigle s'apprêtant à fondre sur sa proie.
- Ton chéri a traversé de dures épreuves avant d'être le sorcier que tu connais aujourd'hui. Il y a une époque où il détestait le monde entier, une époque où il aurait tout donné pour voir les gens de ton espèce, morts. Fais-toi aimer de ce Magnus Bane, et je te donnerai ce que tu veux....
PDV Magnus
Lorsque je pénétrais dans l'Institut, mes fils me sautèrent dessus en riant.
- Hey, mes anges. La journée s'est bien passée ?
- Ouiii ! S'écrièrent-ils avec enthousiasme. On a mangé plein de bonbons !
- Je vois ça... Fis-je en remarquant les emballages de bonbons étalés sur la table de la salle de surveillance.
Jace s'avança vers moi, le visage grave.
- Max, Rafael, allez jouer avec tante Clary ! Leur ordonna-t-il.
- Qu'est-ce qu'il y a ? Demandais-je, anxieux.
- Circus a approché les enfants et il a disparu.
Je tournais les yeux vers mes fils qui jouaient à présent avec leurs tantes. Ils semblaient aller bien, pourtant, il manquait une personne qui aurait dû être à leurs côtés, à mes côtés, à cet instant même.
- Où est Alexander ? Demandais-je d'une voix tremblante à Jace.
- Je n'en ai aucune idée... Les garçons ont dit qu'Alec était avec Circus dans la chapelle, mais quand j'y suis allé, ils avaient disparu... Tous les deux...
Je fermais les yeux et Jace dut me soutenir pour que je ne m'écroule pas. Mon dieu, Alec, mais qu'as-tu fais ?
PDV Alec- Espagne- 1617
Est-ce que j'avais pris la bonne solution ? Je n'en étais pas certain, pas au début en tout cas. Puis j'avais croisé son regard, et là, là tout était devenu plus clair. Je devais le sauver...
Flash Back
Après suivi le plan que m'avait donné Circus, j'avais franchi les portes de ce qui semblait être un monastère. Tout était en ruine. Les flammes d'un incendie avaient tout réduit en poussière, et de la fumée s'échappait encore des cendres par endroits. Seuls les murs en pierres avaient résisté, noircis par les flammes. Des bruits de pas se firent entendre derrière moi. Tournant la tête, je le vis, là, devant moi, à à peine quelques mètres de moi. Ses yeux se transformèrent et il leva la main vers moi. La seconde d'après, je me retrouvais à l'opposé de l'endroit où je me trouvais, reprenant difficilement conscience. Lorsque je relevais les yeux, il avait disparu....
Fin Flash Back
Marchant dans les rues désertes, commençant à désespérer de le retrouver, je me massais les tempes. Bien que la nuit soit tombée, il faisait toujours très chaud et un mal de tête me vrillait le crâne. Ma vue se faisait de plus en plus floue sans que je sache si cela était dû à la chaleur ou à mon mal de tête. M'appuyant contre une vieille bâtisse, j'essayais de reprendre mes esprits. Peine perdue. Une douleur plus importante que les autres me donna l'impression qu'on me transperçait le crâne en deux. Gémissant, je me laissais tomber à genoux sur le sol. Tremblant, j'appliquais une nouvelle Iratze sur mon bras, mais comme celles qui l'avaient précédée, elle ne fût d'aucun effet. La tête me tourna et je finis par m'évanouir.
Lorsque je me réveillais, je mis un moment avant de me rappeler les derniers événements. J'ouvris les yeux péniblement. J'étais allongé sur un lit, les poignets attachés. Regardant autour de moi, j'examinais la pièce. Enfin, autant que la légère lueur produite par la bougie posée près du lit, me le permettait. La chambre était pratiquement vide, excepté un vieux bureau en bois et des étagères cassées.
- Enfin tu es réveillé...
Mes réflexes de chasseur d'ombres me firent me retourner brusquement vers l'origine de la voix. Visiblement, ma rune de langage demeurait activée, ou alors parlait-il ma langue ? J'avais encore du mal à remettre de l'ordre dans mes idées. Par contre, cela ne m'empêchait pas de le trouver toujours aussi magnifique... Il s'avança plus dans la lumière et retira le capuchon de sa cape, révélant un peu plus son visage. Il paraissait tellement jeune... Si le crayon noir autour de ses yeux était déjà présent, les paillettes et les mèches de cheveux colorées, étaient en revanche absentes.
- Qui es-tu ?
D'accord, là je n'avais plus de doute. Ma rune de langage était encore activée.
- Qui es-tu ? Me répéta-t-il en voyant que je ne répondais pas. Et c'est quoi cette tenue ? Rajouta-t-il en fronçant les sourcils. Et pourquoi me regardes-tu comme ça ?!
L'air enfantin qu'il afficha me fit sourire.
- Je m'appelle Alec Lightwood. M'exprimais-je dans un indonésien parfait.
Parler cette langue me faisait toujours bizarre mais pas plus que l'entendre lui s'exprimer dans celle-ci. Il détestait ce pays et tout ce qui si rapportait, et si parfois il lui arrivait de parler dans sa langue maternelle, cela était très rare et bref.
- Et toi, quel est ton nom ? Lui demandais-je en retenant un sourire.
J'allais peut-être enfin savoir son vrai nom, celui qu'il a toujours refusé de me révéler.
- Peu importe qui tu es, il y a une chose que tu dois savoir. Ici, c'est moi qui poses les questions ! Me répondit-il froidement.
- D'accord, pas de souci. Juste sache que je ne te veux aucun mal, bien au contraire.
- Pourquoi tu me suivais ? Pourquoi tu me cherchais ?! Ce sont eux qui t'envoient, c'est ça?!
