III - Chapitre 5 : Un nouveau rythme

BONJOUR TOUT LE MONDE 

Comment vous allez ? Par ce temps froid ? Le confinement commence pas à pas à vous peser? 

Pour ceux qui veulent, le résultat du sondage sur les Maisons est dispos sur la page ! Avec une véritable pluie de Serdaigle, hé bien ! 

Pour le chapitre, il y a une petite partie de Quidditch. Je vous ai concocté une petite antisèche pour que vous ayez un apperçu de l'équipe de réserve et que vous ne soyez pas trop perdu.e.s


Allez, bonne lecture à tous ! 

EDIT : j'ai oublié la citation !! 

*** 

Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux. 

- Benjamin Franklin 

***

Chapitre 5 : Un nouveau rythme 

-Hum, ce sont des petites chevilles, ça ... ça va nécessiter des bottes sur mesures ... Et les mains ... Bon sang, les gants aussi ... Tu arrêtes des souafles avec tes petites mains ?

Le vendeur m'avait enserré les doigts avec un sourire charmeur et je me dérobai rapidement, les joues écarlates. De l'autre côté de la penderie, j'entendis un toussotement qui trahissait la gêne de George Bones. Sans se laisser démonter par ma mine revêche, le vendeur continua de prendre les mesures. Je me crispai lorsqu'il passait le mètre autour de ma poitrine, effleurant la zone sensible.

-C'est nécessaire ?

-Bien sûr ! Les Tornades exigent des tuniques parfaites, pour les pros comme pour les réservistes. Ils sont nos plus gros contrats, on ne va pas les décevoir ... Le tour des cuisses, maintenant ...

-Euh ...

-Non mais ça ne va pas !

George Bones émergea du paravent avant même que je n'aie pu empêcher que le vendeur ne pose la main sur ma jambe. Son regard vert s'était tellement assombri qu'il m'évoqua un instant celui de Simon au pire des moments.

-Arrêtez d'importuner la petite et faites votre travail ! Et pour ça, nul besoin de faire les mesures de ses cuisses, on croit rêver !

La prestance de George, qui devait approcher le mètre quatre-vingt-dix, peser près d'un quintal, parut faire battre en retraite le jeune freluquet qui annonça dans un filet de voix qu'il allait transmettre les mesures aux confectionneurs. George passa une main furieuse dans sa barbe rousse effilée de gris, l'air consterné. Son regard vert glissa sur moi.

-Il ne faut pas te laisser faire comme ça, cet homme n'a pas le droit de te toucher. Le tour des cuisses ...

-J'allais l'en empêcher, assurai-je, embarrassée. Vous m'avez juste devancé ...

Je sautais du tabouret sur lequel j'étais juché depuis une demi-heure, les joues embrasées. Dès le début, le vendeur s'était montré entreprenant et m'avait mis mal à l'aise. L'avantage lorsqu'on était la meilleure amie de l'une des plus jolies filles de Poudlard, c'était qu'on n'était pas habituée à ce genre de traitement. Et par conséquent, je ne savais absolument pas comment réagir. George parut s'adoucir et se laissa aller sur le tabouret libéré de ma présence.

-Pardon, je ne voulais pas avoir l'air de ... Enfin, ce n'est pas de ta faute, c'est lui qui abusait ... Bref. Simplement, n'hésite pas à remettre ce genre de garçon à leur place.

-Ne vous en faites pas pour ça. La prochaine fois, ce sera le même traitement que Simon.

Les yeux de George papillonnèrent et je compris avec horreur qu'il y avait eu méprise.

-Simon ... Je veux dire ... il a ...

-Non ! Oh Seigneur non, jamais ! Simplement, je l'ai assez martyrisé, non ? Jusqu'à lui casser une cheville. Et un nez. Mais le nez, c'est de votre faute, il est trop grand.

La vanne acheva de détendre George et il se massa la tempe avec une grimace. Cela devait être sa première sortie depuis la mort de sa sœur. Elle avait été forcée par mes parents – et Simon, j'en étais persuadé – peu désireux de me laisser faire mes achats seule pour débuter mon entrainement la semaine prochaine. Et j'admettais que la précaution avait été justifiée lorsque j'avais ouvert La Gazette pour découvrir le corps sans vie d'Igor Karkarff, ancien Mangemort et Directeur de Durmstrang, avait été retrouvé sans vie du côté de Newcastle, la marque des Ténèbres flottant au-dessus du lieu du drame. Avec un frisson, je me souvins de la conversation que celui-ci avait eu avec mon ancien professeur de Potion, Severus Rogue, aux abords de la forêt interdite. Tu crois que ça va te sauver ? Tu es fou ! Il te débusquera, il te torturera, il te tuera ! Seigneur, et si Rogue était le prochain ? Je chassais l'idée de mon esprit pour me tourner vers George. Il m'adressa un sourire penaud en passant une main sur son crâne chauve.

-Je suis désolée, Victoria, je suis un peu à l'ouest.

-Je comprends ... Vous n'étiez pas obligé de m'accompagner ...

-Bien sûr que si. Tu as vu l'état du Chemin de Traverse ? Et puis, il fallait bien que je sorte ...

La résignation dans sa voix était palpable. Lui qui par sa grande taille et ses manières de bon géant avaient été la stabilité incarnée, il n'était plus que le fantôme du colosse qu'il était. Avec précaution, je m'assis sur le banc en face de lui.

-Ce n'est pas une sortie très joyeuse ... Vous ne voulez pas prendre des vacances avec Rose ? Vous reposer un peu dans votre maison en France ? C'est idiot, ajoutai-je précipitamment lorsque George braqua son regard sur moi. Mais ... Je ne sais pas, peut-être que ça peut vous faire du bien ...

-Ce n'est pas idiot, soupira-t-il avec un vague geste de la main. Et pour tout te dire, ça fait quelques semaines que j'y songe. Mais Simon veut rester ici, Susan doit préparer sa rentrée et Caroline a un travail monstre au Ministère avec ce qui se passe. Et il est hors de question pour Rose de partir sans les enfants ...

-Attendez septembre, Susan sera en sécurité à Poudlard. Caroline est indépendante et Simon est un grand garçon. Je le surveillerais, si vous voulez.

George eut un pauvre sourire qui fit frémir sa barbe.

-Je n'en doute pas Victoria. Mais je ne pense que tu ne comprends pas. Il est tout simplement hors de question pour Rose de perdre les enfants de vue et particulièrement Simon. Elle avait repris le travail depuis deux jours qu'elle s'est de nouveau mis en arrêt ...

