Chapitre 4
Les bras chargés d'un carton de livres, je descends, non sans précaution, les marches qui séparent l'entrée de mon immeuble du trottoir. Quelques pas plus tard, j'arrive à la voiture de Loïs, une Mercury Montego bleue de 2005, fort bien entretenue. Je tente de soulever au dessus de mes épaules le poids de la connaissance – ou plutôt devrais-je dire le poids de la fiction – contenue dans cette boîte, une grimace d'effort surhumain des plus évidentes sur mon visage, et la pose sur le toit en un soupir de soulagement. J'entends les talons hauts de l'assistante sociale s'approcher et descendre les marches à son leur tour, tandis que l'ouverture commandée des portes s'active.
« Vous pouvez ouvrir le coffre à présent, dJuliane.
- Oh merci ! je m'exécute en contournant le véhicule, manifestant une joie exagérément simulée. »
Une légère pression sur le coffre et...
« Fallait p... »
... je me le mange en pleine poire, la porte se claquant sous mon menton sans que j'aie eu le temps de la voir venir, me faisant basculer en arrière sur la camionnette se trouvant dans mon dos.
« Oh my God ! s'alarme alors Loïs, posant le carton sur le toit dans la précipitation. Vous allez bien ?
- Aaaaaïïïïïïïïeeeeeeuuuuhhhh ! ! ! ! ! je râle tout en me redressant.
- Vous n'êtes pas blessée ? s'inquiète-t-elle tout en m'aidant dans mon mouvement.
- Ca va aller ! je souffle en me maintenant le menton pour évaluer la sensibilité de la douleur. J'ai... »
Ma mâchoire inférieure craque soudainement en réponse au choc.
« ...l'habitude. »
Il faut dire que j'ai des problèmes avec l'articulation gauche depuis mes 15 ans, donc au moindre choc, soit elle se décale légèrement, soit elle se bloque. Et je suis donc obligée de jouer avec pendant quelques secondes pour la décoincer.
« Vous êtes sûre ?
- Vous savez, je dis toujours : "tant qu'je n'saigne pas, c'est qu'ce n'est pas grave". »
Je me tourne vers Miss Saunders, le regard interrogatif et le menton pointé en sa direction.
« Alors, je saigne ?
- A première vue, non ! répond elle après avoir observé le bas de mon visage sous tous les angles possibles. »
Heureusement que ma langue était sagement cachée derrière mes mâchoires, sinon je me la serais salement mordue. Et là, j'aurais pissé le sang, sa maman !
« Alors, c'est qu'ça va ! je conclue d'un haussement d'épaule. »
C'est ce moment que choisit la boîte de Loïs, contenant une partie de mes DVDs, pour glisser du toit de la Mercury. Le fracas des boitiers dégoulinant du carton sur toute la largeur du trottoir attire l'attention de l'assistante sociale, qui se retourne promptement. Nos regards stupéfaits suivant le courant de cette rivière audiovisuelle, nous réalisons ensemble qu'elle barre le passage à une dizaine d'individus, tous aussi médusés les uns que les autres. Du coin de l'œil, je mets Miss Saunders en joue, tentant de garder mon calme. Elle tourne légèrement la tête vers moi, quelque peu gênée.
« Je vous préviens Loïs, je l'informe d'une voix qui se veut posée, s'il n'y a, ne serait-ce qu'une seule et unique rayure sur, ne serait-ce, qu'un seul et unique DVD qui le rendrait invendable... »
Elle dresse un sourcil fautif mettant en valeur une moue désolée.
« ... je garde le carton entier !
- Mais ! tente-t-elle d'intervenir.
- Aaaahh ! je m'exclame en levant un index autoritaire. Fin des négociations ! »
Je m'avance en direction de l'amas de DVDs, laissant la jeune femme dans mon dos et dans son embarras par la même occasion, et m'agenouille pour les ramasser un par un, aidée par certains passants.