- Qui ça « eux » ?
Le voyant s'agiter et craignant qu'il ne fuie à nouveau loin de moi, je me levais tant bien que mal et m'approchais de lui. Erreur. Il recula et je vis, bien qu'elle fût brève, une lueur d'inquiétude traverser ses yeux mordorés.
- Excuse-moi, je ne veux pas t'effrayer. Est-ce que tu pourrais juste... (je désignais mes poignets attachés), me détacher, s'il te plaît ? Je te jure que je ne vais pas m'enfuir.
Il baissa le regard vers ces derniers et je compris aussitôt que ma fuite possible n'était pas la raison de ces liens. Non, il avait peur de moi, il avait peur que je lui fasse du mal. Je décidais donc de reculer sans le lâcher des yeux. A cet instant pourtant, je n'avais qu'une envie, le serrer dans mes bras...
- Je ne te veux pas de mal... Je t'assure... Je sais que tu n'as aucune raison d'avoir confiance en moi, mais regarde-moi dans les yeux, ou... Prends mes mains.
Je tendis mes mains liées vers lui.
- Tu es un sorcier. Sers-toi de tes pouvoirs pour lire la vérité en moi.
Il recula un peu plus en me lançant un regard effrayé.
- Qu'est-ce que tu me veux ?
Je m'assis sur le lit en soupirant. Il allait falloir que je trouve un mensonge très convaincant parce que le « je viens du futur où toi et moi allons nous marier et où on est pères de deux petits garçons », risquerait de ne pas passer.
- Je... Je suis là pour te protéger. Je suis ce qu'on appelle un chasseur d'ombres, je ne sais pas si tu en as déjà rencontré ?
Il secoua négativement la tête.
- Je chasse les démons et je protège les terrestres.
- Les quoi ?
- Les terrestres. Les humains, si... Si tu préfères. Les gens qui...
- T'es un terrestre toi? Me coupa-t-il.
Je souris. Malgré ce qu'il voulait faire paraître, son impatience trahissait son jeune âge.
- Non, moi je suis un demi-ange. Un néphilim.
- Et tu chasses les gens comme moi ?
- Non, je chasse les démons et toi tu n'es pas un démon.
Il s'avança vers moi et leva la main. Une seconde plus tard, une assiette remplie de nourriture et un verre d'eau étaient disposés à mes côtés, sur le lit.
- Si tu as faim... Murmura-t-il.
- Merci. Tu pourrais me détacher pour que je puisse... Je ne vais pas te faire de mal.
- Tu n'espères tout de même pas que je vais te croire ?
- Si. Si, je l'espère.
Il se pencha vers moi, ancrant ses yeux dans les miens. Cette soudaine proximité me donna encore plus envie qu'avant de l'embrasser et de le prendre dans mes bras. Je n'étais pas habitué à cette froideur envers moi de sa part et même si je ne le montrais pas, cela me blessait.
- Tu crois vraiment que je vais te détacher alors que tu as avoué chasser des démons ?
- Des démons oui, pas des sorciers !
- Je suis pire qu'un démon... je suis une abomination...
- Quoi ? Non, non ! Magnus, s'il te plaît...
- Comment tu m'as appelé ?! S'étonna-t-il.
- Je...
Je ne savais plus quoi dire. On m'avait toujours dit que je ne savais pas mentir mais je crois que je n'avais jamais vraiment réalisé que c'était à ce point-là.
- Pourquoi m'appelles-tu comme ça ? Tu dois confondre avec quelqu'un d'autre...
Je levais les yeux vers lui. Si la méfiance à mon égard était toujours présente, l'évocation du nom sous lequel je le connaissais, l'intriguait plus qu'autre chose. Visiblement, il n'avait toujours pas croisé la route des Frères Silencieux et donc il ne répondait toujours pas à ce prénom.
- Peut-être oui... Peut-être que tu n'es pas le garçon que je cherche... Mentis-je aussi bien que je le pus.
- Je peux peut-être t'aider...
- C'est vrai ? Tu veux bien m'aider ?
Il eut un sourire enfantin et hocha positivement la tête.
- Oui je vais t'aider à trouver ce garçon.
Chapitre 5
PDV Alec
Lorsque je me réveillais le lendemain matin, les liens maintenant mes poignets avaient disparu. Sentant une présence dans la pièce faiblement éclairée, je tournais la tête vers la porte. Cette dernière était ouverte et il se tenait appuyé contre l'encadrement. Les bras croisés, il me fixait en souriant. Contrairement à la veille, sa tenue était beaucoup moins « sobre », bien qu'elle reste toujours éloignée de celles que je lui connaissais. Son sari bleu était surmonté d'une dizaine de colliers en tous genres. Levant les yeux vers son visage, je fus à nouveau frappé par ses jeunes traits. Il fronça les sourcils et son sourire disparu.
- Pourquoi tu me regardes comme ça ? Me fit-il d'un ton méfiant.
- Et toi ? Pourquoi me fixes-tu comme ça en souriant ?
- Parce que tu ronfles !
- Non, je ne ronfle pas.
- Si.
- Non !
- Si ! Ne cherche pas à me contredire, j'ai toujours raison !
- Vraiment ? En tout cas ce n'est pas la modestie qui te tuera toi !
- Rien ne peut me tuer, je suis immortel !
- Ne pas vieillir ne signifie pas que tu ne peux pas mourir, tu sais...
Bien que je n'aie en aucun cas prononcé cette phrase sur le ton de la menace, il se tendit aussitôt et ses yeux prirent la forme de ceux d'un chat.
- Que dois-je comprendre, néphilim ? Tu me menaces ?
