Chapitre 1
Alec se laissa glisser le long du mur d'un couloir de l'Institut. Ce dernier était désert, tout le monde devait dormir à cette heure-ci, et la Garde devait patrouiller à l'extérieur. Le jeune chasseur d'ombres passa sa main dans ses cheveux bruns. La journée avait été difficile. En fait, c'était même plus que ça : ce n'était pas seulement la journée, c'était la semaine. Il devrait rentrer, retrouver sa famille, ses fils, celui qu'il aimait, mais il n'en avait pas la force. Pas cette nuit... Des bruits de pas le tirèrent de sa rêverie. Levant les yeux, il croisa le regard de son frère. Celui-ci semblait sortir de la douche : ses cheveux étaient mouillés, et sa tenue de combat avait disparu, laissant place à des vêtements de jogging. A l'image de son frère, il semblait exténué. Il s'assit face à lui.
- Tu ne rentres pas ? Lui demanda-t-il à mi-voix, comme s'il ne voulait pas que quelqu'un d'autre que son frère ne l'entende.
- Je... Je pensais qu'en revenant ce serait la première chose que je ferais. Que je m'empresserais de le retrouver et que je le serrerais dans mes bras...
- Alors pourquoi tu es là ?
- Je ne sais pas... J'y arrive pas...
Alec leva des yeux suppliants vers son frère.
- Qu'est-ce que je vais lui dire, Jace ? Qu'est-ce que je vais bien pouvoir trouver à lui dire ?!
- Tu n'es pas obligé, tu sais.
Le brun eut une exclamation de dédain.
- Je n'arriverai pas à le lui cacher, tu le sais très bien !
Jace resta silencieux un moment, semblant réfléchir à ce qu'il allait lui répondre.
- Alec, commença-t-il d'une voix étrangement calme. Tu ne pouvais rien faire. Tu as entendu comme moi ce que Catarina a dit : le passé et le futur ne doivent pas se rencontrer.
- J'ai laissé faire... J'ai regardé sa mère se tuer et je n'ai rien fait... J'ai laissé son beau-père essayer de le tuer sans bouger le petit doigt... Je l'ai regardé essayer de...
- Stop ! Arrête ! Lui fit Jace brutalement, en prenant son visage en coupe. Alec, regarde-moi!Regarde-moi !
Le jeune homme leva ses yeux bleus, embués de larmes, vers son parabataï. Ce dernier reprit la parole, d'une voix plus douce cette fois.
- Tu ne pouvais rien y faire. Ça devait arriver !
- Peut-être pas... J'aurais pu éviter tout ça...
- Oui, et quand tu serais revenu, toi et lui ne seriez peut-être plus ensemble, Max et Rafael n'existeraient peut-être même pas. Peut-être même serions-nous tous morts ou que Valentin, ou pire, Jonathan, aurait pris le pouvoir. Un seul fragment de passé changé, et tu aurais déclenché une nouvelle séquence qui mit bout à bout aurait pu avoir de dramatiques conséquences. Je comprends le sentiment dans lequel tu te trouves. Crois-moi qu'il y a un million de choses que j'aimerais pouvoir changer au passé. A commencer par ramener notre frère, mais cela est impossible.
- Ouais...
- Alec...
- Je le savais. Je connaissais cette histoire. Il me l'avait écrit... Mais le voir...
Fermant les yeux, Alec secoua la tête, des larmes roulant sur ses joues. Jace le prit dans ses bras.
- Il est heureux maintenant, grâce à toi.
- Mais j'aurais pu faire plus si...
- Non ! Le coupa Jace. Tu n'aurais pas pu...
Flash Back- Batavia- 1610- PDV Alec
Lorsqu'on touchait le sol Indonésien, je regardais autour de moi, émerveillé. C'était magnifique, vivant. Des enfants se couraient après dans les rues, riant. Partout où je regardais, je voyais des sourires, mille et une couleurs. Le ciel était d'un bleu magnifique, et bien qu'il fasse chaud, la chaleur était agréable lorsqu'elle touchait votre peau. Je n'avais jamais mis les pieds dans ce pays. Magnus refusant catégoriquement qu'on s'y rende et évitant clairement le sujet à chaque fois que je l'abordais. Je savais qu'il avait des mauvais souvenirs associés à cet endroit, mais je restais persuadé que revenir ici lui aurait fait le plus grand bien.
