IV - Chapitre 10 : Trouver un refuge

"- Marion retiens-moi j'ai envie de poster les deux chapitres à la suite parce que comme ça dans deux semaines c'est  **** 

- Avec un argument pareil comment tu veux que je fasses pour te retenir? 

- Non je peux pas je viens de reprendre dix chapitres d'avances ... 

- 10 chapitres c'est bien ... 

- Marion, tu es nulle à me retenir" 

SO HERE I AM

(Oui pour ceux qui arrivent juste là, y'a le CHAPITRE 9 à lire juste avant !)

ALORS CA C'EST DU CRAQUAGE 

Mais alors du craquage en beauté 

Mais bon. J'ai écris jusqu'au chapitre 19, j'ai de l'avance, je suis en vacances, Anna' ne m'a ABSOLUMENT PAS RETENUE ... Alors craquons, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise NOUS SOMMES DE FAIBLES AMES 

Donc voilà. Bon bah profitez bien de ce petit craquage de vacances (oooh c'est les vacances allez !) et enjoy ! 

PS : la citation n'a qu'un rapport limité mais je la trouve inspirante. 

***

Soyez votre propre lampe, votre île, votre refuge. Ne voyez pas de refuge hors de vous-même. 

- Bouddha

***

Chapitre 10 : Trouver un refuge.

-Laisse-moi faire la vaisselle ...

-Je m'en occupe.

-Dora ... S'il te plait ...

Un bruit de porcelaine brisée me sortit définitivement de ma torpeur et mes yeux s'entrouvrirent. Ma cornée me brûlait atrocement, et la faible lumière matinale suffit à m'éblouir. Heurtée, je me pelotonnai dans ma couverture et tentai de retrouver le sommeil malgré l'agitation derrière moi. Le son des morceaux de verres qui crissaient sur le sol me faillirent m'arracher un gémissement.

-Laisse ça, je m'en occupe !

-Dora, sois raisonnable ...

Quelque chose tomba dans l'eau et aspergea les murs. Je frissonnai dans mes couvertures, indisposée par le bruit et les éclats de voix.

-Sois raisonnable ? Tu te moques de moi ? Tu te pointes comme une fleur à l'aube et tu oses me demander d'être raisonnable après des jours – que dis-je ? Des semaines ! de silence radio ? Non mais je rêve !

-Attention, tu vas la réveiller ...

Un claquement de langue agacé se fit entendre, ainsi que le tournoiement infernal de mains dans le bac de vaisselle.

-Va te faire foutre, Remus.

-Tu as le droit ... Vraiment, tu as le droit de me traiter comme ça, de m'en vouloir à mourir ... Mais je suis là, maintenant et te promets de toujours l'être ... les semaines de silence radio ... j'avais besoin de prendre du recul, de réfléchir ... qu'on me remette les idées en place.

-Eh bien continue ! Je n'ai pas besoin de toi, je me débrouille très bien toute seule !

-Dora ... Dora, pardonne-moi ...

Un rire sinistre résonna dans la pièce. Il m'était tellement étranger, tellement glaçant, que je mis plusieurs secondes à comprendre qu'il émanait de Tonks.

-Pardonner ? Mais tu attends quoi ? Que je te reprenne alors que tu m'as claquée la porte au nez deux jours après avoir appris qu'on allait devenir parents ?

La nouvelle me réveilla définitivement et me fit écarquiller les yeux derrière mes paupières closes. Je remontai discrètement ma couverture à mon visage pour masquer la bouche qui venait de béer de stupeur. Le long et lourd silence qui suivit me permit de digérer l'information, de la lier à l'air épuisé de Tonks, à la couleur presque verdâtre qui avait teinté sa peau lorsqu'elle était venue chez les Bones, aux mèches souris qui avaient de nouveau envahie sa chevelure.

-J'ai paniqué ..., murmura Remus d'un ton étranglé. Je m'en suis ... tellement voulu de t'imposer ça ... tellement ...

-M'imposer quoi ? On en avait parlé. Tu savais que je voulais des enfants. C'est en parti pour ça qu'on s'est marié si vite ... on avait gâché un an, pas question de gâcher ... un jour, une heure, une minute ... et toi ... toi ...

-Tu ne te rends pas compte ! Tu ne te rends pas compte de ce que ça va être de vivre avec ...

-Arrête ! Je te jure que tu remets ta lycanthropie sur la table, je te jette une assiette à la figure ! J'en ai assez que tu te réfugies derrière cette excuse pour me fuir ! Parce que c'est ça le problème, Remus ! Pas que tu sois inquiet, pas que tu aies paniqué, si ça n'avait été que ça j'aurais trouvé des ressources intérieures pour comprendre. Mais fuir ? Fuir ça n'aurait rien résolu ... Regarde ma main ! Nous sommes mariés, l'enfant est là, dans mon ventre ! Tu voulais faire quoi en t'en allant, nous protéger ? Mais le mal est fait Remus ! Alors arrête de dire que tu as voulu nous protéger, c'est faux. Tu as voulu fuir, tout simplement. Fuir ce que tu penses avoir provoquer, les conséquences de tes choix. Tu as honte de tes choix.

-Pas de toi, rectifia immédiatement Lupin, l'air affecté. Pas de toi, Dora ... justement, tu es merveilleuse, tu ne mérites pas que ...

-Je vais t'envoyer l'assiette, attention.

Je me tendis, attendant presque le son de l'impacte de la porcelaine sur le crâne de mon ancien professeur, mais il ne vint pas. Au lieu de cela, Tonks poursuivit dans un filet de voix qui me brisa le cœur :

-Je suis épuisée. Je t'ai couru après, rassurée, attendu, pris mon mal en patience, accepter tes angoisses. Et en échange j'ai quoi ... ? Non c'est bon, j'en ai assez. Il ne s'agit plus que de nous désormais, je dois garder mes forces ... alors si tu veux revenir, tu vas devoir ramper.

-Comme tu le voudras. Je ramperai.