- Non. Répondis-je d'un ton calme. Je te mets en garde. Je n'ai pas envie qu'il t'arrive quelque chose.
Il éclata d'un rire sans joie qui me fit froid dans le dos. Il s'avança et se pencha vers moi, son visage si près du mien que je reculais malgré moi. Si je n'avais toujours vu que de l'amour dans les yeux du Magnus que je connaissais, il n'y en avait aucun dans les yeux du garçon que j'avais en face de moi.
- Personne ne peut rien me faire. Cracha-t-il. Il n'y a personne de plus puissant que moi. Alors si j'ai un conseil à te donner, ne me menace plus jamais. Sinon...
Il claqua des doigts et je sursautais. Il sourit d'un air satisfait.
- C'est bien, je vois que tu sais que je peux te tuer en un claquement de doigt...
- Mais tu ne le feras pas... Risquais-je en soutenant son regard.
- Et pourquoi ça ?
- Parce que tu n'es pas un criminel.
- Tu ne me connais pas ! Tu ne sais pas de quoi je suis capable !
Je te connais mieux que personne... Pensais-je.
- Je ne te menace pas. Lui fis-je. Je t'assure....
- Tu n'es surtout pas en position de le faire...
Il se recula et pendant un instant je fus tenté de le retenir. J'amorçais d'ailleurs un mouvement vers lui. Il recula en fronçant les sourcils mais ne releva pas.
- Tu veux manger quelque chose ? Me demanda-t-il.
- Non, merci...
- Tu devrais. Tu n'as déjà rien mangé hier soir. Me fit-il remarquer en désignant le plateau repas, posé près du lit, sur le sol, et auquel je n'avais pratiquement pas touché. Je vais finir par croire que je ne sais pas cuisiner.
- C'est toi qui l'as fait ? Demandais-je d'un air soupçonneux.
Il rit et ses yeux brillèrent de malice.
- Je plaide coupable pour avoir peut-être volé ça à la ferme d'à côté !
- Ce n'est pas bien le vol ! M'offusquais-je faussement en lui souriant.
- J'ai laissé un paiement !
Je souris et me levais. Il recula aussitôt et me lança un regard méfiant. Je fis comme si je n'avais rien remarqué et regardais autour de moi à la recherche de mes armes. Rien...
- Si tu cherches ces choses que tu avais avec toi et qui sont fortement susceptibles de me tuer, je m'en suis débarrassé.
- Je croyais que tu ne pouvais pas mourir ?! Rétorquais-je, sarcastique.
- J'ai dit « susceptible de me tuer ». Je ne prends aucun risque.
- D'accord... Tu... Dis-moi que tu ne t'es pas débarrassé aussi de ma stèle ?
- T'as quoi ?!
- Ma... Ça ressemble à une longue branche élancée. C'est fait avec de l'Adamas. Il y a des... Tu comprends rien à ce que je te raconte, c'est ça ? Finis-je par demander face à la façon dont-il me regardait.
- C'est quoi un « Adamas » ?
- C'est... Tu... Tu n'as jamais croisé un chasseur d'ombres de ta vie, pas vrai ?
Il secoua négativement la tête avant de fouiller dans ses poches et de me tendre (par l'Ange, merci), ma stèle.
- C'est ça que tu cherches ?
- Oui...
- Hum... Dommage, je l'aurais bien gardé.
- Sérieusement ?
- Oui. Je suis toujours sérieux.
- Si tu le dis... Marmonnais-je en récupérant ma stèle.
Mes doigts frôlèrent brièvement les siens, me faisant frissonner. Il retira aussitôt sa main, me regardant étrangement, mais garda à nouveau le silence. Je me détournais de lui, faisant mine de chercher autre chose, et lui dit :
- Hier soir tu m'as dit que tu acceptais de m'aider à trouver le garçon que je cherche. Tu es toujours d'accord ?
- Oui. Mais avant j'aimerais savoir pourquoi tu le cherches.
- Il est en danger. Il a besoin de moi.
- Et qui te dit qu'il a besoin de toi ?
- Tu poses beaucoup de questions. Si tu n'as pas confiance en moi, autant jouer cartes sur table, tu ne crois pas ?
- Je n'ai pas confiance en toi. Répondit-il du tac au tac. Et je te l'ai dit, ici c'est moi qui pose les questions, et toi qui y réponds. Donc je me répète : qui te dit qu'il a besoin de toi ce garçon ? Puis c'est qui d'abord ? Un sorcier ?
- Oui. Oui un jeune sorcier.
- Il n'y a pas de jeune sorcier ici.
J'eus une exclamation de dédain.
- Même pas toi ?
- J'ai 130 ans, je ne suis plus tout jeune.
- 130 hein ? Est-ce que je t'ai dit qu'en réalité j'en ai 3000 ?
Il haussa les sourcils avant d'éclater de rire.
- D'accord, j'avoue.
Il leva les mains en signe d'excuse.
- Je n'ai pas 130 ans.
Il s'approcha de mon oreille, se mit sur la pointe des pieds et me murmura : « je suis beaucoup plus vieux ». Je soupirais d'exaspération alors qu'il éclatait de rire avant de s'écarter à nouveau de moi. Je déglutis difficilement face à son sourire. L'envie de le prendre dans mes bras et de l'embrasser, voire même d'autres choses beaucoup moins sages, se fit plus forte.
- Comment tu t'appelles ? Lui demandais-je soudain.
- Je n'ai pas de nom.
- On a tous un nom.
- Pas moi...Appelle-moi comme tu veux. Ça m'importe peu.
- Bien. Alors, Monsieur « je n'ai pas de nom », tu vis seul ici ?
La façon dont je l'avais appelé le fit sourire.
- Qui te dit que je vis ici ?
