On était jeunes, on était cons. (Version 2.0)
On était jeunes, on était cons.
(@Un_petit_korogu)
On était jeunes, on était cons.
Tous dans ce pensionnat, tous jeunes.
Tous dans le même uniforme, tous cons.
Pas d'exception ! Les garçons comme les filles.
On en était tous conscients, plus ou moins, mais on s'en foutait : parce qu'on était jeunes, et tout aussi cons.
Mais moi je voyais June, et June elle me voyait. Et comme ça, chacun sur notre banc, face à face, on se fixait, sans oser bouger.
June elle me plaisait bien, avec ses cheveux noirs, ses yeux verts, son petit nez rond. Et moi je lui plaisais bien, avec mes cheveux blonds, mes yeux marrons, mon visage fin.
On se plaisait, en bref. Mais on était jeunes, on était con, alors on s'le disait pas.
***
On était jeunes, on était con.
Un jour elle s'est levée, elle est venue, si petite, et mignonne qu'elle était, s'asseoir à côté de moi, le grand dadais idiot.
Mais elle était jeune, et moi aussi, et tous les deux on était vraiment cons, et du haut de nos 10 ans, on a rien dit.
Alors on a regardé le banc d'en face, silencieux, fidèles à nous même et notre nature.
On a passé des jours, des semaines, p't'être des mois, à regarder le banc d'en face. Une éternité, en somme.
Puis un jour, j'sais vraiment pas pourquoi, j'ai baissé les yeux, et je l'ai regardée. June elle me regardait déjà, peut être depuis des jours, des semaines, p't'être des mois, mais moi j'étais trop con, et je la voyais pas.
Alors elle m'a souri, alors j'lui ai souri.
Et tous deux dans le froid du mois de décembre, on a tourné la tête, dans l'embarras, et puis on a rougi aussi.
***
On était jeunes, on était cons.
On a parlé un peu, mais pas beaucoup, pas très longtemps non plu. Quelques mots tous cons. Un "bonjour". Un "coucou".
Et au fond, tous les deux on espérait un "je t'aime". Peut-être même pas qu'un... Mais on était jeunes, on était con, on s'l'ai pas dit.
Puis vinrent les vacances d'hiver. On est parti chacun de notre côté pendant deux longues semaines. On s'est regardés une dernière fois, pour ce qui nous semblait être une éternité. On a failli ce jour-là, on était à deux doigts de tout avouer. Mais on était jeunes, on était cons, on l'a pas fait.
Elle elle pensait à moi, et moi je pensais à elle.
Je lui avais donné mon numéro à June, et elle m'avait donné son numéro ma June.
Mais dans le pack de la jeunesse, il y a la timidité.
On était jeunes, on était con : on s'est pas envoyé ce texto.
***
On était jeunes, on était con.
Quand je suis rentré au pensionnat à la fin des vacances, j'ai vite posé mes valises dans ma chambre, et puis je suis sorti.
Je m'suis assis sur le banc, et j'ai attendu. Un peu, beaucoup, longtemps. Et puis elle est arrivée, ma June. Elle s'est assise sur notre banc et elle m'a regardé, un petit sourire aux lèvres. J'avais envie de la prendre dans mes bras, de l'embrasser, de l'aimer à devenir fou. J'avais envie de lui dire... Juste ces deux, ou plutôt trois petits mots, "Je t'aime". Elle a lâché un "Bonne année". Et j'ai lâché un "Bonne année". Et puis on a rien dit.
On était jeunes, on était con, et on a juste fixé le banc d'en face. Un peu. Beaucoup. Longtemps.
Et puis, elle s'est collée à moi. "J'ai froid", qu'elle m'a dit, et moi j'étais jeune, et j'étais con, et puis il faisait vraiment froid, alors j'l'ai cru.
***
On était jeunes, on était con.
Ça a duré longtemps, comme ça. On arrivait le matin, on se collait, parce qu'on "avait froid". Et à chaque fois, on était rouge, mais tellement heureux.
Et puis l'hiver est passé, on avait plus de raison d'avoir froid. Mais on a continué. On avait plus d'raison, mais "juste comme ça".
Un jour, June elle est venue s'asseoir sur notre banc comme d'habitude. Non, pas exactement comme d'habitude au final. Parce que ce jour là, June elle s'était faite belle. Elle avait mis un collier bleu tout brillant, bleu comme l'océan, par dessus l'uniforme noir et terne. C'était pas grand chose, une petite attention ; mais c'était déjà ça.
Et ce jour là, June m'a regardé, et j'ai regardé June.