Il y avait une certaine ferveur, une conviction brûlante dans la voix de Lupin qui parut éteindre toutes les protestations de Tonks. Pendant quelques secondes, je n'entendis rien d'autre que la vaisselle et quelques reniflements et un « ne me touche pas » si bas qu'il fut presque englouti dans le reste.

-Tu veux te rendre utile ? cingla-t-elle finalement. Va nous chercher Simon, le prévenir que Victoria est là. Il doit se faire un sang d'encre et ce sera sans doute la première chose à laquelle elle va penser en se réveillant ...

Non, c'était faux. A dire vrai, la nuit avait suffi à me faire oublier les cris, l'urgence, le baiser teinté de sel et la boule d'angoisse dans la poitrine. Mais tout réapparut avec une violence inouïe dès que Tonks évoqua Simon. Une vague de panique me parcourut aussitôt et je faillis me redresser, lourdement consciente du temps qui venait de s'écouler. Je ne sus où je trouvais la force de rester immobile, les dents plantées dans ma lèvre inférieure et mes ongles incrustés dans mes paumes, me concentrant sur la piqure de douleur plutôt que sur le maelström qui m'agitait.

-Le Ministère surveille certainement la maison, maintenant ..., fit valoir Remus avec une certaine réticence. Ils seraient trop heureux de voir un loup-garou entrer dans une demeure qu'ils viennent de cibler ...

-Tu plaisantes j'espère ? Tu n'arrêtes pas de me parler de tes jeunes années où tu faisais les quatre-cents coups avec Sirius et James Potter. Il te reste bien des vestiges de cette époque, non ? Des petits trucs dont tu pourrais te servir pour entrer sans trop te faire repérer ? Tu as bien su le faire au nez et à la barbe de Dumbledore !

Remus soupira profondément, un soupir qui m'apparut comme douloureux, expiant tous les souvenirs fastes qui ne résonnaient à présent qu'avec des fantômes.

-Très bien, je vais me débrouiller... Il n'empêche ...Ça n'a aucun sens qu'ils aient cherché des noises aux Bones ...

-Aucun ... Peut-être que Simon pourra nous éclairer.

-Sans doute ... J'y vais ... Je reviens.

Tonks lâcha un ricanement incrédule. Quelques secondes plus tard, la porte claquait et des pas dévalèrent l'escalier qui menait à l'entrée. Je pris plusieurs grandes inspirations, laissant s'égrainer quelques minutes avant d'enfin lever la tête. Tonks était assise sur la table de la cuisine devant un thé. Son teint était singulièrement pâle quand un rayon de soleil la frappa, je réalisai également qu'elle pleurait. Mais elle sécha ses larmes d'un revers de manche ci-tôt que j'eus posé un pied sur le parquet.

-Hey, croassa-t-elle en s'efforçant de me sourire. Bien dormie ? Remus est parti ...

-Je sais.

Je m'installai face à elle et lui pris la main sans réfléchir, grillant allègrement mon espionnage fortuit. Tonks ne chercha pas à comprendre et ferma les yeux pour laisser échapper une nouvelle larme. Elle porta son autre main à son front pour soutenir sa tête qui semblait trop lourde à porter pour ses cervicales.

-Félicitations en fait, chuchotai-je, lui arrachant un petit rire.

-Tu parles. Dans quelle famille il va venir au monde, ce bébé ...

L'amertume débordait dans sa voix mais ses doigts abandonnèrent immédiatement sa tête pour aller se loger sur son ventre. Je restai coite, embarrassée. J'étais partagée entre l'incompréhension de désirer un enfant dans une époque aussi troublée et une colère sourde envers mon ancien professeur. J'avais pu constater à quel point Tonks avait été malheureuse toute l'année écoulée, ses parents venaient d'être torturés, le monde valsait, sa vie s'apprêtait à être bouleversée ... C'était arrivé à mon frère. Alexandre avait pris ses responsabilités, avait fait ce qu'il fallait pour préserver sa future famille. Plus âgé et plus expérimenté, Remus Lupin avait préféré céder à la panique et prendre la porte. J'étais atrocement déçu, une nouvelle fois, par un homme que j'avais admiré pour sa bienveillance. Tonks ne méritait pas cela ... cet enfant non plus.

-Ça fait combien de temps que tu es toute seule ? osai-je demander quand Tonks se fut quelque peu calmée.

-Un peu plus d'un mois. On s'est disputé après la chute du Ministère ... je venais juste d'apprendre que j'étais enceinte, le matin même du mariage de Bill ... Je voyais qu'il n'était pas à l'aise, je m'y étais attendu ... Quelque part, je savais qu'il culpabilisait encore de m'avoir épousé. Les loups-garous sont vraiment rejetés de la société, stigmatisés ... leurs proches aussi ... (Elle caressa son ventre d'un geste distrait). Et c'est génétique. Il y a une chance pour que ça en soit un aussi ... Mais quelle importance ? Ce n'est qu'une maladie avec laquelle on vit très bien. Très bien ... je l'aimerai de tout mon cœur, quoiqu'il arrive. Jamais il ne se sentira rejeté ...

Les peurs de Remus étaient légitimes, dus-je admettre cependant. La lycanthropie était si mal vue que les parents s'élèves s'étaient ligués pour obtenir son départ de Poudlard, lors de ma cinquième année. Malgré l'optimisme de Tonks, la vie de cet enfant s'il s'avérait qu'il ait hérité du gène ne promettait pas un immense bonheur. Mais elle avait eu raison. Le mal était fait. Il fallait à présent assumer ... de ne pas laisser cet enfant grandir dans une famille brisée. Tonks cligna des yeux plusieurs fois. Les larmes s'étaient taries. Elle semblait simplement vidée de toute énergie, comme moi hier soir.

-Je me fiche d'être une paria, murmura-t-elle à sa tasse de thé. Tout ce que je veux c'est que lui, moi et cet enfant on forme une famille. C'est trop demandé ?

-Non ... Non, je ne pense pas ... Mais tu vas l'avoir, non ? Il est revenu ...