- Reste sur tes gardes, on n'est pas les bienvenues ici... Me fit Catarina.
Je levais les yeux vers elle. Elle usait d'un charme pour que sa peau bleue paraisse blanche à nos yeux et ceux des terrestres. Elle avait recouvert ses cheveux d'un voile et portait une espèce de jupe, un « sarong » selon elle. Porter une tenue traditionnelle était censé nous aider à nous fondre dans la masse, mais à mes yeux, trouvant cela tellement étrange de la voir habillée de cette façon, je trouvais que ça avait plutôt l'effet inverse. Moi, j'avais opté pour une rune d'invisibilité. L'habit traditionnel, très peu pour moi. Jace m'avait semblé soulagé que je propose cette alternative. Isabelle me dépassa après avoir poussé un petit cri, qui était très semblable à celui qu'elle produisait lorsqu'elle voyait une robe qui lui plaisait. Je la suivis du regard et levais les yeux au ciel lorsqu'elle me montra une robe aux milles couleurs et qu'elle leva un pousse en l'air, formulant silencieusement sur ses lèvres les mots « j'adore cet endroit ! ». Je souris, tout en laissant échapper un soupir. Avançant vers elle, tout en prenant garde de ne pas me cogner dans la foule, je la rejoignis devant l'étalage devant lequel elle se tenait.
- La place du marché. Nous annonça Catarina. Il faut qu'on avance, on ne peut pas rester là indéfiniment.
- Vous devriez vous détendre, Catarina. Lui fit Jace. On est invisible, personne ne risque de faire attention à nous.
- On doit le retrouver avant qu'il ne nous file encore entre les doigts ! Siffla-t-elle entre ses dents.
- Elle a raison ! Intervins-je en voyant que Jace allait répliquer. On te suit Cat'.
Je tirais ma sœur par le bras, fis signe à Jace de suivre le mouvement, et on traversa les dédales d'étalage du marché. Catarina se déplaçait avec fluidité entre les passants. J'ignorais comment elle faisait. Elle semblait presque volait au-dessus du sol. Elle nous entraîna sur des chemins rocailleux, nous faisant grimper au-dessus d'une colline. Je fis une pause et enlevais ma veste en cuir. J'avais chaud et l'air devenait de plus en plus humide.
- Tu es sûr qu'elle sait où elle va ? Me demanda Jace une pointe de doute dans la voix.
- Ouais... Ouais, je crois.
- On aurait peut-être dû demander un plan à Magnus...
Je détournais le regard, un léger rougissement apparaissant sur mes joues. Malheureusement pour moi, il s'en aperçut.
- Ôte-moi d'un doute, tu le lui as dit n'est-ce pas ?!
- Ben en fait, je...
- Oh putain ! S'exclama-t-il en se tapant le front. Tu ne lui as pas dit ! Ok, ben c'est sûr, là on est mort !
- J'ai essayé ! Mais dès que je prononce le mot « Indonésie », il m'écoute plus !
- Magnifique, vraiment ! Là, t'as assuré, Alec ! Si jamais on revient vivant, ne compte pas sur moi pour te sauver les fesses cette fois !
- Qu'est-ce que tu voulais que je lui dise de toute façon ? Qu'un sorcier nous fait tourner en bourrique depuis des mois ?! Il ne veut plus être mêlé à nos affaires, il faut qu'on se débrouille seul !
- On a fait appel à Catarina, Alec. Et c'est une sorcière ! Me fit remarquer Izzy.
- J'ai juré à Magnus que je le laissais tranquille avec nos problèmes, c'est ce que je fais ! Ou du moins que j'essaye de faire ! Alors maintenant, on avance, on trouve ce foutu sorcier avant qu'il ne bouge et nous fasse bouger avec lui je ne sais où, et on rentre chez nous !
Jace bougonna et continua son ascension de la colline. On marcha encore des heures avant d'atteindre le sommet. Arrivé en haut, je fus pris d'un vertige, puis cela passa. Jetant un coup d'œil vers Jace, je vis qu'il avait ressenti la même chose. Catarina, elle, se tenait au bord du précipice, son regard fixait sur les lumières du village en contrebas. Le soleil se couchait, répandant une lueur orangée sur la plaine.
