IV - Chapitre 29 : Face au miroir

HELLO MY DEARssss

Oui on est jeudi, mais demain je m'en vais tôt en Bretagne retrouver des amis donc au moins j'aurais posté <3

 Alors comment vous allez en ce jeudi de poste (pluvieux et frisquet en ce qui me concerne) ? Les terminales vous avez eu vos résultats? Les vacances se déroulent bien pour ceux qui y sont? 

Personnellement je suis encore en période de transition, j'écris tranquillement le "Et après?", j'ai quelques idées (un peu éparpillées. J'aurais pas dû piquer le L'Histoire sur la Mésopotamie, trop d'imaginaire sur les premières civilisations) sur ce que je voudrais écrire après, et je n'ai pas encore trouvé la foi de me remettre à La dernière page. Genre vraiment pas envie de finir encore une fois. 

BON MA VIE n'est pas intéressante, qu'on se le dise, celle de Victoria l'est plus alors je vais vous laisser avec ! Bonne lecture les enfants <3 

Bon j'espérais que les musiques à la télé me donnerait ma citation comme la dernières mais non ... alors ce sera celle par défaut, avec un lien tenu avec le chapitre (mais que j'aime quand même <3) 

*** 

Écoutez ce que dit Whitman : « Ô moi ! Ô vie !... Ces questions qui me hantent, ces cortèges sans fin d'incrédules, ces villes peuplées de fous. Quoi de bon parmi tout cela ? Ô moi ! Ô vie ! ». Réponse : que tu es ici, que la vie existe, et l'identité. Que le spectacle continue et que tu peux y apporter ta rime. Que le spectacle continue et que tu peux y apporter ta rime... Quelle sera votre rime ?

- John Keating 

Le cercle des poètes disparus 

***

Chapitre 29 : Face au miroir.

Nous partîmes le soir-même, dans l'optique de laisser la place à la famille Weasley et de cesser d'être un poids. Angelina tenta de nous retenir, mais c'était certainement pour ne pas rester seule avec Muriel. Néanmoins, elle refusa de nous suivre quand je lui proposai et coula un petit regard sur George et Lee qui discutaient plus loin. Bill était depuis longtemps reparti chez lui et se furent ses parents qui nous aidèrent à empaqueter et nous souhaitèrent bonne chance quand nous quittâmes la maison au bord de l'étang en transplanant dans la nuit.

Nous dûmes faire un bruit d'enfer lorsque nous nous posâmes en périphérie d'Oxford, à l'écart d'un ensemble pavillonnaire récent. Il y avait encore dix ans, la maison de vacances des Croupton se trouvait dans la campagne environnante, mais la croissance de la ville semblait avoir pour dessein d'année en année la grignoter. Je n'y étais venue qu'une fois et mes sens complétement occultés par la pénombre ne me furent d'aucune utilité pour retrouver mon chemin. Accrochée à la main de Simon, je le suivis sur un chemin de pavé à peine éclairé par un croissant de lune bas.

-On voit super bien les étoiles d'ici, commenta Eugenia, rêveuse. Tu as un télescope ?

-Euh ... Mon vieux de l'époque de Poudlard ? hasarda Simon.

Je m'esclaffai doucement en me souvenant du peu d'intérêt que Simon avait eu pour l'Astronomie à l'école. Le fait de savoir que sa mère, Cassiopée, en tant que Black qui respectait, avait toujours été fascinée par le ciel n'avait pas piqué sa curiosité. Nettement plus rêveuse, je levai les yeux sur le ciel piqué d'une multitude de point argenté, telles des minuscules paillettes scintillantes. C'était comme si la nuit s'était parée de sa plus belle robe de soirée.

-Pas besoin de télescope, fis-je remarquer, le coup dévissé par ma contemplation. Alors, où est Orion ... ?

C'était à partir de cette constellation du grand chasseur antique qu'on repérait l'étoile Sirius. Simon me donna un brusque coup de hanche qui me fit dévier avec un éclat de rire sans que nos mains se désunissent. Mon hilarité fendit tant le calme de la nuit que Miles m'adressa un regard écarquillé.

-Mais Vic' ! Rameute toute la ville aussi !

-Pardon, pardon, m'excusai-je, un sourire confus aux lèvres.

A dire vrai, j'étais moi-même surprise de l'euphorie qui venait gonfler ma poitrine à mesure que mes pas se déliaient dans l'herbe. J'aurais pensé être nettement plus nerveuse à l'idée d'être pour la première fois entre ciel et terre, et non entre quart murs, depuis la mort de Renata. Mais c'était tout le contraire qui se passait. J'avais enfin la sensation que tous les pores de ma peau respiraient, que mon esprit s'ouvrait. C'était grisant d'avoir les étoiles pour horizon ... Mon monde se distillait dans la nuit, avec mes angoisses, mes peurs, mes doutes. Sous la voûtes céleste si haute, tout semblait possible. Cependant, je sentais que Simon était loin de ressentir mon insouciance. Son pas ralentit et il scruta l'obscurité, les sourcils froncés. A la pâle lueur de la lune, son visage venait de prendre une expression sinistre.

-Puisque la magie m'est toujours interdite, rappela-t-il avec amertume, quelqu'un peut-il éclairer notre chemin ?

Je pressai ses doigts, comme si cela pouvait atténuer la rancœur à l'idée de dépendre de quelqu'un pour ne serait-ce que produire de la lumière. Le comble de l'humiliation pour un prodige comme Simon ... D'autant que ce fut Miles qui s'en chargea, sans un mot et un éclat aveuglant jaillit de sa baguette. Cela jeta une lumière crue sur son visage à la mine prudente. C'était Simon en personne qui lui avait proposé de nous suivre. Occupée à préparer mes affaires, je ne savais pas ce qui s'y était dit. En revanche, j'avais noté que Miles s'était muré dans un mutisme gêné que je compris à moitié. A l'image de Simon, lui aussi vivait une sorte d'humiliation. Miles était un esprit indépendant, qui, à la sortie de Poudlard, avait tiré de la fierté au fait de ne devoir des comptes à personne. Et voilà que sa sécurité était chevillée à la générosité de Simon Bones ... Seule Eugenia semblait donc réellement satisfaite de la situation et trottina gaiement jusque la maison éclairée par un filet de lumière au bout du chemin, son antique valise dans une main et son sac de voyage dans l'autre. La clarté glaciale de la lune n'était pas suffisante pour l'étudier, mais il y avait une évidence qu'Eugenia capta en la détaillant de ses grands yeux bleus :

-Pour une maison de Croupton, je voyais ça plus grand.

-De Croupton ? s'étrangla Miles, incrédule.

-Leur maison de campagne, maugréa Simon en tâtant ses poches, à la recherche des clefs. Ils avaient leur résidence principale à Londres, mais mon grand-père a eu des problèmes financiers et ils se sont repliés ici quelques années ...

