IV - Chapitre 7 : La voie de l'exil

Hello tout le monde ! Comme vous allez? 

Welcome again dans ce nouveau chapitre d'O&P, qui encore une fois ne sera absolument pas joyeux et va vous foutre le cafard que voulez-vous ? C'est le Tome 7 ça, vous vous y attendiez ! 

Je cherche quelque chose à dire mais ma vie est sacrément monotone ces derniers temps ... Je travaille, j'écris peu (je maintiens mon avance à défaut de la creuser), et je vais avoir des lunettes, je les ai choisi hier ça a été un véritable enfer. (Bon normalement c'est "de repos pour lire et les écrans", à savoir ... 100% de ma vie). 

Ah et l'Hydre s'est retrouvée pour faire un escape-game et manger dans un super resto la semaine dernière, c'était juste trop bien, j'aime ces filles <3 

Une vie fort palpitante comme je vous le disais. Heureusement pour vous (pas pour elle), la vie de Victoria est un peu plus palpitante que la mienne. Bonne lecture les enfants ! 

***

Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province, et beaucoup davantage ?

- Heureux qui comme Ulysse
Joachim Du Bellay 

***

Chapitre 7 : La voie de l'exil.

Chère Miss Bennett,

Nous avons constaté dans nos dossiers une irrégularité de votre statut de sang. En vertu du décret n°35 daté du 2 août 1997, vous êtes donc priée de vous présenter à la Commission d'Enregistrement des Nés-Moldus ce lundi 18 août à 9h.

Afin de préparer l'entretien, veuillez répondre en amont au questionnaire ci-joint. Veillez également à apporter avec vous votre baguette, vos papiers d'identité ainsi que ceux de vos parents.

Dans l'attente de notre entretien,

Dolores Ombrage,

Sous-secrétaire d'état auprès du Ministre,

Directrice de la Commission d'Enregistrement des Nés-Moldus.

Le papier me brûlait littéralement les doigts. Fébrile, je parcourus chaque ligne plusieurs fois, et à chaque lecture mon cœur se soulevait, horrifié. Mes yeux finirent par se fixer sur la signature en bas de page, ce nom si familier qui avait été l'un de mes cauchemars de septième année. Je n'aurais pas cru que cette bonne femme puisse devenir plus cauchemardesque encore. A dire vrai, cela me surprenait à peine. En un regard, j'avais capté toute la malveillance qui animait cette femme. Je n'étais pas prête d'oublier son regard lorsqu'elle avait exigé que j'argumente pour recomposer mon équipe de Quidditch, cette lueur sadique qui avait enflammé ses prunelles et fait retrousser sa bouche flasque. Avait-elle le même sourire face aux pauvres Nés-Moldus qui se présentait face à elle ? S'attendait-t-elle à ce que je l'implore de garder ma baguette comme j'avais jadis dû ramper pour le Quidditch ? Oui cette femme aimait qu'on rampe devant elle ... C'était tout ce que j'avais retenu de son mandat à Poudlard.

J'ignorai combien de temps je restai dans ma cuisine face à la lettre, une boule au ventre. Il fallut bien l'arrivée de Simon, une valise sous le bras, pour me sortir de ma langueur morbide.

-C'est la dernière que j'avais chez moi ! Bon sang, j'en reviens pas que j'avais juré ne plus passé un 13 août ici et que finalement ... (Il se figea face à moi, les yeux fixés sur la lettre). C'est ce que je crois ?

J'acquiesçai laconiquement, vidée. Simon vint lire la lettre par-dessus mon épaule et son nez pointu se fronça de dégoût.

-Ombrage ... comme par hasard, on n'en a pas eu assez à l'école ... Qu'est-ce que tu fais ?

Je m'étais brusquement levée, le bousculant involontairement au passage. La lettre serrée dans mon poing, je m'approchai de l'évier et sortis ma baguette. De sa pointe jaillit une flamme qui vint embraser un coin de parchemin. Je contemplai le feu dévorer les bords, les courber, les noircir avant de lâcher le tout dans l'évier avant que cela ne brûle la peau. Une sorte de rage sourde pulsait dans ma poitrine.

Je suis une sorcière. Vous ne me l'enlèverez pas.

-18 août, lâchai-je finalement en me détournant des flammes. Il va falloir qu'on accélère ...

Simon garda le silence quelques secondes, les yeux plantés sur la lettre qui se consumait toujours avant de hocher la tête. Oui, cette lettre était le point de départ que nous attendions, et avec elle une date butoir. Ma famille devait être installée aux Etats-Unis avant le 18 août. Ça nous laissait quatre jours ...

-De toute manière tout est prêt, songeai-je résolument sans quitter les flammes des yeux. Mon père a dit hier à ses parents qu'il partait en voyage humanitaire aux Philippines, on a quand même jeté des sorts autour de leur maison ... Ma mère a bien avancé dans le tri de ses affaires, il faut juste que Miro agrandisse la valise ... Il ne manque que le billet d'avion, mais on a dit qu'on le prendrait en dernière minute pour brouiller les pistes. Si on utilise que des moyens moldus, ils auront plus de difficultés à les tracer.

-Mel peut prendre l'avion enceinte ?

-Il faut qu'elle fasse attention mais oui.

Simon fronça les sourcils. Dans l'évier, la lettre avait achevé de brûler et laissait derrière elle des cendres fumantes et des marques noires sur l'émaille.

-Alex père, souffla-t-il, visiblement toujours sidéré. Je m'en remets pas.

-Et bien il va falloir.

-Vicky, il t'a mis la clope au bec à quinze ans. Il s'est mis des cuites comme c'est pas permis. Quand il a appris à faire de la moto, il a saccagé le jardin de Mrs. Fischer. Tu arrives à le voir père, toi ?

Je poussai un profond soupir face aux doutes de Simon. La nouvelle du bébé était l'élément qui avait fait basculer la balance. Un enfant de chaque côté de l'Atlantique et mes parents étaient déchirés. Mais un enfant et un petit-enfant ? Ma mère souhaitait trop assister à sa naissance pour laisser une guerre la priver de ses moments uniques. A à peine cinquante ans, elle allait devenir grand-mère et elle était loin d'en prendre ombrage. Elle qui n'avait pas eu la famille nombreuse qu'elle désirait, elle voulait prendre sa revanche avec ses petits-enfants.

