IV - Chapitre 37 : Colère partout, justice nulle part

HELLO AGAIN MY DARLINGS <3 

Ceci n'est pas un craquage. Ceci est une légère adaptation du rythme de poste. 

Vous savez que depuis que j'ai fini cette fanfiction il y a quand même deux mois, je suis tiraillée entre l'idée de finir trop vite et de vous ensevelir sous une tonne de chapitre, et l'impatience d'avoir votre avis. A l'impatience d'avoir votre avis sur la fin s'est ajouté depuis quelques jours une forme de ... lassitude? Je ne sais pas si c'est le bon mot, mais ce que je sais, c'est que j'ai cette sensation que tant que je n'ai pas fini de poster O&P, j'aurais du mal à passer à autre chose. Je relis les chapitres à l'infini, les épilogues, et "Et après?". Je devrais retourner sur LDP, et d'ailleurs j'ai envie, mais systématiquement je vais revenir sur O&P alors que dans les faits je n'ai ... plus rien à faire. J'ai vraiment cette sensation de tourner en boucle dans le vide. C'est assez désagréable. 

Donc on va faire un pas entre les deux et pour les quatre chapitres qui nous restent, on va faire deux chapitres par semaines. Je pense que c'est le bon compromis profiter/avancer. Donc aujourd'hui, vendredi, lundi/mardi prochain, vendredi prochain. Ce qui signifie que le vendredi 9 juin, vous aurez la fin de la partie IV. Voilà, je laisse le temps de digérer cette information et de mettre la croix dans le calendrier ... 

Pour les épilogues je n'ai pas statué mais ce sera plus souple, de toute manière. Pas tout d'un coup, mais pas espacés d'une semaine non plus. Je veux pas expédier, mais je veux aussi me libérer l'esprit. J'espère que vous comprenez ... 

ALLEZ pour parler de quelque chose de plus joyeux ... ROLAND GARROS COMMENCE. Vraiment les deux meilleures semaines de l'année, ça sent le tennis et l'été, j'adore l'ambiance Roland Garros ! En plus étant au chômage je vais pouvoir me faire un plaisir de regarder tous les matchs héhéhé. 

Et je suis une fois une grande fille. J'ai mon propre compte Netflix. Voilà, je ne suis plus rattaché à celui de mes parents, c'est une autre forme d'indépendance (et d'adhésion au capitalisme. Damn it la fin du partage de compte, tu nous as eu). 

Le titre est inspiré d'une phrase de Victor Hugo ! Pour la citation, c'est nettement moins joyeux, mais c'est quand même l'une de mes chansons préférées <3 Je vous invite à aller écouter et vous imprégner des paroles, je pense qu'elle correspond parfaitement à l'ambiance du chapitre. Bonne lecture les enfants ! 

*** 

All around me are familiar faces
Worn out places, worn out faces
Bright and early for the daily races
Going nowhere, going nowhere

Their tears are filling up their glasses
No expression, no expression
Hide my head, I wanna drown my sorrow
No tomorrow, no tomorrow

- Mad World
Tears of fear 

***

Chapitre 37 : Colère partout, justice nulle part.

On enterra Fred Weasley sur la colline du village où il était né.

On enterra Tonks et Remus Lupin près de l'église où ils s'étaient mariés.

On enterra Eugenia Dragonneau dans la ferme familiale qui avait été son refuge et sa félicité.

Je n'eus la force d'assister à aucune funérailles. Car alors qu'on mettait en terre tous les héros tombés dans ce qu'on appelait désormais « la bataille de Poudlard », les mauvaises nouvelles continuaient d'affluer. On retrouva le corps brisé de Nestor Selwyn parmi les décombres, là où il était tombé. On retrouva Severus Rogue, baignant dans une mare de sang dans la cabane hurlante. On retrouva Anthony Goldstein, errant dans la Forêt Interdite l'œil vitreux, tenant des propos incohérent, l'esprit brisé par une nuit au milieu des Détraqueurs. On retrouva le professeur Sinistra ensevelie sous des gravats, la colonne fracturée. Vivante, mais plus jamais elle ne remarcherait.

C'était autant de vies brisées auxquelles nous avions rendues hommage au bord du lac noir le soir même de la Bataille, lorsque le professeur Chourave avait émergé de l'une de ses serres calcinées une fleur qui se mettaient à briller au cœur de la nuit. Au crépuscule, nous nous étions tous réuni et dispersés des centaines d'entre elles dans les eaux du lac. Elles allèrent entourer l'île qui refermaient la dépouille d'Albus Dumbledore, telle les lauriers étincelants de la victoire. Et alors que le jour s'était mué en nuit, leurs pétales immaculées s'étaient mis à luire et moi à pleurer. C'était l'âme des défunts qui nous faisait un ultime signe avant de rejoindre les cieux éternels.

Quant au cadavre de Voldemort, l'homme qui avait détruit la Communauté Magique durant près de trente ans, le poison dans notre organisme, responsable presque unique de tous nos malheurs, on l'avait brûlé. Puis les cendres avaient été confiées à un sombral qui avait survolé le pays pour les disperser, afin qu'il n'ait pas de demeure éternelle et éviter ainsi un point de ralliement et de pèlerinage pour ses partisans futurs. Brûler, c'était la meilleure manière de nettoyer et de purifier, mais la sensation ne me quittait pas que mon air était empoisonné pour toujours par le souvenir de Voldemort et de ses actes. Par son essence même.

Après cela, aucun d'entre nous n'avions eu le cœur à quitter Poudlard. Comme si abandonner l'école, c'était définitivement tourner le dos à celles et ceux qui nous avaient quitté. Nous avions retrouvé avec une joie toute relative les dortoirs de Poufsouffle, le bois tendre, les sourires d'Helga dans son cadre, nos fenêtres rondes qui donnaient sur le parc ravagé. Pourtant, l'esprit des Maisons était transcendé, car nous amenions dans nos bagages Miles et Lee Jordan, perdu depuis la mort de Fred. Puis nous avions repoussés les lits, assemblé les matelas au centre de la pièce et tous pleurer nos morts en une veillée funèbre à la lueur des chandelles. J'avais entendu les pleurs de Miles toute la nuit. La mort d'Eugenia l'avait brisé, au moment suprême où le goût de la victoire lui chatouillait les papilles, où il avait pensé l'essentiel à l'abri lorsqu'il avait évacué ses sœurs ... Même Lee la pleurait, cette pétillante jeune femme qui avait osé affubler George Weasley de bois de cerf et qui m'avait sauvé la vie. Sauvé la vie, me répétais-je toute la nuit avec l'envie de me fondre dans l'ombre pour ne plus subir la morsure du deuil. Elle était partie.

Le seul qui tenait le coup au milieu des plaintes et des pleurs, à rester digne dans les hommages, et debout pour que les autres ne s'écroulent pas, c'était Simon.

Et Seigneur, ce fut sans doute ce qui me permit de tenir dans les jours qui suivirent la bataille.

Parce que Simon était là, ne pleurait pas, ne s'écroulait pas. Il était là la nuit lorsque je me réveillais en hurlant d'un cauchemar qui impliquait feu, décombre et mort, il était là le matin, épaule contre épaule avec un Miles toujours sous le choc, il était là la journée pour aider Flitwick et McGonagall à remettre les pièces vitales du château en état pour ceux qui étaient restés. Simon était là, et je m'émerveillais tous les jours de le voir avancer dans le nouveau monde avec gravité, mais sérénité. Il fendait les fantômes et les décombres, apportait de la stabilité à un univers chaotique. Mettre un point final à cette funeste, terrible et douloureuse histoire lui avait permis d'enfin trouver un équilibre, d'enfin recomposer une vie qui s'était fracturée alors qu'il avait trois ans. Les morts et les souffrances avaient enfin trouvé son sens final. A présent entier, Simon pouvait être fort. Pour lui. Pour les autres. Pour moi.

-J'espère juste que ce n'est pas pour mieux s'écrouler plus tard, s'inquiéta Julian.

