IV - Chapitre 17 : Temps de fêtes, temps de guerre
BONJOUR TOUT LE MONDE
Pfiouh. Sachez de base je voulais poster hier parce que c'était mon dernier jour officiel au travail (officieusement je continue un jour par semaine parce que la personne que je remplaçais revient à 80%). Bref, j'ai rangé mon bureau, rendu mes clefs, pour l'instant je n'ai rien d'autre derrière donc j'étais passablement déprimée. Finalement une sortie improvisée m'a empêchée de venir vous donner le chapitre !
MAIS me voilà à présent, toujours un peu déprimée parce qu'en plus j'ai réalisé cette semaine que j'arrivais vraiment dans l'avant-dernière ligne droite d'O&P, si on veut. Et que en fait non. Non non non. Je pensais pas aller si vite c'est trop là. Genre j'ai prévu 39 chapitres (Bon on va pas se mentir ça peut dépasser) et j'en suis au 28 là.
Heureusement qu'il y a le biathlon et que mon copain m'a acheté des kit-kat balls. Et j'ai regardé Mercredi aussi cette semaine, ça m'a bien plu en vrai c'était fort sympa !
SO comment allez vous VOUS? Les partiels sont finis pour les étudiant.es? Janvier ne vous déprime pas trop avec sa grisaille?
SUR CE un nouveau chapitre dans le merveilleux loft de Noah et Julian ! Bonne lecture les enfants <3
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Noël, c'est le printemps de l'esprit ; c'est tout promesse.
- Émile-Auguste Chartier
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Chapitre 17 : Temps de fêtes, temps de guerre.
Je me réveillai le matin de Noël avec en lieu et place de mes cadeaux une note passée sous ma porte et dont la blancheur tranchait avec la moquette sombre. Je faillis la manquer, tant le sommeil brouillait ma vision, mais je posais le pied dessus. Fort bien m'en prit : elle était parcourue de l'écriture soignée, mais tremblante de Julian :
Reste un peu dans ta chambre. Je viendrais te chercher. Tout va bien.
Si tout allait bien, alors d'où venait les éclats de voix qu'étouffait ma porte ? réalisai-je, subitement réveillée. Le souffle douloureusement coincé dans mes poumons, je la fis coulisser d'un demi-centimètre. Le simple feutrement des roues sur les rails me fit frémir, et les cris me parvinrent avec plus de clarté :
-... calme-toi, Jo s'il te plait, on ne trouvera pas de solution si tu joues aux hystériques !
-Noah ...
-Hystérique ? vociféra une femme d'un ton si féroce que je me collais contre le mur pour lui échapper. Hystérique ?! Je viens de retrouver Farhan en sang, ma fille hurlant si fort que j'ai eu peur qu'ils aient posé leurs sales pates sur elle, la boutique saccagée ! Je pense que j'ai le droit d'être hystérique !
-Comment va Moira ? Et Farhan ?
Le ton de Julian se voulait apaisant, mais une pointe de panique la transperçait. Des reniflements s'élevèrent, à moitié noyés dans une sorte de pleur. Je plaquai une main, le souffle coupé. Ses derniers jours, je m'étais souvenues de ces histoires de la première guerre mondiale du Noël 1914 où des deux côtés des tranchés, les ennemis avaient baissé les armes pour fraterniser le temps d'une nuit. Visiblement, les Mangemorts eux, ne s'embarrassaient pas des fêtes pour semer la désolation.
-Moira n'a rien, elle a juste été effrayée par le vacarme ... ils ont cassé le nez de Farhan ... Nom d'un Farfadet ...
La fureur assourdissait ton timbre rendait son juron terrifiant. Un peu hébétée, je connus Joséphine Abbot, l'amie de Tonks que j'avais aperçue enceinte au mariage de Bill et Fleur. Une intimidante jeune femme au sourire cynique ... Je refermais mon poing sur ma gorge, le cœur au bord des lèvres.
-On arrête tout, annonça Joséphine d'une voix rauque. On arrête tout, Noah, je suis désolée. Tu as vu le dernier tirage du Chicaneur ? On raconte qu'ils ont enlevé sa fille à bord du train qui la ramenait de Poudlard, c'est pour ça qu'il a viré de bord ! Le Chicaneur, c'était notre épouvantail : on pouvait raconter ce qu'on voulait, le vieux Xeno était bien plus virulent que nous ! Au moins La Voix du Chaudron n'a jamais écrit « soutenez Harry Potter » ! Lui a écrit ça et ils lui ont pris sa fille !
-Jo ...
-Evidemment qu'on est les prochains, on aurait dû l'anticiper ... Ce n'est pas un hasard s'ils ont visé Farhan et sa boutique, Noah ! C'était contre moi, contre nous, contre ce qu'on écrit ! Je suis désolée, je ne peux pas risquer leurs vies ... Moira n'a qu'un mois ... j'ai juré ...
Elle s'étrangla sur ses derniers mots et fut incapable d'achever sa phrase.
-Combien de temps avant qu'ils ne se pointent ici alors ? se demanda Julian, anxieux.
-Justement, il n'y a aucune raison qu'ils se pointent ici si on arrête tout. Ils forcent Lovegood à écrire ses saletés, et je refuse de tomber aussi bas, je refuse de faire leur propagande ! On peut s'éviter ce déshonneur si on stoppe les machines maintenant ...
-Mais on ne peut pas le faire !
-Noah !
Le cri conjoint et désespéré de Julian et Joséphine me frappa en plein cœur. Au fur et à mesure de la discussion, je m'étais laissée glisser le long du mur, complètement saisie par l'enjeu. J'avais la sensation que mon avenir proche était suspendu à leurs conclusions ...
-On peut faire autrement, insista Noah avec fermeté. On n'est pas obligé de couper les machines ...
-Tu veux qu'ils viennent tuer ma fille, c'est ça ?! s'égosilla Joséphine dans un mélange poignant d'indignation et d'angoisse. Tu veux rentrer chez toi et découvrir Julian en sang, peut-être mort parce que tu n'as pas su fermer ta grande gueule ?!
-Joséphine, écoute-moi !
Noah avait réussi à hurler plus fort qu'elle pour atteindre une force à en faire trembler les murs. Je m'en recroquevillai, tremblante devant ce ton presque étranger qui roulait comme le tonnerre.
-Farhan, Julian et Moira ne risqueront rien ! Parce que demain, tu iras déclarer le vol de tes machines d'imprimerie, du seau d'identification du journal et de la trésorerie qu'il y a dans les locaux ...
-Quoi ... ?