- Et bien tu m'as enfermé là, et d'après ce que je vois, je dirai que cet endroit pourrait être ta chambre.
- Possible.
- Ton possible sonne comme un oui.
- Je vis ici et ailleurs. Je n'ai pas vraiment d'endroit fixe.
- Tu as de la famille ?
J'avais ancré mes yeux dans les siens lorsque j'avais prononcé ces mots. Je voulais voir sa réaction.
- Je n'ai pas de famille. Me répondit-il froidement.
- Des amis peut-être ?
- Tu poses beaucoup de questions. Je pensais pourtant avoir été clair.
- Tu l'as été... Je.. Je suis désolé, je suis parfois trop curieux.
- Hum... Bon allez, viens. On va le trouver ton sorcier.
New York- Présent- PDV Jace
Magnus était nerveux. Très nerveux. Je l'observais faire les cent pas depuis le début de la matinée.
- Magnus... Soupirais-je.
Il s'arrêta et se tourna vers moi, blanc comme un linge.
- Quoi ? Tu as eu des nouvelles d'Alexander ?!
Je soupirais à nouveau. Magnus avait toujours été très nerveux lorsqu'il s'agissait d'Alec. La mortalité de mon frère expliquait en partie ce comportement. Aujourd'hui je savais qu'il avait de réelles raisons de s'inquiéter, certes, mais paniquer de nous aiderait pas.
- Il faut que tu te calmes. On a besoin de réfléchir à un plan d'action. Calmement. Insistais-je.
- Je suis calme ! Me dit-il d'un ton cassant.
- Vraiment ?
- Non ! Non je ne le suis pas ! Alexander est en ce moment même je ne sais où avec ce dégénéré de Circus ! S'il l'a envoyé dans le passé, il est fort probable que toi et moi ne soyons plus là à discuter, calmement, comme tu dis, dans quelques heures ! Voir que nous soyons plus là du tout...
- Alec n'est pas stupide. Il sait qu'on ne peut pas changer le passé, ni intervenir.
- Tu crois vraiment à ce que tu viens de dire, Jace ? Si ton frère me voit souffrir, il interviendra sans une once d'hésitation et tu le sais très bien.
Je baissais les yeux. Il avait raison. Alec ne pourrait se résoudre à regarder Magnus souffrir sans rien faire. Il n'y avait qu'à voir ses précédentes réactions et le mal que j'avais eu pour l'empêcher d'intervenir, pour savoir que oui, il ne resterait certainement pas les bras croisés. Et il ne pouvait que donner raison au sorcier : cela était problématique, très problématique...
- Il faut retrouver Circus. Et vite !
- Qu'est-ce que tu crois que j'ai essayé de faire toute la nuit?! Je n'arrive pas à le localiser, et je n'y arrive pas parce que tout simplement il n'est pas dans cette dimension !
- Alors allons dans la dimension où il est !
- Et comment veux-tu que je le sache ?! Je ne peux savoir en quelle année il a envoyé Alec. Et même si je le savais, il me faudrait connaître le jour exact, l'heure exacte... A la seconde près. C'est impossible !
Il s'assit dans le canapé, et se prit la tête dans les mains. M'approchant de lui, je posais ma main sur son épaule.
- On va le retrouver et tout va rentrer dans l'ordre. Il faut que tu restes fort, Magnus. Pense à tes fils...
Il releva brusquement la tête, encore plus pâle qu'il ne l'était. Je reculais.
- Les garçons... Qu'est-ce que je vais bien pouvoir leur dire ?
- Qu'Alec est en mission, ce n'est pas la première fois que...
- Mais là c'est différent ! Je ne peux pas les regarder droit dans les yeux en leur jurant que tout va bien et qu'ils ne faut pas qu'ils s'inquiètent !
- Et si tu les envoyais chez Robert ?
Il me foudroya du regard. Malgré les années qui avaient passé, Magnus ne pardonnait toujours pas l'attitude que mon père avait eue envers Alec au début de leur relation. De ce fait, il n'aimait pas spécialement que ses fils soient avec leur grand-père, et encore moins à Idris.
- Certainement pas. Ta sœur est avec eux, c'est très bien comme ça.
Je soupirais, las, et m'assis à côté de lui.
- Magnus, je sais que tu es inquiet, et crois-moi, je le suis autant que toi.
Je soulevais mon tee-shirt, et lui montrais l'endroit où aurait dû se trouver ma rune parabataï.
- J'ai la conviction qu'Alec va bien, mais le fait d'avoir vu cette rune disparaître...
Je secouais la tête.
- On va retrouver ce dégénéré de ce sorcier et ramener mon frère à notre temps !
- Faut qu'on le fasse vite, Jace... Très vite...
Espagne- 1617- PDV Alec
Cela faisait des heures que je le suivais. Plus nous avancions vers le sommet d'une colline, que nous avions emprunté une ou deux heures plus tôt, plus un air glacial se faisait ressentir. Je resserrai ma veste autour de moi et jetais un œil vers Magnus. Il portait qu'une chemise en flanelle sur un pantalon en velours fin, rien d'autre.
- Tu n'as pas froid ? Lui lançais-je alors qu'il m'avait devancé de plusieurs mètres déjà.
Il s'arrêta et se tourna vers moi, m'obligeant à m'arrêter brusquement pour éviter de lui rentrer dedans. Il me fit un sourire moqueur.
- Tes capacités de survie laissent à désirer, néphilim.
- Je ne vois pas le rapport entre le fait d'avoir froid et...
- Moi je le vois. Me coupa-t-il. C'est l'essentiel, non ?
- Je... Tu m'emmènes où là ? Est-ce que tu sais au moins où tu vas ?
