Chapitre six : Omega

Je me réveille de ma torpeur. Ma jambe me rappelle de cette course ancienne, de cette blessure qui avait mal cicatrisée, de ce bout de muscle qui me manque au mollet. Je me lève difficilement, et je repars vers la ville, le soleil commence à se coucher. J'ai encore le temps de me prendre un repas pour ce soir, et même de traîner et de boire de l'alcool frelaté. Je passe les portes comme les veufs et veuves de proches disparus, et je vais à la maison prendre de l'argent dans ma cache secrète. Je prends ce qu'il me faut, et je repars vers le centre, là où se concentre les cantines, là où nous pouvons acheter de la nourritures. En terme de nourriture, nous n'avons le droit qu'à de la mélasse grise informe, liquide et malodorant, mais qui nous fait survivre encore. Je mange en silence avec les autres qui m'évitent. Cette soupe est plus dégueulasse au fil des années, mais nous devons nous en accommoder, et c'est une corvée qui se produit qu'une fois par jour, nous pouvons nous en contenter. De la vrai nourriture transite sous le manteau, au prix de deux ou trois repas, mais cela ne vaut pas le coup et au final, seul le maire, ceux qui peuvent se le permettent, et les soldats, les "surveillants" de cette colonie, ont le droit à un peu mieux.
Après mon repas.... qui n'à que de nom, je file vers un bar, un petit établissement où on pouvait boire de l'alcool pour 1/2 crédit la bouteille, ce qui fait que nous devons forcement prendre deux bouteilles, si on ne veux pas laisser de pourboire. L'alcool par contre vaut son prix, il est dégueulasse, une fois trop fort, une fois une piquette, c'est la surprise à chaque ouverture. C'est un mélange d'alcool de riz, de betterave, de vin récupéré, de tout ce qu'on pouvait trouver dans la nature ou cultiver. Car oui, nous essayons de cultiver dans ce monde à l'agonie.
Je ressors de l'établissement un peu éméché, j'avais bien abusé de la bouteille ce soir, à se demander même si je suis pas alcoolique, un comble pour un tireur d'élite, un comble pour un homme qui vit après la catastrophe. Je marche un peu de travers, ma jambe gauche aidant, préférant avoir une dégaine d'ivrogne pour me concentrer sur mon environnement que l'inverse. Je dois être toujours à l'affût d'un danger, d'un événement, pour l'éviter, ou me défendre en conséquence. Je croise une rue animée ce soir, les protecteurs et leurs larbins sont de sortie, ainsi que les reclus, et en conséquence, les gardes aussi, mains sur leurs armes. Je me faufile vers ma maison, tel un serpent, jusqu'à ce que je tombe sur un chant mélodieux, un chant à nul autre pareil. Je fais comme la plupart des badauds, je suis ce chant jusqu'à son origine.
Une fille est là, assise à côté de se qui semble être un protecteur. Les deux sourient devant les personnes qui jettent des pièces de monnaies ou de la nourriture sèche dans un bonnet. Je regarde cette fille. Ces cheveux courts, mais assez long pour toucher les épaules, d'un brun foncé, presque noirs, font oublier ses yeux de la même couleur, mais avec des éclats de vert. Elle est jeune, à peine 15 ans, et très maigre aussi, mais qui ne l'ai pas ici. Elle chante un air mielleux, une douceur pour les passants, qui n'hésitent pas à lui jeter des pièces, récompense d'un spectateur qui est amusé du singe qui a réussi son tour. Elle se tourne vers moi et me fixe alors. J'ai alors une drôle de sensation, peut-être que l'alcool me déforme la réalité, mais j'ai l'impression que cette fille est soulagé de me voir. Elle m'implore d'un regard, effacé quelques secondes après par un sourire que je pense forcé. Son protecteur me regarde, voyant le manège qui se trame entre nous deux, et mets sa main sur la bouche. L'homme doit avoir dans la quarantaine, des cheveux grisonnant, la peau noirs de crasse, les yeux bleu clairs, et un embonpoint anormal. Il s'approche d'elle, et l'embrasse, dans le cou. Puis enlève sa main, et en me regardant avec des yeux froid comme le plus rude des hivers, l'embrasse sur la bouche. Les badauds ont content de ce résultat, ne comprenant pas ce qui ce passait, ou faisant semblant de ne pas comprendre. La fille n'était pas faiblarde, elle était une Omega.
Tout le monde applaudit ce spectacle morbide, et je fais comme mes comparses. Mais je comprend alors que cette déformation de la réalité faite par l'alcool était peut-être la réalité elle-même. J'allais partir quand l'homme m'interpelle d'une voix rauque :
« Eh l'ami, tu pourrais au moins la remercier du chant ?
- Désolé monsieur, je lui répond, nous sommes pas ami, et je n'aime pas cette mélodie. »

Puis je pars, en serrant les dents. Le chant reprend alors, et l'émerveillement des spectateurs aussi. Si eux se sont accommodés de cette hiérarchie, je ne veux pas encore laisser quitter le peu d'humanité qui reste en moi. Cette enfant à peur de son maitre, je le sens....

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