-Ecoute-moi jusqu'au bout avant de protester ! On n'est pas obligé de se soumettre, Jo. Ils ne veulent pas qu'un journal officiel ait une pensée indépendante ? Très bien. Passons La Voix du Chaudron dans la clandestinité. Il sera imprimé illégalement, il sera distribué illégalement, il ...
-Prendra dix fois plus de risque ! s'étrangla Julian. Mais ça ne va pas, non ?! Noah réfléchis ... on ne peut pas se le permettre ...
-Je n'ai jamais dit que c'est moi qui le ferais.
L'immense satisfaction dans les mots de Noah laissa ses interlocuteurs perplexes. Moi-même je ne comprenais pas vraiment où il voulait en venir jusqu'à ce que Joséphine lâche avec une certaine brutalité :
-Un pseudonyme ?
-Regarde cette émission de radio, Potterveille : leur emplacement est inconnu, leur identité inconnue. Et ça marche, ils émettent tous les jours sans problème. Si on fait la même chose pour La Voix du Chaudron il n'y aucune raison que tu sois inquiétée. On simule un cambriolage : tu pourras aller porter plainte demain, et même mettre ça en lien avec l'agression de Farhan, accuser les Mangemorts et le Ministère, exiger dédommagement : officiellement ce ne sera plus toi qui a les outils, ils auront été volés.
-Par un certain Perroquet Noir dont le style a une flagrante ressemblance avec le tien ? railla Joséphine. Ne fais pas ton choqué, tu me prends vraiment pour une idiote ? Certains de ses tracts sont placardés devant chez moi !
-Tu vois, je te l'avais dit que quelqu'un finirait par reconnaître ton style ! s'exclama Julian, excédé.
-Elle travaille avec moi depuis des années, évidemment qu'elle commence à reconnaître mon coup de crayon ! Ce n'est pas le cas des Mangemorts ! Et de toute manière je n'ai jamais signé aucune caricature ni article du journal par mon véritable nom, juste avec « P.N. ». Je suis invisible, officiellement.
-Et ils ne paraissaient pas s'intéresser à mes employés, convint Joséphine avec prudence. D'après Farhan, ils n'en avaient qu'après moi. Après tout, je suis la rédactrice-en-cheffe, la plupart des articles sont signés de ma plume, je suis celle qui définit la ligne ... la cible la plus logique. Noah a raison, il est invisible.
Noah se fendit d'une exclamation chargée de suffisance qui dut hérisser tout l'être de Julian. Pendant une minute, les voix se turent, remplacées par les bruits de talons qui claquaient contre le parquet. Joséphine devait faire les cent pas.
-Ça pourrait fonctionner, concéda-t-elle à mi-voix.
-Tu n'es pas sérieuse, Jo ! Tu l'envisages vraiment ? Malgré ce qu'ils viennent de faire à Farhan ?
-Si tous les articles et tous les dessins à l'intérieur sont signés du Perroquet Noir, oui. Si le Perroquet Noir revendique le vol du journal, oui. J'écrirais des articles à la volée mais je refuse de les faire paraître sous mon nom. Ce sont mes conditions.
Noah ne chercha même pas à les discuter : aussitôt, il se mit à débattre de leur plan et de sa mise en œuvre. Pour son bien et celui de sa jeune famille, il était préférable que Joséphine ignore où les machines avaient été transportées, voire qu'elles soient déplacées fréquemment. Au milieu de cette mécanique qui semblait bien huilée et du silence anxieux de Joséphine, j'attendis une miette de protestation de Julian qui ne vint pas. En revanche, j'entendis les marches des escaliers grincer et le coulissement à côté de moi. Mon cœur fit un véritable bond lorsque la porte qui reliaient nos deux chambres s'ouvrit sur son visage fatigué.
-Joyeux Noël, ironisa-t-il avec un sourire dépité. Tu écoutes depuis longtemps ?
-Presque le début, je pense, avouai-je en me redressant, remise de ma frayeur. C'est la cheffe de Noah ?
-C'est ça. En fait à la base c'est lui qui l'a embauché, jusqu'à ce qu'ils s'ennuie dans son rôle de rédacteur-en-chef et qu'il lui passe la main ... (Julian soupira profondément). Elle est comme lui. Vraiment, c'est lui au féminin. Aussi têtu, aussi tordu, aussi écorché vif. Mais elle, elle a une petite fille à protéger, ça la rend plus raisonnable ...
Julian s'appuya contre le chambranle, l'air indécis. Le coin de sa bouche tressauta nerveusement et il finit par s'assoir sur mon lit pour me faire face, les prunelles luisantes.
-Victoria, si toi tu lui dis « je ne veux pas prendre de risque supplémentaire », je suis sûr qu'il t'écoutera. Notre but ultime depuis que tu es là, c'est ta protection. Si on fait une action qui risque de lui nuire, tu as voix au chapitre et même le droit de trancher.
-Julian ...
C'était beaucoup me mettre sur les épaules. Qui étais-je pour couper les ailes de Noah, pour signifier la mort d'un journal, d'une véritable entreprise ? Qui étais-je pour étouffer l'espoir qui jaillissait de ses feuilles fines à l'encre délavée ? L'enjeu de la décision me fit vaciller une seconde avant que je ne comprenne l'origine de mon malaise.
-Je suis désolée, murmurai-je, le cœur serré. Mais personnellement, je préfère qu'ils continuent de publier ...
-Victoria, soupira Julian, l'air d'avoir anticiper ma réponse. Malgré toutes leurs précautions, les risques seront énormes. Si Noah fait ça, je ne peux pas te garantir qu'un jour, un Mangemort ne viendra pas toquer à notre porte.
-Alors je prendrais des précautions supplémentaires. Je ferais mon sac, je serais toujours prête à sauter d'une fenêtre avec mon balai, je ne me séparerais jamais de ma baguette. Et si ça t'inquiète trop de cumuler les deux ... je partirais.
Les yeux de Julian s'agrandir devant ma proposition pleine de conviction. Oui, je préférais partir, trouver un autre abri plutôt que d'empêcher le journal d'émettre. Peu de personne avait la force et le courage de s'élever, ne serait-ce que timidement, ne serait-ce que pragmatiquement à Voldemort et l'ordre en place. Il était hors de question que moi, petite fugitive restée en Angleterre par caprice, je les empêche de lutter.
-Peut-être qu'un jour la maison de Simon à Oxford sera viable et que je pourrais m'y installer, ajoutai-je. Ou alors je ne sais pas, qu'on trouvera une solution ... Mais ... le but ultime, ce n'est pas de me maintenir en vie, Julian. C'est que Tu-Sais-Qui cesse.