Il était là, installé à la table des Serdaigle devant une tasse de thé qui infusait. A côté de lui, Noah fronçait du nez, indisposé par les effluves. Ils avaient tous deux accouru ci-tôt la bataille achevée, presque frustré de ne pas avoir pu participer à nos côtés à ce moment décisif. Enfin, surtout Noah. Julian, lui, avait failli s'effondrer de soulagement en apprenant la chute de Voldemort. Faute de bataille, ils étaient restés pour aider à la reconstruction de l'école en ruine. Les talents d'enchanteur de Julian n'étaient plus à vanter et Flitwick s'était trouvé ravi d'avoir son ancien élève sous la main.

-Il s'agirait peut-être de lui faire confiance à ce garçon, et de cesser de le traiter comme du verre, ou pire, comme une bombe à retardement, rétorqua Noah, exaspéré. Les personnes responsables de tous ses malheurs sont soit mortes, soit derrière les barreaux. Pour la première fois de sa vie, son avenir n'a ni ombres ni nuages ni entrave. Alors dites juste « Alléluia ! » et passons enfin à autre chose.

-Facile à dire, murmurai-je.

A côté de moi, Miles marqua son assentiment d'une exclamation étouffée. Trois jours que la bataille avait pris fin, trois jours qu'il prononçait le moins de mot possible. C'était devenu presque douloureux de communiquer, de tout simplement continuer de vivre dans un monde où Eugenia n'était plus. Elle s'était littéralement incrustée dans son quotidien, ne l'avait pas quitté depuis six mois, et ne laissait à présent qu'un immense vide glacial. C'était déjà un miracle qu'il se nourrisse, mais là-dessus, Simon ne lui avait pas laissé le choix et l'avait menacé de l'immobiliser pour lui enfoncer le contenu de son assiette dans le gosier. Quand Miles avait ricané, il s'était calmement muni de sa baguette. Alors Miles s'était docilement mis à table.

-Oui, bon, d'accord, consentit Noah, l'air vaguement penaud. Pardon, c'est clair que ... ces derniers jours ont été une épreuve. Et que l'épreuve n'est pas finie, ajouta-t-il devant le regard de coin que Julian coula sur lui. Il faut réapprendre à vivre sans ceux qui sont tombés, et je me doute d'à quel point c'est douloureux mais ... il faut vivre, d'accord ? C'est la plus belle chose qu'on a gagné.

-Parce que jusque là on survivait, lâchai-je dans un filet de voix. Oui, je sais ... Je sais ...

Mais c'était intolérable de continuer à vivre sans eux. Sans Remus et Tonks qui auraient dû retrouver leur petit bébé, sans Fred qui aurait dû être là à jouer au pire pitre avec Peeves, sans Eugenia qui aurait dû déjeuner à nos côtés avec une nouvelle fleur dans les cheveux. Audrey avait fini par tout raconter à Kingsley, entre ses nombreux sanglots. Sa sœur était tombée dès la retraite, dès que les Mangemorts s'étaient rués dans le château pour échapper aux géants qui piétinaient tout. Elle avait même identifié le meurtrier. Un certain Augustus Roockwood. Il avait été arrêté et attendait à présent son jugement à Azkaban. Les larmes me montèrent aux yeux et je cillai de toute mes forces pour les chasser. Malheureusement, Julian les vit. Il laissa tomber sa tasse qui teinta contre la soucoupe et allongea son bras pour prendre ma main avec douceur. C'était un geste trivial, mais dans lequel je sentis toute la sollicitude, le réconfort ... l'expérience. Oui, Julian aussi avait vécu de pareilles épreuves et c'était rassurant de sentir nos peines, passées et présentes, vibrer au diapason.

-On va peut-être cesser de parler de ça, décréta-t-il alors. Sachez que La Voix du Chaudron reprend du service ! Joséphine a réinvesti les locaux, la première édition doit sortir dans la semaine.

-Et c'est d'autant plus urgent qu'on va se retrouver en monopole, littéralement, enchérit Noah avec un sourire carnassier. Le tirage de La Gazette est suspendu depuis la chute de Voldemort.

-J'espère bien, avec toutes les conneries qu'ils ont écrites ... Déjà sous Fudge ... Tu es là comme reporter, alors ?

-Il a déjà écrit trois articles et dessiner deux caricatures, confirma Julian, dépité. Il n'en dort pas de la nuit.

-Les étoiles m'inspirent, prétendit Noah avec hauteur.

Nous leur avions proposé de nos rejoindre dans notre cocon chaotique du dortoir de Poufsouffle, mais l'idée avait paru donner de l'urticaire à Julian qui ne jurait que par Serdaigle, son ancienne Maison. Alors que tout le monde s'installait dans la Grande Salle au gré de ses envies, lui ne se posait qu'à la table des Serdaigle. En revanche, Noah s'était fait un devoir de visiter toutes les Salles Commune – et même tout le château. C'était la première fois qu'il posait les pieds à Poudlard et il découvrait un château en ruine qui lui procurait un émerveillement que je ne m'expliquais pas. Moi chaque stigmate de la bataille m'arrachait le cœur.

-Tu peux participer, d'ailleurs, me lança très sérieusement Noah. Sérieusement, tu as une belle plume, Victoria. Et tu as été témoin de ce qui s'est passé. Peut-être même que si tu te débrouilles bien, je pourrais même convaincre Joséphine de t'embaucher !

Mais chaque phrase, chaque mot accolé les uns aux autres n'eurent comme effet que de faire gonfler une angoisse dans ma poitrine. Avant qu'elle n'éclate et fasse vaciller le peu de contrôle que j'avais sur mes canaux lacrymaux, Simon et Susan parurent dans la Grande Salle et se joignirent au petit-déjeuner. Les elfes avaient été heureux de reprendre du service dès la cuisine rétablie, mais pas sans que Kreattur avec McGonagall ait négocié de nouvelles conditions de travail pour ses pairs, qui comprenait un jour de repos qu'il surnommé « le jour du bon Maître Regulus ».

-On vient de croiser Rusard dans le Hall, il a l'air à deux doigts de la syncope devant l'état du château, entonna Susan en se servant en œufs brouillés.

-Et pourtant, on fait de notre mieux, je suis resté quatre heures avec Chourave pour remettre les serres en état, hier, répliqua Simon, las. Il faudrait une armée pour tout reconstruire ...

-Boh, les examens sont annulés, j'ai du temps à tuer.

Elle avait surtout du sommeil à rattraper, songeai-je vaguement en la lorgnant du coin de l'œil. Les cernes de Susan lui mangeaient les joues. Si ce n'était pas moi qui me réveillais en hurlant la nuit, assaillie par des flammes ou des araignées géantes, c'était elle. Je n'oubliais pas que c'était elle, avec sa statue surgie du ciel, qui avait eu raison de Nestor. Et je ne pouvais pas croire que ça n'avait pas d'effet sur son âme ... Avant même que je n'aie pu faire un geste pour effacer cette mine tourmentée, Simon avait avancé sa main pour prendre la sienne.

-Tu sais, tu pourrais rentrer à la maison, puisque les examens sont annulés, proposa-t-il du bout des lèvres. Te reposer ...

-Non, non, je veux aider, rétorqua-t-elle fermement. Plutôt que de gamberger seule à la maison ... Et puis j'attends quand même de voir comment ils vont faire, Ernie nous parlait de nous faire passer les ASPIC en septembre ...

Elle n'était pas à la seule écolière à demeurer à Poudlard pour aider à sa reconstruction : presque tous ceux qui s'étaient battu continuaient de donner de leur temps et de leur force au château qui les avait vu grandir pour le panser de ses plaies. Comme si nous éprouvions tous les plus grandes difficultés à tourner la page. Harry Potter avait élu domicile dans la tour de Gryffondor et la quittait peu depuis. Parfois il descendait en compagnie d'Hermione, et c'était littéralement comme apercevoir un fantôme. Je l'avais vu mort. Et il s'était relevé. Le parallèle avec Voldemort me soulevait le cœur.