« Non, mais ! »
Concentré sur la circulation, Miss Saunders me conduit au centre-ville, direction mon QG mangas. Depuis le début du trajet, je m'affaire à vérifier attentivement l'état des malheureux disques qui ont rencontré le trottoir contre leur volonté. Pour l'instant, sur la première quinzaine passée au peigne fin, aucune victime n'est à déplorer... à mon grand regret... Quoique... Cela me ferait bien chier de découvrir avec horreur l'un de mes films préférés brisé en deux. Ceci dit, le carton en comptant plus du double, je ne suis pas à l'abri d'une mauvaise surprise. Tiens, qu'est-ce que je disais... Une vicieuse petite rayure sur le collector de How To Train Your Dragon ! Ca aurait pu être pire, mais...
« Haha ! je m'écrie triomphante en brandissant le DVD en direction de la conductrice. Vous voyez ? J'vous l'avais dit ! Je savais qu'il y en aurait qui s'rait abimé.
- dJuliane, je suis en train de conduire.
- Celui-ci est légèrement rayé ! Là, vous voyez ? j'insiste, prise dans mon élan, en suivant du doigt le tracé de la minuscule éraflure. Depuis l'extérieur vers...
- Quel mot vous ne comprenez pas dans "je suis en train de conduire" ? me coupe-t-elle sèchement.
- Très bien ! je me résigne sans rechigner. J'attendrai qu'vous soyez à un feu pour vous l'montrer. »
Elle freine alors brusquement à l'aide du frein à main, sans se soucier de la symphonie de klaxons qu'entraîne sa réaction impulsive, m'arrache le disque des mains, l'inspecte scrupuleusement et souffle délicatement dessus. Je fronce un sourcil intrigué tandis qu'elle jette un dernier coup d'œil sur le DVD.
« C'est bien ce que je pensais... »
Elle tend le disque devant mes yeux, côté gravé, pour me mettre sa déduction en évidence.
« Un cheveu ! Non, une rayure. »
Je n'en reviens pas de m'être encore laissée berner par les apparences. Ces dernières vingt-quatre heures tentent peut-être de me donner une leçon, de m'apprendre à être plus attentive, à tirer moins de conclusions hâtives, à l'aide de chocolat et de cheveux. Me prenant ma défaite en pleine face, j'ose à peine jeter un œil en direction de son visage victorieux, tandis qu'elle desserre le frein à main.
« Bien essayé ! ajoute-t-elle, fair-play. »
Je détourne à nouveau le regard, toujours aussi sidérée par ma stupidité. Quelle cruche tu fais, Juliane... Franchement...
Arrivée devant la boutique, Loïs m'aide à décharger les trois cartons consacrés à ma collection de bandes dessinées nippones. Je ne peux empêcher un soupir lourd de regrets de s'échapper à la vue de ces trois boîtes pleines à craquer, montées les unes sur les autres, juste devant la vitrine. Mon cœur se serre à l'idée de devoir échanger ces pages pleines d'aventures contre d'autres papiers si... ennuyeux, mais pourtant indispensables à la survie en milieu citadin... Gosh ! Je hais cette société !
« Bien ! intervient Loïs de son dynamisme légendaire, tout en fermant le coffre de sa voiture. Je vous laisse vous occuper de... »
Je me retourne vers elle, attentive à ses instructions.
« ...votre littérature... »
Le ton ironique utilisé sur le dernier terme me fait grimacer ouvertement.
« ... pendant que je vais m'occuper du reste.
- Ouais, bien sûr, peu importe, je marmonne en revenant sur ma position, mes yeux ne pouvant se détacher des premiers biens que je suis sur le point d'abandonner. »
Elle me vole un soupire, tandis qu'elle ouvre la porte conducteur de la Montego.
« Okay... Je vous appelle dès que j'en ai fini.
- Ouais, c'est ça, à plus tard... »
Le ronronnement du moteur s'éloigne, me laissant en tête à tête avec ce totem de cartons.
DING DONG !
« Bonjour ! s'empresse alors le vendeur, sortant de l'arrière boutique. Bienvenue à DaiSuki ! En quoi puis-je... »
Un premier carton dans les bras, je pousse la porte de tout mon poids et de celui de la fiction à l'aide de mon dos, non sans effort.
« Oh Hey dJouliane ! me reconnait alors Derrek.