-Et « cesse » comment, hum ?
-Je n'en sais rien, admis-je du bout des lèvres. Mais je suis Historienne et toi aussi, un peu. Tu sais qu'il y a toujours des tyrans qui ont paru puissants, invincibles, écrasants ... et qu'un jour quelque chose, un homme, une foule, toute une population s'est levée pour mettre fin à son règne. Et ça ce n'est possible que si des médias comme Potterveille ou La Voix du Chaudron alimentent l'espoir et la résistance.
Julian me considéra longuement, l'air profondément déchiré. Son pied s'était mis à battre la moquette qui en étouffait le son.
-Crois-moi, ce n'est pas que je n'espère pas que ça arrive un jour ... Et si j'en avais la force peut-être que je ferais plus pour le précipiter mais ... j'ai vu ce qui se passe, lorsqu'on se laisse pousser des ailes. Et je suis sceptique sur le fait qu'une seule personne puisse changer la balance. Sur la pertinence de l'action individuelle face à une machine qui broie la société entière. Matthew voulait désespérément se battre. Il pensait que les premiers combattants étaient arrivés à bout de souffle, qu'injecter du sang frai comme lui redynamiserait la lutte. Qu'il serait ... peut-être pas le sauveur, mais un facteur décisif. C'est fort de ses convictions qu'il s'est précipité face au danger, ce soir-là ... Les intentions ne suffisent pas. Tout plein de rage et de valeur qu'il était, Matthew était ... tristement insignifiant face à la machine en marche.
-Il ne faut pas te dire ça ..., soufflai-je, horrifiée. Julian, il ne faut pas que tu penses que Matthew est mort pour rien ...
Julian resta coi, mais une profonde tristesse hantait son regard. Le poids du souvenir faisait ployer la ligne de ses épaules.
-Et pourtant ... Ce que je veux dire, c'est que je ne veux pas que ça arrive à Noah. Tant pis si ça fait de moi quelqu'un de lâche : la simple idée qu'il se mette en danger pour un résultat plus qu'aléatoire ...
-Ce ne sera pas aléatoire. Tu parles d'action individuelle ? C'est faux, il touche des foules ! J'ai vu ses caricatures reproduites partout dans Londres, Julian ! Des gens sont sensibles à son appel, des gens qui vont en convaincre d'autres et c'est comme ça qu'on crée une révolution.
-Très bien, convint Julian avec raideur. Mais passer le journal dans la clandestinité ...
-Combien d'écrivains, de scientifiques, de libre-penseur y ont été forcés à travers les âges ? Même à Poudlard on a su le faire ! Ombrage avait interdit le Chicaneur lorsque Harry lui a donné une interview, on le faisait passer sous le manteau ! Si une bande d'adolescent a su échapper à Ombrage ... On avait des techniques, peut-être que la Voix du Chaudron peut s'en servir. On ensorcelait les textes pour qu'ils se dissolvent dans la moindre flaque, ou qu'une fois notre lecture interrompue la page devenait blanche ... tu pourrais le faire, d'ailleurs.
-Moi qui pensais trouver une alliée, marmonna Julian. En fait tu es aussi radicale que Noah ...
-Excuse-moi, mais le Ministère et ses alliés nient mon droit d'être une sorcière. Ils nient même mon existence. Ça me donne le droit d'être radicale.
Il m'accorda le point d'un hochement raide de la tête, la bouche pincée. En bas, les voix de Joséphine et Noah s'étaient dissipées et une seconde plus tard, la porte claqua, marquant un départ. Julian leva les yeux au ciel.
-Je suppose qu'ils sont partis cambrioler ... (Il posa de nouveau son regard sur moi, de façon beaucoup plus douce, moins déchirée). En tout cas, il est hors de question que tu partes. Tu es ici chez toi, le temps qu'il le faudra.
La sincérité qui vibrait sous les mots de Julian diffusa une douce chaleur dans ma poitrine. J'y posai la main, touchée.
-Merci. Vraiment infiniment, je ... (Je papillonnai les yeux, prise d'une soudaine révélation). Hé, mais j'ai un cadeau !
-Pardon ? s'esclaffa Julian en me voyant bondir vers mon sac.
-Oui, je l'ai acheté à Londres avec Simon ... Bon c'est lui qui a payé mais c'est de notre part à nous deux ... Tiens !
Je sortis de mon sac deux paquets : un rectangulaires à l'emballage impeccable pour lequel je remerciais la vendeuse du magasin et une enveloppe que je gardais. Avec un immense sourire, je lui tendis le premier.
-Le deuxième, tu l'ouvriras quand Noah sera rentré, c'est un peu pour vous deux.
-Vous n'étiez vraiment pas obligés, s'émut Julian, visiblement pris de court.
Cela ne l'empêcha pas de défaire soigneusement le papier cadeau, comme s'il comptait le réutiliser dans la foulée. Les rennes du Père-Noël firent place à une boite en bois vernies gravée d'un arbre dont les feuilles couvraient tout le couvercle et d'un délicat loquet d'or. Julian resta figé devant, les doigts crispés de chaque côté, la bouche légèrement entrouverte.
-C'est une boite à thé, expliquai-je, un peu surprise par son manque de réaction. Il y a des sachets à l'intérieur, on a laissé la vendeuse faire parce qu'on n'y connaissait rien ...
-Je sais ce que c'est, me coupa Julian avec un temps de décalage, avant de m'adresser un sourire. C'est juste dommage, elle va faire doublon avec celle que Matthew m'a offert il y a des années ... J'espère que le second cadeau compensera !
***
-C'est cent pourcent un cadeau pour Noah, ça, maugréa Julian.
-Exactement ! fanfaronna celui-ci en exhibant fièrement les deux billets. Deux places pour le MOMA et une exposition sur Andy Warhol ! Bon sang, Jules, tu vas faire de l'urticaire ! Merci Vic' !
Noah m'ébouriffa joyeusement les cheveux, visiblement extatique. Nous nous étions affalés dans le canapé après un déjeuner copieux pour lequel Julian avait totalement passé commande. Nous n'avions même pas pris le temps de débarrasser de notre table avant de nous précipiter devant le sapin, une conception commune de Noah et Julian. C'était leur projet de décembre : ils enchantaient des morceaux de bois triangulaires qui s'empilaient et tournaient sur eux-mêmes, imitant par-là la silhouette d'un véritable sapin de bois et d'épine. Chaque pièce était peinte de différente teinte de vert et complètement recouverte de dessins évoquant la période : renne, cadeaux, sucre d'orge, des styles combinés de Noah et Julian. Tout en haut le couronnant dans une douce lumière, une étoile nous adressait un sourire esquissé de la main de Noah. Il s'était lui-même affublé d'un pull de Noël rouge où se dessinait les traits fuyants et stylisés d'un Père-Noël. Depuis que je l'avais découvert, je me demandais s'il n'avait pas été fait à partir d'un dessin de Julian. Celui-ci lança un regard ennuyé à Noah.
