IV - Chapitre 33 : Le branle-bas de combat

J'AI TENU 

Et c'était dur parce qu'il y avait de gros arguments en faveur d'un poste lundi. Un petit jour férié. L'anniversaire de Victoria, qui plus est. Et je m'ennuyais A MOURIR (mais ça c'était avant que mon copain ne bouche mon évier en vidant la cire de ma bougie dedans. LES MECS JE VOUS JURE). 

MAIS J'AI TENU  ! Tout simplement parce que je ne voulais pas finir trop vite vraiment, une fois que j'arrête de poster c'est fini pour de vrai. Je sais que vous appréhendez ce moment mais si vous saviez à quel point moi aussi. Alors on va tenter de résister et de profiter ensemble de cette fin, n'est-ce pas? 

(Bon je m'étais promis de ne plus évoquer la fin pour ne pas trop faire du mélodramatique à chaque chapitre. MAINTENANT JE M'Y TIENS, j'en parle plus jusqu'au dernier chapitre !) 

Bon comme vous l'avez deviné, je n'ai pas grand-chose à raconter ("Alors pourquoi ton intro elle fait trois kilomètres de long Perri?") ... alors je vais vous laissez me raconter vos vies ! 

J'ai cru que j'allais galérer à trouver une citation. Et en fait j'ai eu une illumination incroyable. Un truc parfait. Epique, appelant à la bataille, référence historique appropriée et de qualité. Voilà je suis fière de ma citation, elle lance idéalement le chapitre. 

J'ajouterai juste : checkez les commentaires, il y a un moment que j'ai imaginé avec un bien particulier. J'ai toujours (TOUJOURS depuis le début) imaginer cette partie avec cette musique. C'est LA musique. 

Je vous jure je trépigne tellement de vous le donner là, j'ai presque les larmes aux yeux. Je me suis enjaillée toute seule à préparer le chapitre (bon les chansons aidaient, vous allez voir. Une playlist à lui tout seul). ça ne présage rien de sa qualité, c'est juste que ... Bah voilà on y est quoi. 

Alors. 

Vous êtes prêt.es? 

On y va. 

***

Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines?
Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu'on enchaîne?
Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c'est l'alarme
Ce soir l'ennemi connaîtra le prix du sang et les larmes

- Le chant des partisans 
Germaine Sablon 

***

Chapitre 33 : Le branle-bas de combat.

-Je sais que vous vous préparez à combattre.

Nous étions à Pré-au-Lard depuis à peine quelques minutes, avions enfin l'enseigne branlante de la Tête de Sanglier en vue, que cette voix brutale et glacée emplissait la nuit. Je pressai les mains des deux côtés de ma tête, presque persuadée que c'était uniquement là qu'elle résonnait tant elle semblait vibrer dans ma boite crânienne. Les regards épouvantés de Miles et Eugenia m'apprirent qu'il n'en était rien. Elle semblait résonner de nulle part, être portée par les vents pour nous percuter avec violence.

-Vos efforts sont dérisoires, poursuivit-t-elle de façon impitoyable. Vous ne pouvez rien contre moi. Je ne désire pas vous tuer. J'ai un grand respect pour les professeurs de Poudlard. Je ne veux pas répandre le sang des sorciers.

La petite pause que prit la voix me permit d'entendre l'exclamation dégoûtée de Tonks. Baguette en main, elle regardait dans tous les sens comme si l'origine de la voix pouvait être proche, visible, et finit par darder son œil sur la Tête de Sanglier. D'un pas volontaire, elle se mit à avancer. Eugenia lui emboita le pas, Miles derrière elle, mais mes jambes demeurèrent clouer au sol jusqu'à ce que Simon passe un bras derrière ma taille. Le retour de la voix faillit de nouveau me paralyser.

-Livrez-moi Harry Potter, susurra-t-elle, et il ne sera fait aucun mal à personne. Livrez-moi Harry Potter et je quitterai l'école en la laissant intacte. Livrez-moi Harry Potter et vous serez récompensés. Vous avez jusque minuit.

Et soudainement, tout fut calme. On n'entendit que l'échos de nos pas sur les pavés de l'antique village, désert, presque fantôme. A notre arrivée, des habitants avaient fermé leurs volets, d'autres s'étaient rués dehors pour transplaner avec de grands sacs de voyages ... Même nous, nous n'osions pas échanger le moindre mot. Sincèrement, je n'avais pris la mesure de mon engagement qu'au moment où mon pied s'était stabilisé sur le sol de Pré-au-Lard et que les maisons aux toits pointus et aux poutres apparentes s'étaient dessinées autour de moi. Au milieu de la grand-rue, j'avais réalisé que j'étais sur le chemin qui menait tout droit à Poudlard et au cœur de la guerre. Il ne pleuvait pas en Ecosse, au contraire : la nuit était claire, calme, sans le moindre nuage ... glacialement silencieuse. Sans la main de Simon dans la mienne, je serais restée tétanisée au milieu de la route pavée, terrassée par mon cœur qui battait la chamade.

-Minuit, souffla Tonks, impassible, avant de consulter sa montre. Parfait, ça nous laisse le temps de rentrer ...

-C'était lui ? demanda Miles d'une voix tout sauf assurée. Il est ... vraiment là ?

-Mais Fred disait ... qu'il était à l'étranger ... il voyage littéralement depuis des mois et ...

-Par Merlin, murmura Simon, livide.

Je serrai ses doigts et il faillit me les briser en retour. C'était un aveu en soit. L'aveu de la profonde terreur qui enserrait nos cœurs à l'idée de pour la première fois affronter en chair et en os le responsable de toutes nos douleurs.

Lord Voldemort.

Je pris une profonde et tremblante inspiration. J'avais toujours su qu'il était derrière tous les malheurs. Derrière la mort des parents de Simon, derrière Nestor et le pouvoir qui lui permettait de s'élever et s'enhardir, derrière cette guerre qui faisait rage et détruisait toute la beauté du monde. Pourtant, sa figure m'était toujours apparue comme secondaire, un fantôme, une ombre à peine discernable sur nos vies. Il était tout, et à la fois il n'était rien. Toujours en retrait, toujours sous-jacent derrière la moindre irruption de violence ... Pour la première fois, il m'apparaissait réel et vivant à travers cette voix qui m'avait heurté les tympans. Et Dieu que c'était terrifiant. Oui, il était réel, lui et ses terribles pouvoirs, si terribles qu'ils lui avaient permis de revenir d'entre les morts ...

-Ce n'est pas de lui dont vous aurez à vous inquiéter, évalua Tonks d'un ton catégorique. Il vient contre Poudlard en force, avec l'ensemble de ses Mangemorts. Je dis bien l'ensemble, tout le monde est mis à contribution ... Toutes ses forces se sont tournées vers Poudlard.

-Une école, rappela Eugenia, incrédule. Et tout ça ... tout ça pour Harry Potter ?

-Vraiment je n'arriverais jamais à comprendre, enchéris-je, sonnée. Je sais, ajoutai-je quand Simon coula un regard vers moi. Je sais, Harry avait un plan pour le vaincre, Dumbledore lui a confié cette mission mais ... Quand même !