D'autres l'avaient quitté pour panser les leurs, comme la famille Weasley – si on exceptait Bill ou Ron qui revenaient par intermittence – ou Audrey Dragonneau, retournée chez elle pleurer sa sœur. Les parents de Simon aussi s'étaient éclipsés sitôt la cérémonie achevée, mais c'était pour s'atteler à un autre chantier, tout aussi colossal : la refondation du Ministère, à la tête duquel Kingsley avait été nommé par intérim. La colère flamba dans mes entrailles à la simple mention de ce bâtiment où j'avais été enfermée un mois.

Rien n'était fini. Tout était à reconstruire, rebâtir, expurger, purifier.

L'immensité de la tâche était vertigineuse, et c'était peut-être aussi pour ne pas totalement m'y confronter que j'avais préféré rester à Poudlard. Réparer des murs, faire la vaisselle avec les elfes, nettoyer les gravats, c'était quelque chose que je pouvais faire sans me laisser consumer par la colère.

-Ce serait difficile, tu n'as pas eu de véritable année scolaire, évalua Julian, perplexe. Pour tout te dire, j'ai entendu McGonagall en discuter avec Chourave, je crois qu'ils veulent vous ouvrir une classe spéciale l'année prochaine, justement pour vous permettre d'achever réellement votre scolarité. La même chose est envisagée à l'IRIS, d'ailleurs ...

Ses yeux glissèrent ostensiblement vers Simon, remarquablement impassible malgré la phrase clairement énoncée pour lui. Il avait abandonné son cursus au beau milieu de sa seconde année et à présent, l'avenir s'ouvrait de nouveau devant lui. Pourtant, il ne prit pas la perche tendue, se contentant de se verser une tasse de café.

-Ils vont refaire une dernière expédition dans la Forêt Interdite, je crois, annonça-t-il plutôt, au grand désappointement de Julian. Normalement, tous les Mangemorts qui s'y sont réfugiés ont été rattrapé, mais au cas où ...

-J'irai, promit Miles d'une voix caverneuse. Hagrid est déjà venu me voir ...

Les épaules de Simon ployèrent sous le coup du soulagement : c'était bien la première fois en trois jours que Miles sortait le nez de son deuil. Et honnêtement, je m'interrogeai sur le bien-fondé de l'expédition, car Kingsley avait assuré que tous les Mangemorts avaient été retrouvés, morts ou vifs. Peut-être avait-elle uniquement été monté pour forcer Miles à aller respirer l'esprit de la forêt, son air purificateur qui avait toujours appeler le meilleur de lui-même.

Et moi ? Qu'avais-je pour me reconnecter ?

La question agita mon esprit jusqu'à en faire trembler mes mains sur ma tasse de chocolat. Le liquide brun et mousseux s'ondula en conséquence et je finis par tout lâcher avant d'en renverser et de finir brûlée. Et puis j'avais capté le regard de Noah, droit sur mes doigts qui tressautaient et que je cachai sous la table. Toujours, au moindre moment de faiblesse, un poignard jaillit de nulle part venait me transpercer.

Partis. Ils sont partis.

La table finit par se vider lorsque Flitwick répartit les groupes de travail pour la matinée. Julian grimpa dans les tours avec Noah, Miles suivit Hagrid d'un pas qui avait gagné en assurance, et Susan rejoignit quelques amis de l'A.D. pour continuer de nettoyer le parc de ses décombres. Son visage s'éclaira lorsqu'elle retrouva face à ce garçon irlandais avec qui j'avais couru dans le parc. Seamus ? Quoi qu'il en était, je fus vaguement rassurée de voir Susan sortir de la Grande Salle avec ce léger sourire qui flottait sur ses lèvres.

Seule avec Simon, je me permis de me relâcher et d'enfouir mon visage dans mes mains pour lâcher les quelques larmes que j'avais retenues. C'était affreux. J'avais la terrible sensation d'avoir régressé dans ma vie, d'être revenue au jour où j'avais perdu Cédric et où j'avais erré dans le château jusqu'à ce que de la douleur naisse la révolte. Là, j'avais la sensation que la douleur ne pouvait accoucher sur rien.

Aussitôt, Simon m'enlaça, tendrement, sans trop s'imposer, juste pour rappeler sa présence. Sa respiration régulière se répandait dans mes cheveux, et loin d'être apaisante, elle ne fut qu'une angoisse de plus. La poitrine plombée, je m'écartai en posant une main sur son torse et saisis une serviette à l'aveugle pour éponger mon visage.

-Comment tu fais ? haletai-je, déconcertée. Comment tu fais ... ? Je t'ai ... j'ai passé ces dernières années à te soutenir ... à bout de bras ... pourquoi ... tu ne t'écroules pas ?

Il y avait presque une pointe de jalousie dans ma voix, de vexation à l'idée que les rôles se soient autant inversés. Même ces repères-là étaient bouleversés. Simon lâcha un rire incrédule et passa une main perplexe dans ses cheveux. Avec le soleil de mai qui frappait les vitres fraichement réparées de la Grande Salle, ils avaient retrouvé toute leur blondeur.

-C'est sérieux ? Je n'ai pas le droit d'être un tout petit peu content qu'un cauchemar qui dure depuis avant même notre naissance soit enfin fini ?

-Slughorn répétait ça à tout va, après la cérémonie. « Réjouissez-vous, nous sommes enfin débarrassés de toute menace ! Nous allons enfin pouvoir vivre en paix ! ». Je ne sais pas ce qui m'a retenue de lui mettre un pain.

Et visiblement, l'idée était si délicieuse que Simon en éclata d'un rire qui résonna dans toute la Grande Salle. Même ça, même ce son dont je me serais nourrie autrefois, glissa sur moi comme l'eau ruisselle sur la pierre. On avait gagné, mais le deuil réduisait le goût du bonheur en cendre sur ma langue.

-Attention, ce n'est pas exclu que l'envie se tourne vers toi, prévins-je puisqu'il ne cessait de s'esclaffer. C'est toi qui te plaignais que maintenant je ne m'en prenais qu'à Noah, non ?

-Oh, tout de suite ! Vicky ... Tu ne peux pas en vouloir aux gens d'être heureux que ce soit fini ...

-Ce n'est pas fini.

-Non, admit Simon en penchant la tête sur son épaule. Non, mais c'est un nouveau chapitre qui s'ouvre.

-Je n'ai pas la force, Simon.

L'aveu s'était envolé de mes lèvres, fondu dans un souffle retenu depuis trop longtemps. Il gomma enfin le léger sourire persistant de Simon : chagriné, il pivota sur son banc pour emprisonner mes mains dans les siennes. Je n'avais même pas réalisé qu'elles s'étaient mises à trembler.

-Et après tout ce que tu as vécu, c'est parfaitement normal. Et tu n'as à l'être, d'accord ? Des gens s'occuperont de ça, de guérir notre Communauté. Toi, tu vas pouvoir enfin penser à toi, et seulement à toi. A moins que ce soit ça qui ne te fasse peur ? Victoria Bennett, cesser de vivre pour les autres ?

La touche de moquerie réussit miraculeusement à m'arracher un sourire. Etrangement, ce sourire sonna comme un sanglot aux yeux de Simon, et il lâcha mes mains pour prendre mon visage en coupe et embrasser mon front. Vacillante, je portai mes doigts à ses poignets pour m'ancrer à lui. Il était enfin fort pour moi.

-Tu sais pourquoi j'arrive à tenir ? me souffla-t-il, paupières closes. Parce que pour la première fois de ma vie, je n'ai pas peur. J'ai eu peur toute ma vie, Vicky. Peur de qui j'étais, peur de voir tous mes piliers se fracasser, peur que les ombres qui ont toujours baignés mon existence viennent tout engloutir. J'ai vécu avec la peur au ventre, si lourde qu'elle m'a toujours entravée, plantée, empêchée d'avancer. Aujourd'hui, je peux voir ce qu'il y a de l'autre côté de la barricade. Et c'est incroyable.

L'une de ses mains quitta mes cheveux pour venir effleurer mon pendentif qui oscillait entre nous, les trois breloques qui m'avaient été si essentielle pour tenir jusque-là. Le combat que j'avais épousé à la mort de Cédric, la force qui était née au gré des épreuves et mon identité qui avait brillé comme un phare, un cap sur lequel je m'étais fixée pour traverser le brouillard.

