Chapitre 7
Elle a troqué ses habituels tailleur, talons hauts et chemisier contre un pantacourt en jeans délavé, des petites baskets en toile bleu nuit, un T-shirt sans manches aux flamboyants motifs fleuris sur fond noir, surmonté d'un chic blazer marine. Très certainement la touche subtile pour paraître correcte devant le représentant de l'agence, censé nous rejoindre dans un peu plus de trois heures. Elle a également opté pour un maquillage plus naturel, cependant mis en valeur par le serre-tête vintage noir à pois rouges retenant ses cheveux en arrière. Contrairement à moi, Loïs est fin prête pour jouer les déménageuses.
« ... Vous en avez mis du temps ! »
Sa réflexion m'arrache une grimace quelque peu exaspérée.
« Je commençais à m'inquiéter ! Un peu plus et je penserais que vous étiez encore en train de dormir. »
Erreur ! J'aurais mieux fait d'attendre cette remarque-là pour grimacer. Mais encore faut-il que mon mal de crâne me laisse l'occasion de grimacer pour autre chose que de la douleur.
« Désolée Loïs, je soupire en me pinçant l'arête du nez. Laissez-moi encore cinq minutes et je s'rai...
- ... Remise de votre gueule de bois ? m'harponne-t-elle de ses jades inquisitrices. »
Surprise par sa perspicacité, je me fige quelques secondes, puis pousse un soupir empli de culpabilité, sur fond de moue boudeuse.
« Vous en avez pas marre de toujours taper dans l'mille ?
- Eh bien... Ca fait partie de mon métier fait sur mesure, répond-elle du tac au tac, un sourire taquin en coin.
- Mouais... Evidemment... »
Penchant la tête légèrement sur le côté, elle m'interroge du regard d'un sourcil relevé. Comprenant sa demande implicite, je la laisse entrer et la vois se diriger tout droit vers la cuisine. Mais qu'est-ce qu'elle compte faire là ? J'avance lentement pour la rejoindre, tente de slalomer entre les quelques cartons trainant sur le sol, mais me sens obligée de faire une brève pause en me tenant au canapé. Maudite gueule de bois... J'aurais mieux fait d'écouter ma miniature blanche.
Après avoir joué une symphonie improvisée de cartons, de vaisselle, de portes de placards et de réfrigérateur pendant près deux minutes, Loïs réapparait dans le Living, un verre à la main. Un hameçon relève mon sourcil droit, ainsi qu'un coin de lèvre, à la vue de cette boisson peu ragoûtante.
« Tenez ! m'interpelle-t-elle en me tendant ce curieux breuvage orangé. Avec ça, dans dix minutes, vous serez en meilleur forme.
- Qu'est-ce que c'est ? je grimace, peu convaincue. Un remède de grand-mère ?
- Ce n'est que du paracétamol effervescent combiné à de la vitamine C et du Magnésium. Disponible en vente libre dans toutes les pharmacies ! Je me suis juste permise de le diluer dans le fond de jus de fruits qu'il restait dans votre frigidaire.
- Oh chouette ! je réplique avec sarcasme, les yeux rivés sur cette potion. Best Breakfast Ever... »
Frileuse, je dévisage le verre avant de l'engloutir en quelques gorgées. Ce truc a un goût infect. A côté, le Mucomist, c'est du Fanta Tropical ! Mais soit... Si ça peut m'éviter toute zombification... Une fois cet infâme liquide ingurgité, je pousse un gémissement de dégoût, tout en m'essuyant la bouche du revers de la main gauche.
« Ouais... J'confirme : Best... Breakfast Ever, je lâche tout en retenant un haut-le-cœur, avant de rendre le verre à Loïs.
- J'espère au moins que ça en valait la peine, me sourit-elle, taquine.
- Euh... De quoi parlez-vous ? je l'interroge sans prendre la peine de la regarder, trop occupée à me masser les tempes.
- Votre soirée.
- Ah ! Euh... Oui. J'ai voulu dire au r'voir à quelques... connaissances, dira-t-on. Et... Nous avons... plutôt bien marqué l'coup.
- Je vois. »
Ses pas s'éloignent en direction de la cuisine. Au bout de quelques secondes, le robinet se met à chanter sa douce et apaisante mélodie, tandis que je me laisse couler dans le canapé comme un pudding, la tête renversée sur l'accoudoir. Le regard peu attentif fixant le vide du plafond, mes bras entourent mon crâne, espérant peut-être l'empêcher de tomber et de rouler à l'autre bout de la pièce. Soupir... Ma pauvre Juliane, t'as vraiment l'air d'une larve ce matin... Que dis-je... Tu es une larve ! Une larve de compet' !
« Au fait, Loïs ! je l'interpelle, curieuse.
- Oui ? crie-t-elle depuis la cuisine, d'une voix pourtant si posée.
- Vous n'deviez pas v'nir avec les bénévoles ?