Tout se faisait dans la plus grande discrétion : il était hors de question que les nouvelles d'un déménagement fuitent, ne serait-ce que dans le village. Alors tout se faisait avec une minutie d'horloger. La plupart des bagages se faisaient à l'étage pour que personne ne voit le salon en chantier par les fenêtres. Si mon père avait tenu à informer ses parents de son départ, Podmore lui avait strictement interdit d'en faire de même avec ses ouailles. C'était lui que l'Ordre avait dépêché pour aider dans l'exfiltration. Il devait accompagner ma famille jusqu'à Londres et couvrir le départ de l'avion. Julius Selwyn, venu la veille visiter sa fille, avait souhaité en faire de même mais c'était Ulysse qui l'avait convaincu de renoncer : il se méfiait de plus en plus de la jeune sœur, Enoboria, qui semblait épier leurs faits et gestes pour les rapporter à Nestor.

-Non, concédai-je finalement. Et honnêtement, je pense qu'il doute encore, mais il a neuf mois pour apprendre et nous pour nous y faire.

Mon cœur se déchira de façon littérale lorsqu'une petite voix dans mon esprit me souffla qu'ils ne seraient certainement pas rentrés, dans neuf mois. J'allais rater la naissance du premier enfant de mon frère. J'allais complètement manquer sa métamorphose, je n'allais pas l'accompagner dans ce grand bouleversement ... Ma vue se brouilla et je battis rapidement des cils pour chasser les larmes. Désireuse de m'occuper, je pointai ma baguette sur les cendres et la noirceur pour nettoyer tout cela. Les crasses de la dernière vaisselle en profitèrent pour s'évacuer, laissant l'évier plus propre qu'il ne l'avait jamais été.

-Et désolée pour hier, m'excusai-je en prenant la main de Simon. On aura dû sortir ou aller au ciné, comme pour ton anniversaire ...

C'était la seule distraction que je m'étais autorisée depuis le début du mois, principalement pour compenser le fait que ne je n'avais pas eu le temps de trouver un cadeau ou même de me réjouir pour ses dix-huit ans. Simon darda sur moi un regard profondément sceptique. Le 13 août avait toujours été un passage très difficile pour lui, surtout s'il le passait entre les murs de l'ancestrale maison des Bones. C'était bien pour s'éviter cette épreuve qu'il s'était résolu à la quitter avant cette date fatidique, mais les récents événements avaient bouleversé ses plans. J'avais dormi avec lui, dans sa chambre sous la mansarde, mais ça ne l'avait pas empêché de veiller tard, à lire ou à parcourir les partitions qu'il avait trouvé dans le grenier quelques mois plus tôt pour essayer la mélodie sur sa guitare.

-C'est pas grave, m'assura-t-il d'un ton morne. Ça a été. Je suis allé déposer des fleurs sur leurs tombes avec mes parents, Susie et Lysa. Celle de tante Amy, aussi ... je n'en reviens pas que ça fasse un an, j'ai l'impression qu'il s'est passé ... tellement de chose.

-Tellement ... (Je marquai une petite pause, comme un recueillement avant de poursuivre timidement : ) quand mes parents seront partis, on reprendra ton déménagement ...

Simon rejeta la tête en arrière et il me fallut une seconde pour comprendre qu'il était excédé.

-Vicky, mon déménagement est largement mis sur pause, et pour un moment. Je ne vais pas te laisser toute seule chez mes parents ...

-Pardon ?

-Tu pensais aller quelque part d'autre ? Quand tes parents seront partis, il faudra bien que tu ailles quelque part et ce ne sera pas ici parce que c'est le premier endroit qu'ils vont fouiller. Emily a proposé mais ils ont un petit appartement avec Roger ... A toi de voir, mais tu vas passer beaucoup de temps enfermée, je pense que la maison avec le jardin et la bibliothèque sera plus agréable.

L'accumulation crue des faits noua ma gorge. Ma maison aussi, je vais devoir l'abandonner ... Je déglutis pour faire passer la sensation et pris une discrète inspiration destinée à désintégrer le bouchon douloureux dans ma trachée.

-Et la maison d'Oxford ?

-Il y a plein de travaux d'entretien et d'aménagement à faire, j'en ai pour plusieurs mois avant qu'elle soit véritablement habitable. Ecoute, Vicky, je sais que ça ne se passe pas très bien avec ma mère ces derniers temps, mais on n'a pas vraiment des masses de choix.

-Mais ...

-Ce ne sera pas parfait, admit Simon. Il y a des chances qu'ils viennent aussi te chercher ici, mais mon père en doute et de toute manière si tout se passe bien, ils penseront simplement que tu as quitté le territoire ...

-Il n'y avait pas un sortilège ... ? Flitwick nous avait fait faire un devoir ... Fidelas ?

Une lueur d'étonnement brilla fugacement dans les prunelles de Simon, comme s'il était surpris que j'aie retenu cet enchantement si complexe. Cela ne dura qu'une fraction de seconde avant que les traits de son visage ne se tendent.

-Fidelitas, rectifia-t-il avec lenteur. Bien sûr, le sortilège qui enferme un secret dans le corps d'une personne ... C'est ce qu'ils avaient utilisé pour le QG. Vicky, c'est l'un des enchantements les plus difficile à réaliser. Et le plus contraignant, aussi. Tu ne seras protégée que dans un périmètre délimité – les contours de la maison. Un orteil dehors, et Fidelitas ne s'applique plus donc ce sera d'une utilité limitée si tu comptes un peu te déplacer ... Mais c'est surtout au niveau de l'application que ça coince. Pour le lancer, il faut être soit l'objet du secret, soit le Gardien du secret – ou les deux. Et loin de moi de douter de tes capacités magiques mais Fidelitas c'est bien au-dessus de ton niveau ...