-Vicky, ne te laisse pas entraver, d'accord ? chuchota Simon en plantant son regard dans le mien. Je sais à quel point ça a été ... éprouvant, destructeur, violent. Mais on s'en est sorti. Pas indemne. Peut-être pas entiers. Mais on est vivants et ensemble. Et surtout, ils ne pourront plus jamais rien te prendre ...

-C'est ta façon de me dire que je vaux mieux que de l'ombre et de la poussière ?

Un sourire s'étira sur les lèvres de Simon au souvenir de cette phrase que j'avais prononcé mainte fois – sur le pont où il m'avait tout avoué, sur la plage alors que nous revenions d'une visite chez mes grands-parents ... Toutes ces fois où je l'avais retenu au bord du gouffre. Avait-il la sensation que moi aussi j'y étais, au bord du précipice, prête à basculer ? L'idée me donnait la nausée.

-Et qu'on a mangé de notre lot de chocolat à la liqueur, enchérit-t-il avec malice.

-Oh, c'est vrai, je venais de regarder Forrest Gump cette fois-là, me souvins-je, inhalant presque les effluves de l'air marin qui nous avait baigné. J'avais failli t'écraser une boite de chocolat sur la tête quand on est parti ...

-C'était du bluff. Je suis certain que tu n'aurais jamais osé gâcher ne serait-ce qu'un chocolat.

-Pas faux. (Je plissai les yeux, et une onde d'espièglerie parvint à passer le mur de souffrance pour me faire dire : ) On s'est fait un câlin. Sur la plage. En sortant de chez mes grands-parents.

-Et ? fit Simon, un sourcil dressé.

-Et je viens de réaliser que ça a dû te faire un peu plus plaisir que tu ne voulais bien l'admettre à l'époque.

Face à tant de frivolité, Simon secoua la tête d'un air désabusé et me lâcha avec un soupir. Qu'à cela ne tienne, le souvenir avait injecté un peu de vigueur dans mes membres et je comblai la distance qu'il avait instauré pour venir planter mes lèvres sur les siennes. Loin de me repousser, Simon essuya un petit rire avant de répondre à mon baiser. Nous nous embrassions à Poudlard, notai-je, adoucie par l'idée. Nous nous embrassions, parce que nous étions vivants. Peut-être était-ce la seule chose à retenir, dans l'immédiat ... Plus rien ne pourrait jamais nous séparer. Et c'était peut-être pour cela que Simon n'avait lâché aucune larme. Parce qu'il n'y avait plus personne pour m'arracher à lui.

-Hum ...

L'exclamation gênée fut suivie d'un raclement de la gorge et nous nous détachâmes l'un de l'autre, perplexes. Mon visage s'embrasa lorsque la lumière qui inondait la Grande Salle découpa le profil de Rose Bones, les bras croisés sur sa poitrine, mais surtout la haute stature de Kingsley Shacklebolt, vêtu d'une robe de sorcier pourpre tout simple, mais qui soulignait son aura.

-Maman, soupira Simon, désabusé. Tu ne devrais pas être au Ministère ?

-Bonjour à toi, répliqua Rose d'un ton pincé.

-Navré de vous interrompre, s'excusa Kingsley de sa voix grave et profonde. Mais nous aurions besoin de Victoria quelques minutes. Enfin, si tu en éprouves le besoin, Simon peut rester ...

-Pourquoi ? s'enquit immédiatement celui-ci, brusquement tendu.

Mille et une possibilité se fracassèrent dans mon esprit – et beaucoup concernaient mes parents, toujours aux Etats-Unis jusqu'à que les nouvelles leurs parviennent et que les choses se tassent. Je n'avais aucune envie que Thalia Selwyn, la mère de Nestor, s'en prennent à eux pour venger la mort de son fils ... Mais Rose, devinant sans doute mes angoisses, me détrompa sur le champ :

-Rien de grave, vraiment ! Nous avons juste quelques questions à poser ...

-Si ce sont juste des questions, ça devrait aller, alors, évaluai-je, soulagée. Je vous suis ...

Simon me jeta un regard inquiet, mais je le rassurai d'une caresse avant de suivre Kingsley et Rose dans la petite pièce qui jouxtait la Grande Salle. Pendant la Bataille et notamment la trêve d'une heure, elle avait servi de quartier général à Kingsley et McGonagall pour organiser les défenses et un tableau avec le plan de Poudlard dessiné à la craie était encore visible. Nous prîmes place sur les fauteuils de velours poussé contre les murs et Kingsley fit léviter une table pour pouvoir y disposer parchemin et document. Pendant ce temps, Rose attrapa ma main, avec dans ses yeux une question muette qu'elle n'osait poser, parce que la réponse se lisait déjà sur mon visage. « Comment tu te sens ? ».

-J'ai accepté de reprendre mon rôle de procureure, annonça-t-elle plutôt avec douceur. Et la tâche que j'avais déjà effectué pour la Première Guerre, monter des dossiers contre les Mangemorts ... sauf Jugson. Parait-il, je n'ai pas la neutralité requise ...

-Ce n'est pas « parait-il », c'est un fait, intervint Kingsley, avant de le tendre une photo. Reconnais-tu cette personne ?

Je saisis le cliché pour découvrir une femme aux cheveux courts qui souriait à la caméra avec insolence. Il me fallut quelques secondes, mais le souvenir finit par me frapper l'estomac avec violence.

-Oui ... Elle ... C'est la cheffe du groupe de Rafleur qui m'a capturé, à Oxford ... (Je levai un regard éperdu sur Kingsley). Vous l'avez attrapée ?

-Non. Elle a été tuée hier par Margaret Morton.

Si le prénom de ne me disait rien, le nom de famille éclata dans ma poitrine et nombre d'éclat se fichèrent douloureusement en moi. La mère de Renata, devinai-je, le cœur soulevé par l'horreur et la rancœur. Pouvais-je réellement condamner cette femme d'avoir confronté celle qui lui avait pris sa fille ... ? Et en même temps, n'avais-je pas été révulsée lorsque Simon avait promis le même sort à Robert Jugson ?

-Ce sont des choses qui risquent de se reproduire, poursuivit tristement Rose devant mon silence. Après la fin de la Première Guerre, le Ministère n'avait pas sombré et avait pu assurer un cadre à la justice, qui avait suivi son cours ... Là le Ministère représente l'ennemi. Les gens n'ont plus confiance – pas encore. Alors le monde se pense affranchie de toute loi et certains s'engouffrent dans la brèche ...

-Notre premier but, c'est d'éviter ces règlements de compte sauvages, et pour ça nous devons aller vite, renchérit Kingsley avec gravité. Il nous faut donc un Ministère sain, et montrer que la justice est du bon côté, et surtout fonctionne. Les Mangemorts sont déjà derrière les barreaux, mais il n'y avait pas qu'eux. Tu seras peut-être satisfaite de savoir que Dolorès Ombrage a fait partie des premières arrestations ...

-Plus que satisfaite, admis-je en hochant vigoureusement la tête.

Kingsley et Rose échangèrent alors un petit regard. Entre les doigts de la magistrate était apparue une plume et sa voix s'était teintée d'une extrême prudence lorsqu'elle entonna :

-Et puisque la justice ne pas suivre son cours sans preuve, on a besoin de son témoignage, Victoria. De tout ce que tu te souviens : des gens, ce qu'ils ont fait, ce qu'ils ont dit ... Des Rafleurs jusqu'au cœur du Ministère.

-On sait que c'est beaucoup, ajouta Kingsley lorsque mon regard s'écarquilla. Et que c'est sans doute pénible pour toi de revivre tout ça ... mais on ne pourra pas faire payer aux gens qui t'ont fait du mal si on ne sait pas qui ils sont.

