- Elle est à croquer, ma Lucy, n'est-ce pas ? demanda Thomas.

Lucy visiblement flattée rétorqua :

- Oh arrêtes, tu veux ?

- Ben voyons, tu n'aimes pas quand je dis que tu es moche, tu n'aimes pas quand je te dis que tu es belle, et tu n'aimes pas non plus quand je ne te dis rien. Il faudrait savoir, tu veux que je te dise quoi, à la fin ?

- Les filles comme moi sont comme ça...

Pendant ce temps là, Mokato était en train de méditer, seule et nue dans sa chambre. Avec les arts martiaux et la plongée, c'était une activité qu'elle pratiquait régulièrement, pour évacuer le stress de sa journée, et, plus généralement de sa vie mouvementée, qui n'avait pas encore fini de lui réserver des surprises, bonnes comme mauvaises. Elle profitait également de ce moment pour réfléchir, et en plus des questions sur le sexe, la mort et le monde adulte, les mêmes choses revenaient sans cesse dans son esprit : « Et s'il revenait ? Et s'il recommençait ? Est-ce que j'arriverai à garder mon sang-froid aussi bien que la première fois ? Qu'est-ce qu'il me voulait, la première fois ? Est-ce qu'il reviendra bientôt ? Oh non, je sens qu'il se rapproche... »

Elle pensait au virus informatique qui s'était incrusté en elle quand elle était petite. Mokato avait une incroyable intuition. Elle arrivait de plus en plus souvent à prédire l'absence d'un professeur, l'arrivée de quelque-chose d'improbable, et la présence d'un ami de sa mère à la maison. Quelques fois, ce n'était pas sa conscience qui lui indiquait toutes ces choses, mais son inconscient, par des rêves prémonitoires. Ils étaient déformés, mais à la fin, ils voulaient toujours dire quelque-chose de très précis et qui se produisait réellement le lendemain ou parfois une semaine après. En songeant à toutes ces choses, donc, elle s'était fixée un point sur la tapisserie, le même point qu'elle fixait à chaque fois durant ses méditations, histoire de rester concentrée tout en laissant son esprit s'échapper de sa coquille.

C'était un commissariat de police qu'elle fixait, un commissariat engouffré entre les autres immenses bâtiments. D'ailleurs si jamais Mokato n'arrivait pas à s'intégrer dans une université d'informatique et/ou de robotique, elle avait préparé un plan B : la police. Comme c'était une fille très intelligente et très logique, elle pouvait facilement mener une enquête et assembler des preuves, comme un puzzle. Plus jeune, elle adorait les puzzles. De plus, en rentrant dans la police, elle pourrait très certainement se procurer les armes de ses jeux vidéos, et les utiliser pour faire régner la justice. Mais aussi pour, son but majeur, se venger du pirate informatique si elle le retrouvait. Elle en avait bien l'intention, d'ailleurs, et ce qui était sûr, c'était qu'elle n'allait sûrement pas attendre d'avoir fini ses études pour se mettre à sa recherche.

« Merde, pensait l'homme, mais où est-ce qu'il est passé ? » Le programmeur fouillait désespérément dans ses données, dans tous ses dossiers, même ceux des autres membres de son équipe et les plus confidentiels, mais il ne trouvait rien. L'un de ses hommes arriva, et lui demanda :

- Il y a un problème, Monsieur ?

- Vous n'auriez pas vu notre projet, par hasard ?

- Euh... Lequel ?

- Le nouveau !

- Ah... Non, désolé. Pourquoi, vous l'avez perdu ?

- Perdu ? Non, vous savez bien que je ne perds jamais rien ! Merde, si ça se trouve il s'est encore échappé !

L'autre homme rit :

- Échappé ? Parti ? De sa propre initiative ? Mais voyons, chef, c'est impossible !

- Il l'a déjà fait une fois, qu'est-ce qui vous fait croire qu'il ne serait pas capable de recommencer ?