Je parviens à passer le seuil, le dos appuyé sur la porte le temps d'une courte pause et d'un soupir exténué. Je tourne la tête en direction du comptoir, derrière lequel se trouve le séduisant jeune brun aux cheveux indisciplinés assortis à sa barbe de trois jours, le visage ovale dominé par une fossette au menton, le teint californien mis en valeurs par ses yeux océans, perché sur 1,78 mètres de manières et d'attitudes liées à son orientation sexuelle, prenant forme d'une corpulence ni chétive, ni musclée. Tout du moins, c'est difficile de juger à travers son large T-Shirt noir, ironisant à la perfection le triste sort de Nina et Alexander, au détour d'un subtil clin d'œil à la série Dragon Ball Z. J'adore ce T-Shirt ! J'aimerais avoir le même. Peut-être en a-t-il encore en stock ! ? ! Non, Juliane ! Non ! Un peu de sérieux !
« Hey Derrek ! je le salue, encore essoufflée, après avoir replacer mes esprits d'une vive série d'aller-retour de la tête.
- Tu... T'as besoin d'aide ?
- Ca n'serait pas d'refus, je réponds d'un sourire gêné. »
Il contourne le comptoir pour venir à ma rencontre et saisit le carton à bout de bras, réalisant après coup le véritable poids de la fiction d'une grimace mêlant surprise et douleur.
« Merci ! dis-je poliment enfin soulagée, avant de m'enfoncer davantage dans la boutique.
- La vache ! T'as mis quoi là dedans ? s'étonne le vendeur d'une intonation spontanément efféminée, alors qu'il rééquilibre le carton sur ses bras, tout en marchant sur mes talons.
- Une partie d'ma collection.
- Quoi ? Tu plaisantes !?!?!
- Si seulement... »
Posant mes coudes sur le comptoir, ma tête au creux de mes mains, j'expire tout le fardeau que supporte mon cœur, tandis que mon camarade pose celui que je lui ai refilé sur ma droite, avant de reprendre sa place derrière le comptoir.
« ... Mais, je suis, comme qui dirait, à cours de cash, donc... »
Lèvres pincées cherchant à afficher un semblant de sourire résigné, je conclus ma phrase d'un haussement d'épaules faisant claquer mes bras le long du corps, en bon remplaçant de ces mots incapables d'exprimer mon désarroi.
« Oh ! C'est moche, grimace-t-il par compassion.
- A qui l'dis-tu... »
Il baisse le regard pendant quelques secondes laissant s'installer un silence des plus embarrassants.
« Bon ! reprend il avec son optimisme habituel, en se frottant les mains. Voyons ce que nous avons là ! »
Il se munit d'un cutter et éventre le ruban adhésif d'un mouvement si vif, que j'en retiens mon souffle, craignant qu'il lacère malencontreusement un de mes précieux livres.
« Euh... Fais attention à... ! j'ose le prévenir, les dents serrées d'appréhension.
- T'inquiète, dJoully dJoul ! me sourit il amusé en se freinant dans son geste. Je fais ça deux fois par semaine, pour chaque...
- C'est Juliane ! j'affirme sèchement, les mains frappant le comptoir.
- Ah ouais ! réalise-t-il tête baissée, tout en dépliant les rabats du carton. C'est vrai que tu n'aimes pas ce surnom. »
D'une moue boudeuse, mise en valeur par cette joue appuyée sur mon poing, je détourne le regard pour me calmer suite à cet affront involontaire de sa part. Jully Jul... Et puis quoi encore ? Pourquoi pas Jolly Jumper, tant qu'il y est ? A moins qu'il n'essaye de dire jolie Jul... ? Dans ce cas, je devrais peut-être me sentir flattée... Mais, nan... Je n'ai vraiment pas le cœur à ça. Surtout que, si c'est effectivement le cas, il aurait vraiment à revoir ses notions de français.
« Déjà qu't'écorches mon prénom, alors n'en ra...
- Pas possible ! s'exclame-t-il stupéfait, sans prendre en compte mon commentaire. »
Les yeux exprimant la limite de l'horreur, il prend dans ses mains un trio de mangas et les fixe comme s'il s'agissait de morceaux de cadavres, le temps de les poser sur le comptoir.