-Il y a forcément des gens dans l'école qui vont vouloir le livrer, s'inquiéta Miles. Forcément, vous n'allez pas me faire croire que tout le monde est prêt à ... mourir pour lui ?

Le mot « mourir » résonna de façon si sinistre qu'un frisson hérissa mon échine. Eugenia étouffa une drôle d'exclamation en plaquant une main contre sa bouche. A la lueur des lampadaires qui éclairaient les rues, son teint m'apparaissait verdâtre.

-Pour lui non, admit Tonks du bout des lèvres. Mais pour maintenir l'espoir, Miles Bletchley, les gens sont prêts à tout. Venez, c'est ici ... Vous n'avez pas forcément dû fréquenter cet endroit pendant votre jeunesse ...

Un impensable sourire effleura mes lèvres. A dire vrai, je me souvenais avoir emprunté cette exacte route jusqu'au pub miteux en sixième année. Accompagnée de Cho Chang ... Seigneur, comment m'étais-je engluée dans cette situation ? Le contexte m'échappait mais je me souvenais parfaitement des fenêtres crasseuses et fendillées, de cette tête de sanglier littéralement suspendue à une vieille et branlante potence de bois à l'entrée, et surtout – mon nez se fronça aussitôt la porte ouverte par Tonks – de cette atroce odeur de chèvre qui infestait l'endroit. Simon protégea son nez du col de sa cape, suffoqué.

-Petite nature, attaqua Eugenia avec un sourire tordu.

-Abelforth ? appela Tonks en pénétrant le pub. Hé ... ?

Sa baguette la précédait en tout lieux, et fort heureusement car à peine étions-nous tout massés dans la petite salle éclairée par les chandelles que nous faisions face à un colosse aux longs cheveux gris fer et à l'allure négligée. Nos baguettes apparurent d'un même mouvement dans nos mains mais nous n'eûmes pas le temps de les utiliser qu'il tempêtait déjà :

-Encore ?! Mais vous vous croyez où ? Vous pensez que c'est devenu une attraction touristique ?

-Pas de doute, c'est lui, marmonna Tonks avant d'élever la voix : Abelforth, on veut se rendre à Poudlard ...

Le barman la contempla longuement avant de secouer la tête. Derrière des lunettes crasseuses, son œil bleu et franc brillait de dépit.

-Comme tous les imbéciles de l'Ordre du Phénix qui sont venus avant toi, Tonks. Et les gamins, et tous les autres ! (Il planta son regard sur nous, un regard bleu obscurci par d'épais sourcils anthracite). Rentrez chez vous. Y'a rien à voir ...

-Charmant, cingla Simon sans baisser la baguette. Mais permettez qu'on aille récupérer deux ou trois choses à l'école.

-Quatre pour être précise, rectifia Eugenia en levant la main pour mimer le chiffre.

-Abelforth, s'il te plait ... je dois retrouver Remus.

Le barman poussa un grognement de dépit. Même si la tendre plainte de Tonks ne parut pas l'attendrir pour deux noises, il se tourna brutalement vers son bar couvert de sciure et passa une porte. Tonks parut prendre cela pour une invitation peu aimable, contourna à son tour le bar et le suivit, nous sur ses talons. L'escalier que cachait la porte paraissait si miné, si délabré, que je frémis dès le premier gémissement du bois sous nos pas.

-Récupérer deux ou trois choses ? répétai-je à la volée. C'est ce qu'on va faire ? Récupérer les filles et se barrer en sens inverse ?

Simon, devant moi dans l'étroit escalier, me lança un regard déchiré où je lus le même dilemme.

-Victoria, le château est assiégé, répéta Miles dans mon dos. Tu-Sais-Qui y envoie littéralement toutes ses forces, qu'est-ce que tu veux qu'on fasse ?

-Se battre, proposa Eugenia d'une voix tremblante. Je ne sais pas ... on ne devrait pas envoyer toutes nos forces nous aussi ? Poudlard c'est le cœur battant de notre Communauté ... S'il le perce ...

La voix brisée d'Eugenia sembla se répercuter à l'infini en nous et je refermai une main au creux de ma gorge, saisie. Des images se répercutaient dans ma boite crânienne, de terribles spectres illusoires comme un château en proie aux flammes, la fumée s'échappant comme un linceul, les eaux du lac noir rougies par le sang des suppliciés, Pomona Chourave, mon mentor, auréolée de la même lumière verte et glacée qui avait emportée Renata Morton ... Je dus me prendre la gorge à pleine paume pour retenir le cri de détresse qui monta depuis ma poitrine et qui faillit jaillir lorsque, émergeant de l'escalier, je tombai nez à nez avec une chandelle brillant de sa plus virevoltante flamme. Malgré la main de Simon qui tirait sur la mienne, je restai longuement figée, les yeux rivés sur la bougie, le cœur au bord des lèvres. Il fallut que les murs de pierre du pub tremblent pour que je daigne lever le regard sur le plafond lambrissé qui déversa sur nous la poussière.

-Qu'est-ce que ... ?

-Dépêchons-nous, nous enjoignit Eugenia avant de se planter devant Abelforth, impérieuse. Alors comment on se rend à Poudlard ?

Le barman secoua longuement la tête avant de désigner d'un mouvement de la tête le tableau qui dominait la cheminée. C'était le portrait d'une jeune fille blonde à l'air serein qui pivota immédiatement à l'indication d'Abelforth. Une grande ouverture menant à un tunnel se découvrit alors et une bouffée d'air glacial et humide s'engouffra dans la pièce. La sensation me rappela tant celle du souffle des Détraqueurs sur ma nuque que je fis un pas en arrière, une main plaquée contre mon cou pour apaiser les frissons d'horreur qui venaient de parcourir ma peau.

-Ce vieux château m'étonnera toujours, commenta Tonks, presque fascinée. Un an à surveiller les moindres passages secrets de Poudlard et il trouve le moyen d'en créer de nouveaux ...

-Dépêchons-nous, il est déjà onze heures vingt, indiqua nerveusement Miles. Si on veut sortir les filles de là avant qu'il n'attaque ...

-Ça mène tout droit au château ?

-A la Salle-sur-Demande, indiqua Abelforth avec un haussement d'épaule. Elle l'a crée spécialement pour que ... enfin. Que je puisse apporter des vivres aux gosses cachés dedans.

-Parce qu'au fond tu as bon cœur et qui tu ne pouvais pas les laisser mourir de faim alors qu'ils essayaient d'échapper au Carrow, oui, acheva Tonks, presque avec un certain ennui. Et après tu veux nous faire croire que tu penses tout perdu, ben voyons ...

-Ce n'est pas pareil, se défendit le barman d'un ton bourru. Je n'allais pas laisser des enfants crever de faim ... Tonks réfléchis un peu, ce qui est en train d'arriver ... La mission de Potter, Tu-Sais-Qui qui rapplique, Poudlard en état de siège ... C'est folie, pure folie ...

-Pure folie, confirmai-je, la main toujours pressée contre ma nuque. Toute cette guerre n'est que pure folie ... Il ne faut pas le laisser faire jusqu'à ce qu'on perde la raison.