-Tu sais, le MOMA est à New-York. Si on a un peu de chance, la guerre ne sera pas finie d'ici l'exposition, les frontières seront toujours fermées et toi tu resteras bloqué ici, sevré d'Andy Warhol.
-Mais que tu es pessimiste, Jules ... Alors, tes cadeaux de plaisent, Miss Colibri ?
Un sourire retroussa mes lèvres et je baissai les yeux sur les deux objets à mes côtés sur le canapé. Une très belle édition de 1984 m'était venue de Julian. J'avais été plus perplexe en déballant celui de Noah et en effleurant un épais tissu écarlate qui m'avait semblé familier. Oui, Noah avait décidé de me revêtir du trench rouge sur lequel il avait flashé pour moi dans la boutique lors de notre excursion, mais j'avais été radoucie en découvrant le magnifique colibri noir qu'il avait cousu sur la poitrine et les mots « Theatral girl » inscrits dans le dos. Je n'étais pas la petite fille au manteau rouge de la Liste de Schindler ... Je n'étais que cette petite fille emportée, soufflée, détruite par la guerre. J'étais plus que cela, et Noah veillait à ce que je ne l'oublie pas.
-Très originaux. Ça tombe bien, j'ai besoin de faire une pause dans Le Seigneur des Anneaux ...
-Paraît-il, une adaptation est en projet, lança Julian. J'ai entendu deux professeurs moldus en parler en sortant de Trinity College ... Au fait, Victoria ... (Il extirpa un paquet de sa besace). Le hibou a encore frappé ...
J'eus un sourire moitié coupable, moitié reconnaissant. Simon était avec sa famille, Julian s'était vu obliger de réceptionner nos cadeaux respectifs pour qu'on puisse les ouvrir le jour de Noël. Le mien était accompagné d'une lettre arrivée par véritable hibou le matin même. Le message était court, mais eut l'effet d'un véritable baume sur ma poitrine.
Peter Pan ? T'as un message pour moi, tu veux t'envoler au monde imaginaire ?
Joyeux Noël Vicky
Il s'en fallut de peu pour que je ne glousse, mais mes joues s'empourprèrent délicatement. Mais c'était que ce garçon prenait une confiance débordante ... avec moi, dans l'intimité d'une lettre vue par mes yeux seuls. Je ne réussis pas à masquer le sourire confus et amusé qui s'étalait sur les lèvres, aussi tentai-je de le justifier en déballant mon cadeau. C'était un album noir réhaussé en son centre d'un blaireau doré qui chatoyait sous les faibles rayons du soleil. Dès que je l'effleurai, il se mit à se déplacer sur son cadre noir, bondissant à chaque coin, rampant sur une arrête, se dressant sur ses pattes arrière pour me fixer. Une magie certainement simple et facile pour Simon, mais qui était pour moi l'émanation la plus fascinante.
-C'est plus joli un colibri, fit remarquer Noah en y jetant un coup d'œil.
-Mais je tiens un peu du blaireau aussi ... Oh ...
J'avais beau m'y attendre, le fait de voir les photos s'étalaient dès l'ouverture me mit un uppercut en plein cœur. C'étaient des photos figées dans l'instant aux couleurs délavées par la vieillesse : celle prise pendant l'enfance d'une bande de gamin de Terre-en-Landes. Moi posant fièrement devant mon premier vélo de grande, à huit ans, Alexandre portant Susan sur ses épaules, Simon traînant la guitare que mon père venait de lui offrir, Chloé, ballon au pied se présentant devant les buts avec moi pour m'interposer ... Mon enfance, condensée en quelques clichés.
-Merlin qu'il ressemblait à Spencer, petit, murmura Julian d'un côté de mon épaule.
-Morgane que tu étais maigre, enchérit Noah avant de tâter mon bras. Ils te nourrissaient à quoi, tes parents ?
Un rire étranglé jaillit de ma poitrine et je tournai la page avant que les larmes ne montent aux yeux. La photo de nous dans nos uniformes dans le jardin des Bones, Simon excité, moi mortifiée, le jour de notre première rentrée le 1er septembre 1989 était accompagnée d'une petite note : « H-7 avant que tu ne me colles à la Répartition ». A partir de là, les photos de moldues se mêlaient à celle sorcières. A côté du cliché où Cédric, Emily, Simon et moi étions réunis à Terre-en-Landes l'été de notre quatrième année trônait un de moi entre Miro et Jaga lors de l'anniversaire de cette dernière. Face à Emily et moi qui rions aux éclats aux Trois Balais, Chloé et moi qui jouions au foot. Face à une version de moi plus jeune, balai sur l'épaule et cheveux au menton complètement ébouriffé par le vent dont les mèches s'agitaient follement, une image figée d'un Noël à l'église où je portais une jolie robe noire et où je lançais les chants depuis l'estrade où se tenait mon père en tenue de cérémonie.
-Vous en avez peu ensemble avec Simon, observa Julian alors que nous passions celle prise à notre retour du Poudlard Express à la fin de notre septième année.
-C'est vrai, convins-je avec un sourire confus. Mais il fut un temps, on ne pouvait pas s'adresser la parole sans s'écharper ... Regarde, il le note, là.
Je revins à une photo en amont où notre bande jouait au football et que Simon avait ponctué d'un « presque certain que c'est le jour où tu as « visé le ballon et eu ma cheville en prime » ». Noah effleura celle où je posais aux côtés de ma mère et de Jaga.
-Tu ressembles tellement à ta mère, c'est assez dingue. Son portrait craché. Et à ton frère aussi, on voit que vous êtes du même moule ... Plutôt beau gosse par ailleurs. Ça va te faire un neveu ou une nièce adorable ça.
Je perçus nettement le regard que Julian coula sur Noah, mais ma poitrine était trop compressée pour que cela m'importe. J'avais reçu quelques jours plus tôt une lettre d'Alexandre qui décrivait amoureusement l'évolution du ventre de Melania. D'après lui, l'enfant, prévu pour mars, ressemblait encore à une petite bosse sur sa peau. C'était la seule chose qu'il pouvait faire : j'avais refusé qu'ils m'envoient les résultats des échographies. Ça me trouait le cœur de savoir que cet enfant grandissait à distance sans moi. Pas question que je me rajoute la preuve en image que je ratais tout.