-Pardon, je pense que ma surprise n'était pas explicite, fit mine de s'excuser Miles avant de répéter avec emphase : De Croupton ? Ton grand-père est un Croupton ? Comme l'ancien chef de la Coopération Magique qui sentait l'aristocrate à plein nez, le juge du Tournoi en sixième année ?!

-Ça, c'était mon oncle, précisa Simon avec une grimace. Enfin, je ne le savais pas à l'époque ... (Les clefs dans la main, il toisa brièvement Miles qui semblait avoir avalé une couleuvre face à lui, songeur). Ah, c'est vrai que tu ne sais pas ... je t'expliquerais après, tu vas comprendre beaucoup de chose.

Il en fut quitte pour un coup de pied de ma part qui l'atteint à la hanche et le fit glapir sous le perron. Outré, il nous lorgna l'air mauvais, moi et la maudite chaussure qui avait osé l'effleurer.

-Je ne suis pas assez blessé comme ça, Vicky ?

-Moins que moi quand je pense tous les efforts que j'ai dû déployer pour que tu puisses dire « Je t'expliquerais après ! » avec tant de nonchalance, répliquai-je avec l'ombre d'un sourire espiègle.

-Et tu vas bouder longtemps pour ça ?

-Toute notre vie, promis-je en hochant gravement la tête.

Simon se contenta de lever les yeux au ciel, visiblement excédé, mais lorsqu'il passa la porte, je remarquai qu'un petit sourire ourlait ses lèvres. Peut-être parce que c'était parce que nous n'avions pas eu de tels échanges, acides, naturels, taquins, depuis une éternité. Depuis une vie qui n'avait pas connu les enfers. Au rappel, un poing invisible me heurta l'estomac sans totalement entamer ma bonne humeur. La lueur des baguettes de Miles et Eugenia éclairèrent la poussière en suspension dans l'air et les murs blancs de l'entrée, puis découpèrent l'ombre des poutres de bois brutes qui renfermaient la cage d'escalier. Tout était si sinistrement calme que je poussai un cri lorsqu'une voix déchira le silence :

-Caspar ! Caspar, réveille-toi espèce de vieux plumeau, on entre dans la maison !

-Vieux plumeau ?! C'est comme ça que tu parles à ton mari !

-Comme si tu avais été digne d'être traité comme mon mari !

-Mille gorgones, il y a quelqu'un chez toi ! chuchota Eugenia, horrifiée.

Mais cela ne parut pas décontenancé Simon pour deux noises. L'air plus contrarié que paniqué, il prit le temps de refermer la porte avant de déclarer :

-Hum ? Oh non. C'est juste ... mon système d'alarme personnel.

-Simon ? héla une voix étouffée par la distance. C'est toi ?

-Bien sûr que c'est lui, qui veux-tu que ce soit, Charis ? Bon sang ce que tu es paranoïaque, tu l'étais déjà du temps de notre mariage ...

-Et j'avais raison de l'être parce que tu me faisais cocue, Caspar, cocue !

-Encore une fois tu n'es pas obligée d'étaler notre vie intime devant notre petit-fils !

-Mais seulement la tienne, mon cher Caspar !

Eberlué, nous fixâmes la porte de laquelle semblait nous venir les voix avant de lentement pivoter vers Simon en quête d'explications. Mortifié par la dispute qui s'étalait sans qu'il n'y puisse rien, il nous incita d'un vague mouvement de la main droite à avancer. Réticent, Miles pénétra dans ce qui semblait être le salon et Eugenia eut la présence d'esprit d'allumer la pièce d'un tournemain. Je sursautai quand une chandelle s'embrasa non loin de moi, mais repris assez rapidement mes esprits pour étudier la pièce. Mes yeux tombèrent sur une nouvelle source d'angoisse avec cette cheminée de sorcier, à l'âtre toujours assez grand pour accueuillir un être humain telle une bouche infernale prête à vous engloutir. Fort heureusement, elle était glaciale, éteinte et le bois qui la décorait m'apparaissait moins intimidant que le marbre. Face à nous, de grandes baies vitrées aux volets fermés et aux rideaux tirés perçaient le mur. Des poutres soutenaient les plafonds et l'unique canapé était recouvert d'un drap blanc que Simon arracha avant de se précipiter vers une porte attenante à la cheminée. Aussitôt, les voix se firent plus claire, bien que couverte par la sienne lorsqu'il lança vertement :

-Hé ! Vous voulez qu'on reconsidère le sortilège de mutisme ?

-Ah ! Dis-donc, jeune homme, tu peux prévenir tes grands-parents lorsque tu comptes d'absenter ! On s'inquiétait !

-C'est faux, elle a juste râlé contre moi tout le long !

-Je rêve, murmurai-je, un sourire incrédule aux lèvres.

Je n'hésitai pas pour me glisser dans la pièce à la suite de Simon, rongée par la curiosité. J'avais assez d'indices pour avoir compris, mais j'hallucinai tout de même lorsque je le découvris face au portrait d'une femme qui ressemblait à s'y méprendre à une Lysandra Grims plus âgée – et plus enrobée. Le port d'une reine, les cheveux d'un noir de jais élégamment ramené sur son épaule couverte d'une robe de soie rouge, elle respirait la dignité et le dédain. Ses yeux de fer se plantèrent sur moi une seconde avant que ses fins sourcils d'ébène ne s'arquent.

-Oh ! Mais tu n'es pas seul ... Vraiment pas seul ...

-Qui sont ces gens ? interrogea une voix bourrue.

Je m'avançai dans la pièce pour découvrir en face la peinture d'un homme d'une quarantaine d'année. Ses cheveux étaient à moitié blanchis par les âges, mais une partie demeurait d'un blond foncé, reconnaissable puisque c'était la teinte exacte de Simon. Seulement c'était bien là le seul trait commun : les traits grossiers, le nez épaté et les joues rougeaudes, il n'avait rien de la grâce de la femme en face de lui. Gravé sur son cadre, une étiquette indiquait « Caspar Croupton – 1908-1955 ».

-Oh Seigneur, soufflai-je, époustouflée. Sérieusement, ce sont tes grands-parents ?

-Le portrait, rectifia Miles derrière moi avec une pointe de mépris. Bien un truc de Sang-Pur de se faire peindre ...

-Exactement, confirma Simon avec un regard torve pour les deux peintures. Voici Charis Black – ne faites pas l'erreur de l'appeler Croupton ...

-Bien le merci, abonda Charis, satisfaite.

-... et Caspar, donc. Les parents de ma mère. (Il tourna le regard vers moi, exaspéré). Honnêtement, je soupçonne Lysandra de les avoir entreposés là parce qu'ils lui cassaient les oreilles à Londres et en faire mon problème. Mais ...