- Ils sont allés récupérer le camion, répond elle sans baisser les décibels, alors qu'elle coupe l'eau. J'ai été un peu trop confiante sur les horaires d'ouverture de l'agence de location. Le samedi, ils n'ouvrent qu'à 8h.
- Un coup de bol que ça tombe un jour de gueule de bois, je marmonne en aparté.
- Vous disiez ? apparaît elle soudainement dans le Living, faisant sursauter mon cœur au passage.
- Euh... »
Je me redresse doucement, me tourne vers elle tout aussi lentement, déguisant mon visage d'un sourire "tout-va-bien". D'une gorge délicatement raclée, Loïs fronce légèrement les sourcils, mais accepte mon silence gêné et ma niaise expression en guise de réponse.
« Bref, reprend elle alors la conversation en main. S'ils ne rencontrent aucun problème de circulation, ils devraient être là, aux alentours de 8h20.
- Chouette, je laisse échapper entre mes dents serrées, alors que je détourne le regard, prête à me lever du canapé pour me diriger vers la salle d'eau. J'aurais au moins le temps de prendre la dernière douche de ma vie...
- Bonne initiative, dJuliane, mais avec quels produits ? »
Alors que je lui fais dos, sa pertinente question me freine dans mon élan, et s'insinue dans ma colonne vertébrale sous forme d'un désagréable frisson.
« Je vous rappelle que nous avons trié les effets de votre salle de bain hier matin, et que j'ai fait don de vos cosmétiques à l'association dans l'après-midi qui a suivi. »
Ni une, ni deux, j'effectue le plus rapide demi-tour qu'il m'ait été donné de faire dans ma vie.
« Vous plaisantez, j'esp... ! je l'interroge d'un air se voulant menaçant. »
Malheureusement, mon oreille interne a la vigilance de me rappeler que, non, je ne suis pas en état pour un mouvement aussi brusque. De ce fait, pas sûre que je paraisse si menaçante que ça. Surtout quand je suis à deux doigts de m'écrouler par terre. Par chance, ma bienfaitrice a eu le réflexe instinctif de me rattraper au moment opportun. Ceci dit... Entre mon dos courbé vers l'arrière et sa fente avant la forçant à se mettre à moitié accroupie, nos positions sont pour le moins... comment dire... inconfortables ? ... Gênantes ? ... Embarrassantes ? Réalisant que je tiens, à cet instant, le parfait rôle de la princesse dans les bras de son sauveur, se trouvant dans la typique posture de demande en mariage, j'opte volontiers pour "embarrassantes". Nous échangeons quelques regards confus, toutes deux incapables de se sortir de cette humiliante situation.
« Je... Je plaisantais, brise-t-elle alors la glace, une once de honte dans la voix. »
Mon Papy Gilbert me disait souvent que l'être humain est... con ! Oui : con ! Selon lui, l'humain ne parvient à profiter des choses simples de la vie qu'à deux occasions : lorsqu'il est enfant et lorsqu'il est sur le point de les perdre... Et je crois bien que je ne fais pas exception. Et à défaut de pouvoir le rendre fier, je me suis contentée de lui dédicacer ces dix exquises minutes d'eau chaude, que le ballon a daigné m'accorder en guise d'adieux. Et heureusement que Loïs plaisantait. Pour la dernière fois avant ... euh... peu importe, j'ai pu profiter de la mousseuse douceur et de la délicieuse flagrance de mon gel douche au Jasmin. Rien n'est comparable au pouvoir apaisant et relaxant du Jasmin. Et ce même dans de telles circonstances. Enfin... tant que je reste dans ce hammam parfumé que j'ai créé dans la salle de bain. Hé ! Mais d'ailleurs... Qu'est-ce qui m'oblige à en sortir ? C'est vrai ! Vont-ils vraiment avoir besoin de moi et de mes muscles en fromage blanc, pour transporter le peu de meubles et de cartons destinés au storage ?
Et je rumine ces interrogations lâches et futiles, plantée devant la glace embuée, mes cheveux châtains dégoulinant sur mes épaules et le regard se perdant sur mon reflet flouté. D'un index hésitant, je mets quelques secondes avant de pointer la surface du miroir. Puis je laisse lentement mon doigt glisser sur le verre pour former une lettre, puis une seconde, puis une troisième... et encore une... puis encore plusieurs... Je ne saurais dire d'où surgit cette soudaine pulsion, cette impulsive volonté de laisser un message invisible derrière moi, avec ce procédé digne d'une enfant de sept ans... Pauvre Juliane... Pauvre et désespérante Juliane... Oui, peut-être... Mais hors de question que ces quelques mots soient effacés de ma main. Mon cœur a voulu laissé une trace de mon passage dans ces lieux et une part de moi l'en remercie d'un timide sourire. Après tout, J.L.F.D. lived here – 2016-2018.
https://youtu.be/vPoPcUDWv4s
Pantalon rouge délavé de hippie ? Check ! T-shirt confortable aux fines rayures noires, grises et blanches ? Check ! Surchemise de bûcheron violette ? Check ! Motivation ? ... Les mains fermement serrées sur les bords du lavabo, je me prépare psychologiquement à un concours de regards imperturbables contre mon reflet... Une seconde... Deux secondes... Trois secondes... et nous déclarons simultanément forfait d'un soupir, loin de pouvoir cocher la fameuse case check. Mais... Quand faut y aller... Faut y aller !