Les doigts de Simon pressèrent les miens en un assentiment silencieux et par ce simple contact j'eus l'impression que de la chaleur se diffusaient depuis ma main pour lutter contre la fraicheur du tunnel, gueule béante toujours ouverte devant nous, prête à nous aspirer. Le regard d'Abelforth se planta sur moi, désabusé, avant de balayer notre petit groupe avec un dédain certain. Arrivé à Simon, il fronça ses sourcils broussailleux.

-On s'est déjà croisé, non ?

La mâchoire contractée, Simon ne répondit rien et détourna les yeux. Je mis plusieurs secondes à comprendre, à me souvenir, et ce fut de nouveau la fraicheur du tunnel qui activa mes souvenirs. Les Détraqueurs. En cinquième année. Simon qui gisait dans la neige, terrassé par les souvenirs ... J'avais ri, ce jour-là où le barman de la Tête de Sanglier était venu nous sauver la mise de son patronus. Mais à présent le tableau me tordait les entrailles. Avant de me laisser paralyser par l'angoisse, je lâchai la main de Simon et me hissai la première sur le manteau de la cheminée. Il fallait que j'avance. Coûte que coûte, vaille que vaille. C'était avancer, ou laisser l'angoisse et le désespoir me consumer et me réduire à la chose léthargique que j'avais été dans les geôles du Ministère. J'avais la sensation périlleuse de marcher le long d'une crête et de pouvoir basculer de chaque côté à chaque instant. Le souffle glacial du tunnel semblait par ailleurs vouloir m'aspirer du mauvais.

Heureusement, je n'étais pas seule. Immédiatement après moi, Tonks gravit le manteau et pressa mon épaule avant de faire ses premiers pas dans le tunnel.

-A tout à l'heure, Abelforth ! lança-t-elle par-dessus son épaule. On se reverra en pleine bataille !

-Viens, murmurai-je à Simon.

J'avais besoin de lui pour avancer. Toujours. Il me l'avait promis : ensemble, pour découvrir ce qu'il y avait de l'autre côté de la barricade. Je lui tendis la main et il hésita quelques secondes avant de la prendre et de grimper – plus difficilement, certes – la cheminée. Les joues rouges de confusion, il s'épousseta les genoux avant de se tourner vers le salon, le regard brillant.

-Merci, Abelforth.

-Bon courage, ajouta Eugenia en nous rejoignant.

-A toute à l'heure !

Abelforth nous observa un à un passer le tableau et s'engouffrer dans le tunnel humide qui menait au cœur vibrant de la Communauté Magique – et qui était devenu celui, névralgique, de la guerre. La lueur des chandelles fut soufflée lorsque le tableau se referma sur nous, immédiatement remplacé par celles de torches de cuivre qui éclairaient des marches polies de pierre, lisse et propres, qui s'enfonçaient dans les entrailles de la terre. Une nouvelle descente aux enfers, songeai-je amèrement en suivant mécaniquement le groupe, les doigts accrochés à ceux de Simon.

Mais c'était en descendant les cercles de l'enfer qu'on atteignait le paradis. N'est-ce pas ?

Pendant longtemps, nous ne fûmes accompagnées que par nos ombres qui ondulaient sinistrement sur les parois et nos souffles laborieux qui semblaient se répercutaient à l'infini. A chaque marche, un nouveau pas sur la crête. A chaque pas, la sensation que je ne tenais que par cette main qui me liait à Simon, qui m'empêchait de perdre pied et de simplement hurler face à ce qui semblait nous attendre au bout. Alors que la chute cessait enfin pour laisser place à un chemin de terre battu, mon cœur saturé semblait sur le point d'exploser et je ne pus retenir un :

-Simon ... Il y aurait des Détraqueurs.

-Certainement, confirma-t-il à mi-voix.

-Et Nestor Selwyn.

-Il y a de fortes chances.

Mais ce n'était paradoxalement pas ce qui m'inquiétait le plus. Non, j'avais brisé la glace qui avait pu matérialiser ma peur de Nestor Selwyn le jour où j'avais pu envoyer mon pied en plein dans son visage, et déverser un peu de ma haine et de ma colère dans mes coups. Je l'avais fait saigner. Je tenais sa baguette. Que pouvait-il contre moi à présent ? Non, vraiment, ce n'était pas Nestor qui refermait ses doigts contre mon cœur à l'en presser jusqu'à ce que ses battements déraillent. C'était ce souvenir glaçant de Simon évanoui dans la neige, si pâle que sa peau s'était confondue avec le tapis qui le berçait comme un linceul ... La bouffée d'effroi qui monta dans ma poitrine faillit m'immobiliser net. Mais comme chaque fois, le lien qui m'unissait à lui me donna la force nécessaire pour continuer.

-Et ... et ..., bredouillai-je, l'esprit paralysé par ces images poignantes. Seigneur, Simon, il y aura Jugson aussi ...

Cette fois, Simon eut une réaction et ses doigts se refermèrent douloureusement sur les miens. Je risquai un coup d'œil vers lui. Son visage était fermé, traversé par des ombres lugubres que les torches jetaient sur son visage. Leur lumière allait même jusqu'à effacer ses taches de rousseurs, et sans cette touche de douceur presque enfantine, il n'en paraissait que plus dur.

-Je sais, murmura-t-il, presque fataliste. Je sais, Vicky, j'y ai pensé ...

-Et ... ?

Personnellement, je faisais plus qu'y penser. Cela m'obsédait. Je n'arrivais à me détacher de l'idée que Simon allait se rapprocher de Jugson, le sentir de plus près, pour la première fois depuis qu'il avait tué Spencer seize ans plus tôt ... Mon souffle se coinça dans mes poumons lorsque Simon coula un regard sur moi et que ses iris vertes effleurèrent les miennes. Elles étaient dures, ces prunelles, déterminées mais pas aussi sombres que j'aurais pu le craindre.

-Je ne voulais pas t'en parler, lâcha-t-il alors, contrarié. Ce n'était pas le moment, ça n'a jamais été le moment ...

-Quoi ?

Simon hésita encore quelques secondes, le temps de ralentir quelque peu l'allure et de nous détacher du groupe. Le tunnel commençait doucement à remonter lorsqu'il entonna :

-Quand tu t'es échappée du Ministère ... Il a fallu qu'ils envoient quelqu'un à Terre-en-Landes, vérifier que tu n'étais pas chez moi ... Devine qui ils ont choisi pour le rôle ?

-Seigneur ...

L'horreur et l'indignation m'étranglèrent de leurs mains impitoyables, mais Simon réduisit mes plaintes à néant d'un regard. Sa prise sur ma main avait quelque chose d'impérieux.

-Ecoute, c'est passé, éluda-t-il avec fermeté. Ce n'était pas le passage le plus agréable de ma vie ... Voir cet homme se pavaner chez moi ... A l'endroit exact où ... (Révulsé, il ravala ses mots et secoua la tête). Non, vraiment pas agréable. Mais c'est passé, d'accord ? Il est venu, il a tout saccagé mais ... Ouais, il ne nous a pas touché, je suppose. Presque pas.

-Je déteste ce « presque ».