- Je sais toujours où je vais. Retiens bien ça, ça pourrait te sauver la vie un jour !
Il reprit son chemin. Levant les yeux au ciel, je me résignais à le suivre. Sur le chemin, il ne s'arrêta pas de parler de tout et de rien, sautillant en riant. Je souris de le voir faire, de le voir s'émerveiller pour tout et rien. Lorsqu'on arriva enfin en haut de la colline, la nuit commençait à tomber.
- On va dormir là quelques heures puis on repartira au lever du soleil. M'annonça-t-il.
- D'accord. Est-ce que...
Il agita la main et une tente apparut, répondant ainsi à ma question silencieuse.
- Les nuits sont froides ici, tu pourras t'abriter, néphilim.
Il agita à nouveau la main, et créa un feu à quelques mètres de la tente. Il s'assit en tailleur devant lui et le fixa. Il semblait triste tout à coup. Je l'imitais. Nous restâmes silencieux plusieurs minutes avant que je ne rompe le silence.
- Tu es jeune, cela se voit aux traits de ton visage.
Je ne mentais pas. Le Magnus « adulte » que je connaissais, bien qu'ayant toujours l'apparence d'un adolescent de 19 ans, avait des traits de visage, qui, si on prenait le temps de les regarder attentivement, trahissaient une certaine maturité qu'on n'acquiert qu'avec l'âge. Il tourna le regard vers moi. Les flammes orangées se reflétaient dans ses yeux mordorés, les rendant encore plus magnifiques qu'ils ne l'étaient déjà. Je pinçais les lèvres, espérant ainsi résister à l'envie de les poser sur le jeune homme que j'avais à côté de moi.
- Tu trouves que je fais jeune ?
- Absolument pas ! Mentis-je avec un sourire.
Il me le rendit et détourna le regard.
- J'ai 17 ans.
- Et bien pour un jeune sorcier, je trouve que tu as une maîtrise de tes pouvoirs plutôt efficace.
- Tu n'as même pas idée.
- Un petit peu, si. Je te rappelle que j'ai failli avoir une jolie bosse à cause de toi. Il y a une raison pour laquelle j'ai eu droit à un aussi chaleureux accueil ?
- Tu me suivais.
- Je plaide coupable.
- Tu m'intriques beaucoup, néphilim.
- Toi aussi, jeune sorcier.
- Tu devrais aller dormir...
- Toi aussi.
Il jeta un regard inquiet autour de lui.
- Oui.
- Quelque chose te fait peur ?
Il me lança un regard méprisant.
- Je n'ai peur de rien.
- Vraiment ? Alors pourquoi tu as jeté des sorts de protection tout autour de nous ?
- Simples précautions.
- Tu es jeune. Et tu n'es certainement pas espagnol. Alors pourquoi être venu jusqu'ici ? On doit sûrement te chercher en Indonésie.
- Comment sais-tu que je viens de là-bas ? Me demanda-t-il sur un ton soupçonneux.
- C'est cette langue que tu parles. Puis les traits de ton visage aussi. C'est pas vraiment ceux d'un Espagnol.
Il me sourit et je le lui rendis.
- Tu n'es pas si idiot que ce que tu en as l'air finalement ! Me fit-il.
- Je ne suis pas sûr d'être censé le prendre comme un compliment.
Il haussa les épaules tout en continuant à me sourire. Mon cœur rata un battement. Je retombais amoureux de lui à chaque fois que je posais mon regard sur lui.
- Pourquoi tu me regardes toujours comme ça ?
- Je te regarde comment ?
- Avec désir ! Ça ne me plaît pas !
Je ris.
- Tu as une petite amie ?
- Non.
- Un petit ami peut-être, alors ?
Il ouvrit de grands yeux choqués mais son regard vira vite à la curiosité.
- Un homme peut aller avec un autre homme ? Me demanda-t-il ? Mais... Comment ?
- Heu...
Je rougis. Je ne m'y attendais pas à ça. Intérieurement, je me frappais. Il n'avait que 17 ans, il ne devait certainement pas connaître tout à ce niveau-là ! Surtout compte tenu de l'époque dans laquelle on se trouvait. J'étais habitué à une autre version de lui mais il allait falloir que je m'adapte à celle que j'avais actuellement à mes côtés, et vite.
- Tu... Tu finiras par découvrir ça de toi-même.
- Tu as déjà couché avec un garçon toi ?
Que répondre ? La vérité et prendre le risque de le voir fuir ou lui mentir et craindre de perdre sa confiance s'il découvrait que j'avais menti ?
- Oui. Oui je suis même marié à un homme. Un sorcier. Lui fis-je.
- Un sorcier ?! S'étonna-t-il.
Je reportais mon attention sur lui. Il ne semblait pas dégoûté ni même effrayé. Je me détendis.
- Oui, un sorcier.
- Il s'appelle comment ? Peut-être que je le connais !
- Peut-être...
Je me levais et fis tomber le portable que j'avais dans la poche. Je le fixais un instant et je sus immédiatement que cette soirée risquait de vriller à la catastrophe. Il s'en saisit et je déglutis difficilement. S'il avait le malheur de toucher l'écran celui-ci s'allumerait sur une photo de Magnus et moi. De lui et moi... Les deux versions avaient beau avoir des siècles de différences, physiquement, ils étaient, à quelques détails près, parfaitement semblable.
- Qu'est-ce que c'est ?
- C'est... c'est un truc d'ange.
- Je ne jamais vu ça avant. A quoi cela sert-il ?
- A.. A communiquer. Mais il est cassé, il ne fonctionne plus.
- Je peux le réparer ! S'exclama-t-il soudain.
Effrayé, je le lui arrachais des mains. Il haussa les sourcils.