Je sors alors de la salle d'eau, les pieds raclant le sol, les mains occupées à essorer mes cheveux encore humides à l'aide d'une serviette. Loïs se trouve alors droit devant moi, la main enclenchant la poignée de la porte d'entrée. Oh non... Ne me dites pas qu'ils sont déjà arrivés... Et malheureusement, si, me confirme l'ouverture de la porte d'ascenseur parvenant à mes oreilles. Je pousse un soupir... Ca va aller, Juliane. Respire !
Je me rapproche de l'entrée, arrivant dans le dos de l'assistante sociale. Légèrement en retrait, je jette un œil par-dessus son épaule et distingue le quatuor de colossales silhouettes, qu'elle accueille sur le pas de la porte. Elle se lance alors dans les présentations. Pour moi, ces jeunes hommes, dépassant tous le 1m85, se résument à respectivement Casquette-Guy pour sa casquette vert sapin, Metalli-Guy pour son T-Shirt Metallica, Ginger Guy pour ses cheveux et son début de barbe roux et enfin... Ô mon Dieu, non... Cet hispanique, taillé comme une armoire à glace, à la pilosité digne d'un Bigfoot passé au sèche-linge - et je vous parle même pas de ses sourcils à la Emmanuel Chain - Non, non et non ! Très peu pour moi. Alors, je vous laisse imaginer ma réaction, au moment où il se permet de me faire un clin d'œil racoleur, tout en passant sa langue sur ses incisives. Et ça se prend pour un beau gosse latino ? Ouais... C'est décidé : il sera No-Way Guy.
Elle les invite à rentrer, les laissant défiler un à un comme des militaires, puis leur donne ses directives, leur proposant de s'occuper d'abord des meubles. Tandis qu'ils se chargent de mes bibliothèques se trouvant dans le Living, je me dirige vers l'espace sommeil, en vue de défaire les draps du lit. Prenant soin de laisser le rideau fermé, pour plus de tranquillité, je plie d'abord la couette en deux, la roule en boudin sur toute sa longueur, la dépose dans le carton vide, que j'avais prévu à cet effet. Au tour du drap house : plié en deux, en quatre... eh merde... Il y a des plis. On recommence : plié en deux, les coins imbriqués les uns dans les autres, puis en quatre, puis en... Je le plie encore une ou deux fois ? Ou en trois ? Un regard vers le carton pour juger le gabarit et je me décide pour l'option pliage en trois. Et hop ! ... Hum... l'alèse ou les oreillers ? Un instant d'hésitation autour de ce choix cornélien mais futile, et j'opte pour la protection du matelas, en appliquant le même procédé que pour le drap housse.
Je prends un oreiller, marque un panier dans la boîte. Je saisis le second, fais une tête, en tente une seconde, bien qu'un oreiller ne soit pas connu pour ses vertus rebondissantes, et le laisse tomber dans le carton. J'attrape le traversin, le roule en coquille d'escargot, le pousse dans la boîte. Mais l'effronté a décidé qu'il dépasserait. J'appuie de toutes mes forces pour lui faire entendre raison. Il résiste. J'y mets tout mon corps, fesses comprises, lui prouvant que je ne me laisserai pas faire par tant d'insolence. Et je me retrouve à moitié coincée dans le carton, dans une position plutôt inconfortable. C'est malin... J'ai l'air fine comme ça. Enfin... tant que personne d'autre ne me découvre... ainsi.
Le rideau se soulève contre mon gré. Je crois que... j'ai pensé trop vite. D'abord stupéfaite de me faire ainsi prendre en flagrant délit de ridicule par les regards perplexes de Loïs et Ginger Guy, je revêts un faciès décontracté, croisant mes bras derrière ma nuque, tout comme mes jambes, telle une vacancière sur son transat. N'en déplaise à la moue désapprobatrice de la jeune femme, je ne vais pas me montrer en position de faiblesse. Même si j'aimerais à cet instant, que le carton soit suffisant grand pour m'engloutir complètement, et ainsi faire l'impasse sur les corvées qui m'attendent au-delà de ces barrières de tissu. La jeune femme ouvre alors le rideau en grand, avant de me désigner de l'index les autres meubles restant à expulser injustement de l'appartement. Je réponds à sa directive d'une moue boudeuse enfantine, expirant mon mécontentement par le nez. Puis, je tente de me sortir du carton du mieux que je peux, mais c'est sans compter mon sens de l'équilibre, encore troublé par les IPA d'hier. La boîte se renverse soudainement sous mon poids, si bien qu'une fois au sol, je me retrouve à nouveau à l'intérieur, à moitié étouffée par le linge de lit.