« J'arrive pas à le croire ! lâche-t-il sidéré, avant de lever vers moi des iris troublés par sa découverte. Tu vends tes Ao no Exorcist ?
- Pas l'choix ! je soupire, dépitée.
- Oh my God ! Moi, ça me briserait le cœur, mais tellement, si j'devais m'en séparer, poursuit il, incapable de décoller son regard de mes tomes, qu'il ne peut s'empêcher de reprendre en main. C'est une série tellement... »
Je me racle effrontément la gorge, espérant l'interrompre dans ce qui risque de devenir l'un de ses interminables monologues. Par chance, ma tentative fait mouche. D'un regard en coin, il se ressaisit et pose les volumes entre nous, s'empressant d'en retirer ses mains. Mais encore une fois, il ne peut s'empêcher d'y jeter plusieurs coups d'œil peinés.
« ... Tellement dépassée ! tente-t-il de se rattraper avec bagout. Son âge d'or remonte à... un moment, pas vrai ? Je comprends... que tu... »
A son tour de se racler la gorge, en tournant la tête de côté histoire de dissimuler une larme émue. S'il croit que je ne l'ai pas vue, il peut se fourrer le doigt dans l'autre œil, histoire d'en avoir une de l'autre côté. Il revient sur mes couvertures, insistant.
« En plus, ils sont dans un état impeccable ! ne peut-il plus se retenir de couiner, feuilletant le premier livre du pouce. Pas une seule corne, pas une seule page déchirée, pas une seule tâche ! Ils sont comme neufs !
- Derrek...
- Mis à part la légère coloration liée à la lumière sur les tranches des plus anciens, poursuit-il son analyse, ne pouvant s'empêcher de reprendre les tomes un par un dans les mains.
- Derrek !
- D'ailleurs, ça fait un joli dégradé, s'enfonce-t-il davantage dans son étude avec un enthousiasme candide, on dirait un arc-en-ciel en tons sépia ! God ! C'en est fasc...
- Hey ! je hausse le ton, grimpant à moitié sur le comptoir pour me retrouver à quinze centimètres de son visage. »
Les pieds se balançant dans le vide, je maintiens ma position, pénétrant son regard affolé de mes noisettes autoritaires. Pour sûr, je l'ai fait descendre de son nuage, au point que son cœur en ait sursauté. Le silence reprend ses droits, me laissant quelques secondes de répit pour redescendre de mon perchoir.
« Euh... Je peux te les reprendre pour, facile... 5 dollars le tome.
- Okay ! Super ! je cautionne sans grande conviction. »
Me dévisageant, il lit en moi le premier bris de cœur qui vient de se détacher pour se noyer dans les méandres de mon néant intérieur. Conscient du malaise, il reprend ses fouilles archéologiques dans mon carton, commentant d'un crescendo d'onomatopées affligées chaque sortie de série. Blood Lad, deuxième morceau de cœur... xxxHolic, troisième soupir navré... Aku no Hana et MPD Psycho, les larmes me démangent les yeux... Soul Eater...
« Oh non ! se freine-t-il en si bon chemin, à tel point qu'il lâche le manga en question au fond de la boîte, comme s'il venait de voir un cafard sur la couverture. »
Se tournant vers moi, il plante ses aigues marines dans mes noisettes, avec l'insistance d'un principal de collège qui aimerait comprendre pourquoi un de ses meilleurs élèves se met à dealer du shit dans la cour.
« dJoul... »
Je fronce un sourcil froissé en guise d'avertissement.
« ...iane... Sweety... Faut qu'on parle ! »
Mon expression vire alors du regard moralisateur au visage perplexe.
« Dans quel merdier t'es-tu fourré pour que t'en vienne à vendre...
Il s'arrête dans son élan, faisant ressurgir du carton les deux premiers volumes de...
« ... l'intégralité de tes Noragami ?!?!?
- Ah !?! Euh... »
La main gauche se faufilant sous ma casquette pour me gratter l'arrière de ma tête, le regard penaud, je ne parviens à trouver de mensonge valable à lui sortir.