Une larme tomba sur une page sans même dévaler ma joue : en ligne direct depuis mon œil. Je parvins à chasser les autres d'un battement de cil et changeai la page avant que Julian ou Noah ne puisse la remarquer. Julian avait raison : même parmi les plus récentes, peu de photo me représentait avec Simon. Aucune même n'avait pas été prise depuis que nous nous étions embrassés pour la première fois ... ou alors était-ce lui par pudeur qui les avait occultés au profit de photos de ma famille ? Un peu ébranlée par l'exploration, je refermai l'album et le pressai contre ma poitrine. Noah s'était décidé à débarrasser la table alors que Julian restait dans le salon, une tasse de thé à la main. Il regardait le sapin pivoter doucement sur lui-même, un sourire satisfait aux lèvres. Après la décision conjointe la grande dispute de la matinée, je n'en revenais pas de le voir si serein, mais le thé avait un effet apaisant sur lui. Comme un bon repas, des éclats de rire et les ondes exquises et pleines d'espoir de Noël qui avaient fini par nous imprégner malgré le drame matinal. J'espérais sincèrement qu'elles avaient fini par atteindre Joséphine Abbot et sa famille. C'était vraiment terrible de fêter le premier Noël de sa fille dans ces conditions ...
-La vendeuse vous a excellement conseillé, décréta Julian en levant sa tasse en ma direction.
-Tant mieux. Au fait, tu n'as personne de ta famille à voir pour Noël ?
Un sourire triste retroussa les lèvres de Julian.
-Tu n'es pas la seule, tu sais. Moi aussi ils ont tous aux Amériques.
-Oh, lâchai-je, penaude.
-Ma sœur y vit de façon permanente, j'ai toute ma famille maternelle là-bas, j'y ai expédié mon père cet été ... Normalement, je vais très souvent passer les fêtes à New-York, avec mes cousins, parfois Leonidas – même si j'ai cru comprendre que vous me l'aviez volé l'année dernière ... Mais cette année, ce n'est pas possible. Je crois que c'est la première fois que ça arrive ...
Il battit des cils et ma gorge fut nouée par la même boule douloureuse qui devait encombrer celle de Julian pour que sa voix se fasse si rauque. Il toussota pour la faire passer et m'adressa un sourire qui se voulait courageux.
-Alors merci d'être là, ça comble un peu le vide. J'aurais déprimé, tout seul avec Noah.
-Je ne t'aurais pas laissé l'occasion de déprimer, assura Noah, visiblement offusqué. Je t'aurais lancé un défi artistique si intense qu'à la fin de la journée tu n'arriverais plus à tenir ton crayon.
Julian secoua la tête d'un air désabusé et Noah s'engouffra dans la cuisine, suivi des plants de nos assiettes couverte de sauce aux champignons qui lévitaient.
-Elle a des enfants ta sœur ? m'enquis-je, comprenant que Julian avait besoin d'éveillé le souvenir de sa famille.
-Mon Dieu non ! ricana-t-il, l'œil étincelant. Pas encore du moins, elle est sacrément indépendante, elle n'a besoin de personne ... Ce n'est pas franchement le genre de la maison.
Je contemplai quelques secondes cet homme au sourire tranquille. Les vacances l'avaient dispensé de la corvée du rasage et une barbe de trois jours blonde picorait sa joue et son pull vert orné d'un sapin soulignait la couleur de ses yeux.
-Et toi ? demandai-je finalement d'un ton détaché. Tu te conduis déjà comme un père ... A quand les petites têtes blondes ?
Julian haussa les sourcils et une ombre s'abattit sur son visage, assez sinistre pour que je regrette d'avoir évoqué le sujet.
-Tu connais la législation, non ? lança-t-il d'une voix peut-être plus amère qu'il ne l'aurait voulu. Légalement, Noah et moi on n'a même pas le droit de se marier ...
-Même dans le monde sorcier ?
-J'aurais tendance à dire « surtout dans le monde sorcier », mais c'est moins vrai en Angleterre, concéda Julian. Généralement sur les révolutions sociétales, la législation sorcière anglaise a tendance à suivre celle moldue pour qu'il n'y ait pas trop d'écart et qu'on puisse mieux se fondre dans la masse.
-Mais il n'existe pas ... de cérémonie plus civile, moins formelle ? Histoire que vous puissiez vous lier comme tout le monde ...
Je n'en revenais pas de défendre cette idée moi qui était arrivée ici à reculons, incapable d'admettre pleinement qu'un couple d'homme était un couple ordinaire, rebutée à l'idée de rencontrer un « compagnon » que j'avais jugé dès que j'en avais entendu parler. Un drôle de sourire se dessina sur les lèvres de Julian.
-Ça se fait, c'est vrai. J'ai peut-être été un jour tenté par l'idée ... Mais Noah refuse. On n'a déjà dû se battre pour être ensemble ... tu comprends, quand on a commencé à se fréquenter, c'était illégal. Ils appelaient ça « la loi des Bonnes Mœurs » et ça définissait l'homosexualité comme une maladie mentale, ni plus ni moins. On aurait pu finir en prison – ou plus vraisemblablement, en psychiatrie ... Toutes nos étapes, elles ont été faites dans la clandestinité. Alors Noah s'est promis que le jour où on se lierait pour la vie, ce ne serait pas « pour de faux », pas un truc informel qui n'aurait aucune légitimé légales aux yeux de personne. Noah veut un vrai mariage, un mariage en pleine lumière, un mariage qui dise « on a gagné ».
L'idée était belle, si elle qu'elle suffisait à éclairer le visage de Julian et à faire pétiller son regard. C'était donc à cela que ressemblait l'espoir, chez lui ? Depuis que j'étais arrivée, il semblait plus étreint par l'inquiétude, par le poids que cette guerre abattait sur ses épaules. Julian s'était dit lâche : c'était tout le contraire. Julian était une éponge qui absorbait chaque mauvaise onde de ce monde pour la faire sienne. Et il devait quotidiennement lutter contre cela ... ce n'était pas ce que j'appelais de la lâcheté. Il avait juste trop conscience la noirceur de ce qui se jouait.
-Mais les enfants ? m'enquis-je tout de même. Vous pouvez adopter des petits sorciers, pas vrai ? Même sous juste l'un d'entre vous officiellement ...