« Tout va bien ! je rassure aveuglément mon entourage. »
Bien... Je dois m'occuper de ce canapé en attente d'ascenseur. Et bien évidemment, personne dans les parages pour me donner un coup de main. D'un soupir, je tente de me motiver en remontant mes manches et me dirige d'un pas décidé vers l'ascenseur. D'un index déterminé, j'ordonne à la cabine de monter jusqu'à nous. Nous ? Ben oui ! Le canapé et moi, nous sommes deux ! Les portes s'ouvrent promptement de leur sonnerie si singulière, m'annonçant le top départ pour mettre toutes mes forces dans mes bras en fromage blanc et pousser ce fichu canapé dans la cage. Mais il résiste, le bougre ! Peut-être que si je canalise la force de mes jambes en poussant à l'aide de mon dos et mon bassin... ? Rien à faire ! Il s'obstine à ne pas vouloir... Okay... Je... Je crois que j'ai compris. D'une main navrée glissant sur mon visage, je réalise ma bêtise : le canapé est trop large pour passer les portes dans ce sens, Juliane ! C'est pour cela qu'il est bloqué, abrutie ! D'un nouveau soupir, je m'arme du peu de volonté qu'il me reste, pour faire basculer le meuble sur le côté, dossier vers le plafond. Mais mon habileté légendaire se rappelle à moi...
« Aouch ! »
... d'un vicieux coup à la tête, sponsorisé par le dit dossier. Je me masse brièvement le crâne pour atténuer la sensation de choc, puis me lance dans le second round du match m'opposant au canapé, en me glissant en dessous. J'applique toutes mes forces sur l'accoudoir de droite, tentant de le faire avancer. La moquette de la cabine n'est cependant pas des plus coopératives. Bien ! C'est donc la guerre ? On va voir ça ! Ayant une autre option en tête, j'essaie à bout de bras de soulever le meuble le plus haut possible au dessus de ma tête, lui faisant prendre un angle à 45°. Mais encore une fois, c'est surestimer mes muscles en fromage blanc. Le poids difficilement supportable du canapé ayant raison d'eux, je me retrouve, une fois de plus, confrontée à cet assommant dossier...
« AAAAAÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏEEEEEEEEEEEUUUUUUUUUHHHHH ! ! ! ! ! »
... de façon encore plus violente que la précédente.
« Putain de bordel de... »
Le poids sur ma tête s'allège soudainement, tandis que je jure comme un charretier...
« ... SCHEISS ! »
... me retrouvant soudainement nez à nez avec...
« Un pétit coup dé main ? »
... No-Way Guy qui me fait encore du gringue, en jouant de son mono-sourcil.
« Euh... »
Heureusement que mon sourire "tout va bien" est un allié de toute circonstance.
« Tournez, les mecs ! Tournez ! hurle Casquette-Guy à ses deux autres camarades. »
Je me suis postée sur les premières marches descendantes du quatrième, mes avant-bras reposés sur la rampe, le menton sur le dos des mains. Je me suis mis en tête de superviser officieusement les manœuvres de ces déménageurs du jour. Bon d'accord, je l'avoue ! Je me prends une pause... peu méritée, je le conçois. Mais, il faut bien admettre que le transport de meubles n'est pas mon fort ! Je leur serais totalement inutile ! Et tant que les grands meubles ne sont pas chargés au fond du camion, il me semble peu nécessaire de commencer à descendre les cartons. D'autant plus, que nous n'avons pas fini de marquer ceux destinés au storage, afin de les distinguer de ceux supposés repartir avec ces Guys en fin de matinée. Et puis, regardez-les !
« C'est bien, là ! Faut pivoter, maintenant ! »
Ne sont-ils pas mignons à reproduire cette épique scène de la saison 5 de F.R.I.E.N.D.S ?
« Pivotez ! Pivotez ! Pivotez ! »
D'une main soutenant ma joue, je me surprends à sourire, amusée par ce petit spectacle. Oui ! Je trouve ça drôle ! Et oui : je suis une glandeuse ! Et alors ? J'assume ! Quel mal y a-t-il à vouloir se divertir quelques minutes en des circonstances pareilles ? Comment ça, c'est une excuse pour fuir ses responsabilités ? Pas du tout ! Je profite de mes derniers instants civilisés !
Un index importun vient soudainement interrompre mon moment de paix, me tapotant l'épaule avec insistance. Je vous le donne en mille : Loïs, évidemment... Et bien évidemment, son visage manifeste sa désapprobation quant à ma frivole attitude. Et lorsqu'elle m'ordonne, d'un vif index pointant la porte de mon appartement, de retourner au travail, je n'ai d'autre choix que de la suivre, la moue démotivée et le soupir vaincu.
Une fois au milieu du salon, la jeune femme m'indique la marche la plus efficiente à suivre... selon elle : répartir spatialement les cartons suivant leur destination. A droite ceux m'appartenant encore, à gauche ceux auxquels je dois faire mes adieux. Ca ne tiendrait qu'à moi, je les garderais tous. Mais il est vrai que je ne peux encombrer le storage avec des choses futiles, que je serais en mesure de me racheter, une fois que j'aurais retrouvé une situation convenable. Très bien, Juliane ! Allez : motivation !