Tonks me gratifia d'un regard vide de toute expression qui étouffa le reste de mes mots dans ma gorge. Quelque chose en moi remua en mémoire de l'abandon de Simon, réveillant colère et trahison qu'étouffèrent vite l'inquiétude. J'étais mal placée pour l'enjoindre à pardonner et oublier ... Moi-même j'avais eu toutes les peines à mettre la blessure en sourdine.

Seigneur ... Simon, s'il te plait ...

Son ultime baiser picota sur mes lèvres et je fermai les yeux, prête à fondre en larme tant l'angoisse m'étreignait. Qu'est-ce qui avait pu se passer dans cette maison, toute une nuit ... ? Les cris de Rose leur avait-il suffi ... ? Un sanglot me noua la gorge. Par pitié, que les cris aient suffi ... Qu'ils ne soient pas aller chercher pire ... Je pris une tremblante inspiration qui ne suffit pas à exploser la boule douloureuse logée dans ma poitrine.

-C'est drôle, lançai-je d'une voix mal assurée, rauque. La copine de mon frère ... elle est enceinte aussi, c'est ce qui l'a poussée à partir ...

Le regard de Tonks s'éveilla, visiblement alertée par ma détresse évidente mais je ne lui laissai pas le temps d'intervenir :

-Et ton amie Joséphine, aussi ... je ne pensais pas que les gens prendraient le risque d'avoir des enfants avec ce qui se passe ...

-On a quasiment le même âge ..., fit remarquer Tonks, comprenant visiblement que je souhaitais me changer les idées. L'âge où on commence à avoir des envies de fonder une famille ... Je suppose qu'on ... veut continuer à vivre. Ne pas laisser la guerre nous dicter nos choix. C'était l'argument de Jo quand elle a commencé à parler enfant, alors même qu'on venait d'annoncer le retour de Tu-Sais-Qui ... Même moi je lui ai dit « ça ne te fait pas peur ? ». « Depuis quand j'écoute les gens et j'agis raisonnablement ? ». Ça s'est sûr ...

-Alex c'est un peu ça aussi, avouai-je avec un rire étranglé. Un jour, ils ont eu envie ... il n'est pas du genre à laisser les événements brider ses désirs ...

De nouveau, Tonks m'adressa un regard peiné et dans ses prunelles, j'y lus la promesse muette que je reverrai mon frère. Que je connaîtrais son enfant. Mais comme cela ne faisait qu'ajouter à mon stress, je m'enquis timidement :

-Et toi ? C'était ... voulu ?

Les lèvres de Tonks se tordirent et elle détourna les yeux pour les river sur la fenêtre. Le temps était voilé, presque orageux et pourtant parfois le soleil parvenait à s'infiltrer entre les épais nuages pour nous rappeler son existence.

-Oui et non. J'en voulais, mais je savais que Remus était encore fragile sur nous, malgré le mariage ... Il a profité d'un passage à Ste-Mangouste pour se faire appliquer un sortilège de contraception. Mais j'en sais rien ... peut-être que dans les calculs, ils ont oublié de prendre en compte le fait que c'était un loup-garou. Que ça fait qu'il y a des petites subtilités magiques qui fait que le sortilège fonctionne moins bien. Vraiment moins bien, visiblement ...

-Tu feras une mère formidable, tentai-je de la rassurer en voyant son visage se crisper. Il faut juste qu'on travaille ta voix de crécelle ...

Elle me tapa gentiment la main avec un rictus qui tenait presque du sourire. Mais j'en étais persuadée. La façon dont sa main ne quittait pas son nombril prouvait amplement l'amour qu'elle éprouvait déjà pour l'enfant qui grandissait en son sein. Mais plus que Tonks, j'étais surtout convaincue des compétences de Remus en terme de paternité. Si seulement il pouvait passer outre sa lycanthropie ... mais je supposais que c'était une cicatrice semblable à celle que le 13 août avait laissée sur l'âme de Simon. Un poison intérieur contre lequel il devrait lutter toute sa vie.

-Je suis moins inquiète sur ma qualité de mère que sur l'environnement dans lequel je vais élever ce bébé, lâcha-t-elle alors durement, le visage fermé. Je n'avais pas forcément d'une raison de me battre, j'ai le feu anti-magie noire depuis que je suis toute petite ... Mais alors là ...

Le feu était devenu brasier, si bien que les cheveux de Tonks passèrent du châtain au rouge en une fractions de seconde et s'agitèrent étrangement, se raccourcissant puis s'allongeant comme pour imiter le crépitement d'une flamme. J'écarquillai les yeux devant le phénomène.

-Ils peuvent trembler.

-Mais j'espère bien qu'ils tremblent ! (Elle battit des cils bien qu'aucune larme ne soit visible). Tu sais, mon père est né-moldu aussi. Il ne s'est pas présenté à son entretien lui non plus ... ça fait des semaines que je lui dis de se barrer ... Mais il veut rester avec ma mère tant qu'il le peut. Je suppose que c'est ça l'amour ... N'empêche, je veux que mon bébé puisse connaître son grand-père ...

J'ouvris la bouche, touchée par l'histoire qui résonnait profondément en moi. Mais je n'eus le loisir de répondre : en bas, la porte venait de claquer. Mon cœur fit un bond dans ma poitrine et je levai, prête à me précipiter dans les escaliers mais Tonks m'arrêta vertement en agrippant mon poignet. Sa baguette était apparue dans sa main et elle me fit sèchement signe de rester derrière elle. Ce fut bien Remus qui passa la porte quelques grincement d'escalier plus tard. Il avait la mine encore plus miséreuse que celle de Tonks, blême, les yeux enfoncés dans ses orbites et la peau marquée par des cernes sombres qui ressemblait presque à un œil au beurre noir. Il leva une main face à la baguette de Tonks pointée en sa direction, assez menaçante pour qu'un éclat inquiet traverse son regard.

-Je suis Remus John Lupin, déclara-t-il immédiatement. Et ...