Il sembla hésiter avant de renoncer en pinçant les lèvres. Cela dit, j'avais une assez bonne idée de la réticence qui avait dû animer Simon à l'idée de se débarrasser du portrait si vivant d'une famille qu'il n'avait pas connu, porteuse d'un passé et d'un héritage qui lui avait été arraché. Il n'avait jamais pu avoir Cassiopée ... mais peut-être pourrait-il en percevoir l'échos à travers ses grands-parents.

-Enchantée, claironna Eugenia, visiblement un peu impressionnée. Ouah, c'est un piano ?

Miles toussota derrière moi lorsqu'elle se dirigea vers le piano droit plaqué contre un mur et je crus comprendre qu'il cherchait à dissimuler un « maison de sang-pur ». Il ressemblait à celui qu'Alexandre avait pu accorder pour Melania, avec son vernis usé et le cuivre vieilli de ses pédales. Ce n'était pas le seul instrument de la pièce, car à ses côtés sur un support se tenait l'antique guitare de Simon, celle qui avait un jour appartenu à mon père. Je l'effleurai du bout des doigts, de son manche lisse à ses cordes qui firent éclater des sons dissonants dans la pièce couverts par la voix de Charis :

-Oui, nous n'avions la place d'avoir un véritable piano à mettre à ma disposition et à celle de Lysandra, qui y excellait ... pas Cassiopée, je le déplore, ma Cassie préférait ...

-... attraper les Botrucs dans le bosquet au bout du jardin, je sais, soupira Simon, las. Allez, bonne nuit. Et je vous jure que si je vous entends ...

-Oh, pas la peine de dégainer les menaces, le coupa Charis d'un ton pincé ponctué d'un geste somptueusement flegmatique de la main. Je saurais couper le sifflet de ton grand-père ...

Caspar eut l'air indigné dans son cadre, s'empourpra violement, mais resta coi, visiblement plus sensible à la menace que sa femme. La réponse ne parut satisfaire qu'à moitié Simon, mais il s'en contenta et quitta la pièce avec un nouveau soupir. Miles, mal à l'aise face au regard des deux grands-parents qui venaient de se braquer sur lui, fuit, une Eugenia gloussante à sa suite. Moi, j'avais encore les doigts accrochés à la guitare et les yeux qui fouillaient la pièce. Loin de la froideur du salon ou de l'aspect inviolé de l'entrée, on sentait à quelques détails qu'elle était vivante, et que ce n'était pas dû à Charis et Caspar. Une tasse avec un reste de café était abandonnée sur une petite table, une chaise tirée près de la guitare, ou le fait que, contrairement aux autres salles, elle semblait avoir été peinte. Sur le coffre du piano, je découvrais des partitions et je reconnus aisément celles que Simon avait tiré du grenier. Les notes anonymes de sa famille.

-La musique d'Edgar.

Je levai les yeux sur Charis, qui m'observait de son regard gris et incisif. Plus que Caspar, j'arrivai à trouver Simon en elle, comme j'avais pu le trouver à travers les traits fins de Cassiopée et Lysandra, ou dans cette bouche fine qui s'ourlait en un sourire plein d'ironie.

-Il a joué l'une de ses créations à son mariage avec ma Cassie, c'était si touchant que j'ai presque oublié qu'il était le fils d'une femme que je détestais, ajouta-t-elle avant de baisser les yeux de chaque côté de son nez fin et droit. Vous êtes Victoria ?

Le simple fait qu'elle connaisse mon existence n'était qu'un indice supplémentaire : ce n'était pas dans cette maison que Simon s'était enfermée pendant un mois, c'était dans cette pièce. Il s'était enivré de musique et saoulé des disputes de ses aïeuls pour oublier que je n'étais plus là. Ignorant le sentiment aigre qui m'acidifiait le ventre, j'exécutai une révérence exagérée face à cette élégante aristocrate.

-Elle-même, pour vous servir.

Je m'éclipsai avant que Charis Black n'ait le temps d'ourdir un interrogatoire, la tête pleine de ses révélations. Ainsi, c'était Edgar Bones qui composait ... Pour être honnête, j'avais plus penchée pour Cassiopée du fait de son éducation de jeune fille sang-pure, avec tous les apprentissages classiques que cela supposait. Même Spencer, dépeint comme un enfant extrêmement intelligent et que j'avais pu imaginer comme un petit Mozart ... Mais Edgar, je l'avais toujours imaginé comme un homme assez rigide, rompu au travail, peu adepte de ce genre de frivolité ... et en même temps avec la pression qui avait sans cesse était la sienne, n'avait-t-il pas eu besoin de la légèreté de la musique ? Peut-être que j'ai besoin de ça aussi, maintenant, songeai-je distraitement en suivant les voix qui s'étaient déportées à l'étage. Dumbledore l'avait martelé toute notre scolarité : rien n'était plus magique de la musique et Simon me l'avait amplement prouvé le jour où il avait ensorcelé les armures de l'école.

-... deux chambres de ce côté-là, disait-il justement lorsque je les rejoignis sur le palier supérieur. Ça sent encore un peu le renfermé, pourtant j'ai aéré tout l'hiver, mais c'est propre et au moins vous aurez votre espace ...

-De toute manière ce serait dégueulasse et sur une paillasse avec rats et doxies que ce serait pareil, fit remarquer Miles avec un petit ricanement. On n'a pas vraiment le choix ... (Il marqua une petite pause avant d'ajouter : ) Mais merci. Vraiment.

-En tout cas moi j'y vais, on continuera l'exploration demain ! annonça Eugenia en étouffant un bâillement. Bonne nuit !

Elle ouvrit arbitrairement une porte et s'y engouffra tête baissée, frissonnante de sommeil. Peu enclin de rester seul avec Simon et moi, Miles lui emboita le pas et disparut dans une seconde pièce à côté de la sienne. Parfaitement éveillée, gorgée d'adrénaline suite à notre départ, la promenade au clair de lune et la découverte d'une nouvelle facette de Simon qui, malgré les années, m'échappait encore, j'évoluai lentement dans le couloir, dévorant des yeux les lambris peint sur le plafond qui tranchait avec la tapisserie à moitié déchirée sur les murs.

-Des finitions, fit Simon en désignant le papier lézardé. Je t'avais prévenu.

-Je suis pour arracher la tapisserie demain, assurai-je avec un sourire. Et où est-ce qu'on dort, nous ?

Parce que c'était inutile de nous tordre l'esprit de prudence et de faux-semblants, la chambre de Caroline que j'étais censée occupée à la fin de l'été chez les Bones ne m'avait jamais vu poindre le bout de mon nez. Un étrange sourire s'étira sur les lèvres de Simon et il ouvrit la porte en face de celle d'Eugenia. Le grand lit déjà fait me parut de bon augure, comme les indices de l'installation de Simon avec quelques vêtements dans la penderie, des chaussettes devant la table de chevet, ou, détail qui occasionna un petit coup au cœur, les deux boites à musiques de Spencer Bones soigneusement alignée sur la commode. L'enfantine avec la farandole d'animaux et la baroque aux clefs de sol. Certainement mue par les désirs nés en effleurant la guitare de Simon, j'ouvris le couvercle et laissai se déployer la gracieuse danseuse qui ondulait au rythme de la lente berceuse.