-Ah ... ça c'est un autre débat. (Il balança son pouce du côté de la cuisine où venait de disparaître Noah). Tu le vois père ?
La réponse me coupa le sifflet. Julian avait déjà tous les aspects du « papa », ça transparaissait totalement dans la façon dont il pouvait se comporter avec moi. Noah, en revanche ...
-Il tient plus du grand frère, admis-je à contrecœur. Et à dire vrai, il ressemble pas mal au mien ... Mais peut-être que dans quelques années ...
-Victoria, me coupa Julian avec douceur. Je vais avoir trente-cinq ans. Dans quelques années, je serais peut-être trop vieux pour ça ... Mais qui sait, après tout. Peut-être que Noah atteindra la maturité nécessaire dans un jour pas si lointain ... Bon, maintenant arrête d'essayer de m'attendrir. (Il tendit une main impérieuse). Donne-moi ton album.
-Pourquoi ? me récriai-je en le pressant contre moi.
-Parce que je vais le taguer exactement comme tu as tagué ma voiture, sale gamine ingrate.
Un sourire contrit ourla mes lèvres. Le soir-même de notre excursion londonienne, Julian n'avait pas pu s'empêcher d'aller vérifier si son Alfa Romeo était bien revenue intacte et avait été indigné d'apercevoir un petit mot griffonné au feutre sur un coin du toit resté vierge. Un simple mais taquin : « Merci pour la voiture, JULES ! Vic' et Simon » accompagné de la date et d'un petit cœur qui n'avait été du goût ni de l'un, ni de l'autre.
-C'était l'idée de Simon, prétendis-je avec aplomb. Et elle était déjà toute taguée, ta voiture ! Un de plus, un de moins ...
-C'est ça, marmonna Julian en saisissant mon album. Noah ! J'ai un projet artistique de Noël !
***
-C'est de l'art, c'est vrai.
Susan contemplait avec adoration l'esquisse au fusain de Julian. Je n'avais aucune photo avec Simon ou presque ? Qu'à cela ne tienne : il avait décidé de nous dessiner sur une feuille blanche. L'image était certainement issue d'un soir où Simon était venu passer la soirée chez eux : nous étions pelotonnés dans le sofa, moi à moitié allongée sur lui, un livre dans la main, lui la main tendrement posé sur mes cheveux, les yeux rivés sur quelque chose qui sortait du cadre et un sourire que je qualifierai d'adorable esquisser sur ses lèvres. L'image était si réaliste que malgré les délicates nuances de gris, j'avais presque cru à une véritable photo qu'il avait accroché à la suite de celles collectées par Simon. Un petit mot venait tempérer la tendresse de l'image : « deux parasites qui squattent mon canapé ». Mais Susan en faisait peu état : elle détaillait de ses grands yeux verts chaque millimètre du dessin.
-C'est vraiment trop mignon, s'ébahit-t-elle avec un sourire attendri. Sérieusement, vous mettez la barre de l'amour trop haut, vous deux. Maintenant tout ce que je ressens va me sembler fade.
Simon jeta un bref regard consterné à sa sœur. Nous nous étions tranquillement posés dans le salon alors que Noah et Julian profitaient des vacances pour s'enfermer dans leur atelier. J'avais presque pleuré lorsque Simon était entré et que surgissant nulle part, Susan était apparue à ses côtés avec un immense éclat de rire, une cape d'invisibilité à la main. Ils avaient réussi à m'arracher de véritables larmes lorsque j'avais remarqué les paquets qui venaient de par-delà l'Atlantique avec quelques jours de retard. Nous avions peut-être vécu ces fêtes séparément, ma famille et moi, mais je n'avais pas quitté leurs pensées et eux les miennes. Une présence fantômes qui rassurait autant qu'elle attristait. Maintenant, le papier-cadeaux gisaient tout froissé sur le parquet et la pile de nouveaux ouvrages pour me faire passer le temps s'était grandie de quelques centimètres.
-Pourquoi, Susie-jolie, tu ressens quelque chose en ce moment ? la taquinai-je en effleurant ses mèches rousses.
Susan avait trouvé le moyen de prendre encore quelques centimètres depuis la rentrée – et Simon commençait presque à s'en inquiéter, compte-tenu du fait qu'elle approchait le mètre-soixante-dix. Vêtue d'une mignonne robe de velours bordeaux, elle avait pudiquement déployé sa jupe sur ses jambes repliées en tailleur.
-Oh, non, avec ce qui s'est passé avec Anthony et Caroline, je préfère garder mon cœur pour moi pour l'instant, assura-t-elle en fronçant son nez retroussé. C'est déjà assez sinistre à Poudlard pour que je me rajoute un chagrin d'amour ... je verrais ça quand il sera assez solide pour les supporter. Mais c'est bien, continuez d'élever mes exigences ! Susie-jolie, il va falloir la mériter.
-Ça me paraît être une évidence depuis toujours.
J'évitai de m'appesantir sur l'ambiance « sinistre » de Poudlard. Malgré une dernière année particulièrement anxiogène, je gardais un souvenir candide de l'école et je n'avais pas envie de voir cette image se fracasser contre le quotidien de Susan. Néanmoins, je ne pus m'empêcher de demander du bout des lèvres :
-Et au fait ... tu connais une fille qui s'appelle « Lovegood » à l'école ?
Le visage de Susan se décomposa totalement et des larmes virent baigner ses beaux yeux verts. En face, Simon se frappa discrètement le front d'une main et je compris qu'il était parfaitement au courant de ce qui allait suivre :
-Oh ... tu en as entendu parler de ce qui est arrivé à Luna ? Des Mangemorts l'ont enlevé ... Dans le Poudlard Express ... j'ai entendu Ginny Weasley hurler à travers les compartiments, ils ont fini par la stupéfixier pour la faire taire ... ou alors c'est Neville qu'il l'a fait, pour éviter qu'elle fasse une bêtise ... j'étais loin, je n'ai pas tout suivi ...
-A cause de ce que son père écrivait, c'est ça ? Dans le Chicaneur ?
Susan acquiesça en silence et renifla. Simon lui tendit un mouchoir sans un mot et elle y nicha son nez. Ses larmes ne faisaient que décupler la colère qui brillait dans ses yeux.
-On sait tous qu'on est des otages potentiels pour nos parents, mais c'est assez glaçant de le constater pour de vrai ..., ragea-t-elle en enfermant le mouchoir dans son poing. Et ça me fait peur parce que ... (Sa voix s'infléchit légèrement et elle lorgna subtilement du côté de Simon). Elle faisait parti du seul groupe qui ... enfin, qui montrait un peu de résistance. Elle, Ginny Weasley et Neville Londubat ... le nouveau noyau dur de l'A.D.