J'avais remarqué que Rose passait ses journées à la maison, mais ce n'était pas pour autant qu'elle semblait aller mieux. Au dîner que mes parents avaient organisé pour fêter nos examens, elle avait semblé aux aguets, le regard toujours alerte et particulièrement posé sur son fils d'adoption. Mon estomac se noua douloureusement. Rose devait avoir conscience que Simon était le fils de ses parents et qu'en un sens, il prenait leur chemin. Et vu ce qui était arrivé à Amelia, je ne pouvais pas la blâmer d'être inquiète.

-Si ça continue, Thicknesse va finir par lui retirer son poste, poursuivit George avait de préciser devant mon regard interrogateur : le remplaçant d'Amy à la Justice Magique. Scrimegeour avait proposé le poste à Rose comme elle était son adjointe, mais elle a refusé.

-A cause ... ?

Les prunelles luisante et hantée de George me donnèrent ma réponse. C'était la peur d'être une cible comme Amelia, Bones par le mariage de surcroît, qui avait fait reculer Rose. Pourtant je me souvenais de son ton ferme, de son indignation l'année dernière lorsque son mari refusait d'admettre le retour de Voldemort ... Mais visiblement, le souffle de la mort avait effleuré sa nuque et avait soufflé la détermination Rose.

Ce fut une autre vendeuse, plus souriante et qui n'attira pas le regard noir de George, qui revint avec mes tenues complètes, bleus ciel frappés sur la poitrine du double « T » des Tornades et mon nom écrit en lettres marines sur mon dos. Je le contemplai, assez interloquée et un peu fière. Pour avoir observé avec admiration des sportifs une partie de ma vie, il y avait de l'orgueil à être celle dont on porterait le floquage. La vendeuse poursuivit avec des gants et examina les miens d'un œil critique.

-C'est de l'excellente facture, ça ... A peine usés ... Vous dites qu'ils ont un an ? Je pense que vous pourrez les réutiliser pour l'entrainement. Voilà les bottes ... Les tenues d'entrainement ... Chaussettes, bonnets, écharpes ... Je pense que vous êtes bons, Miss Bennett. Bon courage pour la saison !

J'eus un sourire crispé en récupérant tous les sacs à l'aide de George et nous sortîmes de Tissard et Brodette encombré des paquets et de mon Nimbus 3000 flambant neuf. J'avais failli m'étrangler devant le prix affiché en boutique et George avait même proposé de mettre le complément si je n'avais pas assez, mais Leonidas Grims avait parfaitement étudié cela. Mes achats avaient entièrement été couverts par la bourse qu'il avait mis en place.

Je me figeai en sortant, de nouveau frappée par l'allure du Chemin de Traverse. Je ne m'habituais tout simplement pas à la nouvelle allure de l'avenue commerçante, froide, vide et dont les vitrines étaient couvertes par d'immenses affiches, soit les directives du Ministères d'un violet qui approchait celui de mes cheveux, soit les Mangemorts qui manquaient toujours à l'appel. Le soleil brillait dans le ciel, pourtant l'éclat de la rue avait ternie. Les gens se déplaçaient en groupe et empruntaient comme George et moi un itinéraire simple qui reliaient leurs achats au Chaudron Baveur. Mon regard se promena sur les photos des Mangemorts plaquées sur la librairie Fleury et Bott. Des dix échappés de l'année dernière, cinq demeurait en liberté. Heureusement, Robert Jugson, l'assassin d'Edgar et Cassiopée Bones, n'en faisait pas parti et son affiche avait été détachée pour laisser la place à plus de portrait de Bellatrix Lestrange ou d'Antonin Dolohov. Pourtant alors que George observait lui aussi les Mangemorts, c'était bien son nom que je lisais sur son visage.

-Une tristesse ..., souffla-t-il du bout des lèvres, comme pour lui-même. Dire qu'il a fallu ça pour que je ... je ...

Il inspira profondément et posa sa grosse main sur ma petite épaule.

-Je ne pense pas m'être excusé pour mon comportement de l'année dernière, Victoria. Quand nous sommes rentrés de France et que ... j'ai sous-entendu que tu ne disais pas la vérité sur ce que tu as vu avec Karkarroff. Et maintenant cette crapule est morte aussi ...

-Ce n'est rien, lui assurai-je à mi-voix. Le principal c'est que vous ayez ouvert les yeux.

-Oui, renifla George avec dépit. Ça pour être ouvert, je t'assure qu'ils le sont.

Il se détourna brusquement et s'enfonça dans la rue si vite que je dus courir pour le rattraper. Bon sang, rien que par sa taille j'aurais dû deviner qu'il n'était pas le père biologique de Simon ... Il avait plutôt hérité de la stature modeste d'Edgar. Nous nous figeâmes tous deux en passant devant chez Florian Fortarôme, le célèbre glacier du Chemin de Traverse. La boutique était vide lors de notre premier passage, mais cette fois elle grouillait de sorcier à la robe et la mine sombre. La porte était éventrée et l'intérieur était illuminée par divers sortilèges.

-Qu'est-ce que ... ?

George s'avança à grands pas vers la boutique et je le suivis à petite foulée.

-Williamson !

Un homme grand à la mâchoire carrée se tourna vivement vers nous. Je déglutis nerveusement en remarquant qu'il lui manquait une partie de l'oreille droite et que des traces de brûlure lui mangeaient une partie de la joue. Des brûlures qui faisaient douloureusement songé à Nestor Selwyn.

-Oh Bones ... Bonjour.

-Qu'est-ce qui se passe ici ?

Williamson grimaça. Sur sa robe, je remarquai un badge violet que je n'avais vu qu'une fois dans ma vie, lorsque Scrimegeour était venu m'interroger après l'incident de Bristol. Ma gorge se ferma. Qu'est-ce qui méritait que la boutique de Fortarôme subisse l'assaut des Aurors ?

-Ce n'est pas un Mangemort quand même ?

La question m'avait échappé et le regard sur de l'Auror passa brièvement sur moi avant de contempler de nouveau le magasin.

-Non ... Sa sœur a simplement signalé sa disparition. Il n'est pas venu chez elle hier pour la partie hebdomadaire de bavboule, ça l'a inquiété ... Bon instinct, la petite dame. Il y a des traces de lutte à l'étage, mais pas de corps.

-Evidemment il n'y a pas de Marque des Ténèbres, rétorqua George, sonné. Il a dû être emmené ...

-Mais pourquoi ? m'enquis-je d'une voix morte. Je veux dire ... C'est un glacier du Chemin de Traverse ... Pourquoi ... ?