-En fait tu as vraiment déménagé, compris-je soudainement.

-Je te l'ai dit, avec tout ce qui se passait ça devenait ... insoutenable, de rester à Terre-en-Landes, rappela-t-il, appuyé contre le chambranle. Vraiment je me sentais proche de vriller comme ...

Je tournai le regard vers lui, pas de manière agressive, mais cela suffit pour étouffer la fin de sa phrase dans sa gorge. Pourtant, il se débrouilla pour me décocher un petit sourire.

-Enfin, peu importe. De toute manière ça ne date pas d'hier que j'avais des problèmes avec cette maison ...

-Non c'est sûr, convins-je en refermant la boite à musique. Et ici, ça va ? Dans la maison d'enfance de ta mère ? Avec tes grands-parents ?

-Je pensais que ce serait plus difficile, avoua Simon avec légèreté. Vraiment, je pensais que je serais plus ... hanté. Mais mes fantômes ne sont pas ici. Vraiment, j'ai peut-être le portrait de mes grands-parents mais ils sont tellement imbuvables que ça casse toute attache sentimentale. Je n'ai pas ... comment dire ? Je me sens détaché de ces murs. Vraiment, j'ai réussi au fil des semaines à voir ça comme une immense toile vierge que je pouvais m'approprier. Il n'y avait rien, pas de photos, peu de souvenir ... Pas d'histoire.

-Tant mieux, chuchotai-je, rassurée qu'ici aucun spectre ne soit vivace. Tu viens ?

Je désignai la chambre d'un geste du menton mais il resta planté dans l'encadrement de porte, la main droite dans la poche de son gilet, la gauche crispée contre son ventre. Sur son tee-shirt blanc, les bandages se fondaient presque pour faire oublier leur existence. Il m'adressa un sourire.

-Je dois faire un dernier truc, j'arrive.

Il s'effaça dans la pénombre du couloir, me laissant seule pour apprivoiser cette petite pièce aux murs blancs, au plafond joliment lambrissé et au parquet vieilli. Je posai mon sac sur le lit avant de m'y laisser tomber sur le dos et exhaler sur qu'à la moindre goutte d'air au fond de mes alvéoles pour ralentir mon rythme cardiaque. La vitalité m'électrisait les membres, si bien que c'était difficile à croire que quelques heures plus tôt j'étais prête à m'abandonner au désespoir, à concéder partie gagnée à Voldemort ... Et donc à Nestor, songeai-je avec un frisson dégoût. Je ne peux pas, je ne peux pas laisser gagner Nestor ... Lentement, je me redressai sur mes coudes et ouvris mon sac. Sur le haut d'une pile de vêtement, une baguette simple au manche à peine creusé reposait. Bill l'avait observé : c'était du bois de laurier et elle contenait certainement une plume de phénix. Grande, et rigide, elle était tellement éloignée du gabarit de la mienne ... Pourtant je n'en avais pas eu une seule fois conscience en l'ayant en main, lors de l'attaque des Mangemorts. Bill, Remus, Simon, ils me l'avaient tous répété : je l'avais conquise. Même sans magie, j'avais gagné mon duel contre Nestor en le désarmant. J'inspirai un souffle tremblant, m'attendant presque à ce que la baguette s'anime brusquement pour me faire chuter, comme elle l'avait souvent, si souvent dans les geôles du Ministère ... pourtant elle demeura parfaitement immobile, soumise et docile sur ma pile de vêtement.

Ce fut un cri de douleur qui m'arracha à ma contemplation, suivi d'un fracas qui me poussa à bondir sur mes pieds. Je m'élançai dans le couloir, paniquée, au moment où une onde de choc dorée parcourait ses murs : vive et rapide, trop rapide pour moi, elle fila telle une trainée de lumière qui vint filer dans la cage d'escalier et se diffuser dans le rez-de-chaussée. Soufflée, je m'immobilisai jusqu'à ce que sa lueur lointaine cesse d'émettre.

-Je vais le tuer, décrétai-je en m'avançant dans le couloir redevenu sombre et calme. Seigneur il a oublié que j'étais capable de le tuer. Je vais te tuer, Simon Sirius Bones ! Cache-toi, j'arrive !

Hélas, son état ne lui permettait pas de fuir mon ire. Lorsque je repoussai la porte de ce qui semblait être un cabinet de travail aux murs tapissés d'étagères croulant sous les livres et au bureau sur lequel s'étendait un vieux grimoire, Simon était prostré contre un mur, le visage crispé par la souffrance. Plaquée contre sa poitrine, sa main gauche tremblait et à ses pieds gisait sa baguette d'acacia. Je passai outre la colère qui courrait mes veines pour le hisser sur la chaise avant de défaire le bandage qui couvrait sa main. Simon grimaça, haleta, serra les dents mais ce fut la couleur de ses doigts, d'un pourpre proche du violacé, tressautant de façon incontrôlable, qui fit faire une chute vertigineuse à mon cœur. Proche de la nausée, je plaquai une main sur mes lèvres avant de planter un regard brillant et furieux sur lui.

-Par tous les saints ... Quel mot tu n'as pas compris dans « pas de magie » ?!

-Je ... Je devais le faire ...

Sa bouche s'arrondit en un cri silencieux et il agrippa son poignet malade de sa main saine, comme pour contenir sa douleur, mais elle parut irradier dans ses os. La colère ne fut pas suffisante pour m'inculquer la froideur nécessaire pour demeurer impassible. Luttant contre les larmes qui inondaient mes yeux, je me précipitai à la porte pour crier :

-Eugenia !

-J'espèce que c'est grave ! aboya-t-elle depuis son lit, excédée. Qu'il est à l'article de la mort !

-Bientôt, promis !

Un grognement me répondit et je retournai dans le bureau, agitée. Mon regard se posa alors sur le grimoire ouvert sur le bureau, un épais grimoire qui entêtait la poussière et le renfermé. Pourtant je m'en approchai pour déchiffrer les lettres gothiques qui ornaient le haut de la page.

« Fidelitas ».

L'ultime recours. La contraignante mais nécessaire protection, pour éviter à cette maison le sort de celle d'Angelina. Un enchantement technique, difficile, qu'en effet Simon était le plus à même de réussir du fait de ses extraordinaires capacité. Mais ça n'aurait pas pu attendre quelques jours ? Je lorgnai la baguette qui gisait sur le sol, puis Simon, toujours recroquevillé sur sa chaise. Prudemment, je m'accroupis à ses côtés et attendis que la douleur s'estompe pour accrocher son regard. Je n'aimais pas cette nuance dure dans ses iris. C'était l'émeraude des pensées parasites.