Elle tourna vers nous un regard morose .
- On a un problème. Un sérieux problème.
- Qu'est-ce qui se passe ? M'inquiétais-je. Et où est Izzy? Demandais-je en cherchant ma sœur du regard.
- Je crains que ce sorcier ne nous ait tendu un piège. Il semblerait qu'on ait traversé une barrière espace-temps en arrivant au sommet. Ta sœur n'a pas du pouvoir la traverser avant qu'il ne la referme.
- Il faut qu'on la retrouve !
- Elle va bien, ne t'inquiète pas pour elle. Inquiète-toi plutôt pour nous...
- Co... Comment ça ?!
Elle désigna les drapeaux que l'on voyait flotter au loin.
- Tu vois ces drapeaux ? Ce sont des ceux de la compagnie néerlandaise des Indes orientales...
- Ouais, et alors ? Lui fit Jace.
- Elles n'existent plus depuis le 18ème siècle...
- Quel rapport avec notre sorcier ?!
Je levais les yeux vers Catarina. Si Jace ne comprenait toujours pas où elle voulait en venir, moi en revanche, je commençais à comprendre.
- En quelle année on est ?
Du coin de l'œil, je vis mon frère me regarder étrangement, comme s'il craignait que je ne sois devenu fou.
- Je ne sais pas trop...
- De quoi vous... Commença Jace mais je l'interrompis.
- Approximativement, donne-moi une date !
- Alec, je sais à quoi tu penses. Et c'est hors de question.
- Je veux juste le voir, je ne veux pas...
- Non ! Me fit-elle d'un ton catégorique. On retrouve ce sorcier, on rentre à notre époque. Point. Rien d'autre.
Plus tard
Assis autour d'un feu, je ne cessais de penser à Magnus. C'était l'occasion rêver de le connaître enfant, de savoir à quoi il ressemblait, comment il était, s'il était aussi excentrique qu'aujourd'hui, si... Jace claqua des doigts devant moi, me faisant revenir à la réalité. Il avait fini par comprendre dans quel merdier on s'était fourré. Oui parce que malgré tout, s'en était un. Si on ne rentrait pas très vite, ça risquerait d'avoir des conséquences très grave, pour nous tous.
- Alec, tu m'écoutes ?
- Quoi ? Qu'est-ce que tu veux ?
- Je te proposais de prendre le premier tour de garde !
- Non, va dormir, je m'en occupe... Je n'arriverais pas à fermer l'œil de toute façon...
- Tu crois qu'on est en quelle année ?
- Je sais pas... Catarina pense qu'on est au début du 17ème, mais elle n'est pas sûre...
Je sentis le regard de mon frère peser sur moi.
- Tu penses à Magnus, hein ?
- Ouais... Je ne me pas m'empêcher de me dire qu'une version miniature de lui est peut-être là, quelque part ! Lui répondis-je en souriant.
- Ouais, ça doit être quelque chose. Mais je t'avoue que j'ai un peu de mal à me le représenter ! Ricana-t-il.
- Ouais, moi aussi...
- Hum.. Bon allait, je vais essayer de pioncer une heure ou deux, tu me réveilles s'il y a un problème !
Je hochais la tête et le suivi du regard jusqu'à qu'il ne disparaisse sous la tente que Catarina avait fait apparaître un peu plus tôt. J'ignorais où elle était mais je ne m'en préoccupais pas plus que ça. Je levais les yeux vers le ciel étoilé. J'aurais tellement aimé le voir, juste cinq minutes... Jetant un rapide regard derrière moi, je pris ma décision...
Plus tard
Je ne sais combien de kilomètres j'avais parcouru, ni combien de villages j'avais traversés. J'avais désactivé ma rune d'invisibilité et passé une longue cape noire sur mes épaules pour cacher ma tenue de combat aux yeux des villageois. Le capuchon de la cape relevait sur ma tête, cachant mon visage, je continuais mon chemin, commençant à désespérer de le trouver. J'aurais bien interrogé les passants, mais j'ignorais quel nom donner Je m'appuyais contre la façade d'un bâtiment dans une ruelle déserte, lorsque j'entendis ce qui ressemblait à des pleurs d'enfants, provenir de la rue adjacente. Je m'avançais prudemment et tournais dans la ruelle sur ma droite. Je vis des cageots renversés au sol. Au milieu, se tenait un enfant, assis sur le sol, les jambes repliées contre lui. Je marchais alors sur un des cageots renversés, et il sursauta, relevant la tête vers moi. Son visage mate était humide de larmes et ses yeux rougies. Ses yeux... Je sentis mon cœur s'emballer. Je les reconnaîtrais entre milles. 500 plus tard, ils n'avaient pas changé. Toutefois, un peu plus d'innocence semblait y briller, et peut-être moins de malice. Il me regarda avec terreur et je levais les mains en guise d'apaisement.