Les mots s'étouffèrent dans ma gorge alors que Williamson ricanait amèrement. Evidemment qu'il n'y avait pas de raison. Comme il n'y avait pas de raison rationnelle à la mort de Spencer Bones sous son lit. Simplement la terreur, le massacre et le chaos. George paraissait ébranlé, mais eut la présence d'esprit d'arguer :

-Si ce n'était qu'une question de règne de la terreur, ils l'auraient tué ... S'ils l'ont enlevé, c'est qu'ils veulent quelque chose de lui ou de sa famille. Sa mère n'était pas une Fortescue ? Il y a des Gallions là-bas ...

-Et la sœur travaille au Département des Transports Magique, au service du réseau des cheminées, ajouta sombrement Williamson. Ils vont la suspendre, juste au cas où ...

-Sérieusement ? me récriai-je, scandalisée. Mais elle n'a rien fait !

George posa sur mon épaule une main d'avertissement et je me mordis l'intérieur de la joue. Williamson ne parut pas s'offusquer de mon éclat mais ses lèvres s'étirèrent en un sourire sinistre.

-Imagine que les Mangemorts se servent de Fortarôme pour faire pression sur elle et qu'elle sabote tout le système de réseau de cheminé, qui est le transport le plus sécurisé qui soit. Qu'elle leur donne l'accès aux réseaux, qu'ils puissent se déplacer et communiquer grâce à lui, qu'elle couvre leur mouvement ou pire ... Qu'elle espionne pour eux en collectant les informations du réseau. Parce qu'on peut communiquer par cheminée et que le personnel du service sait parfaitement quelle maison est utilisé et, avec un peu d'habilité, peut même entendre la conversation. Il est hors de question qu'on laisse les Mangemorts s'approcher de nos cheminée, ma petite.

Je gardai le silence, incapable de renchérir à cela. La situation me semblait d'une injustice criante, mais j'avais largement sous-estimé l'importance du réseau de cheminé dans la guerre. Je comprenais le raisonnement, mais je ne pouvais m'empêcher de craindre la dérive que ce genre de décision pouvait engendrer. Visiblement, ce n'était pas non plus du goût de George qui insista :

-Si c'est vraiment pour ça qu'ils ont enlevé Fortarôme alors vous signez son arrêt de mort en la suspendant. Mais bon, je suppose que le risque est calculé ...

-On sait faire notre travail, Bones. Contentez-vous de faire le vôtre. Il paraît que le Mangenmagot pinaille pour la loi sur la sécurité des sorciers ...

-Et on continuera de pinailler, comme vous dites, jusqu'à que cette loi soit juste. Bonne journée, Williamson.

Appuyant contre mon épaule pour m'entrainer avec lui, George s'éloigna à grand pas furieux qui m'obligèrent à carrément courir pour rester à sa hauteur. Ma gorge s'était nouée et je jetai un dernier regard à la glacerie à laquelle je m'étais assise tous les ans après une après-midi éprouvante à acheter mes fournitures ... Susan serait déçue en allant acheter les siennes.

-C'est quoi cette loi sur la sécurité ?

-Une loi que Scrimegeour veut faire passer, grogna George, agacé. C'est à cause d'elle que je suis retourné au boulot plus tôt, il est hors de question que je la laisse passée telle quelle ... Amy n'aurait jamais accepté ... Bref. Elle prévoie un contrôle accru de la population, particulièrement par le réseau de cheminée, tant qu'on en parle. Ils veulent faire écouter toutes les conversations qui passent par-là, notamment. Ça ne part pas de rien, c'est Croupton qui avait préparé cette loi lors de la première guerre ...

-Et je suppose qu'Edgar a empêché qu'elle soit appliquée ?

-Edgar, Amy, Ogden, Dumbledore en personne ... Beaucoup ont refusé de sacrifier la liberté et la démocratie à la sécurité. Ça avait mis Croupton en rage et c'est suite à cet échec que le vent a tourné pour lui au Ministère, que Bagnold s'est dit qu'Edgar ferait du meilleur travail.

Ses prunelles vertes flamboyaient en un feu qui n'était pas sans rappeler celui qui animait Simon.

-Et la sœur de Fortarôme qu'ils privent de travail ... Je vais voir avec Tiberius ce que je peux faire ... Par Merlin ! Mon frère et ma sœur ne sont pas morts pour que le monde tombe face à tout ce qu'ils ont combattus : la magie noire et le déni de justice ! Il reste un Bones encore qui respire dans ce monde et il va faire son travail !

Il accéléra encore le pas, l'air pressé d'en découdre avec tous ceux qui menaçaient l'héritage de sa famille. Je le suivis, incapable de réfréner le sourire qui me montaient aux lèvres, malgré la disparition de Fortârome et de tout ce qu'elle impliquait. George Bones comptait lui aussi se battre et il avait trouvé son arène de prédilection : une immense cour de Justice dans laquelle sa famille exerçait depuis des générations.

***

Je ne revis pas George dans les jours à venir. D'après Simon, il passait des heures avec Tiberius Ogden, un cousin de la famille également membre du Mangenmagot et ancien candidat malheureux contre Fudge au Ministère. Il n'était pas parvenu à trouver un poste à la sœur de Florian Fortarôme : tous les directeurs de Départements étaient réticents à embaucher une jeune femme dont le frère étaient aux mains des Mangemorts. La pauvre était venue dîner chez les Bones pour qu'ils évaluent ses options et Simon et moi avions convenus d'en parler à Maugrey. L'Ordre pouvait peut-être lui trouver un point de chute ... Et si ce n'était pas lui, ce serait Dumbledore qui le ferait. Toutefois, Simon appréciait assez la nouvelle vigueur de son père et il semblait d'une patience que je ne soupçonnais pas avec sa mère. Le couple Bones semblait avoir pris des trajectoires croisées qui, personnellement, me laissait perplexe.

Je n'avais pas non plus reçu de convocation de l'Ordre et je me doutais que cela avait un rapport avec la disparition de Fortarôme et pire, celle d'Ollivander découverte quelques jours plus tard. D'après La Gazette, sa boutique avait été retrouvée à l'abandon, les baguettes éparses sur le sol avec, comme Fortarôme, des traces de lutte et aucune d'un corps. Comme le glacier, il avait tout bonnement disparu et même s'ils n'avaient aucun indice, il n'y avait pas de doute concernant le coupable. L'événement avait mis le monde sorcier en émois : tout le monde achetait sa baguette chez Ollivander et les autres fabricants étaient de bien moindre qualité. Une autre manière d'affaiblir le monde magique que de s'assurer le monopole des baguettes.