- Qu'est-ce que tu caches ?
- Rien, je n'aime juste pas qu'on touche à mes affaires ! Répondis-je sur un ton plus agressif que je ne l'aurais voulu.
Il ne me répondit pas, se contentant de me fixer comme s'il pouvait lire en moi. Je soutins son regard autant que je pus. Ses yeux semblaient me crier qu'ils savaient que je mentais.
- Tu devrais aller te coucher, néphilim. On repart dans quelques heures à peine.
Je ne me le fis pas dire deux fois, et me détournais de lui avant de partir me coucher sous la tente. Faisant glisser mon pouce sur l'écran de mon téléphone, je souris en voyant ma famille en fond d'écran. Mes deux fils et celui que j'aimais...
- Dommage que tu ne fonctionnes pas ici...
Les garçons me manquaient et Magnus... Il devait être fou d'inquiétude. Mais je faisais tout ça pour lui, pour nous, pour nos fils...
J'ignore depuis combien de temps j'avais trouvé le sommeil lorsque je fus réveillé en sursaut. Je mis quelques secondes avant de comprendre ce qui m'avait tiré du sommeil. Le feu s'était éteint, entraînant une nette baisse de la température dans la tente. Mais ce n'était pas cela qui m'avait réveillé mais un cri. Je sortis avec précipitation et vis la version jeune de Magnus agenouillé à quelques mètres de moi, la tête dans les mains, tremblant. Je m'approchais de lui doucement. L'air était glacial, plus glacial qu'il ne devrait. Était-ce lui qui faisait ça ? M'agenouillant à ses côtés, je posais ma main sur son épaule. Il releva la tête vers moi et je vis des larmes couler sur ses joues. Instinctivement, je le serrais dans mes bras. Bien évidemment, il me repoussa violemment.
- Éloigne-toi de moi !
- Chut, tout va bien, je ne vais pas te faire de mal, calme-toi...
- Lâche-moi ! Hurla-t-il.
Je réalisais alors que je tenais encore son bras. Je le relâchais précipitamment. Pour autant, sa respiration ne fit que s'accélérer un peu plus et le temps se fit toujours plus froid.
- S'il te plaît, calme-toi...
- Reste... Éloigné de moi !
Ses yeux de chats vrillés sur moi, étaient empli de terreur. Mais ce n'est pas de moi qu'il avait peur...
- Tu as peur de me faire du mal... Murmurais-je, plus pour moi que pour lui cependant.
Je n'étais même pas certain qu'il m'ait entendu.
- Tout va bien, essaye juste de te calmer.
- Va-t-en... Va-t-en !
- Non, je ne vais nulle part. Je vais rester ici, avec toi. Tu ne me feras rien de toute façon.
- Je... Je ne les contrôle pas ! Me fit-il en regardant ses mains dont s'échappaient des étincelles bleues.
- Si, tu les contrôles !
- Non ! Hurla-t-il. Pas... Pas tout le temps !
- Alors si tu ne les contrôle pas, pourquoi suis-je encore vivant ?
Ma remarque eut l'effet escompté. Surpris, il se focalisa sur autre chose que sur sa magie. Les étincelles bleues disparurent et je pris son visage en coupe.
- Regarde-moi ! Regarde-moi !
Ses yeux se fixèrent dans les miens. Je pouvais encore y lire de la peur. Il essaya à nouveau de se dégager, mais, cette fois, je le maintins contre moi.
- Respire calmement. Cale ta respiration sur la mienne.
Il se calma progressivement et je lui souris tendrement.
- Magnifique, vraiment touchant...
Je tournais vivement la tête vers la voix inconnue, enfin pas si inconnue que ça.
- C'est qui lui ? S'exclama Magnus avant que Circus ne passe ses doigts sur son front et qu'il ne s'écroule dans mes bras.
L'allongeant au sol, je fusillais ce foutu sorcier du regard.
- Ne me regarde pas comme ça, Alexander, il va juste dormir un tout petit peu !
- Pourquoi es-tu là ?! Notre marché risque de s'éterniser si tu interviens toutes les cinq minutes !
- Notre marché risque surtout de voler en éclats si ton petit ami continue à me mettre des bâtons dans les roues.
S'accroupissant, il regarda tristement le visage de la version jeune de Magnus.
- Je le préférais à cet âge... Bien que déjà très prétentieux et colérique, il en demeurait tout de même plus....supportable.
Il avança la main vers lui mais je bloquais son geste.
- Ne le touche pas !
Circus me fit un sourire attendri qui me mit plus mal à l'aise qu'autre chose.
- C'est... surprenant... de voir à quel point ton amour envers lui est infaillible. Et le sien aussi... A des siècles de notre époque et vous connaissant à peine, vous vous regardez encore avec... Arggg je n'ai même pas les mots.
Il versa une seule et unique larme, que je soupçonnais créée par la magie, qui coula sur son visage maquillé entièrement de blanc. Il l'essuya du bout de son index dans un geste théâtral.
- Ça me touche !
- Maintenant que tu as la preuve que lui et moi nous aimerons peu importe les époques, tu pourrais peut-être nous faire passer à la partie B du plan, non ?
- Tut, tut, tut ! Pas si vite, mon mignon !
Je serrais les dents. Ce sorcier m'exaspérait au plus haut point.
- Qu'est-ce qu'il te faut comme preuve encore ? J'ai réussi à le calmer en cinq minutes !
- Oh mais ça ne suffit pas !
Il claqua des doigts et mon portable atterrit dans sa main. Il l'agita ensuite sous mon nez.
- Il va falloir lui dire la vérité ! Il doit tomber amoureux de toi, mais du vrai toi. Il doit savoir qui tu es.
