Cours!

Malgré la douleur, je continue de courir. Je ne peux pas m'arrêter. Je sais que si je cède maintenant, c'en est fini de moi. Il me retrouvera. Je ne sais d'ailleurs pas comment j'ai réussi à le semer jusque là.

Allez, tu peux le faire.

Évitant les branches, me cognant et butant sur les arbres morts et les quelques souches sur ma route, j'aperçois enfin la lumière tant désirée. Il est là. Il m'aidera. En mon for intérieur, une petite voix s'élève pour protester. Mais je n'ai pas le loisir de l'écouter. Avec les larmes aux yeux, je fais un dernier effort et accélère ma course. J'entends un grognement derrière moi. Il se rapproche, j'en suis certaine. Je ne peux pas me retourner, sinon je perdrais mon avance. Les poumons en feu, les jambes douloureuses et la peur au ventre, je me persuade qu'une fois ces derniers mètres parcourus, je serais sauve. Du moins, je ne serai plus autant menacée. Je sors de la forêt pour atterrir dans une clairière où se dresse une maison en bois, ancienne. Dans d'autres circonstances, je prendrais le temps d'admirer le travail effectué pour la garder aussi belle depuis tant d'années. Mais devant l'urgence, je me jette sur la porte, et tambourine, priant pour qu'il soit là :

— Hunter !! HUNTER OUVRE !!!!

Lorsque enfin il ouvre, j'entre avec précipitation et claque la porte avec violence. Je m'appuie contre le panneau en métal froid et alors que ma main tâtonne pour trouver la clé, je ferme les yeux pour essayer de calmer ma respiration. Tout à coup, j'entends le son significatif d'un verrou que l'on enclenche, proche de mon oreille. Puis le fracas de mon assaillant contre la porte qui tremble sous le choc. Et en ouvrant les yeux, mon regard se pose sur deux pectoraux massifs recouverts de tatouages. Des motifs tribaux mêlés à des visages mythologiques et des symboles mayas. Son torse tout entier est une ode aux civilisations de ce monde. Ces dessins, je ne les connais que trop bien... Et lorsque je relève les yeux, mon cœur s'arrête. Ses yeux noirs sont braqués sur les miens. Et toute une foule de souvenirs me revient en mémoire. Ses cheveux clairs sont encore un peu plus longs que la dernière fois ; ils retombent librement sur ses épaules et me donnent envie d'y passer les doigts pour retrouver cette sensation de douceur. Ses épaules... Les plus massives que j'aie jamais vues. J'ai toujours imaginé ce que je ressentirais en m'accrochant à elles, les jambes autour de sa taille. Alors je me souviens pourquoi je suis partie.

— Lexi ?!?

Sa voix profonde et grave me donne des frissons. Merde, réagis ! Mais mon cœur s'arrête tout à fait quand il pose ses mains sur mes joues et m'observe sous toutes les coutures.

— Tu vas bien ? Tu n'es pas blessée ?

Je reviens sur Terre et imagine aisément le spectacle que je dois lui offrir après cette course effrénée à travers les bois.

— Oui, je...

Au même moment, la porte se remet à vibrer sous les coups portés.

— Qu'est-ce que..

— Ne me renvoie pas. S'il te plait.

Regardant la porte par-dessus ma tête, il fronce les sourcils, visiblement agacé de voir sa propriété ainsi envahie. Il caresse une dernière foisma joue de sa main droite, puis la glisse dans ma nuque qu'ilmaintient pour m'embrasser sur le front.

— Va à l'étage.

J'hésite quelques secondes à le laisser gérer mes conneries seul. Mais ce que je lis dans son regard finit de me décider. Je hoche la tête et me précipite dans l'escalier tandis que les coups continuent de pleuvoir contre la porte. Pour autant, je ne peux pas aller jusqu'à l'une des chambres pour me cacher. Je m'assois sur le pallier, le dos contre le garde-corps en verre. J'entends Hunter ouvrir la porte.

— Qu'est-ce que tu veux ?

— Ne te fous pas de moi, Hunt. Rends-la moi.

— Fais attention, Cage. Ce n'est pas un objet dont on parle, là.

J'entends un grognement sourd.

— Elle est à moi.

— Pas encore. Maintenant, pars. Selon les lois que vous avez édictées, je pourrais te tuer pour avoir osé pénétrer sur mon territoire.

Et il claque une nouvelle fois la porte. Je réalise alors que des larmes coulent sur mes joues. Une fois encore, il m'a sauvée. Il monte les escaliers quatre à quatre et vient s'accroupir devant moi.

— Ça va aller ?

Je suis tétanisée, tant par la peur que par le soulagement. Le plus tendrement du monde, il passe ses bras sous mes jambes et mon dos, et me porte comme si je ne pesais rien. Il traverse le couloir et m'emmène dans une des chambres. Il s'assoit sur le lit et me garde contre lui. Je ne peux plus m'empêcher de pleurer à chaudes larmes. Il me tient serrée en me chuchotant que tout va bien se passer. Et sans que je m'en rende compte, je sombre dans le sommeil.