Frustrée et rendue fébrile par toutes ses disparitions qui s'approchaient de plus en plus de mon cercle, je me plongeais durant la dernière quinzaine de juillet dans ma préparation physique. J'avais mon premier entrainement le dernier mercredi et j'étais déterminée à avoir la forme exigée par le niveau professionnel. Fort heureusement, je n'étais pas la seule sportive de Terre-en-Landes.

-Plus vite, plus vite !

-Je te rappelle que tes jambes font le double des miennes, Cholé !

Mon amie éclata de rire en courant sur place à l'ombre d'un frêne. Je la rejoignis rapidement, excédé par son attitude. Elle jouait au football depuis qu'elle était enfant et était entrée dans l'équipe de l'université de Bristol, qui l'avait venir spécialement avec une bourse. De fait lorsque je lui avais annoncé avoir besoin de conseil pour reprendre la forme, elle s'était transformée en ma coach sportive, rôle qu'elle prenait beaucoup trop à cœur, et en profitai pour me faire vivre un calvaire sous le soleil de plomb de juillet.

-Arrête de te trouver des excuses, ma grande. Il faut arranger ton cardio pour être en forme pour la rentrée. Pour être honnête, je ne t'aurais pas vu dans le hand, tu fais un mètre cinquante !

Je me refusais à répondre, me contentant de la dépasser et de me concentrer sur ma course. Le rôle de Gardienne de hand était le mensonge le plus proche de la vérité que j'avais trouvé pour camoufler mon véritable but, même s'il faisait s'esclaffer de bon cœur Chloé qui en revenait sans cesse à ma taille. Evidemment, tout était plus facile lorsqu'on faisait plus d'un mètre soixante-dix ... Elle me rejoint à petite foulée et cette fois resta à ma hauteur, son éternel sourire aux lèvres.

-Je te taquine, arrête de faire la tête ! Je sais très bien que la taille ne compte pas, tu étais une gardienne épatante quand on jouait au foot ! Simplement, je ne pensais pas au hand. Pourquoi pas le foot, d'ailleurs ?

-Parce que j'ai fait du hand au lycée et que j'y ai pris goût.

-A Gloucester du coup ?

Je hochai distraitement la tête, une boule au creux du ventre. Bon sang que je détestais continuer de mentir à mon entourage sur mes activités ... J'étais habituée à mentir à mes amis d'enfance, à dissimuler la magie dans ma vie, même si ça ne me plaisait pas. Après des années de tension avec mes parents, au moment où je pouvais enfin me révéler pleinement à eux, je dissimulais l'Ordre. J'avais en horreur cette façon de cacher depuis toujours une partie de ce que j'étais.

-Triste qu'Ethan soit parti, alors, poursuivit Chloé, qui visiblement n'avait aucune difficulté à maintenir une conversation en courant. Il aurait été super content d'être dans la même fac que toi. Quelle idée il a eu de faire une année de césure en Asie maintenant. Déjà qu'on est plus nombreux ... J'ai voulu organiser une réunion pendant que tu étais à Cracovie mais j'ai l'impression que maintenant, les petits ont pris le pouvoir – Mary, Jason ... Bon sang ce que ça m'énerve d'être vieille !

-Vieille ? Chloé, tu as dix-neuf ans !

-Je me rapproche des vingt, merci de me le rappeler ! Moi qui te pensais mon amie ...

-Alors en tant qu'amie, je tiens à te dire que ta peur de l'âge est ridicule.

Feignant d'être outrée, Chloé durcit la course et accéléra le pas. Mais le mois passé à courir tous les jours avait amélioré mon endurance et je pus la suivre jusque la fin de notre parcours au bord du canal qui bordait le village. La jeune fille étendit sa jambe sur le banc pour commencer les étirements, le visage rouge et ses mèches brunes collants à ses joues.

-Bon, demain on commence plus tôt, c'est une mauvaise idée de finir la course à onze heures ... Quelle chaleur !

-Vendu, acceptai-je en récupérant la bouteille d'eau que j'avais cachée sous le banc.

Je pris une lampée d'eau rafraichissante avant de me mouiller la nuque et le visage. Je m'étais surprise à apprécier ces séances matinales : le sport était un moyen sain et parfait d'évacuer toute la frustration et toute ce qui me paralysait au quotidien. Je revenais de ma course littéralement vidée, mais souriante, détendue, presque légère. Il faudrait que j'emmène Simon quand Chloé repartira pour Bristol, songeai-je soudainement, amusée. La crevette avait grand besoin d'un peu de sport et surtout, d'un moyen sain pour se défouler.

-Une petite séance de cardio ? proposa Cholé après les étirements. Ou de gainage ?

Je grimaçai. Le gainage restait une torture pour moi.

-Merci, mais je dois y aller, Alexandre vient déjeuner avec sa copine.

-Seigneur ... C'est sérieux, cette affaire. Je veux dire, Alexandre et sa copine.

-Déçue ?

Presque toutes les gamines de Terre-en-Landes, y compris Chloé, avaient eu le béguin pour mon bellâtre de frère, ses airs de voyou et son sourire espiègle. Mon amie se mit une main sur le front et fit mine de défaillir.

-Oh mon dieu, elle m'a pris l'homme de ma vie ! Il va falloir que je la provoque en duel pour réparer ça !

-Alors elle a du souci à se faire. Demain, neuf heures du coup ?

Chloé leva le pouce, rembarqua ses affaires et s'en fut en même temps que moi. Je traversai le village, passant devant l'église Saint-Edward, sa tour carrée hérissée d'épine puis déambulant vaguement dans Market Square et ses antiquités. Enfin, un peu par hasard, je passais devant la maison des MacDougal, à présent vidée de presque tous ses biens. Devant, Jackie MacDougal finalisait la vente avec une femme – moldue, si j'en jugeais par ses vêtements parfaits alors que le sorcier portait un affreux costume d'un bleu criard et passé de mode. La femme repartit au volant de sa voiture et je me permis de m'approcher un peu de la clôture blanche de la maison.

-Alors ça y est, vous partez ?

MacDougal sursauta en m'entendant et se retourna. Je tentais d'apercevoir l'intérieur de la maison, mais aucune de ses filles ne semblait être restée. Je me sentis déçue. J'avais appris à apprécier la petite Isabel.

-Oui, nous partons, confirma MacDougal avec une certaine sécheresse. Et tu ferais bien d'en faire autant, Victoria. Terre-en-Landes n'est pas un lieu sûr pour nous ... Du moins, tant que les Bones y vivront.

