Chapitre trois : Deux carreaux de chocolat

Il me reste une chose à faire avant : acheter des munitions. Ces fournitures devenait de plus en plus rares, et même si petit à petit, nous réussissions à refabriquer manuellement des balles, la demande est telle que le prix d'une balle de pistolet semi-automatique a atteint la coquette somme de trois repas, et trois repas, c'est énorme ! Pour moi, c'est encore pire, il me faut cinq repas pour une balle de sniper. Je vais aller voir l'armurier officiel, le seul qui a l'autorisation du Maire de la cité à vendre des armes. Il a la quarantaine, cheveux noirs, yeux bleus, trapue et la peau blafarde. Il est tout le temps en tee-shirt et jogging, même en hiver, sent la transpiration, et ses cheveux sont habillés dans une coiffure de l'époque d'avant la Catastrophe, créant de gros boudin noirs tombant et dégueulasse. Nous avons la chance de vivre dans la "modernité", nous avons le droit à une douche toute les semaines, pour prévenir les maladies, et je ne l'ai jamais vu une seule fois rentrer ou sortir des douches publics. Pourtant, il est le seul à garantir l'achat et la vente d'armes, de munitions, et d'accessoires. Je viens vers lui, je fais abstractions de son odeur et des gens qui me dévisagent autour :
« Franck, salut.
- Salut Clopin, comment vas-tu depuis ton dernier meurtre ?
- Ça va, et toi depuis ta dernière douche ?
- Bravo, je l'avais mérité cette réflexion. Que me vaut l'honneur de ta visite, Chasseur de concitoyen ? Même si je me doute déjà de ta demande !
- il me faut des munitions pour mon fusil, même modèle, même cartouche. »

Je mets sur la table ma bourse de pièces pour le faire languir :
« Voila 100 crédits, il me faut vingt balles, tu garderas la monnaie !
- Intéressant, mais je suis sur que tu sais que le Maire m'interdit de vendre plus de 10 balles par personnes et par les temps qui court, je n'ai pas trop envie de voir débarqué les soldats, ruh, je veux dire, les surveillants de la ville. Mais ça, tu es déjà au courant, n'est-ce pas ?»

Il se racle la gorge pour modifier le terme employé pour désigner ceux qui nous surveillent. Il me regarde avec malice, un sourire carnassier entre les lèvres. Bien sur que je le sais, et je sais exactement ce qu'il veut, il n'est pas l'un des vendeurs les plus influant pour rien. J'essaye tout de même de me confondre en idiot pour contourner ses ruses :
« Oui, je le sais, comme je sais que dans une semaine, je ne saurais pas si je pourrais avoir dix balles supplémentaires. Mais je pensais qu'en étant ton meilleur client, et te vendant certains objets interdits, je chuchote avant de reprendre normalement, tu me fairais une fleur.
- Non non non, pas de ça avec moi, l'ami, tu sais qu'un contrat est un contrat, tu le sais mieux que quiconque. Arrêtes de tourner autour du pot, je sais que tu m'en as apporté, je le sens d'ici. »

Il respire un bon coup, et se délecte d'une odeur imaginaire. Car même si j'ai ce qu'il réclame, il est bien emballé dans son emballage brillant.
« Très bien, je reprends, que veux-tu comme bonus ? Nous pouvons négocier un autre "contrat" ! »

Je le force à me le dire, et c'est à moi de faire un sourire carnassier, intérieurement. Je sais qu'il déteste le dire, parce que ça serait admettre une addiction à quelque chose de très rare et donc, de très cher. Il avale sa salive, et reprend timidement :
« Quartes carreaux contre dix balles, en plus des pièces.
- Un carreau.
- Trois carreaux.
- Un carreau, ou je réessayerai dans une semaine.
- Deux carreaux, mais c'est donné au vue du risque que je prends. »

C'est exactement ce que j'ai dans la poche et que je veux lui donner. Alors avec un sourire cette fois non dissimulé, j'accepte :
« Très bien, mais c'est parce que c'est toi ! »

Je fouille dans ma poche pour commencer l'échange. Je le vois pendant ce temps, dans l'attente. Si c'était un chien, il serait déjà assis à me tendre la patte, à tirer la langue et à me faire des yeux de supplication. Je commence à tendre la mains avec sa drogue, il essaye de la prendre, mais je bifurque :
« Et notre arrangement ? »

À ce stade, je sais qu'il ne peux rien m'interdire. Il prépare ces vingt balles et me les tends. Je fais de même, et je pars rapidement, pendant que Franck range rapidement ces deux carreaux de matières noirs sucrées, que l'on appelait dans l'ancien temps "Chocolat"...

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