- Hey, n'aie pas peur, je ne te veux aucun mal...
Il recula, encore plus effrayé qu'avant.
- Tu n'as pas à avoir peur de moi. Essayais-je de le rassurer avant de me rappeler qu'il ne comprenait probablement pas un seul mot de ce que je lui racontais.
Prenant ma stèle dans la poche de ma veste, j'activais discrètement ma rune de langage et m'exprimais alors dans un indonésien parfait.
- Je m'appelle Alec. Me présentais-je en continuant à m'avancer vers lui. Tu n'as pas à avoir peur de moi. Répétais-je. Je ne te veux aucun mal. Je suis un peu perdu, tu pourrais m'aider à retrouver mon chemin ?
- Vous n'êtes pas d'ici... Me fit-il.
Je cillais. Je ne l'avais, jusqu'à présent, jamais entendu parler dans sa langue maternelle. Je lui souris.
- Non, je viens d'assez loin à vrai dire. Lui confessais-je en m'avançant un peu plus vers lui.
- N'approchez pas ! M'ordonna-t-il. N'approchez pas...
- Ok, je reste où je suis.
Il se leva et après m'avoir regardé une dernière fois, il partit en courant. Je le suivis, essayant de le rattraper. En vain... Maugréant, j'envoyais un coup de pied dans un tonneau d'eau, qui se renversa.
- Fait chié ! M'exclamais-je.
- Tu m'as l'air énervé, chasseur d'ombres. L'élu de ton cœur se serait-il enfui loin de toi ?
Je me retournais aussitôt, dégainant dans le même mouvement mon poignard séraphique.
- Circus ! M'exclamais-je froidement.
Habillé dans un accoutrement ridicule d'Arlequin, ce maudit sorcier qui se jouait de nous depuis des jours et des jours, se tenait devant moi, un sourire mesquin accroché à ses lèvres. Il leva un doigt qu'il agita devant moi.
- Tout doux, petit néphilim, si tu me tues, tu ne retrouveras jamais ton cher et tendre !
- Tu vas nous renvoyer tout de suite à notre époque !
- Oh pourquoi ? On s'amuse tellement ici..
- Oui, je passe un merveilleux moment ! Ironisais-je.
- Tu sais, je t'aime bien. Je ne vous ai pas emmené ici pour rien. A la tombée de la nuit, un drame terrible va se produire dans la petite famille de ton chéri. Si j'étais toi, je ferais tout pour éviter cela, éviter des années de souffrance à ton sorcier chéri.
Inconsciemment, je baissais mon arme. Son sourire s'élargit.
- Tu les trouveras un peu plus loin, vers là-bas. Me fit-il en pointant du doigt la direction à suivre. Dans une charmante fermette.... Fais vite, il ne te reste pas beaucoup de temps...
Il claqua des doigts et disparut dans un nuage de fumée violette. Je grimaçais, le maudissant, mais suivis tout de même la direction qu'il m'avait indiquée. C'était peut-être un piège, mais je m'en fichais. Sachant à quel événement il faisait allusion, je ne pouvais pas rester les bras croisés et ne rien faire.
Plus tard
Me cachant derrière une botte de paille, j'observais la maison devant moi. Les lumières étaient allumées à l'intérieur, mais tout était calme. Je ne savais plus quoi faire. Circus m'avait peut-être orienté vers une fausse piste... J'allais m'en aller, me jurant de lui faire la peau, lorsqu'une femme sortit de la maison. Ses cheveux bruns lui tombaient de façon désordonnée sur les épaules. Elle semblait frêle, fragile. Elle traversa le jardin, et pénétra dans la grange, passant devant moi. Je me terrais un peu plus, craignant qu'elle ne me voie. Dos à moi, elle s'affaira à je ne sais quoi. Ce n'est que quand je la vis une corde à la main, que je compris. J'amorçais un mouvement pour me lever, mais quelqu'un me tira en arrière dans la pénombre, plaquant une main sur ma bouche.