-Enfin, monsieur, c'est ridicule de penser comme ça ...

-Ah bon ? Victoria, c'est mon père qui a appelé les Aurors lorsqu'Edgar a été tué dans sa maison. Hors de question qu'un jour, ce soit toi qui les appelles parce que la Marque des Ténèbres flottera sur la mienne. Bonne journée.

Et il rentra aussi sec en claquant la porte et je repris mon chemin, entre agacement et résignation. Susan avait raison, il ne restait plus qu'eux et moi dans ce village qui autrefois fleurissait de sorciers. J'ignorais quand tout avait valsé pour Terre-en-Landes, ce qui l'avait vidé ainsi de sa population magique, mais je doutais que les Bones en soit responsable.

-C'est bon, les MacDougal partent, annonçai-je à ma mère en revenant chez moi.

Elle était installée sur la table de la terrasse et ne parut pas surprise : tout le monde les voyait empaqueter depuis la mort d'Amelia Bones. Elle tourna alors négligemment une page de son livre avec un soupir de résignation.

-Je doute que leur présence aurait changé grand-chose, ma chérie. On a essayé de les inclure dans le système qu'on a mis en place avec les Bones et mes parents ... Il a refusé sec. Peut-être qu'il avait déjà dans l'idée de partir, d'ailleurs ...

Le système de défense. Le fameux système qui était censé prévenir l'une de nos trois maisons si l'une était attaquée et qui prenait l'apparence d'un immense miroir installé dans le salon. Deux autres avaient été installé chez mes grands-parents et chez les Bones et étaient prévus pour s'illuminer avec un signal sonore dès qu'un sort les touchait.

-Hum. D'ailleurs, papy vient ce midi ?

-Non, c'est juste nous quatre. Et Mel.

Elle exhala un nouveau un soupir qui signifiait très clairement qu'elle ne savait toujours pas quoi penser de sa nouvelle belle-fille. Marian Bennett était une femme à forte tête et avait passé la moitié de sa vie à se battre avec son fils et l'autre à tenter d'accepter que la magie existait. Que Melania soit une sorcière, c'était mon monde qui s'ancrait un peu plus dans le sien et même si elle faisait tous les efforts du monde pour l'accepter, je savais que ça continuait de la troubler. Je me laissai aller sur la balancelle en bois doux et aux coussins confortable malgré leur couleur pâlie par le soleil. J'eus un sourire comblé lorsque le léger balancement d'enclencha et fit gémir la machine. J'avais passé des heures entières à me prélasser ainsi, même l'hiver enroulé dans une couette avec un chocolat chaud. Pour la première fois depuis sept ans, je pourrais regarder les feuilles du frêne qui ombrageait la terrasse se brunir avant de se tomber, puis observer ses branches frissonnantes se couvrir de bourgeons qui écloraient au printemps. Le tout, depuis ma balancelle. Ma quiétude fut troublée par Alexandre qui arriva enfin avec Melania. La jeune femme avait le visage fermé et me tendit sans un « bonjour » La Gazette du matin.

-Il y a eu une attaque de Détraqueur dans Londres, annonça-t-elle alors que j'ouvrais le journal sur la table. Deux moldus embrassés et un dans un état psychologique critique à Ste-Mangouste ...

-Seigneur, soufflai-je, glacée. Dire que Fudge les voulait dans tout le pays et leur faisait aveuglément confiance ...

-C'est grâce à eux qu'on pouvait dormir sur nos deux oreilles ... Mais là, sous le contrôle de Tu-Sais-Qui ...

Elle se laissa tomber sur une chaise et Alexandre passa une main sur sa nuque. La nouvelle ne lui était rien, pourtant il semblait soucieux également.

-Et comment on fait pour les repousser, ces bestioles ?

Un léger sourire passa furtivement sur les lèvres de Melania.

-Un sortilège très puissant, le patronus, mais tout le monde ne sait pas en produire un convenable. Je n'ai jamais réussi à en faire un corporel mais il va falloir que je tente ...

-Et toi, Tory ?

-C'est bon, moi, le rassurai-je, embarrassée. Enfin, je ne sais pas ce qu'il vaut à l'épreuve des Détraqueurs, mais ...

-Tu l'as corporel ? s'étonna Melania, incrédule. Et bien ... Tu vas pouvoir me donner des cours.

L'idée était étrange parce que Melania était bien meilleure sorcière que je ne le serais jamais. Sortie préfète et préfète-en-cheffe de sa promotion à Poudlard, elle en avait tout de suite était acceptée au Ministère. Il lui était arrivée de parler de sortilège avec Simon de façon si poussée que j'en avais été aussi perdue qu'Alexandre et mes parents.

-Et nous je suppose qu'on ne peut rien faire contre ça ? cingla ma mère.

Melania et moi nous trémoussâmes, gênées et ma mère et Alexandre échangèrent un regard entendu et chargé de frustration. Face à notre mutisme, ma mère entra dans la maison, prétextant qu'elle allait aider mon père en cuisine – et j'espérais pour mes papilles que c'était faux. Alexandre se laissa aller sur la balancelle à côté de moi, si brusquement qu'il la fit couiner.

-Hey ! protestai-je en ramenant mes jambes contre ma poitrine. Fais attention, c'est une vieille dame, elle va crouler sous ton poids !

Alexandre me jeta un regard torve et me désigna du pouce pour lancer à Melania :

-Est-ce que tu peux lui clouer le bec, s'il te plait ?

-Et depuis quand tu as besoin de Mel pour ça ? m'agaçai-je sans pouvoir m'en empêcher.

-Depuis qu'elle a une excellente raison de le faire. Mel mon amour ?

Melania paraissait mal à l'aise d'être ainsi prise entre deux feux. Ses ongles longs et parfaitement manucuré tapotèrent nerveusement la table avant qu'elle ne daigne lâcher :

-J'aimerais qu'on reprenne l'idée d'une rencontre entre nos parents.

-Pardon ?

-Vic', tu m'as très bien entendue.

C'était vrai, mais j'avais besoin d'une vérification. J'échangeai un regard perplexe avec mon frère. L'idée avait été émise au début de l'été, approuvée par les Bones qui comptaient bien assister à la rencontre pour ne pas laisser mes parents démunis face aux Selwyn. Mais la mort d'Amelia l'avait tuée dans l'œuf.

-Tu es d'accord avec ça ? m'assurai-je à l'adresse d'Alexandre. Tu veux vraiment que papa et maman rencontrent les Selwyn ?

-Bien j'ai rencontré les frères et aperçu la sœur. Il ne manque que les parents, non ?