Mon souffle bloqué dans mes poumons sembla se solidifier et me plomber la poitrine. En l'espace de deux secondes, les images s'étaient superposées aux visages de Rose et Kingsley : Ombrage me surplombant, protégée par son chat argenté, les murs de la cellule balayé par les lueurs des torches, le sang menstruel qui avait souillé mes vêtements ... Et Cédric, Cédric brillant comme un phare dans la nuit pour me rattacher à la vie ... Cédric qui, comme les autres, n'était plus. Chaque image apporta son lot d'angoisse par bouffée, si bien que je finis par écraser la main de Rose. Loin de s'en offusquer, elle ajouta avec douceur :

-On ne te demande rien de plus ... Je serais là, on ne fera que t'écouter. On veut juste des noms, associés à des actes. Pas que tu nous fasses un récit détaillé. D'accord ?

-Je peux faire, articulai-je, un peu apaisé par le discours rationnel. D'accord ...

Kingsley me remercia dans un souffle, et prit la plume des mains de Rose pour que je puisse garder sa main dans la sienne. Les mots se bousculaient sur ma bouche, chutaient pêle-mêle ce qui rendait ma déposition peu linéaire et encore moins cohérente, mais à mesure que mon rythme cardiaque s'apaisait, je réussis à connecter des noms à des actes, les uns après les autres. Rose ne lâcha pas ma main, Kingsley prit les notes, le visage impassible. A la fin, il demanda d'apposer ma signature en bas du parchemin avant que Rose ne le reparcourt. Si parfois elle avait semblé bouleversée par mon récit, cette fois elle semblait avoir les yeux de la magistrate.

-Marius Turner, lut-t-elle, interloquée. Ancien commis chez Barjow et Beurk reconverti en Rafleur, quelle originalité, on ne devrait pas avoir de difficulté à le trouver ... Un peu plus de corne de licorne à moudre pour Ombrage ... Amelia aurait adoré, elle a toujours rêvé de la trainer hors du Ministère ...

Sa voix s'éteignit, comme si elle avait cité les deux seuls noms intéressants de ma liste et je la contemplai, estomaquée.

-Et Steverson ?

-Le geôlier ? devina Rose.

La prudence dans son ton m'hérissa et je récupérai vivement ma main. La colère latente en moi s'acidifia pour venir se lever au creux de mon estomac.

-Oui, le geôlier. Le geôlier qui m'appelait « Sang-de-Bourbe », qui a laissé Nestor me torturer, et moi baigner dans le sang.

-Victoria, il faut que tu comprennes qu'il y avait surtout deux catégories de personnes : celles qui prenaient les décisions et ont profité de la situation, comme Yaxley, Ombrage ou Turner, et celles qui n'ont pas eu d'autres choix que d'obéir aux ordres ... C'est le cas de Sterverson. Il était déjà en place, bien avant la chute du Ministère ...

ET ALORS ? eus-je envie d'hurler. Le cri était là, au bord des lèvres, mais la stupéfaction me réduisit au silence. Interdite, je contemplai Rose, puis Kingsley, incapable de lutter contre le courroux qui montait par violente bouffée dans ma poitrine.

-Il ne m'a considéré que lorsque j'ai fait croire que j'étais sang-pure ! m'étranglai-je, indignée. Avant ça il électrifiait ma porte, il m'aurait bien laissé crever ! Alors croyez-moi, ça ne le dérangeait pas de suivre les ordres ! Et j'ai oublié quelqu'un, puisque vous parlez de personnes qui ont profité. (Je tapotai le parchemin avec fermeté). Leonard Spielman, c'est lui qui m'a dénoncé au Ministère en premier, parce que j'avais été promue titulaire chez les Tornades ! Thalia Selwyn aussi, elle finançait ouvertement les Mangemorts !

-Je rajoute Spielman, promit Kingsley d'un ton qui se voulait apaisant. Et Thalia Selwyn est en résidence surveillée, nous continuons de réunir des éléments sur son compte pour procéder à son arrestation.

La précaution, qui anéantissait la peur de la voir se jeter sur moi ou mes proches, m'apaisa à peine. Je bouillonnais trop pour apprécier la caresse.

-Mais vous n'allez pas vous occuper de Sterverson ?! Si c'est une justice comme ça que vous voulez, je comprends que la mère de Renata ait voulu se venger par elle-même ! Et elle ne sera pas la seule !

Ma voix éraillée n'était pas le plus grand marqueur de crédibilité mais je m'en moquais. Le regard de Rose se durcit considérablement autant que celui de Kingsley se chargeait de lassitude. Son nouveau rôle semblait déjà peser de tout son poids sur ses épaules.

-Victoria, ne pense pas que nous ne comprenons pas ta colère, c'est faux, entonna-t-il résolument. Je la partage, souviens-toi que je me suis battu à tes côtés dans l'Ordre. Moi aussi, je pleure Tonks, Lupin, Maugrey et tous ceux qui ont été emportés.

Le rappel me cloua sur place et sa sérénité m'apparut alors comme une armure qu'il maintenait vaille que vaille malgré les coups qui avaient tenté de le terrasser.

-Pour autant, je suis lucide, poursuivit-t-il et sa détermination luisit dans son regard. Et je sais qu'on ne rebâtit pas une société en punissant des personnes qui n'ont fait que suivre les ordres ... Pour que le Ministère tourne, il faut des fonctionnaires, des gens qui connaissent leur poste et sont spécialisés sur les tâches. Je ne peux pas renvoyer toutes les personnes qui ont juste « suivi les ordres », parce que beaucoup l'ont fait à contrecœur et qu'en faisant ça, je suis certain de faire effondrer le peu de base qu'on a réussi à créer.

-Donc, lâchai-je, dégoûtée, vous raisonnez comme Voldemort. C'est vrai ! ajoutai-je quand Rose ouvrit la bouche, indignée. Thicknesse vous a gardé en poste pour la même raison, non ? Parce qu'il avait besoin des magistrats pour faire tourner le Ministère ?

-Et tu veux qu'on m'enferme, aussi ?

La voix de Rose claqua comme un fouet et elle me considéra d'un regard étincelant, crépitant. Et pourtant quelque part derrière ces éclairs qui voulaient me terrasser, je perçus autre chose, une lueur latente, moins avouable ... la honte ?

-Moi aussi j'ai été contrainte de faire partie du système, revendiqua-t-elle avec amertume. Moi aussi j'ai obéi aux ordres. J'ai apposé ma signature sur des actes ignobles, diligenté des enquêtes contre-nature ... j'ai fait tout ça, avant qu'ils ne me rétrogradent et que je sois finalement contrainte de me mettre sous cloche comme vous. Tu te souviens pourquoi j'ai fait ça, Victoria ?

La diatribe me coupa le souffle et ma colère retomba comme un soufflet. Evidemment que je me souvenais. Elle l'avait fait pour sauvegarder ses enfants, cibles par leurs noms et par leurs actes. Et elle l'avait fait pour moi. Parce que j'étais sous son toit et qu'il ne fallait pas que le Ministère tourne son œil vers elle ... Ce qu'il avait fini par faire, me souvins-je, muette d'épouvante. Elle avait été torturée. Elle avait dû souffrir de la présence de Jugson dans sa maison, lorsque je m'étais évadée. Lorsqu'Eugenia m'a faite évadée, et mon cœur fut de nouveau transpercer d'une lame. Ma main se crispa sur ma poitrine pour palper cette douleur très physique qui venait de me terrasser.

-Je suis désolée, balbutiai-je, dévastée, honteuse. Rose, je suis désolée ...

-Oh ma chérie ... (Sans hésiter, elle saisit de nouveau ma main). Victoria, je ne t'en veux pas, personne ne t'en voudra jamais, sache-le ... Mais c'est pour te faire comprendre ... on est tellement nombreux au Ministère, mais aussi à La Gazette, à Ste-Mangouste, dans toutes les strates à avoir simplement fait ce qu'il fallait pour survivre et préserver les nôtres. Je me doute que pour toi qui as été si courageuse, si altruiste ça doit te sembler faible comme défense ...

-Mais comprends-nous, on ne va pas faire retourner à Azkaban quelqu'un comme Xenophilius Lovegood, qui a relayé la propagande du Ministère mais dont on a enlevé la fille, reprit Kingsley d'un ton placide.