- Arrête ! Tu ne peux pas intervenir !
Jace... Je vis Catarina agiter la main, et l'atmosphère se fit plus lourde. Je savais ce qu'elle venait de faire: elle nous avait enveloppé dans un halo magique, nous cachant à la vue de la femme, et l'empêchant de nous entendre. Jace me relâcha et je me précipitais vers la mère de Magnus, mais mon frère me stoppa à nouveau, me tirant en arrière.
- Arrête, tu ne peux rien faire !
- Cela est terrible, Alec, mais cela doit avoir lieu. C'est essentiel... Me fit Catarina.
Je tournais la tête vers elle, sidéré par ses paroles.
- Essentiel ?! C'est la mère de Magnus ! Je ne peux pas rester là sans rien faire ! Putain, Jace, lâche-moi ! Hurlais-je en voyant la jeune femme monter sur une botte de paille et enrouler la corde autour de son cou.
- Il faut qu'on s'en aille... Murmura Catarina.
Son visage, éclairé par la lumière de la lune que la porte ouverte laissait passer, paressait soudain très pâle. Jace me traîna à l'extérieur, mais c'était déjà trop tard : je vis la mère de celui que j'aimais retirer la botte de paille de sous ses pieds. La corde se resserra alors autour de son cou. Je la vis suffoquer, son corps s'agitant dans tous les sens. Mais cette vison d'horreur n'était rien comparé à celle qui suivit. Nous nous figeâmes tous les trois lorsqu'on s'aperçut qu'à l'entrée de la grange se tenait un Magnus enfant, assistant de ses yeux terrifiés, au suicide de sa mère. Blanc comme un linge, il laissa tomber au sol le je-ne-sais-quoi qu'il tenait à la main. Un homme apparut alors dans notre champ de vision. Grand et plutôt musclé, il se pétrifia à la vue de la jeune femme pendant au bout d'une corde. Il tomba à genoux, des larmes coulant sur ses joues. Lorsque j'identifiai son identité, il était déjà trop tard. Il s'était relevé et avait empoigné son fils par le col. Magnus se débattit, mais son beau-père était plus fort que lui. Échappant à l'emprise de Jace, je me précipitais à leur suite. J'entendis Catarina hurler mon nom, mais je n'y fis pas attention. Malheureusement, elle me lança un sort qui me précipita au sol. Je me relevais, mais Jace arriva alors à ma hauteur, et me ceintura à nouveau.
- LÂCHE-MOI ! LÂCHE-MOI ! Lui hurlais-je.
Mais j'avais beau m'égosiller et me débattre dans tous les sens, la force de Jace et la magie de Catarina m'empêchaient d'avancer, et j'assistais à nouveau, impuissant, à une nouvelle scène d'horreur. Je vis Magnus essayer de se débattre alors que son père lui maintenait la tête sous l'eau. Ma rune de langage toujours activé, je comprenais chaque mot qu'il lui disait. Mes larmes coulèrent toutes seules sur mes joues, et je me débattis avec plus de force.
- Il va le tuer, lâche-moi, Jace, je dois y aller !
Catarina s'agenouilla alors devant moi et prit mon visage en coupe.
- Il s'en sort, Alec, tu le sais très bien. Tu ne peux pas intervenir. Nous ne devons pas modeler le passé, c'est beaucoup trop dangereux, Nous ne pouvons prendre un tel risque.
J'allais répliquer que justement il fallait peut-être qu'on le prenne, lorsqu'un hurlement se fit entendre. Paniqué, je tournais la tête et vis l'homme hurler de douleur, son corps tout entier recouvert de flammes. Mon regard se détourna de lui. Je me fichais de son sort. En cet instant, une seule et unique personne m'intéressait. Je regardais alors cet enfant qui deviendrait plus tard le plus grand sorcier de tous les temps, se traîner hors de l'eau, fixant ses mains avec horreur. Son beau-père s'effondra à ses pieds et il recula de terreur, trébuchant sur le sol boueux. Son regard se posa sur le corps sans vie qui gisait à ses pieds. Les flammes avaient disparu. Il essaya de se relever mais les forces lui manquaient, et il retomba au sol, inconscient. Sous le choc, Jace n'essaya même pas de me retenir lorsque je me précipitais sur l'enfant. Je poussais un soupir de soulagement lorsque je vis qu'il respirait. Mes yeux se posèrent ensuite sur son cou. Des marques violacées y étaient clairement visibles.