-Ulysse est d'accord, par ailleurs, ajouta Melania, comme si cela constituait un argument de poids.

Je grimaçai au nom du garçon qui avait longtemps été mon tortionnaire à l'école et qui, pour moi, était une raison de plus de refuser cette rencontre. Melania parut sentir ma réticence et s'appuya sur ses coudes pour avancer un peu.

-Victoria, ça permettrait d'apaiser un peu les tensions. Nestor a fui la maison depuis juin dernier, mon père tente d'éteindre l'incendie qu'il a allumé dans nos affaires – ça ne fait pas vraiment bonne presse d'avoir un fils chez les Mangemorts ... Ma mère et ma sœur nous en veulent pour son départ ...

-Et tu penses que ça les aiderait de voir les parents de la fille qui lui a brûlé le visage ?

-Et la fille en question, parfaitement. Je pense que ça pourrait mettre les choses à plat et éteindre de rancœurs. S'ils le souhaitent encore, les Bones pourront y assister ...

Je doutais que cela intéresse Rose, mais si pareille rencontre se faisait, je promettais d'au moins en parler à Simon et à veiller à l'avoir sous la main. Je contemplai le regard déterminé de Melania puis celui résigné de mon frère.

-Tu es sûr de toi ?

Alexandre haussa les épaules en un geste qui n'avait rien d'assuré.

-Je ne sais pas. Je me dis que ça ne peut pas faire de mal, en fait. Et surtout, que c'est aux parents de décider.

-Ça c'est sûr, admis-je à mi-voix. Mais ... c'est juste que ...

-Tory, arrête, me coupa Alexandre avec fermeté. On voulait juste te mettre au courant, mais c'est aux parents à prendre la décision, pas à toi. Ce n'est pas parce que tu as une baguette magique que tu sais mieux que nous ce qui est bon pour cette famille.

-Alex !

Mais la réprimande de Melenia ne le radoucit pas et il se leva pour entrer dans la maison, sans demander son reste. Je restai figée sur ma balancelle, recroquevillée en position feotale, laissant un silence lourd et encombrant s'installer entre Melania et moi. Elle aussi paraissait abasourdie par les propos d'Alexandre qui montrait que la blessure de notre malheureux plan de l'année dernière n'était pas refermée.

-Victoria ... Mon dieu, Victoria, je suis tellement désolée pour ce que j'ai provoqué.

-Non, c'est moi, murmurai-je, un peu sonnée. Bon sang, je n'aurais jamais dû vous demander ça ...

-Oh, Victoria ... (Elle allongea le bras pour prendre ma main et serrer mes doigts). J'étais d'accord avec ça, moi aussi. On l'a fait toutes les deux ... Mille gargouilles, je ne comprends pas pourquoi tu es celle à qui il en veut le plus ... Tu ne le mérites pas, on voulait juste le protéger ... Peut-être que ... si tu essayais de lui parler ...

Je grimaçai à l'idée. Je n'avais jamais été bonne en dispute avec mon frère. Ma mère était excellente, mais moi j'avais toujours été la médiatrice, l'unique personne à ne m'immiscer dans aucun conflit. Parce que j'adorais mon frère et que je savais très bien ce qui se passait lorsqu'il se fâchait : Alexandre devenait imblairable et irraisonnable, rancunier comme personne – excepté Emily Fawley. Je ne me sentais pas prête à avoir une telle discussion avec lui. J'avais trop peur que les choses soient pires après. Encore une fois, Melania parut sentir ma réticence et ajouta avec douceur :

-En tout cas, moi je lui parlerais. On n'a pas été parfaites mais ... Bon sang, on n'avait pas le choix.

Elle tapota de nouveau ma main avec un sourire confiant et rentra calmer Alexandre. Je la laissai faire, une boule au ventre. Si, nous l'avions. Et la situation actuelle prouvait bien que vous avions fait le mauvais, brisant le cœur de mon frère pour rien. Nestor l'avait tout de même attaqué et Melania et Alexandre était encore ensemble. Et cela pouvait paraître surprenant lorsqu'on constatait l'étendue de la rancœur de mon frère que la relation ait duré. Mais cela étayait ce que Chloé avait laissé échapper avec surprise : Alexandre et Melania, c'était du sérieux.

***

-Bell, redresse ta batte ! Tu veux que le prochain cognard te cogne en plein visage ou quoi ?

-Désolé Dalia !

-Ne t'excuse pas et redresse ta batte !

Cameron Bell s'exécuta avec une grimace, mais je ne pus voir s'il parvenait à obéir aux ordres de l'entraineuse car au même moment, Xena Grimblehawk fit une combinaison avec Eden ... Bon sang, je n'avais pas retenu son nom de famille aux accents flamands et compliqué à prononcer pour une anglaise. Toujours était-il que malgré mes efforts, le souafle passa dans mon anneau latéral. Je poussai un soupir alors que Swan Bradley fonçait pour le récupérer. J'avais beau m'être préparée à un niveau infiniment plus élevé, ça restait humiliant de prendre dix buts en dix minutes. Je piquai sur le sol lorsque Dalia siffla la « pause fraicheur » destinée à nous hydrater en cette période de chaleur. Alors que je vidais contentieusement ma bouteille d'eau, Swan me tapa sur l'épaule avant de s'assoir à côté de moi.

-Je trouve ça pas mal du tout, tu sais. On est quatre contre toi, tu n'as jamais connu ça à Poudlard et crois-moi, Arnold n'aurait jamais résisté comme tu résistes.

C'était une femme d'une trentaine d'année aux cheveux châtains coupés aux épaules et au sourire bienveillant, l'archétype de la mère indulgente. Et c'était ce qu'était Swan : une mère au foyer qui prenait le temps trois fois par semaine d'évacuer la frustration du quotidien à élever trois petits sorciers en venant marquer des buts dans la réserve des Tornades. Elle était en quelque sorte la « maman » du groupe, contrebalançant la sécheresse de Dalia comme le faisait Arnold Callum en étant le pitre de service à trente ans passés. Il le prouva une nouvelle fois en faisant mine de donner un grand coup de batte qui passa à un cheveu de la tête de Swan.

-Fais la maline, Black Swan, tu trouvais ça moins drôle quand c'était moi dans les buts.

-Toi aussi, rétorqua-t-elle avec un sourire tranquille. Tu râlais à chaque entrainement parce que tu préférais frapper dans comme un bourrin sur les cognards plutôt que d'arrêter avec les souafles. Avoue que tu es content que la petite soit arrivé.