-Moi aussi, pour tout te dire. (Face à mes yeux écarquillés, il poussé un soupir et son pouce balaya le dos de ma main dans une caresse destinée à me rassurer). Ce n'est rien, Vicky. Il est juste ... Entrer dans ma tête pour être certain que je ne cachais rien. Ça aurait pu être pire ... Après ça, il est juste parti.

La conclusion sembla résonner à l'infini dans le tunnel et pourtant, ni Tonks, ni Miles, ni Eugenia ne se retournèrent sur nous. Heureusement, car ils auraient pu s'inquiéter du teint verdâtre qui était certainement venu colorer ma peau et de ma mine profondément dégoûtée. L'idée que par ma faute, Robert Jugson ait osé pénétrer la vénérable maison des Bones où il était honni retournait mon estomac. Simon pressa doucement mes doigts.

-Vicky. Ecoute, ça ne sert à rien de spéculer à l'infini ... La seule chose dont je suis certain à l'heure actuelle, c'est que je veux retrouver Susan. Le reste, on verra quand ça se présentera.

Avant que je n'aie pu protester ou enchéri sur ses propos, il accéléra le pas, m'entrainant avec lui pour rejoindre les autres et briser notre huis-clos. Je cédai, trop consciente que si j'avais besoin d'avancer pour tenir, il devait en être de même pour lui. Un virage et encore une dernière volée de marche avant qu'une porte de bois ne se dessine devant nous. Sans hésiter, mais toujours munie de sa baguette, Tonks l'ouvrit et nous débouchâmes dans une grande salle des plus surprenante. Dépourvue de fenêtre, elle n'était pas en couleur : les étoffes se déclinaient aux couleurs des Maisons de Poudlard – si on exceptait celles de Serpentard – en des hamacs, des draperies et des tapisseries qui couvraient les murs. Des étagères croulaient sous les vivres et les livres et dans un coin trônait une radio en bois. Je tournai sur moi-même, émerveillée par cette pièce dont je ne savais rien, l'endroit où s'était réfugiée Susan pour poursuivre la lutte au cœur même de l'école. Se cacher sans trahir ses valeurs ... La pièce était sinistrement déserte, ou du moins je le pensais ... jusqu'à ce qu'une silhouette se lève de l'un des coussins colorés installés à même le sol et pointe sa baguette sur nous. Se retrouver face à cinq quatre ne parut pas décontenancé la rousse au regard flamboyant qui nous faisait face. Immédiatement, je levai la mienne et avançai d'un pas en signe de paix.

-Ginny ! C'est nous ! On a parlé dans ta chambre, chez Muriel, tu te souviens ?

-Je te faisais rire avec des nez en forme de groin ou de bec de canard, ajouta précipitamment Tonks.

Le soulagement fendilla l'expression défiante de Ginny Weasley. Toute son attitude parut même s'effriter et elle se jeta dans les bras de Tonks. La jeune femme vacilla, sous le choc, et ne songea même pas à lui rendre son étreinte. Dans ses bras, Ginny tremblait, mais lorsque sa voix s'éleva, je compris que c'était de rage :

-Ils vont tous se battre ! Tous, et ils exigent que je reste ici parce que je suis mineure ! Ils sont tous parti en me laissant seule ... Tonks ...

-Au risque de paraître être un cœur velu, on doit faire la même chose, souffla Miles, blême. Plus que trente minutes avant minuit ...

-Vingt, précisa Eugenia en tapotant sa montre.

Avec une certaine stupeur, je remarquai qu'un brin de muguet était toujours entremêlé dans la tresse qu'elle rejeta derrière son épaule avant de se dépêcher vers la porte de la salle sans un regard pour Tonks ou Ginny. De mauvaise grâce, je pris le pas pour la suivre, mais fut bloquée par la main qui me maintenait à la vie. Cette fois, elle m'empêchait d'avancer et je me retournai pour découvrir Simon planté au milieu de la pièce, le regard dardé sur les deux filles qui s'enlaçaient et murmuraient frénétiquement. Une expression tourmentée était venue voiler ses prunelles.

-Tonks, tu devrais en faire autant ...

-Pardon ? s'hérissa la jeune femme, les yeux plissés. Je devrais rester ici, c'est ça que tu veux me dire ?

-Oui. Pour Teddy.

La pièce sembla s'arrêter de vivre au souffle qui s'échappa des lèvres de Simon et tous les regards convergèrent vers lui avec mille teintes de peine. Même le visage de Tonks se décomposa totalement. L'air sonné, elle détacha ses mains de Ginny pour faire face à Simon, un rictus amer aux lèvres.

-Tu veux me faire le coup du petit orphelin qui aurait aimé qu'un de ses parents survive, c'est ça ?

-Ça marche ? rétorqua Simon.

Tonks battit des cils, assez pour comprendre qu'à défaut de totalement marcher, elle était sensible à l'argument. Profitant de la brèche qui s'ouvrait devant lui, Simon posa une main sur son épaule et planta son regard dans le sien. La gorge serrée, j'eus l'absolue certitude qu'il avait la sensation de contempler sa mère autant que Tonks de contempler son fils.

-Tu étais partie pour rester à l'abri, rester pour lui. S'il te plait, Tonks ... Il faut qu'un de vous deux reste. La gloire, la noblesse d'âme, le courage ... Tout ça, ça ne console pas quand on doit grandir seul.

-Stupide orphelin, chuchota Tonks avant de lever une main pour la passer sur sa joue. Va chercher ta sœur, abruti.

-Oui, nos sœurs, ajouta Eugenia, visiblement peu sensible à la scène. Dépêchez-vous !

Son ton exaspéré et teinté d'urgence eut raison des résistances de Simon qui se détacha de Tonks sans la quitter du regard, comme pour être certain qu'elle ne le suivrait pas. Ce fut le cas. De façon absolument déchirante, elle resta plantée au milieu de la pièce, des larmes de frustration et de dépit brillant dans ses yeux sombres alors que nous nous élancions vers ce qu'elle brûlait d'atteindre. Même sorti de son ventre, son fils la clouait toujours au sol. D'un geste aveugle, Simon glissa sa main dans la mienne et après avoir jeté un dernier coup d'œil à Tonks, s'engouffra à la suite de Miles et Eugenia dans le couloir. De façon totalement déboussolante, nous émergeâmes d'un univers coloré et inconnus aux vieilles pierre familières et centenaires qui nous avaient abrité pendant sept ans. La tête comme une girouette, j'observai chaque recoin du couloir avant de brusquement le reconnaître :

-On est au septième étage, non ? Près de ...

-La tour de Serdaigle, confirma Eugenia, l'œil allumé par la nostalgie. Qu'est-ce que c'est ... ?

Un brouhaha s'élevait depuis les escaliers un peu plus loin. Baguette fermement en main, nous nous aventurâmes prudemment. Voldemort avait juré de ne pas attaquer avant minuit, mais Miles l'avait fait remarquer : toute l'école serait-elle prête à mourir pour Harry Potter ... ? Les chances qu'une guerre civile se soit déclarée au sein même des élèves et même du corps enseignant m'apparaissait immenses et glaçantes. Pourtant, ce n'était pas la rage des combats qui nous attendaient alors que nous avions une vision plongeante sur les escaliers grouillants de centaines de silhouette apeurées et affolées. La file d'élève semblait s'étendre à l'infini jusqu'au cœur du château. Certains étaient en cape, d'autres encore en pyjama, comme le professeur qui se tenait à leur tête. Vêtu d'atours de soie vert émeraude étirée par un ventre proéminent, il posa le premier le pied sur la plateforme qui menait à notre couloir et je reconnus avec stupeur l'indolent professeur de Potion que Susan nous avait présenté à Pré-au-Lard.