Armée d'un rouleau de scotch brun et d'un marqueur noir, je m'applique à sceller les dernières boîtes et à les identifier en détails. Connaissant mon étourderie naturelle, je serais capable d'en oublier leur contenu et de me lancer inutilement dans des recherches sans fin, si je ne précise pas explicitement les biens qu'elles renferment. Et avant même que je ne termine de lister les affaires du premier carton passé entre mes mains, Loïs se permet d'intervenir, m'arrachant le marqueur des mains, rayant les mentions lui paraissant futiles, pour les résumer en seul mot : le meuble les contenant initialement, en l'occurrence ma commode. La satisfaction sur son visage, elle me rend le feutre, sans se soucier de la stupéfaction laissé sur le mien.
Voilà ! Je pense que là, nous sommes bien ! Carton 1 : Papiers importants, condensé de quatre années de cours, divers albums photos, sans oublier la boîte à musique de Fred... à droite ! Carton 2 : vaisselle bon marché achetée sur place... à gauche ! Carton 3 : Linge de lit en phase d'hibernation... à droite ! Carton 4 : lecteur DVD/Blu-Ray, sacoche PC et ses périphériques, une partie de ma collection de CDs... à droite, évidemment ! Carton 5 : DVDs et Blu-Rays partie 1... définitivement à droite ! Même chose pour carton 6, contenant la partie 2 de ma vidéothèque ! Carton 7 : denrées périssables... à gauche. Carton 8 : cosmétiques diverses et variées... à gauche. Cartons 9, 10, et 11 : Mangas et livres à foison... qui ont déjà leur place réservée à droite depuis le début ! Carton 12 : Vaisselle héritée de la famille... à droite ! Ecran plat télévisé emballé dans son carton d'origine... hum... à droite ! Carton 13... Il y a quoi dans celui-ci déjà ? Morf... Si je ne m'en souviens pas, c'est que sa place est à gauche. Ce doit être des bibelots décoratifs, à tous les coups. Carton 14 : quelques articles de merchandising japonais, comme des artworks encadrés, des figurines de valeur modeste ou des peluches chibis de petit format... bien sûr qu'il va à droite, ce carton ! Cartons 15 et 16 : une partie de ma collection de fringues, supposée être donnée à l'association... Hum... A DROITE ! ... Ben quoi ? Hey ! J'ai le storage, après tout ! Et bien voilà ! J'ai fait le tour ! Ce n'était pas si difficile, finalement.
Satisfaite, je m'en vais chercher du côté du coin sommeil, mes sacs de voyages, contenant mes nécessaires de survie en milieu urbain, et ma paire de sacs poubelles dans lesquels se trouvent des vêtements hivernaux. Je reviens au cœur du salon, un sac dans chaque main... Mais... !?! Qu'est-ce que... ? Un trio de cartons s'est déplacé sans mon autorisation ! M'est d'avis que c'est signé Loïs... Je souffle mon mécontentement, faisant voler une mèche de cheveux qui retombe sur mon nez. Je m'arme tant bien que mal de sang froid, dépose les sacs à terre, puis déplace les paquets du côté que j'estime être leur place. Bien ! J'espère que le message sera compris, comme ça ! Je m'en retourne récupérer les derniers sacs de l'autre coté du rideau, confiante. Tu ne devrais pas, Juliane ! N'oublie pas : Loïs est une digne rivale de Lulu ! Et à la seconde où je sors du coin sommeil, je réalise que j'aurais dû prendre cet avertissement de ma conscience pour argent comptant, prenant la jeune femme en flagrant délit de mutinerie... pour peu que je puisse être considérée Capitaine de ce Titanic en devenir qu'est mon appartement. Elle commence à justifier ses actes, ne manquant pas de mentionner que je n'ai pas besoin de conserver autant de biens, que ce n'est pas indispensable pour l'éventuelle reconstruction d'une vie civilisée, que je retrouverai l'équivalent en temps voulu... Bla bla bla... Aaaaarrrrrgggghhhh ! ! ! ! ! Elle m'énerve, putain ! Mais... héhé ! Un regard au sol, et j'y trouve une solution toute faite !
Je me recule légèrement, un sourire on ne peut plus fier sur mon visage. Ce qui est loin d'être le cas de ma Coach de déménagement, qui n'a pas eu le temps de voir le scotch arriver sur ses lèvres moralisatrices. Presque hautaine, je joue du rouleau de scotch autour de mon index droit. Mais une fois l'effet de surprise passé, Loïs m'adresse un regard empli de colère, contenant toute tension dans ses bras et ses poings. Oh oh ! Je crois que... il serait temps... de filer ! Je m'enfuie en courant hors de l'appartement, avec la jeune femme sur les talons, prête à m'attraper de son pas décidé.