-Simon, je crois que tu as oublié quelque chose pendant que je t'ai abandonné pendant un mois, articulai-je d'une voix rauque. Et encore une fois je m'excuse d'avoir manqué à mes devoirs ... Mais souviens-toi que je suis née précisément pour dégonfler le ballon de baudruche qui te sert parfois de tête et crois-moi, c'est l'un des plus grands plaisirs de ma vie. Fidelitas, très bien, mais ça pouvait attendre Simon, ça pouvait attendre quelques jours qu'on sache exactement ce quels dégâts ce maléfice a fait sur toi. Tu n'as rien à prouver, d'accord ? Maintenant arrête de frimer et guéris. Sinon ...

-... Tu iras cracher sur ma tombe, je sais, murmura Simon, vaincu. C'est comme ça que ça finit généralement ...

Et un sourire s'étira sur ses lèvres d'où s'échappaient un souffle laborieux. Un sourire, un sourire insensé, idiot, fier, le sourire qui m'avait donné toute ma vie envie de le gifler à toute volée. Il était là, imprimer sur son visage comme immuable, réduisant des années d'efforts et de coup à néant, renaissant après chaque coup dur.

-Mais je l'ai fait, Vicky. Je suis le gardien du secret. J'ai réussi ...

***

-Il faut que tu lui expliques. Que tu le contrôles.

D'un geste souple de la baguette, elle sectionna une pomme mûre qui pendait sur la branche basse de l'arbre. C'était sans doute le grand avantage de cette cachette. La maison était certes plus modeste que celle des Bones, ou de Muriel, avec son unique étage et le grenier à moitié aménagé, mais une fois le soleil levé j'avais pu découvrir que la pièce de vie donnait sur une magnifique véranda à l'armature de fer forgée, vitrée des murs au plafond et dont les portes coulissaient pour ouvrir sur un immense jardin. Celui d'Angelina avait été petit, fermé par des haies dans son ensemble pavillonnaire étouffant, mais là c'était un véritable écrin de verdure avec sa pelouse sauvage et peu entretenue, ses grands arbres dont les branches se balançaient au gré du vent et ne s'achevait qu'à cause de la rivière Cherwell qui coulait paresseusement au fond. Un ponton permettait même d'y accéder, mais nous évitions de nous y aventurer en raison du lotissement qui s'élevait sur l'autre rive.

Eugenia et moi étions les premières levées, et, intriguée par l'anecdote des Botruc, elle s'était précipitée dans le bosquet d'arbre fruitier, moi à sa suite. Elle m'avait montré une minuscule créature dissimulée dans le creux d'un noisetier avant de se mettre à cueillir les pommes pour le petit-déjeuner. Hissée sur la branche la plus basse, elle remplissait un panier trouvé dans la cuisine, contrariée.

-Je ne peux pas l'assommer à longueur de journée, ajouta-t-elle en fronçant le nez. Je sais que vous me prenez tous pour la médicomage de service, mais ne vous fourvoyez pas ... si j'ai quitté l'hôpital, c'est pour une raison. L'abnégation, ce n'est pas mon fort : je ne suis pas venue ici pour être sa guérisseuse personnelle, d'accord ? Aider, oui, servir, non ! Qu'il se prenne un peu en main et qu'il arrête de ruiner mes efforts en disant « Mais Eugenia pourra tout arranger ! »

-Ne t'en fais pas, je pense qu'il a compris, tentai-je de la rassurer. Il voulait juste ... nous protéger, le plus vite que possible.

Me protéger aurait été plus exact. Je l'avais bien compris, une fois Simon endormi à mes côtés, vaincu par la potion d'Eugenia, la main serrée par de nouveaux bandages. Cette maison, pour lui, ce n'était pas juste un abri. C'était le projet sur lequel il avait travaillé depuis des mois pour moi, pour me protéger, pas simplement entre ses murs mais avec sa magie. Il n'était pas question de risquer, ne serait-ce que quelques jours, qu'elle se retrouve dans la même situation que celle d'Angelina. Qu'on vienne m'arracher de nouveau à lui.

-J'espère bien, maugréa Eugenia en repoussant une mèche sur son front. Oh regarde, un autre !

Elle pointa une branche non loin de la sienne et j'eus tout le loisir de voir une petite créature aux nuances de bruns et de verts qui se confondaient dans l'écorce courir à toute vitesses, sectionner une feuille, et s'en servir de parachute pour atteindre la branche inférieure. Un sourire incrédule s'étala sur mes lèvres.

-Oh c'est adorable !

-Moi aussi j'adore les Botruc, je voudrais vivre dans un arbre.

Eugenia acheva de remplir son panier pour me rejoindre d'un bond sur le sol, un immense sourire aux lèvres. Je lorgnai l'arbre aux branches solides et puissantes qui ne semblait qu'appeler à ce que je me promène en son sein comme un écureuil. L'envie m'avait tenaillé, lorsque j'avais vu Eugenia s'y hisser, mais j'avais eu peur de me ridiculiser en tentant de grimper, trahie par mon corps aux maigres forces. Nous rebroussâmes chemin, pataugeant dans les herbes hautes jusque la véranda grande ouverte. Elle n'était pas déserte : Miles l'avait investie, vêtu d'un jogging et allongé sur un tapis, en équilibre sur la pointe de ses pieds et ses coudes. Il abandonna sa position de gainage lorsque nous débarquâmes, le visage rougi par l'effort et l'embarras.

-Oh ! Désolé, je pensais être le seul levé ...

-Le seul à dormir c'est Simon qui est assommé. Par moi ou par une potion d'Eugenia, choisis l'idée que tu préfères ...

Un bref sourire s'étira sur les lèvres de Miles et il se laissa aller contre le tapis, essoufflé. La sueur collait des mèches brunes contre son front et il écarta le col de son tee-shirt pour ventiler sa peau. Eugenia haussa les sourcils.

-Tu fais du sport ? Tu pourrais le faire sans tee-shirt, qu'on en profite aussi ...

-Hé ! (Miles pointa un index réprobateur sur elle). Ce serait moi qui dirais ça à l'une d'entre vous, ce serait une remarque déplacée. Alors remballe ta langue – et tes yeux.

Un étrange gloussement s'échappa des lèvres d'Eugenia et elle s'empressa de s'exécuter en quittant la véranda, son panier de pommes serrée dans ses doigts. Miles et moi la suivîmes du regard, un peu perplexe. Il s'installa en tailleurs sur son tapis et épongea son front d'une serviette.

-Je suis désolé d'avoir pris la place, je me suis dit que j'allais profiter que tout le monde dorme encore pour ... Je n'en sais rien, me remettre en forme. J'étais essoufflé en montant les escaliers de la tante Muriel, ça m'a inquiété.