-Suivez-moi ! lança-t-il aux élèves qui le suivaient. Allez, je crois que la Salle-sur-Demande est par-là ... enfin, d'après les explications de Londubat ... En avant, vite, minuit approche !

-Les Serdaigle, par ici ! lança une fille aux longs cheveux noirs qui tenait en l'air son insigne de préfète. Allez, ne retournez surtout pas vers la Salle Commune, c'est parti !

-Mais nos affaires ?! pleurnicha un garçon au premier rang.

-Si tu veux mourir, va les chercher !

-Ils évacuent, souffla Miles.

Son soulagement était palpable, mais ne l'empêcha pas de s'empresser vers la file d'élève qui obliquait vers l'aile est du château. Je compris une seconde plus tard en remarquant qu'une fille s'était détachée du groupe pour se précipiter vers lui. Une seconde s'échappa elle du groupe formé par les Serdaigle et Miles se retrouva avec ses deux sœurs contre lui au milieu du chaos. La vision fut étrangement apaisante, tante et si bien qu'elle parut atténuer les murmures d'angoisse et alléger nos cœurs gavés de peur et d'appréhension. Felicity, plus grande, plus belle aussi que dans mon souvenir, s'était jetée au cou de Miles alors que Cora enserrait sa taille en tremblant. Leur détresse me toucha ... mais ce qui me galvanisa, ce fut le cri de Cora lorsqu'un garçon plus grand et plus fort qu'elle la poussa pour la dégager de son passage. En un flash, je reconnus le nez retroussé, les cheveux blonds et la moue qui lui déformaient les lèvres, aussi nettement que si je l'avais quitté la veille. Une formidable colère flamba dans ma poitrine lorsque, sans adresser le moindre regard à Cora Bletchley, il poursuivit sa fuite en avant.

-Smith !

Zacharias Smith se retourna à mon cri, mais pas assez vite : j'étais déjà sur lui pour le pousser contre le mur avec toutes les forces dont j'étais capable. L'impact de son corps contre la pierre, brutal et déstabilisant, me rassura grandement sur ma vigueur. Il avait trouvé le moyen de prendre quelques centimètres et en carrure depuis la dernière fois que nous nous étions vus. Mais cette différence de morphologie ne me découragea pas pour deux noises : je le plaquai de nouveau contre le mur d'une main avant qu'il ne reprenne ses esprits et plantai la baguette de Nestor sous son menton. Les yeux de Smith s'écarquillèrent lorsque toutes ses cases se remirent à l'endroit et qu'il me reconnut.

-Bennett !

-C'est comme ça que tu sauves ta peau, en projetant des gamines sur le sol ? persifflai-je, indignée.

-Le château ... Tu-Sais-Qui ..., bredouilla-t-il, avec panique et colère. Il arrive, Bennett ! Qu'est-ce que tu fiches ici ?!

-Ce que tu n'oses pas faire, Smith. Mais ce n'est pas grave, c'est ton droit de vouloir vivre.

-Alors qu'est-ce que tu veux ?!

L'éloquence me manqua et je crispai mes mains sur l'épaule que je tenais toujours, frustrée. Ce que je voulais ? C'était qu'il ne soit pas aussi lâche, aussi humain et qu'il se donne pour sauvegarder cette école qui nous avait tous construit, qui nous avait fait grandir, qui avait fait de nous les hommes et les femmes que nous étions aujourd'hui. Je voulais qu'il descende et qu'il se batte, comme Remus Lupin qui risquait sa vie malgré un fils qui l'attendait à la maison. C'était lui qui devait s'enfuir, pas un Zacharias Smith ... L'injustice de la chose me suffoquait et pourtant, qui étais-je pour lui en vouloir ? Moi-même je n'étais pas certaine d'avoir le cran pour rester ... j'étais là pour Susan. Pour Simon. Déchirée, je me mordis la lèvre inférieure et mon regard glissa sur Cora Bletchley, qui s'était redressée et lorgnait méchamment Smith, presque dans l'espoir que je lui fasse payer sa précipitation. Elle tenait sa baguette à la main, remarquai-je, amèrement amusée. Mais quel usage pourrait en faire une gamine de treize ans face à des Mangemorts ?

-Susan, lançai-je alors, puisque c'était la raison de ma présence. Où est-elle ?

-A ton avis ? rétorqua Smith avec dépit. McGonagall a dit que les majeurs pouvaient rester pour se battre ...

Evidemment. Susan n'avait jamais abandonné Poudlard, pas même quand sa vie et l'intégrité de sa famille en dépendait. Ce n'était pas maintenant que notre lionne allait renoncer à ses valeurs. La fierté n'eut d'égale que l'angoisse dans mes veines. Je voulus me tourner vers Simon pour lui faire en faire part, mais des cris et de l'agitation attirèrent mon attention de l'autre côté et je pivotai de nouveau vers la file d'élève qui défilait toujours en direction de la Salle-sur-Demande. Des filles à l'uniforme frappée du sceau de Serpentard s'était détachées de la colonne, pour tenter de rattraper une de leurs camarades qui s'était élancé dans l'autre sens. Les cheveux noirs, le visage comme gravé dans le marbre, elle avait sorti sa baguette.

-Daphné, reviens ! Tu ne réalises pas ! Il va arriver !

-Justement ! s'égosilla la fille, hors d'elle. Il va arriver et on se dérobe comme des lapins apeurés dans leur terrier ? C'est vraiment tout ce dont est capable notre Maison ?! Pas un seul d'entre nous n'est resté, Pansy, pas un seul ! C'est vraiment ce que nous sommes ?!

-Oh je t'en prie, tu ne vas pas nous jouer les grandes âmes maintenant ? renifla sa camarade avec mépris.

Furibonde, la fameuse Daphné se détacha vertement et rebroussa chemin, en contre-courant total de la file. Elle porta sur tous ses camarades qui la dévisageaient avec un mélange d'incrédulité et de condescendance un regard absolument dédaigneux qui me donnait à moi aussi l'envie de rentrer sous terre.

-Si personne ne veut se battre, hurla-t-elle à la cantonade d'une voix forte, qui portait magnifiquement, alors tout ce quoi nous avons cru, tout ce qui avons vécu sera perdu à tout jamais. C'est un combat pour exister, vous vous rendez compte ? Et si vous n'avez pas le courage de vous élever pour pouvoir affirmer que vous existez face à ce monstre, alors moi je le ferais, Serpentard ou non ! Poudlard nous a tout donné ! Tout ! On lui doit bien ça ! Ne soyez pas ingrats ! Battez-vous !