Bon, trêve de plaisanterie : il est temps de charger les cartons... dans... l'ascenseur ! Et un carton de manga ! Pfiou ! Et un second dans la foulée ! Et puis un colis de DVDs ! Je soupire de soulagement, tout en m'essuyant le front. Le poids de la fiction dans toute sa splendeur ! Mais ça en vaut la peine. C'est alors que, sans m'en rendre compte, je me fais enfermée peu à peu dans un fort de boîtes, délibérément déposées par la Team déménagement, menée par Miss Succube. Je tente de trouver une échappatoire, mais toutes les issues accessibles ont été judicieusement bloquées, pendant mon instant d'inattention. Bien joué, Loïs ! Savourez votre revanche. Alors que je peste de tout mon vocabulaire de charretière française, la tête dépassant à peine du carton le plus haut placé devant moi, la jeune femme ajoute sa cerise sur son gâteau de vengeance, en me liant les lèvres d'un morceau de scotch, un sourire satisfait sur son visage. Je ne peux alors que manifester ma défaite d'un grognement, tandis qu'elle appuie sur le bouton correspondant à notre rez-de-chaussée français. Puis d'un sourire narquois, elle me fait "au revoir" de la main, au moment de la fermeture des portes. Une fois seule et livrée à moi-même, je m'arrache le scotch d'un geste vivement motivé de colère.
« AAAAAAAAAAÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏEEEEEEEEEEUUUUUUHHHHHHH ! résonne alors mon cri dans toute la cage d'ascenseur. »
La cabine sonne l'arrivée à la destination demandée, affichant aux yeux de tous, le nouveau ridicule dans lequel j'ai eu le temps de sauter à pieds joints. Bien évidemment, je n'aillais pas rester coincée derrière ces tours de cartons ! J'ai donc profité de la descente pour essayer de me créer un passage, en poussant ceux qui me paraissaient les plus légers. Etape 1 réussie ! Seulement... Seulement, voilà : je n'avais pas remarqué que mon action en avait déséquilibrés certains. Et, au moment où je me suis glissée par mon issue, j'ai malencontreusement bousculé l'un d'eux. J'ai voulu le rattraper dans sa chute, cependant, la position dans laquelle je me trouvais n'était pas confortable. Alors imaginez : une Juliane, enjambant un carton qui lui arrive au dessus du genou, pour se glisser entre deux tours instables de boîtes, se tendant de tout son long pour retenir un suicidaire... Je vous le donne en mille : PATATRAC ! C'est donc une française encasquettée, étalant son 1m58 sur le sol, que l'équipe a retrouvé à l'ouverture des portes de l'ascenseur.
« Vous inquiétez pas : tout va bien ! je glisse entre mes dents figées par mon sourire de circonstance. »
Commence alors la plus esthétique des chaînes qu'il m'ait été donné de voir. Je passe un premier carton à Loïs, qui le donne à Casquette-Guy, qui à son tour le transmet à ... tiens ? Il vient d'où celui-là ? Je ne l'ai pas vu de la matinée !?! Il serait arrivé après ? Ou peut-être n'a-t-il pas pris la peine de monter, étant de corvée de Truck-sitting ? C'est marrant, il a un look façon Sean Paul à ses débuts, aussi bien dans le style vestimentaire que la coiffure. Même son teint et son côté mal rasé sont raccord avec ceux de la star. Il ne lui manque plus que l'accent jamaïcain, pour que l'illusion soit presque parfaite. Bon ben mon gars, pour moi, c'est tout trouvé : tu seras Sean-P-Guy !
Le carton quitte les mains du nouveau baptisé pour être relégué à... No-Way-Guy, qui n'a pas manqué de me saluer de la main depuis le bas des escaliers extérieurs, avant de recevoir le paquet. Feintant l'assiduité, je me jette illico sur une nouvelle boîte à faire passer, pour éviter d'avoir à sourire hypocritement une nouvelle fois. Et la chaîne reprend de plus bel : Loïs, Casquette-Guy, Sean-P-Guy, No-Way-Guy, Ginger-Guy, et quiconque soit en mesure de la poursuivre au-delà de mon champ de vision, jusqu'à l'arrière du camion. Chaîne coordonnée qui se répète toutes les cinq à dix secondes, selon les poids des différents colis. Ne pas oublier mes légendaires muscles en fromage blanc. Et... ouh oui ! Celui-là...
« Il est lourd ! Il est lourd ! Il est lourd ! Il est lourd ! je répète inlassablement sous une grimace d'efforts, tout le temps que mes pauvres bras le supportent. »
Mais il semble que ce ne soit que pour moi, à en juger le regard à la fois sceptique et moqueur que me porte ma surveillante, à l'instant où je lui lâche le bébé sur les avant-bras, en un soupir de soulagement peu retenu. D'une moue froissée dans sa fierté, je m'en retourne vers l'ascenseur à la recherche d'une nouvelle boîte.
Des pas résonnent à l'approche du camion, puis dépose un nouveau paquet.