Arnold eut un sourire torve. Il avait plus que moi la carrure du gardien classique avec sa grande taille et ses bras puissants et musculeux. Il passa une main sur son menton garni d'une barbe brune qui rougeoyait au soleil et lui valait le surnom de « Barberousse ».

-Je ne le nie pas, c'est vraiment agréable de retrouver la batte. Alors évite de monter trop vite en pro, ça me soulerait de retourner aux buts.

-Ça ne risque pas d'arriver de ci-tôt, fis-je sombrement valoir. Je n'ai fait que trois arrêts depuis qu'on a commencé l'entrainement ...

-Ne sois pas dure avec toi-même, fit Swan en posant une main sur mon épaule. Dalia nous a demandé d'être à fond sur toi – et les quatre poursuiveurs alors que d'habitude, elle demande plutôt à Eddie de concurrencer Joana à la capture du Vif d'Or.

Mon regard glissa sur Joana Reus, une allemande de vingt et un ans aux traits taillé au couteau et à la longue queue de cheval blonde. La jeune femme était arrivée immédiatement après sa sortie de Durmstrang et avait préférée s'exiler en Angleterre, terre de Quidditch, plutôt que de rester dans le peu attractif championnat d'Europe centrale qui regroupait plusieurs pays. Elle discutait vivement avec un autre grand espoir de la réserve, Cameron Bell, le seul que je connaissais pour avoir joué à Poudlard contre lui. Pas directement car il était Batteur et avait fait ses études à Serdaigle, mais il n'avait qu'un an de plus que moi et je me souvenais parfaitement du match en troisième année où il avait lancé à Cédric un cognard qui lui avait cassé les côtes. C'était la première chose qu'il m'avait rappelé, un immense sourire aux lèvres, lorsque je l'avais rencontré pour ma première séance physique deux jours plus tôt, et je le lorgnais depuis avec le plus grand dédain. La dernière perle de la réserve était Eden, le belge au nom imprononçable qui jouait au poste de poursuiveur et qui était responsable de quatre des dix buts que j'avais encaissé. Il était assis à rire avec Hector et Eddie, les deux derniers attaquant avec Xena, une petite secrétaire qui avait été ravie de voir arriver quelqu'un de plus petit qu'elle.

Je resserrais ma queue de cheval qui continuait à retenir un retenir un nombre acceptable de boucles d'un mauve sombre qui se rapprochait du prune promis par Simon et jetai un regard à Dalia.

-Je suppose que le but c'est que je ne me décourage pas et que je ne lâche pas.

-Exactement, confirma Swan. Elle veut te pousser dans ses retranchements, voir ce que tu vaux face au feu. Et je trouve que tu as montré de très belles choses.

-Dont un cochon-pendu sublime qui m'a fait m'étrangler de rire, railla Arnold d'un ton goguenard.

-Il n'empêche que celui-là je l'ai arrêté avec mon cochon-pendu ...

Arnold eut un sourire appréciateur face à ma réplique et ébouriffa mes cheveux que je venais juste de refaire.

-Mais !

-Excellent, gamine. Continue de montrer ce que tu as dans le ventre. En scelle.

Tout en refaisait ma queue de cheval, je lorgnai le Nimbus 3000 à côté de moi. Le balai était magnifique, le manche lustré et aérodynamique étincelait sous le soleil et le cuivre des étriers étincelait de tout son éclat neuf. Je le considérais comme le second responsable de mes échecs de la matinée. Moi qui n'avais monté qu'une vieille comète et le Brossdur de mon amie Judy en fin d'année dernière, je n'étais pas habituée à la nervosité et la sensibilité du Nimbus. J'aurais dû faire des vols de repérages avant de commencer les véritables entrainements dessus ... Je poussai un soupir en levant les yeux au ciel – bien plus haut que le ciel, à dire vrai. Mes premiers entrainements en troisième année avaient été douloureux également. Cédric avait fait pression sur le Capitaine de l'époque pour le forcer à me donner ma chance, liant quasiment son destin au mien. Bien décidé à prouver que j'étais trop petite et chétive pour le poste, les poursuiveurs m'avaient fait vivre un calvaire et s'il n'y avait pas eu Cédric pour me donner la force de poursuivre, j'aurais rapidement abandonné. Tout cela avait cessé après le premier match où j'avais livré une prestation bien plus que correcte qui s'était soldée par une victoire et tout avait été oublié. Maintenant, Cédric n'était plus là pour me pousser mais je n'étais plus la petite fille effacée, effrayée à l'idée de montrer ses capacités. Cette fois, la force, c'était en moi qu'il faudrait la puiser.

Résignée, mais également déterminée, j'enfourchai le Nimbus et décollai pour me mettre devant mes buts. Le reste de la séance fut dans l'exacte lignée du début : Xena, Swan, Eddie et Eden ne me laissèrent aucun répit, mais je finis par comprendre que le score n'avait aucune importance. Aujourd'hui, seul comptait ma technique et mon état d'esprit. Je m'efforçai de ne pas voir cela comme un match, mais une séance de pénalty, de prendre chaque souafle les uns après les autres. Je me pris une nouvelle volée de but, mais j'étais moins découragée en retrouvant la terre ferme, assez satisfaite de la façon dont j'avais arrêté la balle fourbe qu'avait lancé Eden. Il me tapota par ailleurs le bras avec un sourire.

-Pas mal le dernier arrêt, Barberousse ne l'aurait jamais eu celui-là.

-Je suis outré mon minet ! rugit Arnold en levant sa batte. Ça va te valoir un beau cognard la prochaine fois qu'on va se retrouver sur un balai !

-On va se battre alors Barberousse, s'esclaffa Cameron. Je suis capable d'envoyer deux cognards sur Eden et la gardienne avant même que tu n'aies pensé à lever ta batte.

Je lui jetai un regard peu amène, de même qu'Arnold qui partit rejoindre Hector et Swan. J'avais mal connu Cameron Bell à Poudlard, mais le peu que j'en voyais ici me plaisait pas particulièrement.

Je suivis le groupe au vestiaire après la dernière course à pied et étirement exigés par Dalia. Je l'avais remarqué pour la première séance physique que j'avais eue avec eux, mais c'était encore plus flagrant dans les vestiaires, maintenant que le Quidditch ne nous obligeaient plus à garder nos postes : il y avait des clans. D'un côté les non-professionnels, les anciens qui étaient là pour faire le nombre et par passion, groupe au sein duquel l'ambiance était légère et bon enfant. Seul Eddie était un peu plus en retrait car il était plus proche d'âge des professionnels et passait beaucoup de temps avec Eden. De l'autre, Joana et Cameron semblaient faire bande à part, fort de leur supériorité technique et des espoirs que le club fondait sur eux. Eux ne plaisantaient pas, arrivaient en premiers aux entrainements et restaient plus tard pour investir les salles de cardio. Joana avait même joué deux fois en équipe A la saison dernière pour remplacer l'attrapeuse titulaire et en tirait une sorte de suffisance agaçante. Elle fut la première à quitter le vestiaire, suivi de Cameron, au même moment où Dalia entrait, suivi du président Leonidas Grims. Il sourit largement à l'assemblée.