- On ne peut pas le laisser là... Murmurais-je en écartant la mèche de cheveux qui tombait sur ses yeux.
Il semblait si fragile... On était vraiment à des années-lumière de celui qu'il deviendrait des années plus tard. Une main tremblante se posa sur mon épaule. Relevant la tête, je croisais le regard de Catarina. Elle pleurait silencieusement et ne fit aucune remarque. Jace, lui, n'avait pas bougé, fixant cet enfant dont-il s'était si souvent chamaillé avec la « version adulte ». Il n'était pas au courant de cette histoire. Seuls Catarina et moi l'étions. Enfin, les seuls encore vivants en tout cas.
- Cat'... On ne peut pas le laisser là... Répétais-je d'une voix tremblante.
- On ne peut pas changer le passé, Alec. Crois-moi que... Je voudrais pouvoir faire autrement, mais on doit le laisser là. Ce n'est pas nous qui le trouvons, ça ne doit pas se passer comme ça !
Je lui lançais un regard suppliant.
- Catarina, je t'en supplie ! Tu sais comme moi à quel point il a souffert de...
- Je sais ! Me coupa-t-elle.
Sa lèvre inférieure tremblait, et sa peau bleue, qui n'était plus cachée par un sort, avait pris une teinte identique à celle d'un saphir.
- Mais on ne peut pas. Je regrette, Alec. Viens, maintenant. Il ne doit pas nous voir. Il faut qu'on s'en aille avant qu'il ne se réveille...
Je capitulais malgré moi. Elle s'éloigna, me laissant seul avec lui. Je caressais sa joue, luttant pour ne pas pleurer.
- Tout s'arrangera, tu verras. Tu vas traverser des moments difficiles, mais tu vas t'en sortir. Tu vas te battre, et tu gagneras, et je te promets que ça en vaut la peine...
Je pris sa main et restais un moment comme ça, les yeux fermés. Au bout de plusieurs minutes, une pression sur ma main se fit sentir. Rouvrant les yeux, je vis les siens papillonner. Il ne pouvait me voir, le sort de Catarina me cachant à sa vue, pourtant ses yeux se fixèrent sur les miens. La pression sur ma main se fit, l'espace d'un instant, plus forte, puis il sombra à nouveau dans l'inconscience, au même moment où Jace m'obligeait à me relever et m'entraînait de force loin de lui.
- Laissez-moi au moins vérifier qu'il va bien ! Les suppliais-je alors qu'on s'éloignait toujours un peu plus de la maison.
Cette dernière était en flamme. Lorsque le corps de l'homme avait été pris par les flammes et qu'il s'était débattu, celles-ci s'étaient répandues un peu partout, mettant le feu tout d'abord à la grange, puis à la maison.
- Tu connais la réponse à cette question, Alec. Il faut qu'on y aille maintenant. J'ai un sorcier dont il faut que je m'occupe ! Me répondit Catarina.
Plus tard
De retour à notre « campement », je m'étais isolé dans un coin, seul, le dos appuyé contre un arbre. Personne n'allait bien. Ni moi, ni Catarina, ni Jace. Ce dernier était d'ailleurs resté silencieux durant tout le trajet, ce qui ne lui ressemblait pas. Nous avions décidé de laisser passer la nuit avant de se lancer à la recherche de Circus. Je n'étais même pas certain d'avoir envie de le trouver. Ce que je voulais, moi, c'était m'assurer que Magnus allait bien. Je connaissais le reste de l'histoire, et rester là les bras croisés me rendait dingue ! Je me pris la tête dans les mains. Ma respiration se fit plus saccadée.
- Alec ?
Je sursautais. Catarina...
- Laisse-moi... J'ai besoin d'être seul...
- Alec, je sais à quoi tu penses. J'y pense aussi.