-Ce n'est pas ce que je veux, assurai-je d'une voix étranglée. Ce que je veux ... (Je pressai ma paume contre mon front, presque dans l'espoir que cela remette mon cerveau à l'endroit). Ecoutez, on a déjà été dans cette situation de totale allégresse – et on a totalement échoué. Je suis désolée, mais c'était un échec, un échec sur toute la ligne. Il y a tellement de personnes qui auraient dû aller en prison qui sont restées en liberté, simplement parce qu'on les a crues ... Je ne veux pas ... je ne veux pas qu'ils s'en sortent tous en disant « j'ai suivi les ordres », « j'ai été menacé », ou « j'avais peur » ou « j'étais sous Imperium » ...

-C'est déjà la défense de Thicknesse, admit sombrement Kingsley.

-Alors où on met le curseur ? insistai-je désespérément. Vous pensez vraiment qu'on va survivre à une troisième guerre parce qu'on n'aura pas su faire ce qu'il faut ?

Je vis l'ampleur de la tache se refléter à l'infini dans les yeux noirs comme l'entrée d'un tunnel de Kingsley. Ses doigts joint se nouèrent plus étroitement les uns aux autres. C'était peut-être la première marque de nervosité que je voyais chez lui.

-Je dois suivre la loi. Et on ne peut toujours pas condamner quelqu'un sans preuve tangible. Ni pour des intentions. Ni pour son opinion, même si elle concerne la magie noire. Sa pratique, oui ... mais pas son opinion.

-Les lois, ça s'édifie, répliquai-je avant de me tourner vers Rose. C'est le rôle de George, me semble-t-il. Après le nazisme, on a instauré le « crime contre l'humanité » et personne maintenant n'a le droit de faire l'apologie de l'idéologie Hitlérienne. Vous pouvez bien faire ça, non ? Créer des lois qui permettront d'envisager sereinement l'avenir ?

C'était la première fois que je me projetais, ne serait-ce de quelques centimètres, à peine plus loin qu'était capable d'éclairer ma baguette. Mais je le vivais comme un bond en avant, pas forcément consenti. Non, la nécessité me projetait sur l'avenir et je titubais sur le chemin en me cognant contre le moindre obstacle.

-Je vais demander au Mangenmagot de se pencher sur la question, céda alors Kingsley. Tu as raison, mais il faut dire que tu es spécialiste du sujet ... peut-être qu'il y a des choses à voler chez les moldus. Tu pourras en faire un nouveau chapitre de ton livre, qui sait ...

Loin de revigorer, l'idée me consuma un peu plus, comme les brouillons que Simon avait brûlés lorsque les Mangemorts avaient investi la maison. Rose hocha la tête en signe de soutien et Kingsley ajouta :

-Quant à Sterverson, nous allons l'interroger, et si nous considérons qu'il est une menace pour la sûreté du Ministère et de notre Communauté, nous ferons ce qu'il faut, sois sans crainte là-dessus. Cela ne paraît-il raisonnable ?

Avec difficulté, je finis par acquiescer. Cela parut soulagé Kingsley qui m'adressa un sourire un sourire avant de se lever, signifiant la fin de l'entretien. Rose faillit le suivre, avant de revenir sur ses pas, brusquement catastrophée. Elle plongea la main dans son sac.

-J'ai failli oublier ! Je sais que ton anniversaire n'est que dans quelques jours, mais je me suis dit que je pourrais te faire un cadeau en avance ...

-Vous n'êtes pas obligée ...

A dire vrai, l'idée même de fêter mon anniversaire dans un tel contexte me soulevait le cœur. Pourtant, toutes mes protestations furent coupées lorsqu'émergea du sac de Rose une baguette. Pas une baguette. Ma baguette, ma baguette de bois de saule que je reconnus au premier coup d'œil. Crin de licorne, vingt-quatre centimètre trois-quarts. Une boule d'émotion vint se loger au creux de ma gorge, brûlante.

-Oh Seigneur ...

-Ollivander est au Ministère, et s'occupe d'identifier toutes les baguettes qu'ils ont confisqué ... Il ne s'est pas trompé, c'est bien la tienne ?

-Oui ... Oui, là ... (Je l'effleurai du bout des doigts, n'osant y croire). Je l'ai rayé en troisième année pendant un cours de potion ...

Une fois que ma peau entra en contact avec le bois, plus moyen d'en détacher les doigts. Un soupir passa mes lèvres lorsque je pris enfin ma baguette en main. C'était comme si je venais de retrouver une partie détachée de mon corps. Rose sourit, puis nous laissa seule à nos retrouvailles. Je la contemplai sous toutes ses coutures, examinai chaque morceau sous mes doigts, suivis les motifs jusque la pointe. Je n'avais pas réalisé à quel point elle m'avait manqué. La baguette de Nestor avait fait illusion car je l'avais conquise, mais elle m'avait toujours dérangé : trop grande, trop sombre ... trop étrangère. Alors qu'elle ... Je la levai devant mon visage, émerveillée.

-Spero patronum, murmurai-je.

Et le colibri jaillit sans le moindre effort. Et si cette magie de la joie, du bonheur et d'optimisme fonctionnait avec tant de facilité, c'était que j'étais enfin prête à aller de l'avant.

***

Je me réveillais le 8 mai 1998 avec quatre mots dans la tête.

J'ai vingt ans.

Les mots « je vais tuer Simon Bones » suivirent aussitôt. Car lorsque je tournai la tête, toute étourdie d'avoir atteint cet âge symbolique et ne sachant réellement que penser de cette journée qui se profilait, je découvris un bonnet.

Un bonnet orange.

Neuf, celui-ci, crépusculaire avec un magnifique pompon mauve qui lui donnait des aires de coucher de soleil. Mais après des années à avoir ourdie critiques et attentats contre le sien, je ne pouvais subir cet affront. Simon explosa de rire à la table des Serdaigle lorsqu'il me vit débarquer, le bonnet à la main, furibonde. Il se le prit vertement dans le visage, mais cela n'atténua en rien son hilarité.

-Comment ça tu ne veux pas être assorti à moi l'hiver ! s'esclaffa-t-il, goguenard.

-Et depuis quand c'est ton truc de t'assortir à ta copine, monsieur j'angoisse-sur-le-couple ? rétorqua Miles.

Sa sortie avec Hagrid semblait lui avoir fait le plus grand bien. Loin de l'avoir totalement guéri – il faudrait plus de temps pour cela – cela avait au moins eu pour mérite de lui faire sortir la tête de l'eau. Maintenant, Simon n'avait plus à le menacer pour manger – non, c'était Cora qui s'en chargeait. Les sœurs Bletchley était arrivées la vieille, dans le sillage de leur père, Oliver, venu soutenir son garçon après ces mois d'épreuve. A présent, il mettait son savoir dans la maintenance magique au service de McGonagall.

-Vous avez des manières de malotrus, les tança Cora avant de m'adresser un immense sourire. Joyeux anniversaire, Victoria !

-C'est ton anniversaire ? me lança Hermione, qui déjeunait plus loin avec Ron.

-Bon anniversaire Victoria !

Les « joyeux anniversaire » se succédèrent en écho infini et infernal dans la Grande Salle et je finis par m'assoir, les joues rouges de confusion. J'avais beau avoir un âge canonique qui aurait dû être fêter comme il se devait – je me souvenais encore de la cuite qu'avait pris Alexandre pour ses vingt ans et de la musique qui avait résonné toute la nuit dans Terre-en-Landes à en faire hurler l'Ancien – cette fois, je n'avais aucune envie de goûter aux festivités. Je portais encore la blessure des pertes au fond de mon cœur et chaque tache me rappelait les épreuves qui m'avaient marqué. Hier, Chourave avait fait un grand brasier dans le parc pour brûler les filets du diables et mandragores mortes au combat. Les lueurs orangées m'avaient tant choquée que je m'en étais rendue malade. La nausée persistait légèrement : à peine assise, je fronçai devant le café de Simon. Je n'avais rien mangé, et pourtant je me sentais prête à rendre le maigre contenu de mon estomac.

-Merci, marmonnai-je, un peu indisposée. Où est mon chocolat, Simon Bones ?

-Comment ça Simon ? s'offusqua Susan en glissant la tasse vers moi. J'étais la première levée !