-... vous avez parié sur Victoria et moi dès notre premier cours, vous nous l'avez dit au mariage ! Bougez, maintenant !

Le sanglot que j'avais réprimé depuis mon réveil jaillit enfin de ma gorge. Sans même attendre que Tonks abaisse sa baguette, je la repoussai au moment où Simon s'infiltrait entre Remus et la porte. Il fallut que mes doigts l'atteignent, que je sente la chaleur rassurante de sa peau, que je pende à son cou et que son souffle se répande de le mien pour que la boule de panique disparaisse de ma poitrine.

Il est vivant ... Oh Seigneur ...

L'étreinte de Simon me broyait les côtes, mais peu m'importait. Je ne l'imaginais même pas capable d'une telle force ... Mais je savais échapper à toutes ses règles. Je déréglais complètement son système.

-Je t'avais dit que je te retrouverai, haleta-t-il sans me lâcher. Je te l'avais dit ...

Je hochai la tête contre son épaule, incapable d'articuler le moindre mot. Il fallut encore quelques secondes pour que je m'autorise à m'écarter, mais seulement pour prendre le visage de Simon en coupe contre mes mains et l'observai sous toutes ses coutures. J'eus à peine d'effleurer ses yeux veinés de rouge aux iris assombries, la pâleur de sa peau sous ses tâches de rousseurs que je trouvais une petite plaie au coin de ses lèvres desquels s'échappaient un souffle fébrile. Je l'effleurai du pouce. Le simple boursoufflement de la peau sous mon doigt suffit à injecter une terrible fureur dans mes veines.

-Je vais les tuer. Je te jure ...

J'eus à peine conscience de prononcer ces mots, tant j'étais obnubilé par la marque rouge au coin de sa bouche qui frémit d'un petit sourire.

-J'ai hâte de voir ça, crois-moi ...

Mon cœur tomba dans ma poitrine. Il ne m'avait pas rassuré, pas détrompé ... Comprenant ce que cela sous-entendait, je fus partagée entre l'envie de saccager la maison et celle de m'enfoncer sous terre. Je choisis une solution médiane en attirant de nouveau Simon contre et attachant mes mains derrière son dos pour maîtriser les tremblements qui venaient de s'éprendre de mes doigts. Cette fois, la prise de Simon se fit moins désespérée, plus tendre et un baiser vient se perdre dans mes cheveux.

-Ça va ... Vicky, je te jure que ça va ... Mes parents vont bien aussi ... Ils ont fait le tour de la maison et sont partis aussitôt ...

-Mais pourquoi sont-ils venus ?

La question de Tonks me ramena brutalement à la réalité. Simon et moi n'étions pas seuls dans cette pièce ; la guerre ne se réduisait pas à cette marque rouge sur sa joue. Je m'écartai à regret pour faire de nouveau face à Tonks. Remus l'avait rejointe et je remarquai distraitement leurs mains entrelacées qu'ils lâchèrent dès que nos yeux se posèrent sur eux. Simon m'enlaçait toujours d'un bras et je le sentis se tendre à mes côtés, une tension qui fit refermer ma cage thoracique sur mon cœur.

-C'est moi ? demandai-je dans un souffle.

-Non, répondit immédiatement Simon avec fermeté. Non ... pas exactement ...

Il se passa une main sur le visage et je réalisai subitement à quel point il était las : je doutais qu'il ait fermé l'œil de la nuit. S'il m'enlaçait encore, c'était que ses jambes pouvaient à peine le soutenir. Je l'accompagnai jusqu'à une chaise et Remus se dépêcha de nous servir des boissons chaudes. Le simple arôme du chocolat aida mes muscles à se détendre et Simon attendit d'avoir ingurgité tout son café avant d'expliquer d'une voix atone :

-Non, ce n'était pas toi. Ils ne t'ont pas évoqué, ils ont fouillé la maison mais par formalité, simplement pour mettre un peu de bordel. Ils ne cherchaient rien. Sinon ils auraient pu remarquer qu'il y avait une fille dans ma chambre assez facilement ...

Un peu honteuse, je me rappelai du soutien-gorge que j'avais retiré au cœur de la journée et que j'avais laissé tomber au pied du lit sans le ranger, presque curieuse de la façon dont Simon réagirait s'il tombait dessus. Oui, en effet, l'indice était plutôt flagrant et la négligence fit dresser les sourcils de Remus.

-Alors pourquoi ils étaient là ? Simon, ça n'a aucun sens qu'ils brutalisent tes parents à ce stade de la guerre ...

-Mon père pense que c'est à cause de lui ... il a ... jeté un sort de confusion à un Auror pour qu'un né-moldu qu'il accompagnait à Azkaban puisse s'échapper. Mais là encore ils n'en ont fait aucune mention ... Ma mère pense plutôt que le Ministère fait du zèle depuis qu'il y a eu une effraction en début de mois dans les locaux du Ministère, je ne sais pas si vous en avez entendu parler ...

-Des Nés-moldus se sont échappés, si, confirma Remus avec l'ombre d'un sourire. Paraîtrait-il, Ombrage aurait été agressée ...

-A qui dois-je envoyer des fleurs ? lançai-je en haussant les sourcils.

Je n'avais pas eu vent d'un tel exploit, mais le Ministère devait certainement l'avoir fait passé sous silence absolu, ou le minimiser en une « effraction » comme l'avait nommé Simon. L'espoir qui luisait faiblement en moi depuis le début de ce cauchemar s'éveilla quelque peu, rependant une chaleur rassurante dans ma poitrine. Mais Simon semblait être dubitatif. Il saisit la cafetière pour se resservir, mais il ne toucha pas au liquide noir qui fumait dans sa tasse.

-Quoi ? s'enquit Remus en remarquant sa mine songeuse. Tu penses à quoi ?

-Je ne suis pas sûr ...

-Dis toujours.

Le coin de la bouche de Simon se plissa, attirant mon regard sur la petite plaie au coin de ses lèvres. Je détournai les yeux, les dents serrées. Peut-être qu'ils n'étaient pas venus me chercher, mais la culpabilité qui me plombait les entrailles n'avait en rien disparue.