- Et ? Qu'est-ce que ça change ?! Je dois rester ici les bras croisés alors qu'il souffre !
Elle soupira et vint s'asseoir à côté de moi.
- Tu sais, quand je l'ai connu, il était très jeune. Mais je pouvais déjà voir la souffrance dans ses yeux. Mais depuis qu'il t'a rencontré, je ne la vois plus. Il est heureux avec toi.
- Pourquoi tu me dis ça ?
- Parce que même si tu ne peux rien faire pour effacer ce qu'il a vécu, tu peux en effacer les souvenirs. Par ton amour...
- Tu ne comprends pas, Cat'... J'aurais pu sauver sa mère...
- Non. Elle devait mourir. C'est comme ça...
- Comment tu fais pour... Pour arriver à tourner le dos à tout ça aussi facilement ?!
- Parce que je ne prendrai jamais le risque de le faire souffrir plus ou de le perdre. Peut-être que l'histoire serait mieux si on était intervenu, peut-être pas. On ne peut le savoir, mais sache juste que si tu avais sauvé sa mère ce soir, une personne qui aujourd'hui est vivante, serait morte. Une vie pour une vie, Alec, n'oublie jamais ça...
Présent
- Catarina a emmené Circus au Labyrinthe en Spirale. M'annonça Jace. Ils ont doublé les protections autour de sa cellule. Elle l'a interrogé pour savoir quel avait été son intérêt dans tout ça. Il lui a répondu qu'il voulait juste s'amuser. Il trouvait ça marrant de te voir te dépatouiller dans le passé de Magnus. Il dit qu'il s'ennuyait et ta relation avec Magnus lui offrait une occasion rêvée de s'amuser un peu. Il n'y avait « aucune méchanceté de sa part », comme il dit...
Je soupirais. Je n'arrivais pas à en vouloir à ce sorcier. C'était en moi que j'en voulais...
- J'espère qu'il vont s'assurer qu'il ne s'échappe pas cette fois ! Continua Jace. Voyager dans le temps, je crois que ce n'est pas trop mon truc...
- Ouais... Tu en as parlé à quelqu'un de ce qui s'était passé ? A Clary ou à Izzy ?
- Non, personne.
- Bien, j'aimerais que tu gardes ça pour toi. Magnus ne voudrait pas que ça se sache.
- Je ne dirai rien, Alec. Tu as ma parole.
- Merci...
- Tu vas le lui dire ? A lui?
- Je vais y être obligé. Je ne pourrai pas faire comme si tout allait bien...
Plus tard- Appartement Brooklyn
Lorsque je rentrais dans notre appartement, ce dernier était aussi calme que l'Institut. Je supposais que nos fils devaient être couchés, et probablement aussi Magnus. Je m'assis dans le canapé du salon, plongé dans le noir. Seule la lumière des lampadaires de la rue l'éclairait. Je pris le doudou de mon plus jeune fils, Max, dans les mains. C'était un vampire en peluche, rouge. Cadeau de Lily. Pour une raison obscure, Max adorait ce truc-là, bien qu'il le fasse traîner n'importe où. Le fixant, je me mis à penser à ce que notre fils aurait pu vivre si on ne l'avait pas recueilli. Lui aussi aurait pu souffrir autant que Magnus. Pire, sa mère aurait pu choisir de le tuer au lieu de le déposer sur les marches de l'Académie. Je serrais la peluche dans mes mains, et laissais mes larmes s'écouler. La lumière du salon s'alluma alors et je séchais précipitamment mes larmes.
- Alexander ? Que fais-tu seul dans le noir ?
Je me retournais, m'efforçant d'afficher un sourire sur mon visage.
- Rien, je viens d'arriver. Je... Je ne voulais pas te réveiller...
Il me rejoignit sur le canapé et je ne pus m'empêcher de remarquer la différence de lueur dans son regard. Catarina avait raison. La douleur semblait s'être atténuée. Mais elle était toujours là...
- Tu rentres tard... Me fit-il en frôlant mes lèvres des siennes.