-Soit le Gardien du secret alors. Si tu l'es, tu peux le lancer ?

De nouveau, Simon grimaça. Ses doigts pianotèrent sur la valise qu'il avait ramené et qu'il avait posée sur la table.

-Je ne vais pas te répéter tout ce que je t'ai déjà dit et tout ce que tu sais déjà, entonna-t-il avec un mélange de douceur et d'appréhension. Mais ne me demande pas ça non plus ... D'être responsable de ta vie. Pas que je risquerais de trahir ... ou je ne sais pas ... (Il battit des paupières, troublé). Vicky, il se passera quoi s'ils menacent Susan, par exemple ?

La détresse dans sa voix montrait bien dans la déchirure qu'il pourrait éprouver si pareil choix se manifestait. Même moi, il me donna la nausée. Je me laissai aller contre le plan de travail et y crispai mes doigts pour m'empêcher de vaciller. Il avait raison, je n'avais pas le droit de le mettre face à une telle situation ... Je lui en demandais déjà trop.

-Tu as raison, ils me penseront loin, ça ne devrait pas être utile, acceptai-je dans un filet de voix. Ce sera chez toi ... enfin, si ... si ça ne dérange pas ...

Simon se fendit d'un petit rire et assura que la question ne se posait même pas. Apparemment, même Rose préférait me savoir sous son toit qu'à tout autre lieu. George et Susan préparaient mon arrivée en remplissant les placards de chocolats. L'anecdote me mit les larmes aux yeux, mais elle rendit Simon relativement morose. Devinant que c'était encore le sort de sa petite sœur qui le préoccupait, j'ajoutai doucement :

-Susan sera à Poudlard ... il ne lui arrivera rien.

-On dit ça depuis des années, rétorqua-t-il avec un certain cynisme. Cédric et Dumbledore sont morts dans ses murs, non ? Il peut toujours arriver quelque chose.

-On va faire graver ça sur le fronton de votre école.

Miro entra dans la pièce d'un pas lourd. Il posa brièvement la main sur l'épaule frêle de Simon et cette simple marque de sympathie traduisit tout l'émois chaotique qu'il devait actuellement ressentir. Je n'osai même pas imaginer les images, scénarios, peurs et angoisses qui devaient traverser l'esprit de Simon pour que Miro se permette un tel geste ... Puis il se tourna vers la valise avec un sourire ravi.

-Ah, parfait ! On va pouvoir empaqueter les vêtements de Marian ...

Il étouffa une brève toux dans son poing avant de sortir sa baguette. Il s'attela à en agrandir l'intérieur magiquement, entourant la valise d'une lueur mauve. Simon en profita pour se rapprocher de moi et me souffler :

-Il tousse encore ?

J'acquiesçai silencieusement avec un regard entendu. Oui, mon grand-père toussait à s'en déchirer la gorge depuis près de deux mois et c'était mentir que dire que l'inquiétude ne montait pas. Les lèvres de Simon se pincèrent et il contempla Miro pratiquer quelques secondes. L'enchantement ne prenait pas : plusieurs tentatives plus tard, Simon finit par cingler :

-Vous avez besoin d'aide, peut-être ?

-Ne commence pas, gamin !

-C'est moi qui aie enchanté les autres valises. Quelque chose vous bloque ?

La question était dite d'un ton beaucoup plus sérieux, presque grave. Miro se retourna pour darder un regard noir sur Simon avant de se remettre à nimber la valise d'une aura violette qui se faisait de plus en plus phosphorescente, presque malsaine. Sa respiration se raccourcissait et de temps à autre, une nouvelle toux le pliait en deux. Simon finit par filer avec un « je reviens tout de suite, laisse-le s'échiner ». Et en effet, moins de dix minutes plus tard, alors que Miro prenait une pause frustrante faite d'un thé dans lequel je l'avais forcé à mettre du miel, il était retour, flanqué d'Emily et Roger Davies.

-Va te faire voir, moustique ! éructa Miro en pointant un index sur Simon. Je vais très bien !

-Vous n'êtes pas capable de poser un sortilège que je maîtrise depuis que j'ai quinze ans, vous toussez comme si vous aviez le cancer du poumon et vous n'avez pas été voir le moindre médicomage depuis votre blessure (il désigna Roger du pouce). Alors je vous en ai ramené un.

-Apprenti, précisa mon ancien camarade de classe avec un sourire. Mais en ce moment je vous l'accorde, il vaut mieux éviter Ste-Mangouste ... Ils nous ont mis un « superviseur » issu du Ministère qui guette la moindre blessure étrange et épluche nos registres.

-Raison de plus pour que ce garçon ne m'ausculte pas !

Je tapai violemment la table, avec une telle hargne que mon grand-père, loin de me considérer, en sursauta. Il tourna le regard vers moi et eut l'air soudainement d'un petit garçon pris en faute.

-Perelko ...

-Tu vas laisser Roger t'ausculter. Comment tu veux défendre maman, Alex et son bébé si tu tousses et que le moindre sort te fait grimacer ?

La sévérité changeait complètement mon timbre et l'espace d'un instant, j'eus l'impression d'entendre ma mère. Miro dût avoir la même sensation car un étrange sourire retroussa ses lèvres. Il croisa les bras sur sa poitrine et se laissa aller contre sa chaise, vaincu.

-Parfait. Mais il ne me dira rien de plus que je ne sais déjà ... (Il lorgna méchamment Simon). Si je ne suis pas allé voir de médicomage, c'est que je n'en avais pas besoin. Je prends des potions.

-A base de quoi ? demanda tranquillement Roger.

L'air de rien et en prenant soin de la dissimuler à la vue de Miro, il sortit sa baguette. Mon grand-père leva les yeux au ciel face au manège mais énuméra docilement les ingrédients qu'Emily nota sur un morceau de parchemin. Pendant ce temps, Roger passa sa baguette dans le dos de mon grand-père, comme une sonde, puis sur sa poitrine. Enfin, il sortit un étrange appareil de cuivre qui ressemblait à une trompette mais dont il mit l'embout à son oreille avant de le pointer dans le dos de Miro. Il le fit plusieurs fois souffler de différentes manières et garda la patience face à un patient bougon et peu coopératif. A ma plus grande horreur, le visage de Roger s'assombrissait à mesure de l'examen. Emily avait elle tiqué à l'exposition des ingrédients que Miro ingérer et fixait depuis ses pieds pour éviter de croiser mon regard.