-Merci, Susie-Jolie. (Je lorgnai méchamment Simon, qui souriait toujours, fier de lui). Toi, viens pas me parler.

-Et bien écoute ça tombe très bien, Chourave a besoin de moi dans le parc, je dois y aller. (Malgré ma mine défiante, il planta un rapide baiser sur ma joue). Joyeux anniversaire, Vicky !

Mon coup de coude tapa le vide et il s'échappa avant de subir davantage ma fureur, en prenant soin de laisser le bonnet devant moi, bien en évidence. Toujours exaspérée mon déjeuner ingurgité – et transformé en plomb dans mon estomac – je rejoignis Miles et Lee dans le parc, au pied de la tour d'Astronomie. Cette partie avait été vivement endommagée par les géants comme par les sortilèges et la pelouse disparaissait sous les décombres. Rien que le déblaiement du parc prenait un temps fou, mais c'était une tache que je cherchais. Physique, lassante, éreintante, pour ne pas penser à la douleur sourde qui pulsait en moi et m'endormir sans cauchemar. Cependant, même au milieu de l'effort, on pouvait rencontrer un poignard. Il me vint sous les traits d'une jeune fille aux yeux pétillants et aux longs cheveux noirs d'aile de corbeau.

-Salut, Victoria, lança Cho Chang avec un immense sourire. Il parait que c'est ton anniversaire aujourd'hui ?

Et là-dessus, elle entreprit de réparer une fenêtre à portée de baguette : tous les éclats colorés épars sur le sol se recomposèrent en l'image d'un immense dragon dans le ciel. Je la contemplai quelques secondes, hébétée. Pourtant je savais qu'elle avait été là, depuis le début, prévenue par l'A.D., mais je ne l'avais aperçue que lointainement jusque-là. Là, si proche, c'était comme si le fantôme de Cédric venait me frapper de nouveau. Et comme chaque fois que le deuil de Cédric me guettait, Miles était là. Il passa une main dans mon dos, m'adressa un petit sourire, puis me fit pivoter pour ne plus avoir la jeune fille dans mon champ de vision. Felicity et Cora étaient là aussi, mais, mineures, elles se contentaient juste de ramasser les gravats à la main et de les rassembler en un mont de pierre.

-Vous avez entendu la rumeur sur Rogue ? lança Lee d'un air sombre.

Il avait cessé de pleurer Fred, mais portait toujours le deuil incrusté sur son visage. C'était comme si ses lèvres se refusaient à jamais à sourire. Miles hocha gravement la tête, une moue sceptique aux lèvres.

-Oui, Angelina m'en a parlé ... il se sera battu pour nous ?

-Pardon ? lâchai-je, estomaquée.

Je n'avais pas aperçu le cadavre du sinistre maître des potions. D'après ce que je savais, on l'avait mis en terre dans son village natal. En revanche, je n'avais pas besoin d'avoir l'intelligence très vive pour l'imaginer, lui et sa cape éternellement noire baignant dans une flaque de sang sur le parquet détruit par les mites de la cabane hurlante. Une fin à la fois horrifique et miteuse qui m'avait presque donnée satisfaction.

-Ils sont en train d'enquêter, confirma Cora, qui shootait dans un bloc de pierre pour le faire avancer. C'est aussi pour ça qu'on est venues, Feli et moi. Les professeurs demandent des témoignages d'élèves sur ce qui s'est passée à Poudlard ...

Elle jeta un bref regard sur sa sœur qui avait détourné les yeux, la mâchoire contractée. Mon cœur se serra lorsque je vis ses lèvres trembler. La soudaine présence alors de l'ensemble de la famille Blechley, si on exceptait la mère, Selena, m'apparut plus que logique. Evidemment que leur père et Cora avoir à cœur de faire tomber Enoboria Selwyn pour ce qu'elle avait fait subir à cette douce jeune fille.

-Et vous avez vraiment perçu quelque chose ? s'étonna Cho. Pour Rogue ... il était vraiment ... de notre côté ?

-Aucune idée, avoua Cora, avec un pli amer au coin de la bouche. Moi tout ce que je retiens c'est qu'il a laissé carte blanche aux Carrow, et on sait ce que ça a donné ...

-Angie dit que les informations en sa faveur viennent de Harry ..., ajouta Miles du bout des lèvres.

Harry. Etait-il devenu parole divine au point de totalement blanchir un homme qui avait laissé des Mangemorts torturer des enfants ? Et même temps, quelles raisons avait-il de le faire ? m'interrogeai-je, tiraillée entre un profond dégoût et la perplexité. Ça avait été de notoriété publique que Rogue haïssait les Gryffondor, et Harry Potter en particulier. Pourquoi vouloir sauver sa réputation ... s'il n'y avait pas un brin de vérité derrière ? Cora ferma les poings face aux arguments de son frère.

-Rogue a tué Dumbledore, rappela-t-elle, les yeux brillants. Tout le monde savait qu'il était le principal lieutenant de Vous-Savez-Qui, son meilleur Mangemort. Il a laissé les Carrow faire ce qu'ils voulaient. Et les élèves de grandes familles aussi ... Vraiment ce n'est pas moi qui vais le pleurer.

Le nouveau coup de pied qu'elle donna à sa pierre fut rageur. Même lorsqu'elle fut arrivée à destination, elle continua de frapper. Personne ne trouva rien à protester la colère, juste et compréhensible, de cette toute jeune fille et chacun retourna à ses occupations, la tête basse, dans un silence plombé par la réflexion. Sauf Felicity. Epuisée par la conversation dont elle avait été le filigrane, s'écroula dans l'herbe, essoufflée. Elle était si pâle que son teint me semblait diaphane, transpercée par les rayons du soleil. Elle caressait ses poignets. Littéralement. Les yeux perdus dans le vide, ses doigts semblaient suivre ses veines qui ressortaient sur sa peau translucide.

-Miles, l'appelai-je, un peu saisie par le tableau. Oh, Miles !

Le jeune homme était un peu à l'écart, les yeux rivés sur parc et la muraille éventrées plus loin. Le portail du château avait été l'une des premières choses rétablies, avec ces deux antiques sangliers le surplombant, par crainte d'un revers de flamme. Mais après l'arrestation ou la mort des Mangemorts, les géants capturés ou éparpillés dans les highlands poursuivis par des spécialistes, dont Charlie Weasley, et l'enfermement d'un nombre certain de Détraqueurs dans une caverne des montagnes, nous étions relativement en sécurité.

Voldemort n'est plus. L'idée m'apparaissait encore incongrue, trop irréelle. Il faudrait peut-être que je me promène en pleine rue, avec ma baguette en main, sans craindre d'être attaquée, raflée, tuée, pour être certaine que j'évoluais dans un nouveau monde. Après avoir passé une année entière enfermée, je ne voyais pas de meilleur test. Simon m'avait supplié de ne pas me laisser entraver et s'il y avait bien quelque chose qui m'entravait toujours, c'était ça ... Au fond, j'étais toujours terrifiée à l'idée de mettre un pied dehors.

-Quoi, quoi ? répondit Miles, un peu déconcerté.

-Comment va ... ?

-C'est qui, ça ? s'écria Lee, perplexe.

Il planta une main en visière sur son front, les yeux rivés vers le portail. Agacée d'être ainsi interrompue sur un sujet si important, je fis volte-face avec humeur ... et laissai mon cœur éclater. Sur le chemin qui menait au château évoluait lentement un petit groupe menait par Pomona Chourave. Et derrière elle ... derrière elle...

-Oh mon Dieu, m'étranglai-je.

Et j'abandonnai là mes camarades de travail. Loin de m'en tenir rigueur, Miles souriait. L'enfoiré, notai-je au fond de mon esprit. Il savait. Je lui pardonnais. Aujourd'hui, je pardonnais même la vie d'ajouter un an à mon âge, à Simon de m'avoir offert cet affreux bonnet, ou même à Harry de vouloir blanchir le nom de Rogue. Je pardonnais tout. Parce que c'était ce que m'avait appris l'homme qui marchait à présent vers moi. L'homme de qui j'avais tout pris, tout appris. C'est un mirage, ce n'est pas vrai, ils ne sont pas là, pas vraiment ... Ce n'est pas possible ... Mais mes doutes furent fracassés lorsqu'un grand gaillard, m'apercevant au loin, rompit le groupe pour courir vers moi, les bras ouverts. Sa voix puissante parcourut le parc et me frappa droit au cœur :

-Moi le premier, moi le premier !