Il ne portait aucun maquillage, et ses cheveux étaient dépourvu de la tonne de gel qu'ils portaient habituellement. Ce n'était pas la première fois que je le voyais comme ça, au naturel, mais aujourd'hui plus que d'habitude, je me rendis compte à quel point son accoutrement habituel était un masque derrière lequel il se cachait, se protégeait... Sauf avec moi. Avec moi, il était lui même, il me faisait confiance. Et moi j'avais laissé l'événement qui le faisait souffrir depuis des siècles se produire. Je n'avais rien fait...
- Alexander, pourquoi tu pleures ?
Je secouais la tête, revenant à la réalité. Il s'était agenouillé face à moi, et essuyais mes larmes, une lueur d'inquiétude se lisant sur son visage.
- Que se passe-t-il ? Quelqu'un a été blessé pendant votre mission ?
Je déglutis difficilement. Je n'arriverai pas à le lui dire, c'était au-dessus de mes forces.
- Non, personne n'a été...blessé... C'était juste une mission un peu difficile, ce n'est rien. Ça va passer. Je suis juste crevé....
- Alors viens, allons nous coucher... Me fit-il avant de m'embrasser.
Je passais alors ma main dans ses cheveux et l'attirais à moi. Notre baiser se fit rapidement plus passionné. Je passais ma main sur son torse nu et remontais vers sa nuque. J'ouvris alors les yeux et fis glisser mes doigts le long de son cou. Ma main trembla alors qu'un nouveau flot de larmes s'échappaient de mes yeux. Attrapant ma main, il me serra dans ses bras et me berça contre lui.
- Chut, tout va bien, je suis là...
- Je te demande pardon, j'aurais voulu pouvoir faire quelque chose... Sanglotais-je dans ses bras en m'accrochant à lui comme si ma vie en dépendait.
- Calme-toi, mon ange.
Je plongeais mes yeux dans les siens, et il me sourit tendrement.
- Tu veux m'en parler ?
- Non... Je veux juste que tu me serres dans tes bras. Je veux juste que... Que tu restes près de moi...
- D'accord. Viens, on va se coucher.
Me tirant par la main, il m'entraîna dans notre chambre.
- Attends ! Lui dis-je en le stoppant. Max, Rafael... Ils vont bien ?
- Oui, ils dorment.
Je hochais la tête, rassuré. J'aurais voulu allait les embrasser, mais je ne voulais pas les réveiller. Je me déshabillais, et me glissais dans les draps. Il s'allongea à côté de moi et je me nichais dans ses bras. Il caressa mes cheveux.
- J'ai fait un rêve étrange... Me confia-t-il au bout d'un moment alors que je traçais des sillons imaginaires sur son torse.
- Pourquoi ? C'était quoi ce rêve ?
- Ben c'était plutôt un cauchemar, enfin tu sais...
Je me tendis. Non, pas ça, pas ce soir...
- Oui, je sais... Murmurais-je en caressant sa joue. Si seulement j'avais... je pouvais, me repris-je précipitamment, faire quelque chose...
- C'est marrant que tu me dises ça, parce que cette fois, tu étais là...
- Co... Comment ça ?
- Je sais pas... Tu te tenais à côté de moi, tu me murmurais qu'il fallait que je sois fort, que ça allait s'arranger... Je pouvais sentir ta main serrer la mienne... C'est bizarre, non ?
Je le fixais, la bouche légèrement entrouverte, ne sachant quoi dire.
- Tu... Est-ce que ça t'a rassuré ?
Il fronça les sourcils.
- Oui, je crois...
Je souris, et me rallongeais dans ses bras.
- Alors non, ce n'est pas bizarre.
- Hum... Ça me semblait tellement réel...
- Magnus ?
- Oui, mon ange ?
- Tu... tu crois que si on s'était rencontré plus tôt, à un autre moment de notre vie, si... Si tu m'avais rencontré un siècle plus tôt par exemple, est-ce que tu m'aurais aimé ?
- Oui. Le contraire serait impossible. Et toi, m'aurais-tu aimé ?
- La question ne se pose même pas. Je t'aurais aimé tout autant que je t'aime aujourd'hui. Tu aurais été toute ma vie. Magnus, je... Toi, Max, Rafael... Tous les trois vous êtes toute ma vie. Ma famille...
- Je sais... Pour moi aussi...
Il me sourit et posa sa tête contre mon épaule, avant de s'endormir. Je déposais un baiser sur son front.
- J'aurais voulu changer le passé...
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