-Papy ... à quel point c'est grave ?

Miro soupira profondément et toisa Roger qui rangeait ses instruments dans son sac. Sa main se perdit sur sa poitrine qui s'élevait et s'abaissait à un rythme relativement irrégulier qui rendait sa respiration sifflante.

-Avec les potions, ça peut ne pas l'être ...

-Elles sont mal dosées, vos potions, lui apprit alors Roger avec une certaine sécheresse. Et avec ce que j'ai vu, c'est comme si vous preniez du sirop pour guérir une mutation du dragon.

De nouveau, Miro roula des yeux. Les miens tombèrent sur la tasse de thé qui refroidissait à côté de lui et dans laquelle j'avais mis une cuillère de miel dans l'espoir que ça apaiserait sa toux. A présent, le geste me paraissait terriblement futile ...

-Ce n'est pas comme si j'avais une mutation du dragon, protesta Miro.

-Non, convint Roger. Mais vos poumons sont attaqués, vous ne pouvez le nier. D'après Simon, vous vous êtes pris deux sortilèges violents en pleine poitrine ... Vous avez quel âge, quatre-vingt ans ?

-Soixante-dix-sept !

-C'est du pareil au même : trop vieux pour se prendre ce genre de sortilège et s'en sortir d'une pirouette. En plus c'est le genre de lésions qui s'aggravent avec la pratique de la magie ... Vous avez des difficultés à lancer des sortilèges, ces derniers temps ?

Simon lui jeta un petit regard où peinait à s'épanouir le triomphalisme. Les nouvelles étaient trop mauvaises. Je me pris le visage entre les mains et Emily vint timidement m'enlacer.

-Mais vous avez raison, soigné, ça peut ne pas devenir trop grave, ajouta Roger d'un ton prudent. Le tout est que ça n'empire pas. Je vais vous donner quelques potions qui vous permettront de faire de la magie sans risquer d'aggraver votre état, une autre qui va réduire la toux ... Par contre pour guérir les lésions, il faut le faire en hôpital, je ne sais pas si vous ...

Emily lui fit les gros yeux pour le faire taire et Roger s'interrompit brutalement. Je réalisai brusquement que ma meilleure amie ignorait que mon grand-père était un sorcier, qu'elle le découvrait pour la première fois, mais elle s'abstint de commentaire. Simon devait y avoir veiller afin que la situation ne soit plus pénible qu'elle ne l'était déjà. Je ne me voyais pas expliquer à Emily pourquoi je lui avais caché pareille information.

-Je vais vous faire les recettes, enchérit-t-elle avec un sourire à l'adresse de mon grand-père. Pour que vous puissiez les reproduire ...

-Elles sont pointues, surtout la première, objecta Roger.

-Ça va aller, insista-t-elle avec un regard incisif pour son petit-ami. Au pire j'en préparerai d'avance.

-Emily ...

Ils s'affrontèrent quelques secondes du regard jusqu'à ce que Roger se détourne pour achever de ranger ses affaires, la mâchoire contractée. Mon grand-père le suivit du regard jusqu'à ce qu'il passe dans l'autre pièce avec Simon qui attrapa Emily au passage pour me laisser seule avec Miro.

-Nerveux, ce garçon. Inquiet, il a peur que ça lui retombe dessus...

-Arrête ! m'agaçai-je, furieuse. Tu comptais nous en parler quand ?

-Quand, justement Perelko ? Lorsque tu commençais tout juste à aller mieux ? Lorsqu'on a appris que ton mage de pacotille avait pris le pouvoir ? Ce n'est pas comme si c'était une maladie mortelle, ton ami l'a confirmé ! Alors j'ai décidé d'attendre.

Le flegme avec lequel il m'annonça cela me désarçonna complètement. Néanmoins, mon souffle s'apaisa quelque peu lorsque le danger de mort imminente s'éloigna de la personne de mon grand-père. C'était quelque chose qui l'affaiblissait – pas qui le tuait.

-C'est aussi pour ça que tu n'as pas protesté pour partir ?

Cette fois, Miro se trémoussa sur sa chaise. Je ne m'étais jamais interrogée sur les motivations de mon grand-père, simplement persuadée qu'en vertu de son serment, il irait là où était sa famille pour la protéger. C'était à cette unique condition qu'il avait repris la magie ... et jamais, jamais ma grand-mère n'aurait accepté qu'il se sépare d'elle. Il était le lien qui la maintenait à la vie, la seule lumière qu'elle avait trouvé au plus profond de l'enfer. Ils ne pouvaient pas être séparé, pas plus que Simon et moi. Mais ces deux raisons ne suffisaient pas, il en manquait une dernière. Mon grand-père, prodige de Durmstrang, n'était tout simplement pas apte à la lutte. On lui avait porté un coup fatal. Il tenta de me rassurer avec un sourire.

-Peut-être que ça me rend moins vif qu'avant ... mais ne t'en fais pas Perelko. Ça n'enlève rien à ma dextérité magique. Si la potion de ton ami est efficace, alors aucune raison de s'inquiéter ...

-Quand tu arriveras aux Etats-Unis, tu iras voir un médicomage, exigeai-je néanmoins. Ne proteste pas ! Je vais en parler à Leonidas et si tu n'y vas pas, je lui dirais te t'en ramener un ! Il faut que tu te soignes, papy ! Ce n'est pas qu'une question de protéger maman ... Tu ne veux pas connaître le bébé d'Alex ?

Miro eut un petit ricanement qui se fond dans une petite toux, moins violente que la précédente. Pour la faire passer, il but une gorgée de son thé infusé de miel et grogna face au goût sans doute trop sucré.