Je lui adressai un sourire rassurant, nullement heurtée qu'il soit permis d'occuper un espace si agréable. D'autant que ses mots faisaient échos à un malaise qui s'éprenait de moi depuis le mois de septembre et que je m'étais retrouvée à montrer quatre étages jusque l'appartement de Julian pour me retrouver totalement hors d'haleine. Je m'assis sur le fauteuil en osier couvert de coussin coloré et pressai mes jambes contre ma poitrine.

-Ne t'en fais pas, exerce-toi tant que tu veux, je comprends. C'est impressionnant, d'ailleurs. Je suis sûre que je ne tiens plus trente secondes en gainage.

-J'ai aucun mérite, j'ai continué le sport après Poudlard, m'apprit-t-il. Longtemps j'ai cru que je faisais du Quidditch pour ... je ne sais pas, m'intégrer, avoir un statut social dans l'école. Mais au final en me retrouvant dans la vie active je me suis rendue compte que c'était juste l'exercice qui me manquait. Alors généralement je cours, deux ou trois fois par semaine, ou je faisais de la cardio chez moi.

-En plus d'être végétarien et de ne pas boire une seule goutte d'alcool. Quel rythme de vie sain.

-Ma grande fierté, se vanta-t-il avec un sourire en coin. Tu veux te joindre à moi ?

Je papillonnai des yeux, un peu surprise de la proposition. De nouveau, le malaise vint grignoter mon ventre et j'eus douloureusement conscience de mes bras maigres et de ma poitrine qui s'était creusée après les semaines de privation au Ministère. J'étais devenue si embarrassée par mon corps, son manque de vigueur et ses difformités que j'avais pu tressaillir lorsque Simon avait passé nonchalamment la main sous mon tee-shirt. Dire que ça n'aidait à retrouver notre intimité était un euphémisme ... J'avais repris ma vieille tendance à empiler les couches pour masquer ma maigreur et mes os saillants. Gênée, je rabattis les deux pans de mon gilet sur ma poitrine et me recroquevillai un peu plus sur le fauteuil.

-Je ne sais pas ... J'ai vraiment tout perdu, le tonus, les muscles ...

-Je me doute mais ça ne te dit pas de retrouver tout ça ? Je veux dire, tu étais sportive professionnelle, ça ne te manque pas un peu ?

Il posa les yeux sur moi, pas de manière agressive, simplement contemplatif. C'était impressionnant comment une barbe de trois jours qui picoraient ses joues semblait lui donner en stature et en maturité. Miles s'était longtemps mépris sur l'idée de « bien faire » et s'était évertué à l'appliquer sur de mauvais chemin ... Mais peu importait, à présent. Depuis des années, il ne m'avait jamais donné l'occasion de douter de lui.

-Si, avouai-je dans un filet de voix. Si, je déteste ... me sentir faible.

-Là-dessus, je pense qu'on se comprend.

Avec un sourire, il tapota le tapis – un vrai tapis, pas un tapis de sport – à côté de lui et, malgré quelques réticences, je déployai ma carcasse pour l'y rejoindre. S'en suivit une demi-heure des plus humiliantes, moralement douloureuse et compliquée de ma vie. Chaque muscle me brûla dès qu'il s'activa, je peinais à soutenir le rythme de Miles sur chacun des exercices. Le souffle sembla me manquer dès le début et lorsque je décrétai la fin de la séance, je m'écroulai contre le tapis, trempée, vaincue, exténuée. Un feu vorace semblait dévorer mes poumons et il me sembla que jamais je ne pourrais retrouver un rythme cardiaque ordinaire.

-Arrête, ce n'était pas si terrible ! rit Miles, l'air moins affecté que moi. La même demain ?

-Elle est là, la vengeance. Pour Simon. J'ai compris, ça faisait parti de ton plan de Serpentard sournois.

-Oh la la, arrête avec ça. En plus je viens de comprendre qu'il joue de la guitare. De la guitare, Victoria, comment je pouvais lutter contre un gars qui joue de la guitare ? Je crois que c'est la chose la plus sexy qui existe !

La réplique me fit mentir : j'eus assez de souffle pour exploser de rire, à gorge déployée et les sons se répercutèrent délicieusement contre les vitres de la véranda pour couvrir le chant des oiseaux. Une main sur ma bouche pour calmer mon hilarité, je coulai un regard taquin sur Miles.

-Sans dénier leur charme aux musiciens – parce que d'accord, je veux bien admettre que c'est une valeur-ajoutée – je pense que ça dépend des filles. Et qu'Eugenia, c'est peut-être les beaux garçons qui font leur sport matinal qui lui fait de l'effet.

-Oh non, gémit-t-il en s'étalant sur le tapis, les yeux rivés sur le plafond vitré. Non, ne joue pas à l'ex-copine entremetteuse, pitié, ne me fais pas ça ... Qu'est-ce que j'ai fait de mal ?

-Mais non, je ne veux pas te pousser vers Eugenia, m'esclaffai-je, incrédule. D'autant que ...

Je ravalai ma langue au dernier moment et fort heureusement, Miles paraissait trop occupé à reprendre son souffle pour approfondir la chose. J'avais jusque-là réussi, bien aidée par d'autres préoccupations plus urgentes, à ne pas m'interroger sur la relation qui s'était tissée entre Emily et lui. Assez forte pour que ce soit vers lui qu'elle se soit tournée en mon absence lorsqu'elle avait quitté Roger. Emily ... Je me redressai sur mes coudes, un souffle laborieux s'échappant de mes lèvres, les membres toujours endoloris. Pourtant loin du poids que je m'attendais à trouver dans ma poitrine, j'avais plutôt la sensation que mes côtes s'ouvraient plus que jamais pour aspirer de l'air et diffuser une vague fraiche et revigorante dans mes veines. Cette sensation m'avait manquée. Celle du dépassement de soi, de l'endorphine qui saturait mon corps après une séance de sport à purger toutes les mauvaises toxines, toutes les mauvaises pensées parasites. C'était pour cela que j'avais toujours aimé le sport, que j'avais poursuivi le Quidditch malgré la futilité de l'activité. C'était la manière la plus saine que j'avais eu d'expurger ce que j'avais de plus de mauvais en moi. Peut-être que Miles venait de mettre le doigt sur le meilleur moyen de faire mourir le monstre qui s'était emparé de moi lorsque je m'étais retrouvée face à Nestor Selwyn.

-D'accord pour demain, cédai-je finalement. Mais première pour la douche !

-Vic', je suis prête à me battre en duel pour une douche. Attention.

-Je n'ai pas de baguette.

Miles ouvrit un œil surpris pour le planter sur moi.

-Tu n'as pas récupéré celle que tu avais, là ?

Le malaise qui s'éprit de moi me poussa à me redresser définitivement, piquée par la nervosité comme par une guêpe. L'image de cette baguette de laurier, que j'avais relégué dans le tiroir de la table de nuit, me hanta quelques secondes.