-Ils n'arrêtaient de dire « alors, qui l'a dit ? Qui ose prononcer son nom ? », révéla alors Simon.

-Son nom ? Tu veux dire Vol ...

Mais Simon coupa Remus en frappant sèchement la table, les yeux écarquillés en un avertissement. J'échangeai un regard perplexe avec Tonks qui haussa les épaules, l'air tout aussi perdue que moi.

-Il existe un enchantement, expliqua Simon avec prudence. C'est extrêmement difficile à lancer et surtout ça demande des moyens monstrueux pour que ce soit efficace ... On appelle ça le « Tabou ». On ensorcelle un mot, et quiconque le prononce peut-être magiquement repéré.

-C'est vraiment possible, ça existe ? s'étonna Tonks, sceptique.

-Je vous l'ai dit, c'est difficile et pour que ce soit efficace, il faut que les moyens soient là et que le mot en question soit rare. Or, on peut dire que c'est le cas pour Tu-Sais-Qui et que maintenant ils ont toute la logistique du Ministère ... donc ça me paraît plausible.

-Et quelqu'un a prononcé son nom hier ? Je pensais tes parents plus superstitieux ... Oh ...

Je venais de plaquer ma main contre ma bouche, horrifiée. Je tentai de trouver le regard de Simon mais lui l'avait vrillé sur son café, la mâchoire contractée. C'était moi. Pour une raison des plus futiles, pour une idiotie, mais c'était moi tout de même.

-Victoria, si c'est bien cela, tu ne pouvais pas savoir, lança immédiatement Lupin d'un ton presque sévère. Qui pourrait imaginer une chose pareille ?

-Mais c'est vraiment ça ? continua de douter Tonks. Ça me semble gros ...

-Moi aussi, admit Simon. Surtout que ... c'est dingue, ils ont transplané devant la maison malgré nos sorts de protections, ce n'est pas normal ... (Il se frotta le front). Mais quand Victoria a prononcé le nom, hier ... j'ai ressenti je ne sais pas, une sorte de frémissement. Je n'ai pas réfléchi sur le coup mais ça m'est revenu dans la nuit ... une sensation étrange. Je suis habituée à ressentir physiquement les émanations magiques et je suis quasiment certain que c'est ce qui s'est passé quand Victoria a dit ... ça.

Tonks et Remus contemplèrent Simon, l'air sonné, presque atterré. Je pressai mon poing contre ma bouche, le ventre noué. Ma culpabilité devait être si évidente que Simon finit par glisser sa main dans la mienne et par la presser doucement.

-Si c'est le cas c'est intelligent, lâcha Tonks, frappée par la foudre. Il n'y a que les opposants ouverts et virulents qui osent ... Des proches de Dumbledore ...

Elle coula un regard vers Remus dont la mâchoire était si serrée qu'elle en paraissait soudée. Mon ancien professeur était l'une des rares personnes que j'avais entendue prononcer le nom de Voldemort sans crainte ...

-Ce n'est pas possible, je n'ai pas été la première à faire ça en un mois ? réalisai-je. Vraiment ?

-Non, tu ne l'es pas, assura Remus avec une glaçante conviction. Harry s'est fait avoir aussi.

-Pardon ? réagit Tonks.

-Je suis allé le voir, juste après ... le mariage. Des Mangemorts l'ont trouvé en plein Londres, dans un café paumé. Il pensait même avoir la Trace encore sur lui, mais c'est impossible ... Si Simon dit vrai, ça pourrait l'expliquer ... A dire vrai ... ça colle trop pour qu'on écarte ça d'une pichenette.

Avoir des nouvelles de Harry Potter me donna l'impression d'être une privilégiée. Sur La Gazette qui trainait encore sur le coin de la table, son visage apparaissait encore avec la somme promise pour sa capture. Avec tout le tapage médiatique qui se faisait autour de sa figure, parler de lui ouvertement avait un goût d'interdit.

-Comment il va ? s'inquiéta Tonks. Et les autres ?

-Dora ...

-Arrêtez, on sait que Hermione et Ron sont avec lui, intervint Simon en levant les yeux au ciel. Il faut être Mangemort pour croire à la maladie de Ron et Hermione est en fuite.

-Et je veux juste savoir s'ils vont bien, insista Tonks. Je ne suis pas idiote, je ne veux pas savoir ce qu'ils font, garde ça pour toi si tant est que tu le sais ...

-Parce qu'ils font quelque chose ?

-Dora ..., soupira Remus en se massant la tempe.

-Remus, tu rampes, oui ou non ?

La main de Remus se figea sur son front. Tonks le défia du regard, les sourcils levés en une expression suggestive et il céda du bout des lèvres :

-Ils vont bien ... Aussi bien qu'on peut aller dans cette situation. Quant à la question de ce qu'ils font, vous comprendrez que je ne peux pas y répondre ...

-Ça veut dire oui, comprit Simon avec un sourire suffisant.

-Dis donc, toi, c'est le moment de fanfaronner ? Dis-nous en plus sur ce « Tabou », plutôt.

Le rappel eut pour mérite d'effacer ce petit sourire des lèvres de Simon – et jamais je ne fis si triste de voir ce sourire arrogant contre lequel j'avais tant lutter se faner. La mine concentrée et sinistre qui le remplaça me fit l'effet d'un poing dans l'estomac.

-Je n'ai pas grand-chose à dire de plus ... Si j'ai raison, alors n'importe quelle personne qui prononce son nom sera immédiatement repérée par le Ministère, qui rappliquera immédiatement... Je vous dis, ce qui m'inquiète c'est qu'ils ont pu transplaner directement à l'intérieur de notre propriété. Je veux dire ils ont les moyens du Ministère, mais normalement ils doivent quand même se déplacer pour défaire les sorts, non ?