-J'ai toujours cru que je mourrais jeune, avoua-t-il avec une sorte de nostalgie. Baguette à la main. Jamais ne me suis imaginé être grand-père et encore moins arrière-grand-père ...

-Oh c'est ça le problème, sérieux ?

-Sérieusement, comme il va m'appeler cet enfant ?

-On appelait la mère de mamy Anne « petite mamy » quand elle était en vie, si ça peut te donner des idées ...

Le grognement de Miro fut si sonore que Simon passa sa tête par le carreau vitré de la porte de la cuisine, interloqué. Un petit sourire de ma part le rassura et il s'en retourna avec Emily, quelques pas plus loin. Elle était de dos, mais semblait agitée, autant que Simon était contrarié. Une pierre tomba dans mon estomac lorsque j'imaginais être l'objet de leur dispute et je soupirai. Je m'appuyai contre le plan de travail, les entrailles plombées et luttant contre les relents de honte qui me prenait parfois.

-Je ne vais pas te jeter la pierre, en fait ...

Miro me toisa d'un œil compatissant. Il avait les yeux très pâles, d'une vague couleur bleue qui était loin d'évoquer mes prunelles que je tenais de mon père. Cela lui donnait un regard habituellement incisif, intimidant, mais depuis quelques jours il était quelque lointain, presque éteint.

-Je comprends parfaitement ce que tu fais, Perelko, assura-t-il avec douceur. Et tu as raison de le faire. Ce pays mérite d'être sauvé ... Le bébé d'Alexandre, tiens. Ce sera un sorcier. Ou une sorcière. Il faut que quelqu'un se batte pour qu'il ou elle puisse grandir dans son pays, et non déraciné comme j'ai pu l'être. Je suis fier que tu sois cette personne.

Une vague de reconnaissance monta dans ma poitrine et j'adressai un vague sourire à mon grand-père.

-Que veux-tu, je tiens un peu de toi ...

-Oh, Perelko ..., souffla Miro – et une expression douloureuse traversa son visage. Si je dois être parfaitement honnête ... Tu m'évoques davantage Agata.

Le prénom tomba comme une pierre entre nous, une pierre douloureuse dans une marre de souvenir qui nous aspergea comme de l'acide. Agata, la grand-mère de Kamila, la femme qui avait refusé la tyrannie de Grindelwald, qui avait protégé son neveu résistant et qui en avait payé le prix de la baguette de Miro ... Mon grand-père baissa la tête, visiblement indisposé de se retrouver face à son fantôme personnifié en moi et mon combat.

-Et puis, si tu tiens cette foi de quelqu'un, ce serait plus de ton père ..., ajouta-t-il résolument pour faire passer le malaise. C'est de lui qui t'a appris à toujours garder espoir. Qu'en ayant la foi, un miracle viendrait ... En plus il y a de l'espoir, ajouta-t-il, l'œil brillant. Dumbledore ... je ne devrais pas le dire ... Mais j'ai l'impression qu'il avait une piste ...

-Comment tu sais ça ?

-Il a demandé parfois mon expertise, avoua-t-il du bout des lèvres, comme répugnant à trahir le secret de l'éminent directeur. Sur de la terre, du sable, une latte de parquet ... Une fois il m'a emmené avec lui sur une falaise .... On allait sur des sortilèges très complexes, de la magie noire assez profonde. Je ne l'ai jamais pratiquée mais je la connais ... un des rares avantages à être issu de Durmstrang ... Je n'ai jamais cherché à savoir le pourquoi du comment, ce qu'il voulait exactement, mais à la façon dont il en parlait, on sentait que c'était important. Aux maléfices, sortilèges et enchantement que je retrouvais, on sentait que c'était important. On a parlé de magie noire, très noire, si noire que je ne préfère pas l'évoquer ici ... Dumbledore était sur la piste du talon d'Achille de votre mage de pacotille, Perelko, j'en suis persuadé.

-Tu crois que c'est pour ça que les Mangemorts se sont attaqués à toi en juin dernier ? m'enquis-je, saisie. Parce qu'ils avaient compris que vous étiez sur cette piste ... ?

-J'en doute. Ils ont juste appris que j'étais le frère de Dominika Liszka. C'était ce qui les intéressait : ma lignée et mes capacités. Non, Dumbledore a réussi à faire ça finement ... en espérant que la piste donne quelque chose. S'il n'a pas été trop idiot, il en aura parlé à quelqu'un. Quelqu'un qui pourra poursuivre les recherches et vous sortir de cet enfer ... comme il nous a sorti du nôtre.

***

Deux jours. C'était ce qu'il nous fallut pour acheter de tout organiser. C'était le temps qui me restait avec ma famille et il me fila littéralement entre les doigts. Je ne vis rien d'autres que des mines anxieuses, défaites, décomposées, des objets qui valsaient d'une valise à l'autre. Nous vivions au rythme des nausées de Melania, des quintes de toux de mon grand-père, des numéros de La Gazette qui arrivaient par Simon avec leur lot de mauvaises nouvelles. Le moindre coup à la porte nous mettait en alerte, même si, comme le soulignait ironiquement Ulysse, les Mangemorts ne toqueraient certainement pas. Tout le monde mettait la main à la patte. Même Emily avait pris une journée de congé pour achever les bagages.

Et alors que je passais deux jours entiers avec eux, j'avais eu cette nette impression que ma famille m'évitait. Ma mère ne pouvait me contempler sans se mettre à pleurer. Mon père n'y parvenait tout simplement pas : c'était au-dessus de ses forces. Alexandre tentait, mais Alexandre était écartelé entre plusieurs rôles. Son centre de gravité avait glissé sur Melania et son ventre pourtant toujours plat, mais qu'il caressait régulièrement d'un geste machinal. Alexandre n'avait simplement plus de temps pour moi.