-Tu sais à qui elle appartient, cette baguette, rappelai-je à mi-voix.

-Peu importe, maintenant elle est à toi, répliqua Miles, un éclat dur dans le regard. D'accord, je n'imagine même pas à quel point ça doit être perturbant ...

-Non, c'est vrai ...

Miles me considéra quelques secondes et j'eus l'absolue certitude que ce n'était pas le présent qu'il contemplait, mais un souvenir, l'image de cette fille brisée sur une paillasse, dans une cellule, à moitié morte qu'il avait dû porter jusque dans une valise. Je la vis littéralement se refléter dans ses yeux, avec ses longs cheveux sombres et son air exténué. Appelant Cédric depuis les morts, puisque c'était la seule réalité qu'elle avait ... Après quelques secondes de silence, il se releva à son tour et épousseta son jogging pourtant impeccable.

-Mais je ne peux pas m'empêcher de trouver ça ... Je n'en sais rien. C'est une magnifique vengeance dans un sens, non ?

-Une vengeance ? répétai-je, sceptique.

-Penses-y, vraiment. Pense ... à tout ce qu'ils ont dit, sur les Nés-Moldus qui volent la magie des Sang-Purs. Tu l'as pris à son propre jeu. Tu lui as pris sa magie, Victoria. Et à titre personnel, je trouve ça jouissif. (Il me tapota le dos avec un sourire contrit). Maintenant, preums pour la douche.

Les protestations de me faire griller la priorité moururent dans ma poitrine et je restai de toute manière longuement allongée sur le tapis, les bras en crois, bercée par la brise printanière et le chant lointain de la rivière qui s'écoulait, cogitant l'argument de Miles en lui trouvant chaque fois un peu plus de sens. J'avais eu la sensation de tout perdre face à Nestor. Mon identité dans tous ses spectres, y compris celui de sorcière. N'était-ce pas rétablir l'équilibre ? En lui prenant sa baguette, n'avais-je pas asséner à ce Sang-Pur fier de son statut un coup plus terrible que je l'avais fait mon pied ? Quelque peu revigorée par l'idée, je pris ma douche avec un sourire insensé aux lèvres. Oui, j'avais repris l'ascendant, j'avais repris quelque chose qui m'appartenait de droit et que Nestor avait, sans succès, tenter d'étouffer. J'étais une sorcière et c'était sa propre baguette qui me rendait ce statut.

Néanmoins, mon sourire s'estompa lorsque je sortis de la douche enveloppée d'une serviette. Comme le reste de la maison, la salle de bain était modeste, son unique fantaisie consistant en la sirène en céramique qui surplombait la baignoire et au miroir rond dont les bords s'éclataient en mille petits carreaux incrustés sur l'ensemble du mur. Ce fut dans l'un d'entre eux que je croisais mon reflet brouillé par la buée et qui me fit peur tant il me ressemblait peu. Il fallut que j'essuie plusieurs fois, mais les traces déformaient toujours mon visage. Cela dit, ce n'était pas cela qui m'obnubilaient. C'étaient mes cheveux, mes cheveux rendus noirs, informes et raides par la douche et qui couvraient ma poitrine pour atteindre mes côtes. Je les manipulai, les enfermai sur dans mon poing, les entortillai autour de mon poignet où ils se mêlèrent au bracelet de Cédric. J'ignorai si c'était l'activité qui avait réinjecté de la vigueur dans mon âme, ce nouvel environnement qui me donnait enfin du recul ou le simple fait que sur l'instant, dans ce miroirs, mes cheveux ressemblaient à de sombres tentacules prêtes à m'envahir, m'étouffer, m'étrangler ... mais la vision devint subitement insupportable.

-C'est bon, décrétai-je, horrifiée. Cette fois, j'en ai marre de ne pas me reconnaître dans le miroir.

Simon fit un véritable bond dans le lit lorsque je débarquai dans la chambre, toujours vêtue d'une serviette et les cheveux trempés me battant librement le dos. Encore à moitié endormi, la main bandée pressée contre sa poitrine, il me dévisagea les yeux écarquillés.

-Euh ..., entonna-t-il, la voix pâteuse.

-Pardon, je sors de la douche, m'excusai-je, les mains occupées à fouiller mon sac de voyage à moitié défait. Je cherche ma brosse, il est grand temps de régler ça ...

-De régler quoi ?

Pour toute réponse, je sortis ma brosse des méandres de mon sac mais surtout une petite paire de ciseau caché dans ma trousse. Le tableau eut raison des brumes de sommeil qui devaient envelopper le cerveau de Simon et il se redressa comme monter sur des ressorts, les yeux sortis des orbites. Un lent sourire extatique se dessina sur ses lèvres.

-Sérieux ? On coupe enfin ?

-Tu détestes à ce point ? m'amusai-je en passant un tee-shirt sur ma serviette.

-Euh ... ça fait de moi quelqu'un d'horrible si je dis que oui ?

J'attendis de finir de m'entortiller pour passer une culotte puis un jean avant d'abandonner la serviette et de m'emparer des lèvres de Simon. Sa surprise initiale les laissa statique face à mon élan, mais lorsque sa bouche se mit à mouvoir contre la mienne, un frisson délicieux me parcourut l'échine. Encore une fois, c'était peut-être le sport, peut-être cette maison si apaisante ... mais cette fois, la sensation qui me parcourut au baiser fut proche de la joute électrique.

-Non, c'est juste pour ça que je t'aime, soufflai-je en m'écartant. Allez viens, on va couper tout ça pour que je ressemble enfin de nouveau à Victoria Anne Jadwiga Bennett.

-J'ai hâte, murmura Simon, l'œil allumé.

-Tu as juste hâte de tenir les ciseaux.

-Je peux ?

-Même pas en rêve.

-Mais Vicky !

Ses suppliques m'accompagnèrent jusqu'à la pièce de vie où Miles et Eugenia déjeunaient, découpant les pommes que nous avions cueillie ce matin. La panique parut les étourdirent brièvement en avisant les ciseaux, mais fut remplacée par la stupéfaction lorsque je le leur mis sous le nez.

-A qui l'honneur ?

-C'est vraiment injuste, persiffla Simon, outré.

-Qu'est-ce qui se passe ? hurla la voix de Caspar depuis la salle de musique.

-Sortilège de mutisme ! s'écria Simon en retour d'un ton menaçant.

Les voix des grands-parents s'éteignirent immédiatement. La surprise passée, Eugenia se dressa sur ses pieds, un sourire incertain aux lèvres. Sans attendre, elle saisit les ciseaux dans ma main et m'invita à m'installer sur une chaise. Le temps que je finisse de brosser mes cheveux humides jusqu'aux pointes rêches et fourchues, je m'y installai et désignai mes épaules.