Elle les défia tous du regard, mais beaucoup se détournèrent, portèrent leurs yeux sur leurs chaussures ou vers l'avant, là où se trouvait leur salut. Dépitée par ce manque apparent de courage, la jeune fille crispa ses doigts sur sa baguette et poursuivit sa route en nous dépassant à grands pas comme une furie. Je voulus l'arrêter, la suivre ... je ne savais pas, à dire vrai. Mais je restai bloquée sur Smith, ma baguette toujours enfoncée dans sa gorge. Avant qu'un sentiment clair n'émerge dans ma poitrine, une autre fille rompit les rangs, de la même manière que Daphnée. Blonde et élancée, son visage m'évoqua immédiatement quelque chose et je compris une seconde plus tard lorsqu'Eugenia s'étrangla derrière moi :

-Audrey ...

-Daphné ! appela Audrey Dragonneau. Hé, Greengrass !

La jeune fille était déjà en train de défaire sa cravate quand elle atteint la Serpentard immobilisée près de l'escalier. Comme une offrande, elle lui tendit serpentant entre ses deux mains la bande de tissue de bronze et d'azur.

-Je viens avec toi, affirma-t-elle d'une voix tremblante. Mais mets ça ... Il ne faudrait pas que tu te prennes un maléfice perdu parce que tu portes l'uniforme de Serpentard ?

-Et que j'abjure mes couleurs ? comprit Daphné avec un sourire amer. C'est gentil, mais je suis la seule Serpentard de ce château à se battre et je veux le revendiquer.

-Non, tu ne seras pas la seule.

L'affirmation me suffoqua et je lâchai Smith pour pivoter vers Miles. Il tenait toujours Felicity dans ses bras, qui s'était écartée pour dévisager son frère. Ses larmes s'étaient figées sur ses joues et un air d'horreur absolu s'était peint sur ses beaux traits.

-Miles ..., haleta-t-elle, épouvantée. Miles, non ...

-Miles, tu n'es forcé à rien, assura Simon, sonné. Vraiment ...

Simon avait tout dit, et avec un tel désarroi dans la voix que j'en restais pantoise, la bouche légèrement ouverte, le cœur au bord des lèvres. Malgré toutes les piques des jumeaux, malgré tout ce que j'avais pu penser un jour de Miles Bletchley, à présent il n'avait plus rien à prouver. La simple fait que je sois là, debout le cœur battant était un grand accomplissement pour lui. Pourtant, les mots de Simon n'enrayèrent en rien la gravité qui tombait sur les traits de Miles comme un masque de plomb. La mâchoire contractée, il fixait Daphné qui, après quelques secondes de latence, sembla le reconnaître et hocha la tête de façon solennelle.

-Parce que tu vas faire demi-tour, toi ? lança Miles à Simon, avec un tel calme que j'en fus abasourdie. Alors que Susan a choisi de se battre, alors que le château dans lequel on a grandi se met en branle-bas de combat ? (Son regard se porta vers moi et se planta dans le mien à m'en clouer sur place). Vous allez vraiment faire demi-tour ? Maintenant ?

Et face à la question si simple, celle que jusque là j'avais refusé de me poser, refuser de laisser prendre forme dans mon esprit, je fus forcée de formuler l'évidence. Le cri du cœur, celui que même la peur, la colère et la détresse ne pouvait étouffer.

-Non.

J'eus la sensation de décider pour tous, que ma voix tonnait dans le couloir malgré l'effervescence qui y régnait. Mais en écho, une seconde avant que je n'ouvre la bouche, Simon avait commencé à secouer la tête, Eugenia et sa sœur Audrey s'était regardées avec un identique éclat farouche dans leurs yeux bleus et limpides et Felicity, résignée, s'était plongée dans les bras de son frère en une ultime étreinte. Elle tremblait de tous ses membres.

-Toutes ses forces, articula Simon d'une voix blanche. Il envoie littéralement toutes ses forces contre cette école. Si on ne met pas toutes les nôtres maintenant ... Mille gargouilles ...

-Ce serait renoncé, acheva Eugenia. S'avouer vaincu et juste ... le laisser gagner.

Nous nous entreregardâmes tous et la ferveur de notre décision commune sembla graver dans nos prunelles, marquer notre cœur au fer rouge. Simon avait raison : peu importe l'enjeu, si Voldemort envoyait toutes ses forces se fracasser sur les murs centenaires, protégés et inviolés de Poudlard, c'était qu'il considérait que c'était vital. A défaut d'être une bataille décisive, c'était assurément un tournant dans cette guerre qu'il avait déclenché. C'était pour l'empêcher de prendre ces virages avec sérénité que je m'étais engagée dans l'Ordre, que j'étais restée en Angleterre, que j'avais laissé Noah écrire et dessiner malgré le danger que ça portait pour moi. C'était un cri que Nestor avait tout fait pour éteindre, qui avait réduit à une ombre à peine discernable alors que j'étais confrontée au pire de ma vie. Longtemps, j'avais cru qu'il avait atteint son but, aspirer mes dernières forces.

Mais c'était toujours face à l'adversité qu'on se révélait. Ça avait été la grande leçon de Cédric, celle qu'il était venu chercher en s'inscrivant au Tournoi, celle que j'avais apprise lorsque, effondrée par sa perte, je m'étais trouvé un courage que jamais je n'avais soupçonné.

Avant de me rendre à l'ombre et la poussière, je me battrai. Une dernière occasion de réaliser ma promesse.

-Dieu pour Cédric, Angleterre et Albus Dumbledore, murmurai-je, habitée par ma conviction.

Je croisais le regard étincelant de Simon et dans la profondeur de ses iris vertes je vis s'aligner les prénoms, les événements, les frustrations et les douleurs. Chacun apportait sa pierre à l'édifice de la détermination qui gonflait dans nos poitrines. C'était un point de non-retour. C'était le jour où nous basculions tous. Et alors que la solennité du moment nous laissait presque sur place, Zacharias Smith sembla vouloir en profiter pour m'échapper. Malheureusement pour lui, il semblait avoir oublier que mes réflexes étaient vifs : en une seconde, je lui avais attrapé le col et l'avais ramené vers moi alors qu'il grimaçait et geignait.

-Mais Bennett !

-Tu vas partir, Smith, annonçai-je avec calme. Mais tu vas faire quelque chose pour moi, d'accord ? Tu vois ces deux filles ? (Je désignai Cora et Felicity du menton et il hocha la tête). Tu vas les mettre à l'abri. Elles ne sont pas majeures, contrairement à toi. Tu vas les faire transplaner dans un endroit sûr. Je te promets, je le saurais si tu ne le fais pas. Et si c'est le cas je te retrouverais, je trouverais une batte et je te jure sur la mémoire de Cédric que je te fracasse avec, tu m'entends ?

Les grands yeux de Smith s'écarquillèrent. Ça avait été un joueur tellement insolent, le seul à m'inspirer aucune réelle sympathie. Quelque part, je l'avais pensé jaloux que je prenne la lumière après la mort de Cédric et son irrévérence en avait été l'émanation. Mais là, malgré la différence criante de carrure, il semblait se recroqueviller sur lui-même, terrassé sous mon regard.

-Oui ..., lâcha-t-il finalement, avant d'ajouter avec un peu plus d'aplomb. Capitaine.