Cette fois, elle regarda ouvertement Simon, mais celui-ci resta coi, les bras croisés sur sa poitrine, les yeux plantés sur elle. Je n'étais pas prête d'oublier leur dispute lorsqu'il avait appris que sa sœur avait fait parti d'un groupe illégal de Défense contre les Forces du mal et visiblement, Susan craignait de la réveiller en l'évoquant.
-Ils l'ont un peu fait renaître de ses cendres, avoua-t-elle prudemment. Mais pour des actions minimes. On laisse des mots sur les murs pour insulter les Carrow, assurer que même si Dumbledore est mort, son armée elle est toujours vivante ... Comme son esprit, son message. Ce ne sera jamais l'école de Rogue : au fond de son cœur, je vous assure que c'est encore celle de Dumbledore. C'est vraiment Neville, Ginny et Luna qui insufflent tout ça. Ils ont même tenté de voler l'épée de Gryffondor. L'épée de Gryffondor ! Honnêtement je pense que c'était une folie, mais ça aurait été un sacré symbole ... C'est l'épée avec laquelle Harry a tué le monstre de Serpentard, le monstre de Tu-Sais-Qui ...
-C'est vrai qu'il a fait ça, aussi, commenta Simon d'un ton neutre. Pas le moindre de ses exploits, tiens ...
Je le toisai du coin de l'œil. La remarque sonnait bien trop en échos des conversations que nous pouvions avoir sur Harry et je compris qu'il venait d'ajouter un argument à sa liste. Il avait tué le monstre de Voldemort. Bon sang, les coïncidences s'alignaient trop autour de ce garçon.
-Tenté ? relevai-je plutôt.
-Oui, ils se sont fait prendre, explicita tristement Susan. Je vous l'ai dit, de la folie, c'est quand même le bureau de Rogue ... honnêtement ils s'en sont bien sortis. Hannah a pleuré toute la nuit en imaginant que les Carrow les torturaient, mais ils sont juste aller faire des travaux dans la Forêt avec Hagrid. Je pense que c'est grâce à Neville, ça. Il bien d'une belle famille de Sang-Pur. Ils essaient de les bichonner quand ils le peuvent.
-Se les mettre à dos mettrait sacrément à mal leur rhétorique selon la quelle ils sont les protecteurs de la pureté du sang ...
-Exactement. Mais je ne sais pas comment ça va se passer, maintenant que Luna a été enlevée ...
-Le Chicaneur a totalement modifié sa ligne éditoriale, lui appris-je, désarçonnée par le désarroi qui faisait trembler sa voix. Peut-être que comme son père leur a obéit, ils vont la libérer ...
-Ginny sortait avec Harry, non ? s'enquit Simon.
Susan et moi haussâmes les sourcils de concert. Simon n'était pas connu pour être quelqu'un qui prêtait attention aux ragots, à fortiori quand elles concernaient des romances adolescentes.
-Ils sortaient ensemble en fin d'année dernière, confirma Susan, perplexe. Mais je serais moins affirmative maintenant, ça a l'air compliqué compte tenu qu'elle est à l'école et Harry ...
Dieu seul le sait, complétai-je intérieurement. Les dernières nouvelles certaines que nous avions des activités de Harry était sa tentative d'introduction au Ministère en Septembre, pour des raisons totalement obscure. D'après Simon, chez Bill, Ron était tout aussi avare d'information : sa défection ne l'empêchait pas de garder les secrets de son meilleur ami.
-Il ne lui a certainement rien dit, fis-je valoir, comprenant où Simon voulait en venir. Tu as vu comment est Ginny ? Elle serait venue avec lui s'il lui avait fait part d'un quelconque plan.
-C'est clair, m'appuya Susan. Elle est fougueuse, habitée par son idéal et ses valeurs. Elle n'a pas hésité un seul instant à ressusciter l'A.D., dès le premier jour de cours. En même temps, il faut dire que c'est tellement scandaleux ce qu'on nous enseigne ... On compense en écouter Potterveille en douce dans nos chambres ...
-Sérieux, même à Poudlard ? s'amusa Simon.
Fred et George avaient certainement dû trouver le moyen de passer l'astuce à leur sœur ... Eux aussi avaient fait partis de l'A.D., à l'époque. Susan nous expliqua qu'ils communiquaient toujours avec un Gallion ensorcelé : c'était certains que les jumeaux avaient gardé le leur pour pouvoir échanger avec leur sœur, comme Susan et Simon avec leurs carnets. Tout le monde avait pris ses dispositions pour que le lien entre les familles ne soit pas coupé ...
-Poufsouffle est en tête du championnat, nous apprit-elle ensuite avec un sourire contrit. Mais ce n'est pas vraiment intéressant, on sait que le championnat est faussé. Tu te souviens de la règle des réunions interdites pour plus de trois personnes ? Rogue l'a rétablie ! Gryffondor a eu son autorisation de se composer la vielle de leur premier match, Serdaigle deux semaines avant. Pour l'instant on a gagné, mais j'attends de voir ce qui va nous tomber dessus quand on va affronter Serpentard ... Bref, c'était une grave erreur de s'attaquer à l'équité du Quidditch. Tout le monde s'est énervé, même ceux qui s'en foutent de ce qui se passe dehors. Le Quidditch c'est sacré, le Quidditch c'est au-dessus de tout idéologie, toute politique.
-J'ai toujours trouvé cette version du sport très utopique. Et qu'il y avait certaines limites à la apolitisation du sport. C'est clair que c'est poussé loin que de s'en servir comme instrument de propagande mais c'est tellement médiatique, on peut leur demander de transmettre des valeurs ... Et surtout on ne peut pas empêcher les joueurs d'avoir une conscience et d'agir en fonction. Il n'y a qu'à la reine qu'on empêche d'avoir une conscience politique.
-Et maintenant qu'elle a enfin fait son pèlerinage à Buckingham, elle en connait un rayon en terme de royauté, se moqua Simon.
-Hé ! Je te rappelle que toi aussi tu es un humble sujet de la reine Elizabeth, tout sorcier que tu es !
-J'ai des doutes sur le « humble » ...
-Même moi j'ai des doutes sur le « humble », trancha Simon, provoquant l'éclat de rire de sa sœur.