« Ce sont tes préférés, bon sang ! s'énerverait-il presque, poussé par la passion.
- Je sais, je soupire en baissant les yeux.
- C'est toi qui m'as fait découvrir cette série épique !
- J'suis au courant.
- La meilleure qui m'ait été donnée de lire ! ... De toute ma vie !
- Tu n'm'aides pas, là, je commente en me mordant les lèvres, tant mon cœur se serre dans l'étau de l'injustice.
- Je... Je n'arrive pas à comprendre, commence-t-il à sangloter, comment t'arrives à ne pas pleurer... à... à... à l'idée de devoir t'en séparer.
- J'ai vidé tout mon stock au cours des dernières vingt-quatre heures... »
Parle pas trop vite, Juliane... Tu sais qu'elles sont encore là et qu'elles guettent la moindre de tes faiblesses.
« Enfin, j'crois, j'ajoute en aparté, en détournant la tête.
- Tu sais que le nouveau tome est arrivé ce matin ? ajoute-t-il sur un ton commercial, sans aucune garantie qu'il ait entendu ma réponse.
- C'est vrai ? je m'exclame, les yeux et le sourire pétillants d'une enfant qui apprend qu'elle va partir en vacances à la mer pour la première fois de sa vie. »
Entre passionnés, nous nous comprenons, aussi bien dans la douleur de la séparation ou de la perte, que dans la joie de l'arrivée d'un nouveau volume ou d'une nouvelle série prometteuse. Mais l'heure n'est pas à la tentation, Juliane. Sois forte !
« Non, ça n's'rait pas sérieux... Je... Je n'dois pas céder.
- Dommage ! Ce qui arrive à Daikoku-san est plutôt surprenant !
- Tu bluffes. »
Il sort vicieusement le volume 19 de sous le comptoir, un petit sourire en coin.
« Non, Derrek, non !
- Alors, commence-t-il en feuilletant le manga, le regard taquin.
- Derrek, s'il te plaît !
- ... à la première page...
- J'ai dit NON ! »
Il s'arrête et cache le tome dans son dos, le regard pris en faute s'évadant sur sa gauche.
« Très bien ! Comme tu veux.
- Merci, je soupire de soulagement.
- Mais tu vas le regretter, murmure-t-il entre ses dents.
- Mais tu vas la fermer, oui !?!?!
- Okay ! Okay ! J'arrête, tente-t-il de me calmer en signant des mains. »
Je prends une profonde inspiration, tête baissée, devinant le vendeur se déplacer vers la caisse enregistreuse pour faire le total des ventes. Le cliquetis de la machine broie ce qu'il me reste d'âme de seconde en seconde.
« Bien... je t'dois 328 dollars, conclue-t-il en faisant sortir le tiroir rempli de billets, pour en extraire la somme. »
Après avoir vérifié le montant à deux reprises, il me tend la liasse, un sourire navré sur le visage. Mon regard se perd sur le portrait présidentiel du premier billet qui se présente à moi, puis croise celui de Derrek, pour ensuite revenir sur la tête d'Ulysses S. Grant, Saint patron des billets de cinquante.
« Tiens, prends les ! me réveille-t-il d'une voix douce. T'as dit que t'en avais besoin.
- Euh... En fait...
- Quoi ? Tu as des doutes ? Tu ne veux plus les vendre ? se réjouit il tel un enfant.
- Ne m'tente pas, je marmonne entre mes dents, en évitant de croiser ses aigues marines candides.
- Ben alors quoi ?
- Ben... Tu sais, je bredouille, hésitante, quand j'te disais que... c'était une partie d'ma collection... »
Je me retourne lentement, faisant face à la vitrine, me penchant légèrement sur la droite pour avoir une vue sur mes deux autres cartons qui, par chance, sont restés sagement devant la boutique. En bonne ombre, le vendeur se penche également pour tenter de distinguer l'objet de mon regard.
« Ben... c'était... LA première partie, j'annonce découragée. Il en res... »
Un fracas s'effondre, sourd, lourd. Je me retourne subitement... vers un comptoir déserté.
« Derrek ? »
Fondu au noir
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