Je me réveille en sursaut, dans une pièce qui m'est familière malgré la pénombre. Je passe mes mains sur mon visage puis dans mes cheveux emmêlés et tente de rassembler mes souvenirs... Cage. Hunter. Merde.

Je voudrais me précipiter hors du lit mais mon corps me rappelle à l'ordre. Je suis fourbue, pas une parcelle de mon corps n'échappe à la douleur. J'essaie malgré tout de me mettre sur mes deux pieds. Je suis vêtue d'un t-shirt dix fois trop grand pour moi. Je ne me rappelle pas m'être changée... Je constate avec soulagement que je porte encore mes sous-vêtements. Je ne peux m'empêcher de pousser un petit rire sarcastique. Comme si Hunter allait tenter quoi que ce soit...

En boitant un peu, je sors de la chambre et descend l'escalier. Des bruits me parviennent de la cuisine. Tout en me dirigeant vers la porte, je regarde le décor autour de moi qui n'a pas changé. Un décoration parfaite quoi que sobre. Les immenses baies vitrées donnent une impression d'être en permanence à l'extérieur. Les souvenirs que j'ai dans cette pièce me font sourire. Au milieu des bruits de cuisson, j'entends un jappement et le rire si mélodieux de mon hôte. Son rire.... j'étais si certaine de ne plus jamais l'entendre rire. Et je m'en veux.

Lorsque j'arrive sur le pas de la porte, je me sens honteuse. Honteuse d'être là, de lui imposer une nouvelle fois ma présence et tous les problèmes que cela va engendrer. Je m'appuie contre le montant, tirant un peu sur le bas du t-shirt déjà bien assez long, mais peu à l'aise avec ma nudité partielle. Et la scène devant moi me donne les larmes aux yeux.

Hunter, toujours torse nu et en jeans porté bas sur la taille, a passé un tablier autour de sa taille. Il a également relevé ses cheveux en chignon rapide et il cuisine. A ses pieds, un chien noir comme la nuit jappe et saute, bien décidé à obtenir quelques reliquats du plat en train de cuire. Et Hunt lui sourit en lui parlant :

— Sooocks. T'abuses. On a une invitée, tiens-toi bien.

Et il relève la tête vers moi. Je sais très bien qu'il m'a certainement entendue me lever et clopiner jusque ici. Mais je suis tout de même surprise de le voir poser ses prunelles noires sur moi. Encore plus gênée par ma tenue qui ne semble absolument pas l'interpeller lui, je croise les bras sur ma poitrine, maigre tentative pour cacher ma gêne.

— Ça y est, tu es réveillée, Birdy ?

J'avale ma salive avec difficultés. S'il se met à m'appeler comme il le faisait avant, ça va être compliqué pour moi.

— Oui. Merci.

Il me désigne le comptoir de cuisine où il a mis deux couverts. Une fois assise, j'entends avec horreur mon estomac se plaindre avec un borborygme infâme. Hunter se fige une seconde, la poêle à la main et se met à rire.

— Eh ben ! Ils ne te nourrissent pas chez toi ?

Puis réalisant sa boulette, il nous sert en se mordant la lèvre, silencieusement. J'aimerais être une invitée distinguée et acceptable, mais après deux bouchées et un signe de tête de mon ami, je me jette sur la nourriture. Mince, j'avais oublié qu'il cuisinait si bien ! Lui mange plus posément, en me jetant de temps à autre des coups d'œil inquiets par-dessus nos verres d'eau. Je ralentis les mouvements de ma fourchette et tente de trouver comment le remercier.

— Hunt, je... Vraiment je te remercie.

— N'y pense plus.

Il replonge le nez dans son assiette et je pose ma fourchette.

— Si, vraiment. Je n'avais pas le droit de débarquer comme ça après...

Il claque sa fourchette sur la table, me faisant sursauter.

— Je t'ai dit que c'était bon.

Il n'a jamais été violent, pourtant je sens sa colère monter lorsque je vois son corps se tendre. Mais je ne veux plus reproduire les erreurs passées. Je claque mes mains à plat de chaque côté de mon assiette ;

— Hunt, regarde-moi.

Je regrette presque ma requête quand son regard plein de colère fixe mes yeux. Mais assez joué.

— Je suis désolée. Je ne savais pas où aller. Je sais que c'est beaucoup te demander. Alors je veux te remercier et te dire ce que cela représente pour moi.

Il se détend un peu.

— Tu sais que tu seras toujours la bienvenue ici, Birdy. Tu es chez toi.

Mon estomac se noue. Oui, il fut un temps où cette maison était la mienne aussi. Mais ça, c'était avant que je ne gâche tout.

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