-Normalement oui, mais tu t'y connais mieux que nous en enchantement ..., dit Remus. Si ça peut te conforter, je demanderai à Bill ce qu'il en pense. Mais si c'est vraiment ça ... il va falloir prendre toutes nos précautions – et défaire certaines habitudes.

Il planta plus particulièrement son regard sur moi et je rentrai la tête dans mes épaules. Le pire dans tout cela était que j'avais passé la majorité de ma vie de sorcière à taire son nom, jusqu'à cette discussion avec Dumbledore sur les gradins de Quidditch, après la mort de Cédric. La discussion qui avait planté la graine de la révolte en moi ... La révolte n'avait fait que grandir, mais cette décision là devrait visiblement être révoquée. La peur d'un nom ne fait qu'accentuer la peur de la chose en elle-même ... Simon l'avait dit. La peur, ça marchait toujours et ils voulaient l'instaurer dans tous les Foyers ...

-Sinon quelqu'un se dénonce pour prononcer son nom et on voit ce qui se passe, railla Tonks.

Mais sa verve était faible : son teint était passé au verdâtre en une fraction de seconde. L'instant d'après, elle bondissait de sa chaise, la main sur la bouche et courrait vers les toilettes. Remus la suivit de près, visiblement inquiet et désireux de la soutenir. Simon grimaça lorsque des bruitages d'éclaboussure nous parvinrent.

-Qu'est-ce qui se passe ?

-Elle attend un bébé.

-Elle aussi ? se récria Simon, interdit. Mais c'est pas possible, c'est une épidémie ?

-Si c'est le cas, reste loin de moi.

Simon baissa sur moi un regard torve devant lequel je me recroquevillai. Ma posture décomposa complètement son visage et il pivota aussitôt sur ma chaise pour faire face et emprisonner mes mains dans les siennes. Ses prunelles étincelaient mais moi je continuai d'être focalisée sur cette petite marque rouge au bord de ses lèvres.

-Vicky, tu as entendu Remus. Si c'est ça, jamais tu n'aurais pu deviner. Ne t'en veux surtout pas ...

-Tu as dit que c'était qui ?

Simon papillonna des yeux avant de comprendre ce que je demandais. Ses traits se tendirent quelque peu et il avoua du bout des lèvres :

-J'ai dit que c'était moi.

Je fermai les yeux pour accuser le coup, le cœur au bord des lèvres. Ce fut une erreur : une fois dans noir complet, mon esprit dériva vers les songes atroces qui m'avaient hantées la veille. Simon parut le lire dans mon attitude. Il m'agrippa par la nuque et m'enfonça ses doigts dans ma peau pour me faire rouvrir les yeux. Une fois que ce fut fait, il planta son regard vert dans le mien.

-Vicky, ça va. C'est arrivé – ça allait arriver, forcément. Au moins maintenant que je sais à quoi m'attendre. Le plus important, c'est que tu sois partie à temps ... Je n'ose pas imaginer ce qui se serait passé s'ils t'avaient trouvé ...

Sa voix s'infléchit sur la fin et je couvris ses mains des miennes dans une tentative dérisoire de le tranquilliser. Maintenant que j'y songeais à froid, il avait eu raison de vouloir me pousser par la fenêtre. Non seulement cela aurait ruiné tous les efforts effectués pour me protéger mais en plus cela aurait définitivement grillé la famille Bones aux yeux du Ministère. Auraient-ils été jusqu'à les envoyer à Azkaban ... ? Certainement, s'ils les ont torturés pour une histoire de nom ... Un frisson glacé me parcourut l'échine.

-Ça va, chuchotai-je. Moi aussi je vais bien ...

Un faible sourire trembla sur les lèvres de Simon. De façon machinale, ses doigts cherchèrent mon bracelet et jouèrent avec les perles comme il jouerait avec les cordes d'une guitare.

-Je suis désolé ... j'ai dû brûler tes papiers, avoua-t-il honteusement. Ce que tu as fait dans l'après-midi, les synthèses de ton livre, même certains de tes brouillons ... S'ils étaient tombés dessus ...

Je faillis en fondre en larme. Ces brouillons, je les trainais pour certains depuis qu'Octavia était venue me trouver l'année dernière avec ce projet et j'avais pour cette trace de mon travail une tendresse toute particulière. Savoir qu'ils avaient fini en cendre de la baguette même de Simon me crevait le cœur, mais je ne trouvais pas de meilleure réponse que :

-Ce n'est pas grave, ce n'est pas grave ... Tu as eu raison, vous ... Vous auriez eu des ennuis s'ils les avaient lus.

-Mais je regrette, je suis tellement désolé ... Vraiment s'ils n'ont pas remarqué ton soutien-gorge dans ma chambre, ils n'auraient pas remarqué les parchemins non plus ...

J'essuyais le début d'un rire face à l'étrange analogie, même si Simon paraissait sérieux et sincèrement consterné. De nouveau, j'effleurai la petite plaie sur sa joue, de manière presque obsessionnelle.

-Il n'y a pas un sort qui peut arranger ça ... ?

-Si, ma mère s'en est déjà occupée hier soir, tenta-t-il de me rassurer.

Mais cela eut l'effet inverse. Car si Rose avait déjà appliqué toute sa magie – plutôt puissante – pour guérir son fils-chéri, c'était que la blessure avait dû être bien pire. Saignante. Douloureuse. De nouveau, un mélange de culpabilité et de fureur me parcourut tout entière en ayant l'effet désagréable de m'électriser autant que m'apathiser. Cela me poussa à incliner la tête et à poser mes lèvres sur la zone si proches des siennes, dans l'espoir absurde que cela résorberait la rougeur et atténuerait le souvenir. Simon frémit à mon contact et une seconde plus tard, sa main s'enfonça dans mes cheveux et ses lèvres cherchèrent les miennes. Dans son baiser, je goûtais toute l'inquiétude qui l'avait secoué durant la nuit, la détresse qui l'avait animé lors de mon départ, son soulagement à l'idée de me sentir vivante, comme si le constater de ses yeux ne lui avait pas suffi. Je lui répondis avidement, heureuse de pouvoir lui donner la preuve de cette vitalité, heureuse de la sentir en lui. Définitivement, je n'aurais pas pu survivre outre-Atlantique ... une nuit, une nuit d'inquiétude folle sans la moindre nouvelle, à m'imaginer les pires scénarios m'avait déjà était insupportable par-delà les larmes et les mots. Alors des jours, des semaines, des mois entiers à me ronger ainsi les sangs ... il ne m'aurait très vite plus rien resté.