-Parfait, Smith. Les filles, vous pouvez le suivre. Ne le lâchez pas.

Les yeux de Smith roulèrent dans leurs orbites et d'un geste un peu rude, mais qui avait pour mérite d'exister, il prit la main de Cora. La jeune fille se dégagea sèchement mais après un dernier regard pour Miles, lui emboita le pas. Felicity suivit, avec beaucoup plus de difficulté. Des larmes ruisselaient sur ses joues quand elle passa devant moi et bientôt ils furent engloutis dans la colonne d'élève qui fuyait Poudlard. Le gros de la foule était déjà passé et après quelques secondes où nous reprîmes notre souffles, à la fois écrasés et exaltés par notre décision, nous finîmes par reprendre notre marche en avant, celle qui nous maintenait en vie. Naturellement, ma main retrouva celle de Simon et nos doigts se soudèrent les uns aux autres.

La sensation était des plus étranges, d'avaler ses escaliers en colimaçon qui se mouvaient par-dessus nos têtes, le cœur serré par le stress, l'appréhension, d'être oppressée par toute cette animation. Les vieilles pierres de l'école semblaient retenir leur souffle dans l'attente de minuit, et toute cette atmosphère semblait transfigurer le château. Le fracas des armures qui descendaient de leurs socles était assourdissant, les murmures et cris d'encouragement des portraits enfermés dans leur tableau envahissants. Miles s'écarta vivement de la trajectoire de Peeves, l'esprit frappeur, qui fusait les mains pleines de bombabouzes. Un peu plus loin, nous fûmes bloqués par une unité d'armure qui s'avançait au pas vers les portes du château et ce fut Eugenia qui nous fit passer par des chemins de traverses, des passages secrets que je découvrais. Le vieux château, comme toujours, ressemblait à une ruche en pleine effervescence, mais c'était une effervescence teintée d'urgence, d'une vitalité paniquée. Je reconnus des visages, comme celui de Hannah Abbot qui suivit un Fred Weasley lancé à pleine vitesse avec comme un taureau, McGonagall dans un escalier parallèle qui montait au pas de course avec un groupe d'élève, les manches retroussées. C'était familier, terriblement familier et pourtant tout avait la coloration étrangère de la lutte acharnée que je n'avais jamais connu à Poudlard. Enfin, l'ultime escalier et le Hall qui donnait sur les immenses portes de chênes fut en vue. Je fus ahurie de les voir encore entrouverte, alors que sur ma montre les deux aiguilles s'approchaient dangereusement du zénith.

-Mais elles ne devraient pas être barricadées ?!

-Qu'est-ce que vous faites ici ?!

Avec un mélange de stupeur et de soulagement, je vis Remus Lupin émerger du groupe qui discutait toujours avec animation dans le Hall. Derrière lui, Sturgis Podmore m'adressa un bref sourire, quelques élèves majeurs nous dévisagèrent avec stupeur. Mais surtout, surtout, Pomona Chourave rompit les rangs pour s'élancer vers moi et me serrer contre elle avec une vigueur qui décolla mes poumons.

-Bennett, par Helga Poufsouffle, Bennett, soupira-t-elle avant de me prendre à bout de bras. Vraiment, je ne sais pas quoi penser de votre présence ici ... Bon sang, Victoria ...

L'émotion qui faisait vibrer la voix de mon ancienne professeure me prit à la gorge et je réalisai qu'une telle femme avait dû suivre mon parcours par les murmures de l'Ordre, par les informations transmises par Potterveille. Elle savait que me voir débarquer à Poudlard, debout et baguette à la main tenait du miracle et c'était tout ce que je lisais dans son regard assombri par de courtes boucles grises. Adieu le chapeau et la mine avenante, Chourave semblait s'être muée en véritable guerrière avec sa baguette à la main et deux couteaux de jardinage à la ceinture. Lorsqu'elle abattit ses mains sur mes épaules, sa prise traduisait toute sa profonde et viscérale détermination à protéger le château qui, pour elle, n'était pas que l'expression de son enfance, mais son tout, son absolu, sa vie.

-On va les bouter hors d'ici, vous verrez.

-Tonks nous a prévenu, précisa Simon à Remus, de façon lapidaire.

-On ne va pas s'en plaindre, tu l'as vu se battre, Tac ? lança Podmore avec nonchalance. On la prend dans le parc direct.

-C'est quoi l'enjeu ? interrogea Eugenia sans s'adresser à personne en particulier. On se bat juste protéger Harry ? Mais où est-il ?

-J'ai eu l'impression de le voir dans la cohue, mais je ne suis pas sûr, hasarda prudemment Simon.

-Harry a une mission à accomplir, déclara Remus avec gravité. La nature de la mission, je suis moi-même incapable de vous la dire ... mais la présence de l'ensemble de l'armée de Voldemort à nos portes montre bien à quel point elle est décisive.

Pour la première fois concernant cette histoire, je ne trouvais rien à répondre. Oui, c'était l'évidence même que la question était devenue vitale pour Voldemort, si vitale qu'il engageait toutes ses forces contre un château peuplé d'adolescent, contre un adolescent à peine majeur. Le regard ambré de Remus nous balaya tous, presque calculateur

-Quel est le plan, professeur ? s'enquit Eugenia, les épaules carrées. On se tient à votre disposition ...

-Les murs du château sont anciens, bourrés de sortilège, il ne peut pas les passer comme ça ..., entonna Simon.

-Vous dites vrai, Bones, et Minerva et Filius se chargent de les renforcer encore du haut des tours et lancer des maléfices depuis les hauteurs, affirma Chourave avant de lui tapoter la joue. Soyez un ange et allez les rejoindre, je suis certaine que Minerva sera plus que ravie de compter sur vos talents ... Prenez Greengrass et Dragonneau avec vous, elles se défendent en enchantement. Allez, filez !

Daphné et Audrey, qui se permit juste d'enlacer sa sœur, se précipitèrent pour rebrousser chemin. Mais Simon, lui, resta figé sur sa marche. Dans ma main, la sienne sembla peser une tonne, comme si sa chair s'était brusquement changée en pierre. Devant son indécision manifeste, Remus claqua la langue d'un air agacé. Ces éclairs qui parcouraient ses yeux étaient propres à foudroyer sur place.

-Simon ! Sois tu es là et tu fais ce qu'on te dit, soit tu rentres chez toi !

-Susan ..., commença-t-il, presque perdu.

Ce n'était pas Susan le problème. C'était évident. Susan était parmi ses abeilles qui bourdonnaient dans les étages en récoltant tout le venin qu'elle avait dans le corps pour frapper, le plus vite que possible. Non, le problème c'était la main qui devait peser comme du plomb dans la sienne. C'était ce qui était arrivé la dernière fois que nous nous étions séparées, la dernière fois qu'il m'avait laissé. C'était la peur de briser ce qui avait toujours fait notre force : nous étions capables du meilleur, ensemble. Nous n'avions avancé que parce que l'un était là pour tirer l'autre. Nous étions invincibles. Mais une fois le lien dénoué, le destin avait de nouveau prise sur nous. Comme la peur, les souvenirs ... la mort.