-Là. Avec les boucles, ça devrait remonter.

-La coiffure de Poudlard, devina Miles avec un sourire entendu. Retour à la case départ.

-Oh non ... nouveau départ, au contraire, rectifia Simon, les yeux étincelants.

Je lui jetai un petit regard mutin où devait briller l'impatience et accueillis le premier coup de ciseau comme un vent de libération. Les mèches brunes se mirent bientôt à tapisser le sol, de grandes mèches informes déjà sèches et mon sourire s'agrandit à mesure que ma coupe se raccourcissait. Extatique, j'effleurai mes cheveux qui à présent effleuraient mes épaules, mais qui une fois secs reprendraient de la hauteur et du volume. Quand Eugenia eut fini, je secouai la tête et passai la main dans mes mèches pour les détendre et favoriser la création de la boucle. Plus rien n'envahissait mes omoplates ou ma poitrine, plus de mauvaises herbes qui poussait sur moi comme des ronces indomptables. Plus de tentacules étrangers pour m'entourer, m'étouffer, me dénaturer. J'allais enfin pouvoir respirer.

-Finalement, ce n'était pas plus difficile que de toiletter un Croup, évalua Eugenia en examinant ma coupe.

-La comparaison, s'esclaffa Miles, incrédule. Mais en parlant de Croup ... tu n'avais pas quelque chose à demander à Bones ?

Simon, occupé à ruminer et à déguster une pomme qu'il avait eu toutes les peines à couper avec la main droite, suspendit son geste pour leur jeter un regard étonné. Eugenia eut un sourire penaud et baissa les yeux sur sa valise, son antique valise étrangement posée sur le sol.

-Tu as quelque chose contre les animaux ? demanda-t-elle du bout des lèvres.

-Euh ... non ?

-Parfait !

Ni une, ni deux, elle ouvrit les loquets de sa valise et y sauta prestement. Elle s'enfonça dans l'ouverture béante, sous les yeux à fois émerveillé et incrédules de Simon. Sa tête émergea quelques secondes plus tard, mais pas seule : une petite bouille poilue aux grandes oreilles triangulaires émergea et sauta de son épaule avec un miaulement sonore. Miles parut s'étrangler de rire lorsqu'il vit Simon blêmir sous ses tâches de rousseurs.

-Un chat ? lâcha-t-il, peu convaincu.

-Quel manque de culture, haleta Miles, hilare. C'est un Fléreur, Bones !

C'était bien ce que j'avais pensé en avisant ses oreilles démesurément grandes et sa queue longue plus proche de celle de lion qui s'achevait par une touffe de poils noirs. Son pelage tacheté, roux et noir aux démarcations claires, semblait taillé à la règle. A l'aise, il grimpa d'un bond sur le buffet et renifla un pinceau couvert de peinture.

-Et il va se balader comme ça tout le temps ? vérifia Simon en pointant un index sur la créature. Comme s'il était chez lui ?

-Bella est très perspicace et intelligente, la défendit Eugenia. C'est l'une des petites de Milly, la Fléreur de mes grands-parents. Tant qu'on était en espace réduit chez Angelina et chez Muriel je la laissai dans la valise, mais là ... un si grand jardin ...

-Très bien, céda Simon devant le regard implorant d'Eugenia. Elle peut rester ...

Un immense sourire fendit le visage de la jeune fille et elle se dépêcha de sortir de la valise d'un coup de baguette la gamelle et la nourriture du Fléreur qui, d'un bond prodigieux qu'aucun chat n'aurait pu exécuter, se propulsa sur la table de la salle à manger. Ce faisant, elle renversa la bouteille de jus de fruit et Miles comme Simon s'en retrouvèrent aspergés et bondirent vivement. A peine contrite par l'incident, Eugenia nettoya tout d'un sort promptement lancé.

-Merci, claironna-t-elle avant de passer dans la cuisine, son sac de croquette dans les bras.

-Le chat, il ne manquait plus que ça, maugréa Simon.

-La Fléreur, rectifia Miles avec un sourire innocent qui ne trompait personne.

Le regard noir que Simon planta sur lui l'obligea à fuir et à suivre Eugenia. Amusée par sa mine mortifiée et malgré le jus d'orange qui tâchait son tee-shirt et chatouillait mes narines, je m'approchai de lui pour enlacer sa taille. Avec un son à mi-chemin entre le grognement et le ricanement, il plaça sa main saine sur ma hanche et m'amena plus étroitement contre lui. Ses doigts bandés effleurèrent les mèches raccourcies qui déjà commençaient à rebondir dans ma nuque. Son expression dépitée se fondit immédiatement dans un air plus tendre qui brûla mes pommettes.

-Tu te sens mieux ? s'enquit-t-il dans un murmure.

-Beaucoup, affirmai-je avec un hochement de tête. Et toi, tu vas m'en vouloir de ne pas avoir pu manier le ciseau ?

-Toute ma vie, promit-t-il gravement.

Mais le coin de sa bouche frémit, détrompant son ton menaçant et je n'eus aucun scrupule à tirer sur son col pour l'attirer à moi. Je pressai mes lèvres contre les siennes, m'enivrant de la sensation grisante qui montait dans ma poitrine, envahissait mon cœur, s'injectait dans mes veines à chaque battement, à chaque changement de rythme de Simon, à chaque soupir qui s'échappait de nos bouches unies. C'était presque aussi euphorisant que ce qui s'était épris de moi après la sensation de sport et j'en vins rapidement à oublier qu'il y avait quelques heures à peine, j'avais eu envie de l'étrangler. Mais après tout, cette pulsion meurtrière qui me parcourait parfois faisait entièrement partie de ma relation avec Simon Bones, de notre identité, de ce qui faisait ma vie. C'était cela, doucement je touchais de nouveau ma véritable vie du bout des doigts. C'était peut-être cela qui m'étourdissait. L'impression, d'enfin, atteindre le fil de ma vie et pouvoir à nouveau m'y accrocher.  

***

Alors votre verdict ? 

Chapitre peut-être un peu calme mais ça me semblait important d'acter un peu la reprise en main de Victoria, ce moment où elle enclenche les processus pour se retrouver ! En plus de vous présenter du coup la maison d'Oxford :) 

JE SAIS que vous attendiez avec impatience que Victoria se recoupe les cheveux et ne vous en faites pas c'était prévu depuis très longtemps évidemment ! M'enfin j'allais pas nous laisser avec une Victoria aux cheveux longs, quelle hérésie ! 

Funfact : Bella est le nom du chat d'Anna, celui-là même que vous avez pu voir sur insta une ou de fois (notamment une vidéo hilarante de Clem, une vraie boule de poils ce chat, dans tous les sens du terme. MAIS OUI ANNA ELLE EST BELLE) 

Allez on se retrouve vendredi prochain pour la suite ! Bon week-end les enfants, profitez bien ! 

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