Si je parvins à rompre le baiser assez facilement, je n'arrivais pas à me détacher mes doigts de son visage. Il me traversa l'esprit que j'étais devenu un cliché, une amoureuse transie capable de toutes les stupidités au nom de l'être aimé mais je ne m'en sentie même pas honteuse. Comme d'habitude, j'avais emporté Simon dans ma chute et c'était tout ce qui importait.

-Au pire tu pourras passer chez Octavia, proposai-je avec un semblant de sourire. Elle doit encore avoir des brouillons et c'est elle qui a notre manuscrit ...

-Si tant est qu'elle n'a pas voulu se protéger elle aussi ... Normalement elle ne risque pas grand-chose, mais c'est quelqu'un de très prudent ... Elle a pu paniquer après l'arrestation de la directrice d'édition des Petits Trolls Rouges et tout balancer. Mais j'irai vérifier, assura-t-il quand il remarqua ma mine atterrée. Elle est aussi fière, on peut parier qu'elle ne se serait pas débarrassée aussi simplement d'un an entier de travail acharné ...

-J'espère ...

La déception dans ma voix poussa Simon à m'embrasser le bout du nez, comme pour achever de me rassurer. Et étrangement, cela fonctionna. Le voir, l'entendre, l'écouter répéter que rien n'était ma faute n'avait pas été suffisant pour balayer l'anxiété et la culpabilité. Non, seul le baiser l'avait été, avait absorbé mes maux par sa chaleur. Pour la première fois depuis la veille, ma respiration était régulière, ma poitrine desserrée et ce n'était possible que parce que je tenais Simon entre mes doigts.

-Qu'est-ce qu'on fait maintenant ... ?

Simon pinça des lèvres et posa son front contre le mien avec un soupir. Il s'appuya tant contre moi que je craignis un instant qu'il ne vacille sur sa chaise. J'attrapai ses épaules dans un geste compulsif.

-Il faut que tu ailles dormir ...

-Après, promit-t-il en s'écartant pour se frotter le visage. Avant ... Il faut qu'on réfléchisse à ce qu'on fait pour toi.

-C'est la priorité, effectivement.

Remus venait de nous rejoindre la cuisine, nous obligeant à nous détacher l'un de l'autre – si ce n'était nos mains qui restèrent nouées sous la table. Tonks, elle, passa devant nous, l'air toujours au bord de la nausée. Sans nous adresser un regard, la main pressée sur son ventre, elle traversa la pièce et grimpa les escaliers avec la vitalité d'un zombie. Remus nous gratifia d'un sourire penaud, si faible qu'il fut à peine perceptible sur ses lèvres.

-Vous excuserez Dora, elle a besoin de se reposer ...

-Bien sûr, assura précipitamment Simon, l'air gêné. Et ... félicitations, par ailleurs.

Je pressai ses doigts si fort que ses lèvres tressaillir, masquant visiblement une grimace. Le visage de Remus se figea légèrement. Et pourtant, je la vis cette lueur au fond de ses yeux ambrés assombris par la fatigue. Il y avait du doute, certes, encore des traces de panique mais surtout de l'espoir, la promesse d'un bonheur futur à travers cet enfant et à laquelle il s'efforçait de croire.

-Merci, répondit-t-il sobrement. C'est ... assez inattendu.

-Et merci pour Vicky, vraiment ...

-C'est Dora qu'il faut remercier, et Victoria elle-même. Vous avez impeccablement réagi hier ...

-Tonks m'avait donné votre adresse au cas où, expliquai-je avec un sourire penaud. Je me suis doutée que le Ministère devait peut-être avoir un œil sur vous mais ... je ne savais pas vers qui me tourner d'autre ...

Les lèvres de Remus se tordirent et il jeta un regard furtif par la fenêtre en s'efforçant d'à peine tirer les rideaux blancs qui laissaient largement filtrer la lumière.

-J'ai l'impression que l'étau se desserre un peu, il n'y a personne depuis quelques jours ... Sans doute qu'ils commencent à avoir mieux à faire que de rester planter devant notre porte. Si quelqu'un s'est vraiment infiltré dans le Ministère pour agresser Ombrage, ça peut s'expliquer ... Mais ce n'est pas exclu qu'ils reviennent un jour, j'en ai peur. Je dois être ouvertement fiché comme faisant parti de l'Ordre – et en plus loup-garou. Quant à Tonks, Bellatrix rêve d'avoir sa peau ou celle de sa mère et elle ne manquera aucune occasion.

-Lestrange ? s'étonna Simon, l'air stupéfait.

-La tante de Tonks, par sa mère. Déjà scandalisée qu'Andormeda ait épousé un né-moldu, Tonks a doublé la mise en se mariant avec moi ...

Mais cette fois, Remus sembla ressentir une sorte de fierté sauvage à l'idée d'être responsable de la fureur de Bellatrix Lestrange, l'une des Mangemorts les plus redoutées, les plus proches de Voldemort. Le rictus qui flottait sur ses lèvres alors qu'il observait la rue s'évanouit lorsqu'il tourna de nouveau le regard vers nous.

-Tout cela pour dire que c'est un plaisir de t'accueuillir, Victoria, mais je crains que ça ne puisse être une solution à long terme ... D'autant que la maison est petite, tu l'as constaté en dormant sur le sofa et ...

-Vous allez avoir un bébé, achevai-je, parfaitement compréhensive. Vous avez sans doute besoin de vous retrouver avant sa naissance ...