-Alex !

Je m'étais à moitié étranglée dans son nom et les derniers pas furent douloureux tant mes sanglots me nouaient la gorge. Ils éclatèrent lorsque je percutais Alexandre, me pendis à son cou autant qu'il me souleva de terre et me pressa contre lui à fracturer mes côtes. Il sentait le cuir, comme toujours. Le vieux cuir usé. A moins que c'était encore mon esprit qui me trompait, qui me trompait toujours ? Mais une nouvelle fois, la voix de mon frère vint effacer tous les doutes :

-Oh, Tory ... Oh Tory, Tory ...

Je ne répondis pas, trop occupée à lâcher des sanglots amers et emplis de désarroi dans son cou. Tout mon corps était parcouru de spasmes, de frissons, suspendu à quelques mètres du sol entre rêve et cauchemar. Et bientôt je ne fus plus seule : des mains me pressèrent les mains, les bras, les épaules. Des pleurs se mêlèrent aux miens et des voix se joignirent à celle d'Alexandre, surgissant de fantasmes qui cette année n'avait vécu que dans ma tête :

-Victoria ... Oh, ma chérie ... Merci mon Dieu ... ma chérie ...

-Perelko ...

-Joyeux anniversaire ...

-Lâche-là Alex grand benêt, on la veut aussi !

Des rires jaillirent au milieu des pleurs et mes pieds retrouvèrent le sol avec douceur. Mes jambes faillirent vaciller, mais bientôt ma mère fut là dans mes bras pour me servir de colonne vertébrale. J'avais oublié à quel point je pouvais lui ressembler. A travers ma vision brouillée par les larmes, nous étions pareilles, identiques, jusqu'au son des sanglots. Puis mon père m'embrassa longuement le front, le visage ruisselant de larme, remerciant Dieu à chaque mot de m'avoir rendu vivante. J'avais la sensation d'être aveugle tant les larmes bouillaient ma vue, d'être si bousculée par l'émotion que je me sentais prête à m'écrouler, comme lorsque j'avais découvert le corps d'Eugenia. Mais cette fois, ils étaient tous là pour me soutenir. Même Jaga, ployée par l'âge, l'œil à peine brillant d'émotion, soutint mon poids et ma peine lorsqu'elle m'enlaça. Si frêle, si forte ...

-Perelko ...

-Merci, gémis-je en me jetant au cou de Miroslav Liszka. Merci, papy, merci ...

Et comme j'étais incapable de verbaliser ce que j'avais vécu, pour la première de ma vie, je lui ouvris mon esprit. Il se tendit lorsque la voix d'Ombrage fusa, que son visage se décomposa au moment où j'avais évoqué mon grand-père. Tu m'as sauvé ... papy, tu m'as sauvé ... Sans toi ils m'auraient envoyé avec les Détraqueurs ... Mon esprit se referma alors que les images s'enchainaient, m'arrachaient des sanglots de plus en plus déchirants et Miro referma ses bras sur moi avant de prendre mon visage en coupe. La première vision claire que j'eus de ma famille fut ce regard clair, cerné, tourmenté qui me perçait le front.

-Perelko ...

-Tout va bien, promis-je d'un ton étouffé. Promis ... Vous êtes là ... ça va, maintenant, ça va ...

-Evidemment que ça va, pleura ma mère, bouleversée. Oh ma chérie, comme tu nous as manqué ...

Un jour, j'aurais peut-être les mots pour lui répondre. Mais aujourd'hui, j'avais juste envie d'être une petite fille, une gamine qui pleurait contre elle et dont chaque plainte était une demande muette de réconfort. J'avais vingt ans, et pourtant j'étais cette enfant qui avait besoin des bras de sa mère, de son père, désespérément.

Il s'écoula une éternité avant que les sanglots s'épuisent, que les larmes ne laissent le répit nécessaire pour éponger mon visage pour qu'enfin j'entende les premiers vagissements derrière les pleurs des retrouvailles. Sonnée, je jetai un coup d'œil par-dessus l'épaule de ma mère pour découvrir Simon non loin, penché sur un petit être perché dans les bras de Melania Selwyn. Les cheveux relevés en une queue-de-cheval haute qui balayait ses omoplates, elle souriait largement et de manière épanouie au bébé dans ses bras. Plus de ventre. Il n'y en avait jamais eu. Non, Melania était partie plate et rentrée plate, avec ce bébé dans les bras. Cette petite fille.

-C'est Alice ?

Je reconnus à peine ma voix déformée par les sanglots. Alexandre observa quelques secondes la femme de sa vie et sa fille avant de m'adresser un immense sourire. Avais-je déjà vu un tel sourire sur le visage de mon frère ? J'effleurai d'une main tremblante le col de sa veste en cuir, éternelle, tellement lui ... et pourtant, quelque chose dans ses traits, dans son regard, avait changé, de manière radicale. Il était papa.

-Prête à connaître sa filleule ? Papa attend pour le baptême ... On attendait que toi ...

-Pour ton mariage aussi, non ? tentai-je de plaisanter de ma voix éraillée.

-Oh ! lâcha Alexandre, brusquement tout agité. Bien vu, Tory, merci de me rafraichir la mémoire !

Il fouilla ses poches intérieures et en tira une petite boite de velours. Ma mère tenta de l'arrêter, moitié pleurant, moitié riant, mon père secoua l'appela, mais qui avait un jour arrêté Alexandre ? Seule Melania y était parvenue ... Alors ce fut à ses pieds qu'il posa un genou, avec au creux de sa paume cette petite boite ouverte sur la bague qu'il m'avait montré un monde auparavant. Devant le tableau, Melania rejeta sa tête en arrière et éclata de rire.

-Oui !

-Mais je n'ai même pas posé la question ! protesta Alexandre, indigné.

-Je tiens déjà le fruit de notre amour dans mes bras, inutile de me poser la question. C'est oui !

-Mariage, baptême et retrouvailles, conclut Jaga alors qu'Alexandre se redressait pour embrasser Melania et sceller la promesse. Bien joué Edward, une année faste nous attend.

Elle effleura ma joue de sa main parcheminée. Son regard sombre se ficha dans le mien, ce regard lourd de sens, pesant, inexpressif et qui pourtant symbolisait tout ce qu'elle avait pu vivre.

-Et une vie bien meilleure, Perelko, sois-en convaincue, me souffla-t-elle de ce ton grave, catégorique. Si tu as vécu le pire, c'est que le meilleur est devant, toujours ... Ne l'oublie jamais.   

***

ALLEZ une petite note de douceur et d'optimisme pour finir ce chapitre qui était, j'en conviens tout à fait, assez lourd et sentait le désespoir à plein nez. Vous comprenez pourquoi Mad World m'est venu en tête quand j'ai écris ce chapitre? Cette sensation de décalage entre le bonheur qu'elle est censé ressentir et la peine qu'elle ressent vraiment? 

Maintenant je veux bien vos avis :D

Voilà vous avez eu à peu près l'exposition de pourquoi cette période transition m'intéresse et pourquoi je ne voulais pas couper à la Bataille. Je voulais prendre le temps de faire apparaître des personnages (Le Nolian, la famille de Vic), je voulais travailler l'idée de reconstruire Poudlard, mais surtout la Communauté sorcière qui a littéralement été détruite par la guerre. 

Au fait j'ai statué pour l'épilogue n°1. Je le posterai le jeudi 15 juin, pour fêter la fin du bac qui a lieu, si je me trompe pas le 14 pour les terminales et le 15 pour le bac français. Je me trompe? Hors grand oral et oral de français bien évidemment - ça désolée, mais je ne pourrais pas satisfaire tout le monde ! 

Vous avez donc un calendrier de poste complet pour voir venir ! A vendredi les enfants <3 

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