- Tu veux que je lui dise que je viens du futur et que lui et moi sommes.... Ensemble ?! Il n'a que 17 ans ! Il va flipper ! M'offusquais-je. C'est hors de question !
- Votre amour, s'il est pur, résistera à ça, sinon... C'est que je me suis trompé et tu pourras dire adieu à l'immortalité que tu souhaites tant !
- Tu l'as eue ta preuve ! Qu'est-ce qu'il te faut de plus ?!
- Dis-lui la vérité !
Je fermais un instant les yeux avant d'accepter. Je lui retins le poignet avant qu'il ne disparaisse.
- Comment va-t-il ? Et les garçons ?
- Ton petit ami est très remonté contre toi... Tes enfants te réclament.
- Laisse-moi les voir, juste cinq minutes... S'il te plaît...
A mon grand étonnement, il accepta. Le décor autour de moi s'effaça alors et je me retrouvais dans mon salon de l'appartement de Brooklyn. A mon époque. Magnus était là, tout près de moi, assis dans le canapé, le regard ailleurs. Max et Rafael dormaient contre lui. Je souris affectueusement et m'approchais d'eux. Posant ma main sur l'épaule de Magnus, je murmurais doucement son prénom pour ne pas réveiller les garçons. Cependant, il ne réagit pas et je le secouais un petit peu. Toujours aucune réponse.
- Magnus ? Demandais-je en haussant un peu plus la voix.
- Il ne t'entend pas, et il ne te sent pas. Vous n'êtes pas tout à fait dans la même dimension. M'informa Circus. J'ai ouvert une brèche entre les deux pour que tu puisses les voir, mais elle ne peut être totale. Te ramener ici risquerait de compromettre notre mission.
Ma main posée sur l'épaule de celui que j'aimais se resserra.
- Je ne peux pas leur laisser au moins un message ? Leur dire que je vais bien ?
Circus secoua négativement la tête.
- Je regrette. Moi en revanche je pourrais aller les rassurer si c'est ce que tu souhaites. Mais je ne pourrais le faire que quand ton petit ami ici présent abandonnera l'idée de me tuer.
- Tu t'en es pris aux enfants, et à moi. Alors je pense que c'est plutôt toi qui peux abandonner l'idée qu'il ne veuille plus te tuer.
- C'est regrettable... Marmonna-t-il.
Je levais la main et caressais la joue de Magnus.
- Tu es sûr qu'il ne peut pas me sentir ? Moi je le sens pourtant !
- J'en suis certain ! Puis tu vois bien qu'il ne réagit pas.
Ignorant sa réponse, je m'agenouillais face à celui que j'aimais.
- Je te promets que je serai bientôt de retour. Et quand je le pourrais, toi et moi pourrons passer l'éternité ensemble.... Nous et les garçons.
Baissant les yeux vers ces derniers, je déposais un baiser sur leur front.
- Dad sera bientôt de retour, mes anges.
- Il faut y aller ! Me fit Circus.
- Non, laisse-moi encore un peu avec...
Je m'interrompis. Max venait d'ouvrir les yeux, réveillant son frère au passage. Magnus leur dit quelque chose que je ne pus entendre .
- Pourquoi je ne les entends pas ?!
- Je te l'ai dit. Nous ne sommes pas dans la même dimension.
- Mais je peux les toucher, je...
- Il faut y aller. Je regrette...
Le décor autour de moi s'effaça à nouveau, et je retournais à des siècles en arrière. La version jeune de Magnus était toujours allongé au sol, inconsciente. Il semblait si fragile... Tout à coup je n'eus qu'une envie, c'était de tout arrêter et de rejoindre ma famille. Comme s'il avait lu en moi, Circus me dit :
- Tu ne dois pas baisser les bras. Tu peux réussir.
- Je ne vois pas comment....
- Tu l'as dit toi-même, il s'est calmé plutôt rapidement à ton contact.
- Et ?
- Et cela est un espoir pour qu'il tombe amoureux de toi.
- Il n'a que 17 ans ! Hurlais-je presque.
J'étais fatigué, bouleversé par les derniers événements, et ma famille me manquait. Actuellement, j'avais surtout envie de coller mon point dans la figure de ce sorcier habillé en arlequin.
- Comment tu crois qu'il va réagir quand je vais lui dire que dans un futur très lointain, il va se marier avec moi ?! Il ne savait même pas qu'un homme pouvait en aimer un autre ! On est au 17ème siècle bon sang ! Et... Et il est si jeune !
- Il a le même âge que tu avais quand vous avez commencé à sortir ensemble. Et si je me souviens bien, toi tu n'avais jamais rien fait avec personne. Ce qui n'est pas son cas à lui.
- Justement ! Je suis bien placé pour savoir de quoi je parle ! Ce que je ressentais pour lui, cette attirance, me faisait peur ! J'étais effrayé, et...
- Et il a tout de même réussi à apaiser cette peur. S'il est vraiment ton âme sœur, tu réussiras toi aussi.
Il leva la main.
- Tu dois lui dire la vérité, sur vous deux, sur qui tu es. Il doit savoir !
Il claqua ensuite des doigts avant de disparaître dans un nuage de fumée. Magnus gémit alors qu'il se réveillait doucement. Il leva la tête vers moi.
- Qu'est-ce qui s'est passé ?
Je voulus l'aider à se relever mais il me repoussa. Ce n'était pas gagné...
- Est-ce.. Est-ce que je t'ai blessé ? S'inquiéta-t-il.
- Non, non je n'ai rien. M'empressais-je de le rassurer. Tout va bien.
- D'accord. Parfait. Tu devrais retourner te coucher alors.