Il s'extirpa de son siège et se glissa dans la cuisine pour se faire un café, me laissant seule avec Susan. Comme la visite d'Emily à Londres, la présence de mon amie gonfla mon cœur de joie et de reconnaissance. Une véritable bouffée d'air frai qui chassa totalement la vague mélancolie qui avait pu s'installer en moi à l'idée de passer Noël sans ma famille. Quelques jours plus tard, Julian avait déjà retiré quelques décorations comme Rodolphe le renne, mais le sapin illuminait toujours l'appartement. Par ailleurs, les décorations étaient presque les seules lumières de la pièce plongée dans la nuit qui enveloppait Oxford, des lumières tamisées, intimistes qui se reflétaient joyeusement dans les yeux luisants de Susan.
-J'ai cru qu'il allait s'énerver pour l'A.D., me confia-t-elle à voix basse. Je ne l'ai pas évoqué à la maison parce que je ne veux surtout pas que ça tombe dans l'oreille de mes parents ...
-D'une, il sait qu'il est très mal placé pour te dire quoique ce soit. De deux, il sait que tu es une grande fille majeure. De trois, tu as parfaitement prévenu de ce qui se passerait si quelqu'un osait te dicter ta conduite.
-Oh, se souvint-t-elle, les yeux écarquillés. C'est vrai que j'ai fait ça. Maintenant que j'y pense, c'était un peu violent, mais je crois que j'ai perdu tout mes filtres avec ma mère.
Elle tourna les pages de l'album qu'elle consultait toujours de façon passive, plus pour s'occuper les mains qu'autre chose.
-Ils essaient tous les deux me convaincre de rester à la maison, chuchota-t-elle, un pli amer au coin de la bouche. Ça les angoisse totalement de me savoir à la merci de trois Mangemorts et je les comprends totalement mais ... je ne vois pas en quoi ça réglerait les choses que je ne retourne pas à Poudlard. Je serais une clandestine, comme toi. Mes parents feraient un acte ouvert de rébellion qui leur attirera l'ire du Ministère. Ils n'attendent que ça, qu'un prétexte pour les enfermer ... Ce n'est pas moi qui vais leur donner. Et puis je ne vais pas abandonner les autres à Poudlard pour rester au chaud à Terre-en-Landes dans les jupes de mes parents ... non ?
-Susie, je suis encore moins bien placée que Simon pour te dire quoi faire. Tous les signaux me hurlaient de partir aux Etats-Unis et pourtant je suis là.
-Oui mais toi tu es courageuse, marmonna Susan. Tu t'es battue contre Nestor à Bristol, tu es rentrée dans l'Ordre, tu t'es encore battue chez tes grands-parents ... tu es une battante, Vic'.
Je gardai le silence, embarrassée par l'exposé. J'en avais assez qu'on me répète que j'étais courageuse d'être restée alors que je me sentais surtout égoïste d'apporter le danger sur chaque personne qui me côtoyait, comme si j'étais porteuse d'une infection. Certes, le fait d'aider Noah dans ses projets avaient aidé à atténuer la sensation : enfin, je m'étais sentie active, utile. J'avais même passé les derniers jours à retravailler des morceaux de mon livre pour qu'il puisse le publier sous le nom du Perroquet Noir dans la Voix du Chaudron. D'après Julian, Joséphine avait consenti à déclarer le vol et à totalement passer dans la clandestinité, mais serait moins active le temps d'être assurée que sa famille ne risquait rien. Pour des raisons de praticité et de prudence, le tirage devait être réduit en terme de volume et de contenu, mais Noah ne pouvait pas remplir les pages à lui seul. Mon livre était déjà tout prêt, tout frétillants d'idées qui n'avaient pas pu toucher les foules : autant qu'il serve quelque part. Je me gardais juste d'utiliser les parties entièrement pensées et rédigées par Octavia. Je ne voulais pas risquer d'associer son nom à une entreprise illégale.
-Toi aussi, Susie-jolie, tu es sacrément courageuse, assurai-je en couvrant sa main. Il en faut pour faire ce que tu fais avec l'A.D. ...
-Je ne fais vraiment pas grand-chose ... J'écris juste quelques phrases sur les murs ...
-C'est plus qu'une grosse majorité. Bon, je vais voir ce que ton frère fait dans la cuisine.
-Tu peux dire que tu vas en profiter pour l'embrasser, plaisanta Susan avec un sourire mutin. C'est bon, je m'y suis faite maintenant.
Pour toute réponse, je lui donnai une pichenette sur la tempe avant de me lever du sofa. Contrairement à la pièce principale, la lumière était grande ouverte dans la cuisine pour éclairer les gestes de Simon. Je compris en un coup d'œil pourquoi le café prenait tant de temps : il en avait profité pour faire un chocolat chaud pour Susan et moi. Touchée, je l'enlaçais avec un sourire.
-J'espère que tu as mis du miel ...
-Normalement la seule chose que tu as à dire c'est « merci » Victoria Bennett, répliqua Simon en versant le contenu fumant dans deux tasses.
-Hors de question, à cause de toi la pièce empeste le café. Je suis venue t'embrasser avant d'être repoussée pendant deux heures par son odeur infecte.
Les yeux de Simon roulèrent dans leurs orbites et il me repoussa d'un coup de hanche pour me faire payer ma médisance. Mais pour toute réponse, je l'agrippai par le col pour l'obliger à incliner la tête vers moi et voler un baiser à ses lèvres boudeuses qui s'accommodèrent bien vite de la situation.
-Il faut qu'on parle de ton petit mot, Simon Sirius Bones, murmurai-je avec un sourire malicieux. Comment ça se passe au pays d'imaginaire ?
-Deuxième étoile à gauche, tout droit jusqu'au matin ...
Mon rire fut étouffé par ses lèvres qui se posèrent sur les miennes avec plus de chaleur. J'abandonnai totalement l'idée de détromper Susan et enroulai mes bras derrière sa nuque, luttant contre un frisson qui me parcourait l'échine. D'une manière ou d'une autre, la petite Susan devrait se débrouiller pour rentrer : je comptais bien obliger son frère à faire de cette phrase une réalité pour clore mes périodes de fêtes troublées en beauté.
***
Et voilà ! Votre verdict sur ces fêtes toutes tranquilles ?
J'espère que vous a plu et que cette partie IV vous plait toujours autant ! En tout cas vraiment j'aime vraiment l'écrire, j'ai juste un MINI blocage depuis le début vraiment ça fait très longtemps que ça n'a pas été aussi fluide !
A la semaine prochaine pour LDP et deux semaines pour le prochain chapitre ! Bisous, prenez soin de vous !
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