« Jaydee, auriez-vous vu dJuliane ? demande alors la voix de Loïs, s'adressant à Beard-Guy en train d'agencer le mur de cartons. Je ne l'ai pas vu depuis un moment.
- Pas depuis cinq minutes ! Je crois qu'elle est remontée à l'appart'. »
L'assistante sociale semblant s'éloigner à ma recherche, je m'interromps dans la lecture du premier tome de Cells at Work, mon index marquant la page en cours. Puis je me redresse de ma confortable position au creux du canapé, installé dans le fond de la remorque, et passe ma tête au dessus du mur de cartons. D'un regard curieux, j'interroge silencieusement mon complice afin de m'assurer que la voie soit libre. Il me répond d'un clin d'œil entendu, le sourire camouflé dans sa barbe de vingt centimètres. Je lui fais alors signe de s'approcher pour un High-Five victorieux, avant de m'en retourner à ma lecture, en reprenant mes aises sur le canap'.
Il est sympa, Beard-Guy ! Lui non plus ne s'était pas présenté à mon étage. Et pourtant, j'aurais préféré, plutôt que l'autre-là... Hyeurk ! Rien que d'y penser, j'en ai des haut-le-cœur. Non, lui, il est cool ! C'est même lui qui m'a proposé de prendre une petite pause, planquée à l'arrière. Il faut dire que lorsqu'il m'a vue arriver, la tête rouge d'efforts, complètement essoufflée, il a dû se dire que j'en méritais bien une. D'accord, je dois l'admettre, ce qui aurait dû être un repos de cinq, allez dix minutes, s'est transformé en une demi-heure de détente. Mais que cela ne tienne, tant que Loïs ne me prend pas sur le fait, ça me convient.
Toutes les bonnes choses ayant une fin, je me motive à descendre du camion. Une fois les deux pieds au sol, je ne peux empêcher mon regard de se perdre sur mes fenêtres, l'amertume en bouche et le lourd soupir coincé dans mes poumons. J'ai du mal à croire que ce sont les derniers instants que je passe ici. J'ai beau avoir aidé à déplacer des meubles, porter des cartons, je ne parviens pas à me faire à cette idée. Je n'ose même pas y retourner, de peur de réaliser le vide qui a pris possession de mes murs. Enfin mes murs... Plus pour très longtemps... Baissant les yeux, un furtif rire ironique me surprend. De toute façon, il ne m'a jamais appartenu, ce studio.
J'ordonne à l'ascenseur de me rapatrier au quatrième, puis me laisse tomber en arrière en une expiration cherchant à me soulager, le miroir pour seul soutien. Mes yeux sur le compteur, je sens mon cœur s'accélérer davantage à chaque étage, comme un compte à rebours sonnant les derniers instants de ma vie civilisée. Une main dans la poche à la recherche de mon smartphone, je quitte ce maudit détonateur pour me fixer sur un autre : celui qui annonce l'arrivée de l'agent de la compagnie immobilière. 10h38... D'un nouveau soupir, je tente de calmer ce cœur prisonnier d'un étau d'angoisse naissante, tandis que la clochette de l'ascenseur me rappelle à l'ordre.
J'arrive au seuil du studio et affronte, de mes propres yeux, le néant qui y règne en maître. Mon cœur s'en resserre, m'en coupe le souffle. Les angoisses se traduisent en braille sur mes membres, tandis qu'un frisson me paralyse la colonne. J'ose à peine mettre un pied devant l'autre, tant cette tension étouffe ce qui pourrait me servir d'aura, si j'en avais une. J'ai l'impression de faire des pas de loup dans un cimetière, anciennement connu sous le nom de Living-Room. Et pourtant, le moindre de mes gestes y résonne d'une réverbération toute neuve, brisant ce silence de mort. J'ai du mal à réaliser que j'ai vécu dans cet environnement, tant il me semble inconnu, froid, impersonnel. Seuls les malicieux grains de poussière qui s'étaient cachés sous les meubles, les débris de cartons éparpillés de part et d'autre du sol, les contours du mobilier et des cadres tatoués sur les murs par le soleil, sont les uniques preuves d'une vie récente en ce lieu. Mais tout comme moi, son âme se ternit, sur le point de basculer dans l'indifférence, avant de s'éteindre pour de bon.
Je tente de reprendre une profonde inspiration, malheureusement saccadée, lorsqu'une main se pose sur mon épaule. Je tourne lentement la tête vers la gauche : Loïs... et son sourire empli de compassion. Si j'osais, je fondrais dans ses bras. Mais elle et moi n'avons pas ce genre de rapport. Je suis la sale gosse paumée à recadrer. Elle est la surveillante intransigeante au cœur d'or. Je ne l'aurais pas connu en ces circonstances, peut-être aurions-nous pu être amies... ou tout du moins bonnes camarades. Mais ce n'est pas le cas. La bienséance ne m'autorise donc pas de tels écarts. Je me contente alors de lui répondre d'un sourire vide de pensées positives... qui se fond très vite en une grimace, au moment où elle m'indique du pouce le quinté infernal, adossé au mur côté cuisine. Je vous présente donc : balai, balai brosse, serpillère, seau et... aspirateur.