Mais nous ne pouvions pas nous permettre d'être égoïste. De ne penser qu'à nous, à notre survie. Ça nous dépassait. Pour la première fois, ça nous transcendait, nous transperçait littéralement. Avec l'impression de m'arracher une partie de moi-même, je dénouai mes doigts de ceux de Simon. Incapable de rompre totalement le contact, pas encore, je la logeai contre sa joue pour le forcer à me faire face, planter son regard dans le sien. Un dernier lien, pour se donner le courage.

-Simon, tu seras mieux dans la tour ..., chuchotai-je, le cœur battant la chamade. Souviens-toi chez Angelina, tu as été brillant quand tu étais caché ... Vas-y ... Il le faut ...

Il le fallait, désespérément. La main de Simon était à peine guérie de son premier duel ; son orgueil ne l'était pas tout à fait. Et dans son cœur, il gardait cette fragilité béante qui poussait à l'éloigner de tout combat. Je les vis, ses souvenirs, voiler son regard en même temps que son expression déterminée se fendillait, déchirée par l'enjeu, arrachée par le cœur et l'esprit qui courraient en deux directions opposées. Sa main couvrit la mienne et l'espace d'un instant nous fûmes seuls dans ce Hall. L'agitation, l'urgence et la peur s'estompèrent pour carrément disparaître lorsque ses lèvres se posèrent sur les miennes. Le baiser fut bref, mais faillit me faire perdre pied. J'aurais voulu emprisonner Simon par ce baiser, le lier définitivement à moi, me fondre dans le silence pour nous préserver. Je ne voulais pas me battre, c'était ça que je voulais. C'était lui que je voulais, pour toujours.

Et c'est pour ça que tu dois te battre.

Les sentiments ambivalents me déchiraient toujours lorsque Simon rompit le baiser, mais pas le contact. Non, comme moi il grattait chacune des secondes fatidiques qui nous séparaient de l'inéluctable. Ses yeux parcouraient mon visage comme s'il voulait graver chaque détail dans sa mémoire. L'idée faillit m'arracher un sourire. N'était-ce pas déjà le cas ... ?

-On se retrouvera, de toute manière, souffla-t-il, d'un ton presque féroce. Pas vrai ? On a un monde à voir de l'autre côté de la barricade, Vicky ...

-Deal habituel. Sinon j'irai cracher sur ta tombe, Simon Sirius Bones.

Un sourire tremblant s'étira sur les lèvres de Simon, avant que dans un ensemble presque parfait, nos mains tombent. Elles s'effleurèrent jusqu'à ce que Simon gravisse la première marche et ce fut tout. Trop lâche pour le regarder s'éloigner, je fis prestement volte-face, les bras croisés sur mon ventre, comme pour retenir le courage qui se distillaient dans mes entailles. Sans Simon à mes côtés, où trouverai-je la force ... ? L'une de mes mains, visiblement plus lucide que moi, se perdit sur ma poitrine et trouva ma médaille de baptême. St-George avait échoué à protéger Cédric ... il fallait prier pour que son pouvoir m'inonde, comme lorsque j'étais bébé. Ce n'était pas définitif, me répétai-je, désespérée. Ce n'était pas la fin, ça ne devait pas l'être. Ce n'était pas la dernière fois que je l'avais contemplé. Non, ça ne pouvait pas l'être.

-Bon, moi j'y vais maintenant ou jamais, décrétai-je, tant que le baiser de Simon me brûlait les lèvres.

-Alors tu viens avec nous dans le parc, on va éviter qu'ils rentrent, m'apprit Remus, l'air soulagé. Pomona, je te laisse les autres.

-Parfait. Londubat, venez, on va chercher des Mandragores ... Eugenia, je me souviens de quoi vous êtes capables avec des filets du diable, je suis heureuse de vous avoir sous la main.

Et ainsi, le Hall se vida. Sans le moindre regard les uns pour les autres, nous nous éparpillâmes dans le château, ce cœur vibrant de nos vies dont nous étions devenues les protecteurs, les anticorps prêts à lutter à la vie à la mort contre le virus. J'aurais voulu avoir un dernier mot pour Miles, une dernière œillade pour Eugenia, mais je sentais qu'un tel effort aurait raison de toute ma volonté. J'étais encore sur la crête, prête à basculer ... je ne pouvais pas contempler tout ce que je risquai de perdre.

Tout. Littéralement, tout.

Mes doigts tremblaient sur la baguette.

Les dents serrées pour contenir la peur et l'appréhension qui battaient mes veines, je suivis Remus, Podmore et quelques élèves de Poudlard à l'extérieur. La nuit de mai m'enveloppa, me caressa, murmura mais j'étais insensible à ses caresses. Non, seul comptait le fracas des armures qui marchaient au pas autour de nous, les respirations sifflantes de mes compagnons d'armes et ces traits de lumière à l'horizon qui se fracassaient contre une protection invisible qui semblait jaillir des murailles du château. Ils illuminaient le parc, se reflétaient dans les eaux du lac et arrosaient nos mines gravées par l'effroi et la détermination.

Minuit sonnait.

La bataille pour Poudlard commençait.  

***

J'ai un gazouillis bizarre qui vient de me sortir de la gorge, sachez-le. 

En mode appréhension. As usual, je suis tout ouïe de vos ressentis ! 

Clairement un chapitre de transition, mais un chapitre qui monte et qui mets en scène des choses que j'avais en tête depuis le début, depuis les toutes premières images que j'ai eue d'O&P (Vic' qui pousse Smith par exemple, le fait de dévaler les escaliers au milieu de l'agitation ...). 

ET PUIS LA MUSIQUE. What shall we die for, mon premier coup de coeur cinématographique, presque première musique à avoir rejoins la playlist. Ma musique de film préférée. Elle hante mon imaginaire et a toujours été associée à cette décision de se battre (exactement comme dans Pirates des Caraïbes 3, oui parfaitement). Mais genre vraiment : une de mes habitudes (quand j'avais de la verdure, hein, pas en centre-ville) c'était d'aller marcher avec mes oreillettes et des musiques sans paroles, souvent de films pour imaginer et brainstormer de moi à moi. Et dès qu'elle passait, j'imaginais Vic' et Simon qui courraient dans les couloirs, les premiers soirs, le bouclier qui se déployait (un peu à la façon des films). Voilà c'est idiot mais ça me semblait important à mettre ! 

Les lecteurices de Lucy, vous avez dû remarquer un détail, une histoire, anecdote, qui a été raconté de la voix d'Audrey. Sachez que dès que j'en ai parlé à l'époque (mon Dieu ça commence à dater) j'en ai eu dans l'idée d'en faire un bonus, vraiment ça me tenait à coeur. Je n'ai pas l'occasion et finalement je suis hyper contente de pouvoir l'intégrer ici. ça me permet vraiment de multiplier les liens. 

Bon j'ai beaucoup parlé (et je m'excuse pour ceux qui binge-readront plus tard (hein ça existe pas?), peut-être que ça vous coupe dans votre lecture !) et je vais vous abandonner pour vous dire à vendredi prochain et ... 

Bon, la vraie bataille. Le sang, les larmes, tout ça tout ça. 

Joyeux programme, hein. A la semaine pro? 



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