Et ce jour là, ensemble, on l'a dit.
« Je t'aime... »
***
On était jeunes, on était con.
Le temps a passé. June, elle n'a jamais cessé d'aller sur ce banc. Moi, je n'ai jamais cessé d'aller sur ce banc.
On est sortis ensemble, on a vécu des choses. De petites choses. Mais jeunes qu'on était, ça nous semblait beaucoup.
On s'asseyait sur le banc, on s'regardait dans l'blanc des yeux. On s'embrassait. Une fois, deux fois, trois fois. Tant qu'on pouvait, parce qu'on était jeunes, on profitait.
Puis l'hiver est revenu, et puis il est reparti. Alors le printemps lui, à son tour est arrivé. June elle était encore là, un an après, elle était toujours sur notre banc, et elle avait de nouveau son collier de l'océan.
Alors on se l'ai redit. Alors on a promis, on a rêvé. Alors on a ri, on a pleuré. On était jeunes, on était cons, et on s'aimait.
***
On était jeunes, on était con.
June et moi on avait un an. Le temps a passé, et puis on avait deux ans, trois ans, quatre, cinq, même six ans.
Et à l'aube de nos sept ans, tout a basculé.
A cette soirée, on a dansé. Elle était si belle, dans sa robe rose, et j'étais si con, dans ma pauv' chemise à deux balles.
On était jeunes, on était con. Et cette nuit là, on s'est aimé, un peu trop. Elle était si belle sans sa robe rose, et j'étais si con, sans ma pauv' chemise à deux balles. On était jeunes, on était con, et un peu bourrés.
Je sais plus ce qu'il s'est passé cette nuit là.
Mais c'que je sais, c'est que le lendemain ma June n'était pas sur notre banc.
***
On était jeunes, on était cons.
June n'est pas r'venue. Une semaine, puis deux, pour moi une éternité, une éternité pendant laquelle j'ai tant souffert... Heureusement, à mon grand soulagement, la troisième semaine June était là.
Mais ma June, elle s'était transformée. Elle avait plus son p'tit sourire, elle avait plus son air heureux. Elle n'avait plus son collier tout brillant de l'océan que j'aimais tant.
A la place, elle avait les joues ternes, l'air fatigué. Des sillons de larmes séchées sur ses joues. Elle avait tant pleuré... Pendant ce long calvaire, June aussi avait souffert.
Ma June elle s'était assise sur le banc d'en face. Elle me regardait plus : elle pleurait. Elle pleurait, ma June. J'aurais aimé la prendre dans mes bras. Je ne sais plus comment, mais j'ai compris, que ce soir là j'avais fait une énorme connerie.
Je n'sais plus trop comment j'l'ai pris, mais c'que j'sais c'est que pendant bien trop longtemps on s'est fixés, elle sur un banc, et moi sur l'autre.
Et j'ai souffert, encore, et j'men suis voulu, toujours. Le fait est qu'on était toujours jeunes, mais plus si con.
***
On était toujours jeunes ; mais pourtant bien moins con.
J'ai pensé, j'ai réfléchi. J'en avais mare de moi, marre de c'te vie de merde sans ma June. Elle me manquait terriblement, et j'espérais fort que c'était réciproque. Seul comme un con, sur mon banc.
Elle elle était en face, les mains sur son ventre qui s'arrondissait, à mesure que le temps filait.
Et puis au bout d'un certain temps, quelques jours ou quelques semaines, quelques mois peut-être. C'était si peu, et pourtant ça me semblait être une éternité.
J'ai fait un pas. Puis deux. Puis quelques pas de plus. Et je m'suis assis sur le banc de ma June. Je l'ai regardée, elle m'a regardé. Pendant longtemps on s'est fixés, on s'est littéralement dévorés des yeux.
Puis "juste comme ça" on s'est collés ensembles, comme au début. Quand on était encore jeunes, encore con.
Alors je l'ai regardée, alors elle m'a regardé.
Moi j'aimais June de tout mon cœur. June elle m'aimait de tout son cœur. Alors j'me suis excusé, alors elle m'a pardonné. Pendant ces longs mois, on a pensé.
Et on s'aimait tellement fort, que même le temps ne pouvait nous arrêter.
On était plus si jeunes, on était plus si con.
***
On était plus si jeunes, on était plus si con.
On a attendu. Un peu, beaucoup, longtemps. Mais c'était bien trop court à mon goût.
Malgré tout, j'ai aimé ma June, et ma June m'a aimé.