-Bonjour à tous ! Alors, comment trouvez-vous vos nouveaux locaux ?

-On a de l'eau chaude, alors tout nous va ! assura Arnold avec un sourire espiègle. Et même un casier à mon nom !

Pour étayer ses dires, il claqua la porte du sien, découvrant la porte qui clamait « ARNOLD CALLUM » et caressa amoureusement les lettres, provoquant le rire de Swan et Xena ainsi que celui du président. Dalia pinça les lèvres dans son dos et je compris que ce copinage avec ses joueurs ne lui plaisait pas particulièrement. Elle préféra se diriger vers Eden.

-Bon boulot, aujourd'hui. Belle tentative sur la fin, Eden, c'était fin, l'intention cachée ... (Son regard glissa sur moi). Ça rend l'arrêt d'autant plus beau.

Mon visage était déjà trop rougi par les efforts pour s'empourprer davantage. Je me contentai de hocher la tête et Dalia parut contente de mon humilité.

-Tu as encaissé beaucoup, mais je voulais te voir de battre, gérer la pression et la cadence. Ce n'était pas parfait, bien sûr, je pense que tu as manqué de lucidité au début ... Le coup du cochon pendu était très beau, mais le temps que tu te replaces tu avais encaissé un autre but. Cela dit, on ne pourrait pas te retirer que tu es une battante. Maintenant, je vois mieux comment on va travailler toutes les deux.

-Je pense que j'y vois déjà plus clair aussi, assurai-je en lorgnant mon Nimbus.

J'avais encore éprouvé des difficultés à le manier dans la seconde partie de l'entrainement et cela m'avait ralenti dans mes mouvements. Eden capta mon regard et hocha la tête.

-Moi aussi j'ai mis du temps à me faire aux Nimbus, m'apprit-t-il avec un accent flamant à couper au couteau. J'avais un bon vieux balai belge, un peu brut, ce n'est pas du tout les mêmes réflexes ...

-Quand tu te seras habituée au balai et qu'on aura vraiment cibler tes points faibles, on va pouvoir vraiment commencer à travailler, approuva Dalia avec un sourire sinistre. Là, ma grande, ce n'était qu'un avant-goût.

Sans nous saluer, elle retourna dehors, son sourire cynique retroussant toujours ses lèvres. Je déglutis, certaine qu'elle n'allait pas me lâcher jusqu'à obtenir le meilleur de moi – même si cela faisait de moi une véritable loque. Dire qu'après ça il faudrait que je trouve de l'énergie pour l'Ordre ... Je contemplai mon balai, puis le vestiaire. Eden prenait faisait son sac pour rentrer et Arnold discutait toujours avec le président Grims. Une idée me vint et je les interrompis timidement :

-Monsieur Grims ?

Le président baissa sur moi ses yeux cobalt, un sourire dressé, le sourire indulgent.

-Est-ce que ce serait possible d'occuper encore un peu le terrain ? Je dois me faire à mon balai.

-Les professionnels ne l'occuperont pas avant encore deux bonnes heures alors oui, je suppose que c'est possible. En tout cas, vous avez mon accord, veillez juste à le libérer pour l'équipe A. Sinon, Parkin vous tordra le cou.

-C'est promis. Merci, monsieur.

Sans attendre, je pris mon balai et laissai derrière moi mes gants de gardienne. Il était temps de retrouver le temps simple et pur, comme du temps de mes grandes courses avec Cédric. C'était quelque chose que j'avais appris au fur et à mesure : quand tout devenait compliqué, difficile, illisible, il fallait revenir à l'essentiel. Je m'apprêtai à m'élancer dans le ciel clair de juillet lorsqu'un sifflement sonore me cloua sur le sol.

-Hé, petite, attends-nous !

Arnold et Eden remontaient eux aussi le terrain, leur balai à la main. Le Batteur eut un immense sourire.

-Je ne suis jamais contre une petite course et tu m'as l'air plus gentille que Cameron ou cette statue de glace qui nous sert d'Attrapeur alors si ça peut t'aider.

-Je sais que c'est dur, les débuts, ajouta Eden en enfourchant son balai. Heureusement qu'Arnold et Swan étaient là pour me prendre sur leurs ailes, ils sont la colonne vertébrale de la réserve. Nous on ne fait que passer, mais ce sont eux qui accueillent les jeunes, qui les entourent avant qu'on ne vole de nos propres ailes.

-Arrête mon minot, tu vas me faire pleurer. (Il lui donna un coup de poing dans l'épaule qui fit vaciller Eden sur son balai). En tout cas, j'espère que tu ne m'oublieras pas toi en professionnel, contrairement à cet ingrat de Spielman.

Eden grimaça.

-Aucun risque, tes cognards ont laissé des traces indélébiles sur mon corps. Ma cuisse droite n'a jamais vraiment retrouvé sa véritable couleur. Bon, Bennett, on y va ? Petite course pour débuter ?

-Bennett, Bennett ... Trop simple, ça, il va falloir que je lui trouve un surnom à cette gamine. Mini-Pouce ? Barbapapa ?

Comprenant que c'était une référence à mes cheveux toujours d'un mauve plus sombre, mais discernable, je portais machinalement ma main à ma queue de cheval. J'avais un sourire incertain aux lèvres, incapable de croire que dans le monde professionnel que l'on m'avait décrit impitoyable, ils acceptent de m'aider gratuitement. Certes, ce n'était pas comme si nous étions en concurrence car Eden jouait comme Poursuiveur et Arnold était dans la vie de tous les jours heureux dans sa vie d'apothicaire. Mais dans tout ce contexte troublé, cet élan de solidarité m'allait droit au cœur.

-Peut-être qu'à la fin on pourra faire une séance de pénalty, proposai-je à Eden. Pendant que lui essaiera de nous canarder.

Arnold éclata d'un grand rire et me prit par les épaules pour m'écraser contre ton torse.

-C'est bon, Barbapapa, tu es adoptée ! Maintenant montre-nous que ton balai a dans le ventre avant que je te fasse une bosse de la taille d'un œuf d'autruche ! 

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