« Bada bada bada bada bada ! je m'exclame d'une voix enfantine, en trottinant sur toute la longueur du salon, la serpillère entre les mains pour nettoyer le sol. »
Et je n'ai que faire des regards intrigués, ahuris, dérangés, qu'ils posent sur moi à cet instant : ceci est la seule façon que j'ai trouvée, pour me motiver à effectuer ces dernières tâches. Je ne voulais pas sombrer dans l'amertume. Je ne voulais pas me laisser couler dans de sombres pensées. Alors, j'ai décidé de rentrer dans mon quart d'heure de folie, quitte à être prise pour un alien. Et que cela leur plaise ou non, je continue et continuerai sur ma lancée... mais dans l'autre sens !
« Bada bada bada bada bada bada ! »
Sol : fait ! Pfiou ! Heureusement, que nous étions plusieurs, sinon ça aurait mis un temps fou. Bien ! Maintenant, les carreaux ! Par chance, le studio n'a que trois fenêtres. Cela signifie trois paires de bras. Ca va aller vite !
Allez : au boulot ! Schpritser, schpritser, schpritser, schpritser au quatre coins de la vitre. Et... frotter... ! Et merde... J'aurais bien aimé avoir une chaise pour atteindre le haut... Soupir. Tant pis... Frotter ! ... Frot-ter ! Et... Frot-ter ! Soupir. C'est épuisant de sauter toutes les trois secondes pour atteindre les coins du haut.
« Jé peux t'aider, si tou veux ! s'empresse alors No-Way-Guy, en subtilisant le chiffon de ma main, d'une caresse trop suggestive à mon goût. »
Hyeurk.... Il a osé me toucher ! Si j'avais le temps, je repartirais illico prendre une douche avec du Cif Salle de Bain.
« Euh... »
Il m'adresse pour la énième fois sa face de lover hispanique. Je me retiens tellement de lui en coller une pour le refroidir. Mais... puisqu'il s'est si gentiment proposé...
« Ouais ! Okay ! Whatever ! je me contente de répondre d'un haussement d'épaule. »
... autant lui laisser le plaisir de terminer cette tâche à ma place !
DRRIIIIIIIIIINNNGGG ! ! ! ! !
Ca y est, l'heure a sonné : celle de mon expulsion, en bonne et due forme. Revêtant son blaser le temps d'arriver à la porte, Loïs se charge d'accueillir le représentant de l'agence immobilière : un homme d'une trentaine bien avancée, en costard trois pièces beige, chemise bleu marine et cravate bordeaux, chaussures de ville marron, sans oublier l'attaché case. Il n'avait pas besoin de se mettre sur son trente-et-un pour cela. Il ne rencontre pas le président : il me jette dehors !
Les cheveux châtains courts, quelque peu dégarni au dessus des tempes, le visage allongé, terminé par un menton légèrement crochu, les yeux marron clair en amande et un nez fin, long et pointu : la panoplie complète du rat des villes ! Ouais, c'est cela ! Un sale rat, prenant un malin plaisir à étudier les moindres recoins de mon studio, pour s'assurer qu'il n'y aura aucune caution à me restituer. Et dire que je vais devoir lui remettre le jeu de clés à la fin de sa visite. Mes yeux se portent alors sur le trousseau pendouillant à la serrure. Je réalise soudainement que j'ai omis un détail et pas des moindres. Un regard par-dessus mon épaule : Loïs, en bonne professionnelle, s'occupe de son homologue démoniaque. Tant mieux ! Qu'elle fasse diversion ! Ca me fera des vacances.
Les clés en main, je saisis le sac poubelle trainant à côté de la porte, dans l'intention de le descendre au local du rez-de-chaussée. Quitte à vouloir éviter à tout prix d'être en présence de Ratigan, autant me rendre utile. C'est la moindre des choses que je puisse faire.
Une fois les ordures déposées, je m'avance vers les boîtes aux lettres figurant dans le hall d'entrée. Cela fait depuis jeudi matin, que je n'ai pas relevé mon courrier. Ceci dit, je doute fort y trouver une bonne nouvelle. De la pub, au mieux. Une nouvelle paire de factures oubliées, au pire. Verdict à l'ouverture ? Eh... Eh bien, ni l'un, ni l'autre. Que du vide... A l'image de l'appartement. C'est le cœur à la fois amer et soulagé, que je referme la boîte aux lettres, prenant soin d'en retirer l'étiquette sur laquelle figure mon nom.
« Oh ! C'est donc vous qui déménagez, Miss Doubouteow ? »
Cette voix nasillarde aux intonations dignes des British, perchée sur de hauts décibels liés à sa surdité... je la reconnais entre mille. Je me retourne lentement et fais face à mon interlocutrice, sourire hypocrite chargé et prêt à tirer.
« Bonjour, j'insiste lourdement pour mettre en évidence son manque de politesse, Mrs. Curtis. »
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