June et moi, quand on a vu la petite chose, on s'est encore plus aimé. On s'est tellement aimés, qu'on a dû partager un peu de notre amour avec lui, notre cadeau. Notre cadeau « qui vient du ciel » ; en latin, Caelestis.
Et puis il a ouvert les yeux, et puis je l'ai regardé.
Ce petit bout de moi, ce petit bout de June.
Il avait ses beaux yeux verts, il avait mes cheveux blonds. Il avait son petit nez rond, il avait mon visage fin.
June et moi, on a eu si peur de le casser. De casser ce bonheur trop instable, de détruire cette vie si fragile, d'anéantir tout ce qu'on avait construit ensemble.
On est allés dans le parc du pensionnat, et on a dit « adieu » à notre banc. A notre enfance. A ces souvenirs ; à ce bonheur.
Alors on a regardé Célestin, et finalement, il était là tout notre bonheur, tout notre amour... Tous ces souvenirs.
On est partis ensemble, le bonheur aux lèvres, un peu naïvement. On est partis ensemble, vers notre futur fleurissant. On est partis ensemble, dans ce bonheur naissant.
***
C'était un éternel recommencement.
Toujours plus de jeunes. Toujours plus de cons.
Quand je me suis levé ce jour là, je suis parti pour un petit tour. J'avais envie de le revoir encore, juste une toute petite dernière fois.
J'ai marché jusqu'à lui. Je n'étais jamais parti très loin, j'avais besoin de mes souvenirs.
On avait toujours vécu tout près de lui, ma June et moi.
Lorsque je suis arrivé, je me suis approché du grillage du pensionnat. J'ai scruté la cour, j'ai regardé chaque chose avec attention, et puis je l'ai enfin trouvé ; une larme a coulé sur ma joue toute ridée.
Il était toujours là. Même après une demi-vie, il tenait la route. Ce banc, ce banc qui avait forgé ma vie. Notre vie. Lui, il avait toujours regardé silencieusement. J'étais sûr qu'il avait été comme ça avec tout le monde, il avait aidé beaucoup de jeunes cons. Je savais bien que ce n'était qu'un objet, pourtant je lui étais si reconnaissant...
J'ai baissé les yeux, et ma June était là. Elle me souriait elle aussi, les larmes aux yeux. J'ai touché sa joue douce et mouillée, elle a touché la mienne. Et nous nous sommes embrassés, encore.
Pour la première fois depuis trop longtemps, j'étais August, tout jeune, tout con. J'étais avec ma princesse, rayonnante de bonheur, respirant la jeunesse.
Ce soir là, en rentrant chez moi, j'ai pensé ; j'ai pensé à ma vie. J'ai pensé à moi et à June, je me suis rappelé cet hiver glaçant, collés l'un contre l'autre, je me suis rappelé nos baisers envoyés dans le froid du décembre de nos trois ans. Je me suis souvenu du collier tout brillant, bleu océan, celui que j'aimais tant. Je me suis souvenu de sa robe rose, de son sourire éclatant ce soir là, de l'ivresse du bonheur et de la jeunesse. Je me suis souvenu de ces moments d'angoisse partagés, et de ces longs mois, les mains sur le ventre rond de mon aimée. Je me suis souvenu des larmes de la naissance de notre trésor, notre cadeau du ciel. Du petit Célestin, et de tout l'amour grandissant au fil des jours.
Je me suis souvenu de nos jours heureux. Je me suis souvenu du beau temps, et de la pluie, et même de l'orage, et la tempête de notre vie. Je me suis souvenu du soleil, radieux comme nos sourire.
Et puis, je me suis posé une question, une seule, unique question.
« Que se serait il passé, si jamais ma June n'avait avancé ? Que se serait il passé, si jamais nous ne nous étions embrassés ? Que se serait il passé... si on ne s'était tout simplement jamais rencontrés ? »
Et finalement, je me suis dit que tout était réussi. Je ne regrettais rien, et June quand elle s'était endormie elle avait dû se le dire aussi.
J'ai souri. J'ai fermé les yeux. Et puis je suis parti. Je suis parti loin, très loin. Dans un endroit où, peut être, June m'attend.
Merci de tout cœur pour votre lecture :)
Et, je l'espère... A la revoyure ?
INFORMATION A L'ATTENTION DES FÉRUS D'ORTHOGRAPHE !
Je ne suis pas non plus le Becherel, et malheureusement pas très douée pour repérer mes fautes d'orthographe/de frappe... Si jamais la folle envie vous prend de relire mon texte et de me signaler les fautes en commentaires, libres à vous !
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