Alors quand le jour fatidique arriva, j'eus l'impression de le recevoir en pleine face. Les voitures de mon père et de mon grand-père étaient alignées, chargées à bloc dans la pénombre. Les réverbères peinaient à éclairer nos tâches, mais Podmore refusait qu'on allume nos baguettes pour ne pas alerter les voisins. Cela exaspérait Rose qui en plus lui jetait des regards noirs, le rendait sans doute responsable de l'enrôlement de son fils dans l'Ordre du Phénix. Les gestes d'Alexandre étaient ralentis pour le sommeil : pour plus de sécurité, ils partaient en pleine nuit pour prendre l'avion le plus matinal à Londres. Ce soir, ils seraient à New-York. Ce soir, notre famille serait écartelée.

-Je m'en occupe Melania, lança George Bones à la jeune femme en lui prenant la valise des mains. Vos parents ne viennent pas ?

-Ma mère ? douta Melania avec un sourire amer. Je ne lui ai même pas dit que j'attendais un enfant ... J'ai fait mes adieux à mon père et Ulysse hier. J'ai considéré que c'était plus prudent qu'ils ne sachent pas quand je pars ...

-Au moins on sera libéré de leur présence pour choisir le prénom, ajouta Alexandre en étouffant un bâillement. Il l'a à peine su qu'il nous en proposait déjà des plus hideux les uns que les autres.

-Il ne manque rien ? s'enquit Susan depuis la porte. Tout est dans les voitures ?

Ma mère hocha la tête pour signifier que oui. Elle se tenait près de la balancelle, tête basse et régulièrement je l'entendais renifler. Elle avait à peine participé au chargement, préférant errer une dernière fois dans la maison qu'elle abandonnait. La gorge nouée, je lui tournai le dos et m'approchai résolument d'Alexandre. Mon frère dormait à moitié debout, appuyé contre le mur. Je pensais ses yeux fermés, avant de réaliser qu'ils étaient simplement baissés sur un objet qu'il tenait entre ses doigts. Ma bouche s'entrouvrit. C'était une bague.

-Celle de mamy Anne, précisa Alexandre quand il vit mon regard. Mel lorgne dessus depuis des mois ... j'ai réussi à la convaincre de me la laisser, pour le « voyage humanitaire ». Elle est très contente d'ailleurs, elle est certaine que ça va me responsabiliser et je crois qu'elle n'espérait jamais que je trouve quelqu'un aussi bien que Mel. Moi non plus d'ailleurs ...

-Attends ... tu vas ... ?

Alexandre secoua la tête et rangea la bague dans la poche de son manteau. Au loin, le ciel commençait à doucement pâlir : l'horizon était baigné d'une aura blanche, opacifié par la brume qui montait des champs. Mon frère huma l'air à plein poumons, comme pour en emporter un peu aux Etats-Unis.

-Non, Tory. On est déjà assez engagé comme ça, non ? Une chose à la fois ... (Il ressortit la bague et me la mit sous le nez). Non, en fait c'est une promesse pour toi. Je ne me fiancerai pas tant qu'on ne sera pas réuni, toi et moi, d'accord ? Il est hors de question que je marie sans ma petite sœur. Que tu n'assistes pas à la naissance de mon premier enfant, c'est déjà trop ...

Il n'en fallut pas plus pour que les larmes dévalent mes joues. Je m'étais promis d'attendre que la voiture soit loin pour m'effondrer dans les bras de Simon, mais c'était déjà trop tard. Alexandre pressa mon épaule. Broya serait le mot le plus exact : j'avais la sensation qu'il voulait imprimer sa marque dans ma chair.

-Tu as mon mariage entre tes mains, Tory, d'accord ? souffla-t-il d'une voix rauque. Ça implique qu'on se retrouve. Il n'y a pas de choix là-dessus. J'accepte de partir, mais uniquement pour qu'on se retrouve, d'accord ?

L'inquiétude était là, sous l'euphémisme. Ne meurs pas, Tory. Surtout, surtout ne meurs pas. C'était l'angoisse secrète, le secret de polichinelle qui transpirait dans la maison depuis deux jours, la raison pour laquelle ma simple vision mettait mes parents au supplice. Je leur avais vendu l'apocalypse et je restais dans l'œil du cyclone. Quels espoirs avaient-ils de me revoir en vie ... ? Je mis à trembler et Alexandre m'enveloppa dans une étreinte d'ours qui me broya les os.

-Et quand on se retrouvera, je demanderai Mel en mariage. Mais pas avant, Tory. Tu me le promets ? Je l'ai déjà fait promettre au crapaud mais je veux l'entendre de ta bouche ...

Dieu que ce fut difficile de prononcer ce simple mot. Il peina à remonter dans ma gorge, à serpenter dans les nœuds qui l'obstruaient, à glisser à travers la boule chauffée à blanc qui menaçait d'éclater et une fois face à mes lèvres, il fit un refus d'obstacle propre au mensonge. Pouvais-je tenir une telle promesse, alors que le destin était loin d'être entre les mains ? Pourtant j'avais envie d'y croire. Mon grand-père, avec la piste de Dumbledore, me donnait envie d'y croire. Il restait un petit espoir et il fallait que je m'y accroche.

-Promis ...

C'était à moitié un mensonge, une promesse arrachée par la nécessité, mais Alexandre parut s'en satisfaire. Après quelques secondes à réguler sa respiration, il m'embrassa sur le front et descendit le perron. Près de la voiture, mon père avait pris Simon dans ses bras. Podmore et Miro jetaient les derniers enchantements aux carrosseries pour prévenir toute attaque pendant que Jaga embrassait Susan sur la joue. Rose consulta sa montre. A la lumière des réverbères, ses yeux luisaient.

-Il faut y aller, annonça-t-elle d'une voix tremblante. Vous allez louper l'avion sinon ...

-On y va, assura Podmore. Il me reste une petite chose à régler ...

-Laisse-moi dire au revoir avant, le coupai-je en levant une main. Tu vas me déconcentrer.