Il ralluma le feu et s'assit à côté, frissonnant. Il était pâle et il fuyait manifestement mon regard. Enlevant ma veste en cuir, je la lui passais sur les épaules. Il releva timidement la tête vers moi.
- Tu semblais avoir froid, lui fis-je en me joignant à lui près du feu. Tu veux parler de ce qui s'est passé ?
- Il n'y a rien à dire.
- Je ne suis pas d'accord. Quelque chose a bien dû déclencher cette perte de contrôle de tes pouvoirs, non ?
- Ça arrive, c'est tout ! Me répondit-il brusquement.
Il garda le silence un moment puis tourna la tête vers moi.
- Comment tu as fait ?
- Comment j'ai fait quoi ?
- Pour arriver à me calmer aussi... vite !
Je haussais les épaules. L'occasion se présentait pour moi de lui dire toute la vérité, mais je n'y arrivais pas, les mots mouraient avant d'avoir pu franchir mes lèvres.
- Je sais pas, j'ai su trouver les mots je suppose.
- Tu... tu n'étais pas... effrayé ?
- Si... Si, je l'étais...
Il détourna la tête mais pas assez vite pour m'empêcher de voir des larmes perler dans ses yeux mordorés. Je lui fis tourner la tête à nouveau vers moi, laissant ma main sur sa joue.
- J'ai eu peur pour toi. J'ai cru qu'on s'en était pris à toi, j'ai... J'ai eu peur que tu prennes la fuite et que tu t'éloignes loin de moi...
Il écarta ma main et recula.
- Pourquoi tu me dis ça ? Pourquoi ai-je la désagréable impression que tu me connais ? Pourquoi ?!
- Parce que c'est le cas ! Avouais-je enfin. J'ai quelque chose à te montrer...
Prenant mon portable, je le lui tendis. Son regard passa du téléphone à moi de nombreuses fois avant qu'il ne prenne la parole.
- Qu'est-ce que c'est ? Enfin je veux dire... Qu'est-ce que c'est véritablement ? Ne me mens pas cette fois !
- Ça vient du futur...
- Tu as rencontré un modeleur de temps, n'est-ce pas ?
Ma révélation ne semblait pas le surprendre plus que ça. Je fronçais les sourcils.
- Pourquoi tu ne sembles pas...
- Surpris ? Tu as vu comment tu es habillé ? Je n'ai jamais vu ça de ma vie !
- Je.. Ouais... C'est vrai !
Il me rendit mon portable.
- Tu devrais faire attention avec ce genre de sorcier. C'est un peu comme jouer avec le feu...
Il fit apparaître des flammes dans sa main.
- C'est dangereux...
- Hum... Je suppose...
Je rangeais mon téléphone. Je n'avais toujours pas le courage de tout lui révéler. Pourtant il aurait suffit de lui montrer la photo sur mon portable et il aurait tout compris... Malheureusement, comprendre ne voulait pas dire accepter.
- A quoi cela sert-il ?
- A téléphoner.
Devant son regard interrogateur, je rajoutais en souriant.
- Disons que ça permet de joindre les autres personnes qui possèdent ce truc-là et de communiquer à distance avec eux. Même s'ils sont à l'autre bout du monde.
- Un peu comme les messages de feu ?
- Oui, un peu.
- Mais pourquoi ne pas se contenter de message de feu ?
- Parce qu'on n'est pas capable de tous en faire et... C'est une invention terrestre... Rajoutais-je en haussant les épaules.
- Je pourrais en avoir un ? Me demanda-t-il, envieux.
- Tu en auras un, un jour. Je peux te l'assurer !
Son visage reprit un air sérieux.
- Alors j'avais raison. Tu me connais.
- Oui. On est.. ami... dans le futur.
- Ami ? Je n'ai pas d'ami ! Me répondit-il froidement.
Il se leva avant que je n'ai eu le temps de répondre et d'en savoir plus.
- On cherche toujours un jeune sorcier ou tu l'as déjà trouvé ?
- Je l'ai trouvé...
- Pourquoi tu me cherchais ? Que me veux-tu ?
- Je te l'ai dit. Nous sommes amis.
- Et je te l'ai dit : je n'ai pas d'ami. Ce sont eux qui t'envoie ? C'est pour me ramener là-bas, c'est ça ?!
- Qui ? De qui tu me parles?! C'est la deuxième fois que tu me dis ça ! Je ne veux te ramener nulle part ! Seulement je suis coincé ici, et le temps que je retrouve le sorcier qui m'a envoyé à cette époque...
- Je ne peux pas t'aider ! Me coupa-t-il. A l'aube, je te ramène en ville ! Va dormir...
- Vas-y toi, je n'ai pas sommeil !
- Comme tu veux...
Il partit se coucher sous la tente, se cachant à ma vue. Je restais longtemps après son départ à regarder les flammes orangées vaciller devant moi. Elles ne tarderaient pas à s'éteindre, pensais-je. Ma famille me manquant toujours un peu plus à chaque seconde qui s'écoulait, je tendis la main à l'intérieur de la poche de mon jean afin de saisir mon portable et de regarder la seule chose que j'avais d'eux : une photo. Mon cœur rata alors un battement lorsque je ne le sentis pas. Fouillant dans l'autre poche puis tout autour de moi, je sentais peu à peu la panique s'emparer de moi.
- Non, non, non !
- C'est ça que tu cherches ?
Je relevais la tête. Magnus se tenait devant moi, mon portable à la main. L'écran du téléphone affichait le fond d'écran. Au vu de la façon dont il me regardait, je sus qu'il avait compris.
- Qui suis-je pour toi ?
Il avait compris et il était loin, très loin, d'apprécier l'idée...
A suivre
Merci pour vos reviews
Bisoussss mes loulousss
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