Remus se trémoussa, visiblement embarrassé avant de se glisser sur une chaise pour masquer sa gêne. Il repoussa une mèche prématurément blanchie de son front avant de demander :

-J'accepterai toute réponse, mais il faut quand même que je pose la question parce qu'il est encore temps ... Tu es sûre de ne pas vouloir rejoindre ta famille, où qu'elle soit ?

-Oui, je suis sûre.

Les mots s'étaient envolés de ma bouche sans même faire un passage par mon cerveau, avec une fermeté qui coupa court à toute protestation de la part de Lupin. Les doigts de Simon se serrèrent sur les miens à m'en briser les phalanges, sans que je n'aie de certitude sur la signification de son geste.

-Ecoutez, je sais que ça peut paraître égoïste, ajoutai-je, parfaitement consciente de la chose. Que peu importe où je serais, je serais un poids, je constituerai un danger et si vous saviez à quel point je ...

-Victoria, ne te justifie pas, m'interrompit mon professeur en balayant mes explications d'un geste de la main. Tu n'as pas à le faire, il est parfaitement compréhensible que tu veuilles rester.

-Et tu n'es pas la seule à « constituer un danger », enchérit Simon avant de balancer son pouce du côté de l'étage. Regarde Tonks, elle a une cible dans le dos. Regarde ce qui s'est passé hier : mes parents n'avaient rien fait, et ils se sont quand même abattus sur nous. Ils n'ont pas besoin d'une raison en particulier ... Tout le monde est en danger, peu importe son sang, peu importe sa légalité.

Remus hocha vigoureusement la tête face à la conclusion de Simon. De nouveau, je leur fus reconnaissante de ne pas fustiger mon choix, de ne pas menacer de me mettre de force dans un avion afin de ne plus faire courir le moindre risque à qui que ce soit, malgré la pointe de culpabilité qui venait de refaire surface et continuer à me tirailler.

-Maintenant, il faut bien qu'on trouve une solution, et elles sont assez réduites, ajouta néanmoins Remus en tournant les yeux vers Simon. J'ai entendu parler d'une maison à Oxford ? ça pourrait être parfait ...

-Inhabitable pour l'instant, réfuta Simon, l'air dépité. J'y suis encore allé cette semaine et j'ai trouvé un nouveau nid de doxy dans le salon, et je cherche encore le moyen de décrocher les portraits de mes grands-parents qui se hurlent dessus à longueur de journée. Un jour elle sera la solution parfaite, mais pour l'instant je me contente de travailler dessus ...

-Je vois, murmura Remus, l'air cependant déçu. De notre côté ... Les membres de l'Ordre sont tous étroitement surveillés, surtout ceux qui étaient proches de Harry, comme les Weasley donc par précaution il est hors de question que tu ailles chez eux ... même si je ne doute pas que Molly t'aurait accueillie à bras ouverts ...

Il tapota la table de ses doigts, les yeux plissés par la réflexion.

-Les parents de Tonks aussi certainement, mais un jour ils viendront chercher Ted ... Il faut que j'essaie de le convaincre de se mettre à l'abri, lui aussi, mais il ne quittera pas Andromeda comme ça ... Le mieux serait que tu ailles chez des gens au-dessus de tout soupçon ... Vous n'avez pas des amis, de la famille ... ?

Simon et moi échangèrent un petit regard éloquent. Lysandra s'était expatriée en même temps que ma famille aux Etats-Unis et sa maison dans le cœur économique de Londres n'était pas la plus discrète pour échapper au gouvernement qui se réunissait dans le quartier d'à côté. Emily aurait sans doute accepté sans hésiter, mais je répugnai à lui imposer cela, elle qui justement pouvait largement passer entre les gouttes de la guerre et qui à aucun moment n'avait manifesté la moindre envie de se mettre en danger pour suspendre le court des choses. D'autant que je doutais que Roger apprécie se mettre ouvertement dans l'illégalité ...

-Octavia ? hasarda Simon d'un ton prudent. Si elle était capable de publier votre livre, peut-être ...

-Elle est fiancée au frère cadet de Nestor Selwyn. Bientôt mariée. Et non seulement je n'ai pas envie de me coltiner Ulysse pour les mois à venir mais en plus je doute que ce soit une solution idéale que de me cacher si proche de Nestor ...

-Non, effectivement, approuva Remus. Je sais que vous êtes amis avec Fred et George mais ils posent les mêmes problèmes que leurs parents ... Leur boutique a d'ailleurs été vandalisée deux fois depuis la chute du Ministère. Ils vont bien ! ajouta-t-il précipitamment quand nous ouvrîmes des yeux épouvantés. Seulement des dégâts matériels ...

-Et revenir chez les parents de Simon après ce qui vient de se passer c'est hors de question, achevai-je avec un certain défaitisme.

-Non. Et d'ailleurs Simon je te le dis immédiatement, mais il va falloir que tu redoubles de prudence les prochains jours. Désolé, mais j'ai entendu que tu as dit que c'était toi qui avais prononcé son nom ... Déjà qu'ils devaient t'avoir fiché quelque part, ça va ne faire que renforcer leurs soupçons. Ne fais que des trajets habituels, entre ta maison et l'IRIS. A la limite ta maison à Oxford si tu as l'habitude de faire des travaux mais même ça, ça va leur paraître suspect, ils risquent de la surveiller ...

Le visage de Simon, qui s'était crispé et commençait à s'animer d'une indignation sourde à mesure des mots de Lupin, s'illumina brusquement. Sa prise sur ma main se détendit enfin alors qu'il déclarait avec un enthousiasme modéré :

-Oxford ... Je crois que je viens d'avoir une idée. 

***

Est-ce que certain d'entre vous ont compris où je voulais en venir? *clin d'oeil* 

Pour celle.eux qui ont compris, vous comprenez maintenant mieux pourquoi Marion/Anna' ne m'a pas fait obstacle ... Maintenant rappelez-vous de mes indications de lecture et allez faire vos devoirs ! 

A dans deux semaines les enfants ! (Cette fois POUR DE VRAI) 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top