Podmore me lança un regard excédé mais ne broncha pas. Melania sanglotait lorsqu'elle me prit dans ses bras et une fois dans la voiture elle s'effondra contre la vitre, le visage entre ses mains. Ma grand-mère était comme toujours d'une hauteur impressionnante. Pas de larme, pas même un œil larmoyant : il y avait de la résignation au fond de ses prunelles, ainsi qu'un féroce feu de survie. Il n'y eut pas de mot. Il n'y en avait pas besoin. Elle prit mes mains entres les siennes, les serra et effleura du bout des doigts le pendentif sur mon sternum qui ne me quittait jamais. Mon grand-père répéta qu'il était fier de moi, mon frère qu'on se retrouverait. Chaque geste, chaque mot, chaque adieu m'arrachait une larme mais lorsque je me retrouvais face à ma mère, je crus que mes jambes allaient simplement céder sous mon poids. C'était comme se retrouver face à un miroir : la pénombre abolissait l'âge et les petites différences. Les mêmes boucles, les mêmes pleurs, la même détresse, c'était tout ce que je voyais. Et quand mon père compléta le tableau, ce furent les larmes qui brouillèrent complètement la réalité. Sans que je ne le réalise réellement, je me retrouvai dans les bras de mes parents, inondées de leurs pleurs et les inondant des miens.

-Ma chérie, haleta ma mère dans mon cou. Oh ma chérie ...

La détresse de mon père semblait aller au-delà des mots. Il nous serrait, me serrer à m'en briser mes côtes, de toutes la force de ses bras frêles qui n'avait été crée que pour me porter. Pensaient-ils au bébé minuscule qu'ils avaient accueilli, trop faible pour être lâché dans la nature qui avait nécessité des années de soin ? Souhaitaient-ils me remettre dans la couveuse car au moins dans cette boite de verre, j'avais été à l'abri de tout ? Ma mère s'écarta une seconde pour prendre mon visage en coupe.

-S'il te plait, supplia-t-elle, le visage inondé. S'il te plait, Victoria, viens avec nous ...

C'était une supplique en désespoir de cause et elle m'arracha un sanglot. Incapable de la contempler, d'affronter son regard, je secouai la tête.

-Non ... Je suis désolée, je ne peux pas ...

-Ma chérie ...

-Elle ne peut pas Marian, murmura mon père d'un timbre brisé. Toi non plus tu ne pourrais pas ... Elle ne peut pas ...

La fin de la phrase alla se perdre dans un étrange hoquet et il m'amena de nouveau contre lui. Ce n'était pas possible, on m'arrachait le cœur. C'était pour cela que je ne le sentais plus dans la poitrine : son battement était réduit, étouffé par le chagrin, la douleur. J'avais choisi de garder Simon et l'espoir dans ma vie, mais ce n'était qu'à l'aube que je réalisai ce qu'il m'en coûtait réellement. J'avais toujours refusé de les quitter. Jamais ça ne m'était venu à l'esprit, même pas pour voler de mes propres ailes. Il avait fallu la guerre pour couper ce lien ...

-Fais attention, ajouta mon père, la voix étouffée. Par pitié, prends soin de toi, fais attention ... Reviens-nous.

De nouveau, la promesse fit un refus d'obstacle et cette fois fondit sur ma langue, incapable de se formuler. Puis Podmore répéta d'un ton étrangement ému qu'il fallait partir et mon père trouva au fond de lui la force de me lâcher. Derrière, la campagne se teintait timidement d'orange et de rose et nimbait le départ dans une douce lueur, comme si l'univers tentait d'adoucir l'instant. Mes parents restèrent statiques, les bras ballants à me contempler de leurs yeux noyés et je finis par couper cours en leur tournant le dos. Je n'arrivais même plus à décrire mes sensations : j'avais l'impression qu'on déchirait chaque part de mon être, d'être déchiqueter de l'intérieur, que tout surchauffait. Pressée de fuir, je m'engouffrai dans la maison dans le moindre regard en arrière, faillis trébucher sur le seuil et me rattrapai à la barre de l'escalier en face, à bout de souffle. Derrière moi, le parquet grinça et une main se posa sur mon épaule.

-Allez, un dernier petit effort, m'enjoignit Podmore avec patience.

-Pardon ...

-Ne t'excuse pas. Mais dépêche-toi ...

Incapable d'articuler le moindre mot, j'acquiesçais et tirai une mèche de mes cheveux. Elle se détacha avec une pointe de douleur et Podmore la laissa tomber dans un flacon de cristal qui contenait une substance boueuse. Au contact de la mèche brune, elle bouillonna et se colora en une couleur bleu ciel.

-Tu as l'air appétissante, Tic, tenta de plaisanter Podmore avec l'ombre d'un sourire. Je te promets de les mener à bon port, d'accord ? Il ne leur arrivera rien et je ne quitterai pas le tarmac tant que l'avion me sera visible.

-Merci ...

-C'est normal. Maintenant ferme les yeux, ça peut être déstabilisant comme expérience.

Je me cachai docilement le visage entre les mains au moment où Podmore portait le flacon à ses lèvres. De toute manière, je n'aspirai à rien d'autre en l'état des choses. Je l'entendis marmonner, pousser des grognements qui m'arrachèrent des frissons, avant qu'il ne presse une dernière fois mon épaule. Il s'éloigna, descendit le perron. Les sanglots me déchirèrent toute entière lorsque le moteur des voitures se mit en route et je m'écroulai sur l'escalier, complètement vidée. Le son de mes pleurs masqua complètement leur départ, mais je sus qu'il avait eu lieu lorsque je fus à nouveau entourée. Susan m'atteint la première pour poser sa tête contre mon épaule et Simon m'enlaça en plaquant un tendre baiser dans mes cheveux, mais aucun de leurs gestes ne parvint à me calmer. Il fallut plusieurs minutes pour que je prenne la peine de remplir mes poumons d'air, de prendre une première grande inspiration.

-Leonidas va les réceptionner à New-York, souffla doucement Simon en me caressant les cheveux. Ils sont partis hier, eux ... Tout ira bien ...

-Je crois qu'en plus Alexandre va loger chez quelqu'un qui a déjà des enfants, enchérit Susan d'une petite voix. Il va pouvoir s'entrainer, au moins ...

C'étaient des mots vagues destinés à m'apaiser, à occuper mon esprit. Ils ne m'arrachèrent aucunes réponses, mais attinrent leur objectif. La douleur pulsait toujours dans ma poitrine, mais ma respiration se régula lentement, assez pour que je prenne conscience de l'agitation. Rose et George rangeaient la maison de manière à ce qu'elle paraisse toujours occupée, brisèrent le miroir qui la liait à la leur pour ne pas être compromis, murmuraient pour la suite des choses. Lorsque je me redressais définitivement, le soleil pointait clairement à l'horizon et faisait entrer la lumière à flot dans la pièce, découpant leur profile à contre-jour.

-Il nous reste encore une étape, fit valoir George d'un air sombre. Susan, tu t'occupes des affaires de Vic' et tu la fais transplaner à la maison ... Simon, va avec maman ...

Susan se dépêcha de bondir sur mes pieds pour chercher mes valises. Simon, lui baissa la tête. Commençait aujourd'hui une tâche déplaisante de notre plan : ensorceler les habitants de Terres-en-Landes. Ça ne devait pas aller au-delà du sortilège de confusion, les convaincre que le révérend avait prévu de longue date ce voyage aux Philippines et que sa fille l'avait accompagné. Mais je savais qu'il était également question d'interroger nos voisins ... et d'effacer leur mémoire si jamais ils avaient été un peu trop curieux.

Nous attendîmes que Susan descende avec mes affaires. Simon m'embrassa sur la tempe avant de suivre sa mère, baguette à la main. George ferma la porte derrière nous. Susan et moi passâmes par le jardin. Je libérai Archimède qui s'envola vers la maison des Bones avec un cri de jouissance. J'avais proposé à Melania de le prendre, de s'en occuper : une sorcière aurait toujours besoin d'un hibou et je doutai avoir beaucoup de courrier dans les semaines à venir ... Mais mes parents avaient refusé net. C'était leur cadeau à moi. Mon père soulignait que j'en aurais besoin ... et aujourd'hui, je lui donnai raison. Oui, j'avais besoin d'Archimède, de ce magnifique cadeau d'acceptation. Les hiboux avaient toujours été le lien entre les sorciers : il serait celui avec mes parents, par-delà les continents. Il ne pourrait leur porter de courrier, mais il était là pour me rappeler qu'ils m'aimaient, que j'étais une fille dont ils étaient fiers. Que même eux m'avaient acceptée comme sorcière ...

Un à un, je levai tous les sortilèges qui avaient protégé la maison et qui n'étaient à présent plus utile. Le dernier, l'anti-transplanage, permit à Susan de pouvoir prendre mon bras et magiquement nous transporter jusqu'au portail des Bones, en lisière du village, au bas de la colline. Je reniflai encore, la gorge lacérée par mes pleurs, les yeux brûlants. Je m'apprêtai à rentrer, à peine consciente que moi aussi, je prenais le chemin de l'exile quand une voix m'interrompit net dans mon élan.

-Vic' !

Je me figeai complètement dans l'allée. A mes côtés, Susan me gratifia d'un regard horrifié et nous nous tournâmes de concert vers Chloé. Mon amie d'enfance était en tenue de sport, ses cheveux bruns relevés en chignon lâche sur sa nuque, ses lunettes de soleil plantés sur son nez. Elle revenait visiblement de son jogging matinal et se précipita sur le portail, affolée.

-J'ai vu tes parents partir ce matin, chargés comme des mules ! Vous déménagez ? Oh mais ... (Elle retira ses lunettes pour nous gratifier de ses yeux écarquillés). Ça ne va pas ? Oh ma belle, tu as les yeux rouges comme tout, qu'est-ce qui se passe ?!

-Vic', il ne faut pas qu'elle ..., commença Susan, inquiète.

J'achevai sa phrase sans difficulté. Il ne fallait pas qu'elle me voit. Pour l'ensemble du monde, je devais être partie pour les Philippines dans les bagages de mon père. Y compris pour elle ... Il en allait de ma sécurité, mais aussi celle de mes parents. Si quelqu'un découvrait que j'étais encore ici, ils remettraient la version du voyage humanitaire en cause et ... Je considérai Chloé, l'une de mes meilleures amies, celle avec qui j'avais partagé mes premières bières, avec qui j'avais joué au foot dans un cimetière. Tous les souvenirs se bousculaient dans ma tête au moment où ma baguette s'éleva, presque seule. Chloé eut un mouvement de recul.

-Qu'est-ce que c'est ?!

-Oubliette.

Le regard de Chloé se voila et se perdit au loin. Lentement, ses doigts lâchèrent la barrière et elle fit mécaniquement volte-face avant de reprendre son trajet sur le trottoir. Elle trébucha, tomba sur le bitume, et se releva, complètement désorientée à regarder partout pendant que je pleurais sur toute cette vie que j'avais perdue. 

***

Alors? 

Je n'ai jamais pleuré devant un chapitre. J'ai déjà eu les yeux mouillés, la gorge serrée, mais je n'ai jamais vraiment eu les larmes qui coulaient. Ce fut le premier. Je ne sais pas, la partie où Victoria quitte ses parents, ça m'a pris aux tripes. 

Vraiment navrée de vous avoir infligé cela ! J'espère que vous avez trouvé l'extraction réaliste. Je sais que certain.es voulaient que Miro reste et se batte, mais au final je trouvais que ça ne collait pas. Miro était celui qui apportait le danger sur la famille, Miro a repoussé sa magie et n'accepte de toucher une baguette que pour protéger sa famille qui va sur un autre continent, Miro ne se séparera jamais de Jaga qui n'a juste pas la force de vivre une nouvelle guerre à plus de soixante-dix ans. 

Et pour l'histoire, j'ai réalisé que j'avais assez peu de place pour Miro et la famille de Victoria de manière générale. Alors pour plus de simplicité ... Voilà ! 

Bon, je vais aller explorer la schizophrénie et regarder Les Anneaux de pouvoir en adorant et détestant à la fois. A dans deux semaines (une pour LDP), les enfants <3

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