III - Chapitre 44 : Choisir son camp
Hello again my darlings <3
En parlant avec vous sur insta hier, j'ai réalisé que certain.es d'entre vous ont BESOIN du chapitre aujourd'hui. Alors pour celles.eux qui ont passé le bac, j'espère que tout s'est bien déroulé pour vous, et force et honneur à celles.eux qui ont encore des partiels ! On est tous derrière vous ! <3
Sinon moi je vais bien, le gros du Covid est fini et je pourrais sortir demaaaain (je prévoie un dévalisement en bonne et due forme du Furet du Nord).
Bon trêve de bavardage : je sais que vous attendez impatiemment ce chapitre ! Alors je ne vous torture pas plus. J'espère que vous avez fait vos devoirs ! Pour vous situer, c'est le chapitre que j'ai écris en une journée !
Roh c'est pas vrai j'ai une tonne d'italique dans ce chapitre T.T
***
L'amour ne pèse pas, cette branche ne casse que si l'oiseau posé sur elle s'envole.
"Ce qui peut me briser ce n'est pas que tu t'appuies trop sur moi, c'est que tu m'abandonnes".
- Gustave Le Bon
***
Chapitre 44 : Choisir son camp.
-Qu'est-ce qui se passe ?
-Oh par Merlin ... Merlin, Merlin, Merlin ...
Les voix de George et Rose peinèrent à m'arracher à la léthargie qui m'habitait depuis quelques secondes. Mon univers se résumait à cette lumière angoissante qui balayait le plancher, rouge comme une alarme, à ce qu'elle signifiait. Je fixai le miroir à m'en dessécher les yeux. Je me souvenais du jour où il avait été installé, pendant l'été, avec l'aide d'Amelia Bones qui les avait ensorcelés en personne. Une protection. Une coopération. Comme ça nous saurons qui est attaqué, avait lancé Amelia, la pipe fumante. Bleu pour chez toi, Victoria. Cette maison sera le jaune, évidemment, Poufsouffle. Et rouge pour les Lizska – couleur de Durmstrang, je suis sûre que ton grand-père va trouver ça drôle ...
Ce n'était pas la couleur de Durmstrang. C'était celle du sang.
Subitement mue par la panique, j'agrippai le bras de Simon devant moi. Les images défilaient dans mon esprit, milles scénarios, tous plus sombres les uns que les autres, chacun qui me donnait envie de hurler à plein poumon.
-On doit y aller, lançai-je dans un murmure tremblant. On doit y aller, ma grand-mère ... Oh mon Dieu, ma grand-mère ... elle ...
A la pensée de Jaga Liszka, décharnée, démunie face à la puissance destructrice de la magie, je me mis à trembler. Mon corps se mit en marche avant même que je ne l'aie décidé et sans réfléchir je me retrouvai dans le salon à chercher fébrilement la baguette que j'avais laissé quelque part. Je repoussai les coussins, les laissai joncher le sol, repoussai les livres de Simon jusqu'à qu'ils chutent. La panique commençait me gagner, j'étais prête à m'arracher les cheveux et à retourner la pièce de frustration quand je vis ma baguette de bois saule apparaître dans mon champ de vision, reliée aux doigts fins de Simon. Une partie de la pression qui m'obstruait la poitrine se relâcha et je l'attrapai avec soulagement.
-Merci ...
-Jamais te séparer de ta baguette, Vicky, me tança-t-il sévèrement. Laisse-moi mettre mes chaussures et on y va d'accord ?
Je hochai frénétiquement la tête, les larmes aux yeux, la gorge nouée. Oui, il fallait que j'y aille, que j'aille aider mes grands-parents, peu importe ce qui m'attendait là-bas. Des Mangemorts certainement. Peut-être même des envoyés de l'est, de Pologne qui avait retrouvé la trace de l'ancien paria ... Non, peu importait, il fallait que je parte et vite. La lumière hantait la salle à manger depuis trop longtemps déjà, qui savait ... ? Je repoussai l'éventualité au fond de mon esprit, les deux mains sur la poitrine. J'avais cette impression dérangeante que mon cœur affolé chercher à en sortir à tout prix, quitte à me briser les côtes. Simon m'agrippa fermement par les épaules. Il ne me secoua pas, mais sa prise fut telle qu'elle m'ancra de nouveau à la réalité.
-Vicky, respire, m'enjoignit-t-il d'un ton résolument calme. Je mets mes chaussures et on y va, tu m'entends ? Tu m'entends ?
-Oui, promis-je, le souffle court. Oui, désolée, je ... je t'attends. S'il te plait ...
Me laisse pas seule, aide-moi. Je n'eus le courage de prononcer ces mots mais Simon parut les percevoir. Il m'embrassa brièvement sur le front pour me rassurer avant de me lâcher et d'attraper sa propre baguette. Ses chaussures volèrent de l'entrée jusqu'au salon pendant que je te tentai de reprendre mon souffle, de faire le vide dans mon esprit avant d'affronter le danger. Simon n'avait pas lacé l'une d'entre elle que Rose faisait irruption dans la pièce, auréolée de cette lumière rouge qui continuait de clignoter derrière elle comme une alarme infernale.
-Y aller ? répéta-t-elle d'une voix morte. Mais vous n'y pensez pas !
-A bon, et pourquoi on aurait installé ces miroirs si c'est pour rester tranquillement ici ? répliqua Simon, toujours penché sur ses chaussures.
-On a mis ces miroirs quand Amelia était encore en vie, elle était impliquée dans ce processus, c'était elle la pierre angulaire, objecta sèchement Rose. C'est surtout elle qui devait intervenir, notamment en prévenant les Aurors ... Certainement pas toi ! Tu n'es qu'un enfant !
-Rose, il a dix-huit ans ! s'écria George avec un grand geste. Ça ne concernait pas qu'Amelia, on a tous signé pour ça, on a tous signé pour se porter assistance !
-Ce n'est pas à Simon d'y aller !
-Mais vous vous foutez de moi !
Je n'avais pas pu retenir mes mots, ulcérée par la façon dont Rose tentait de retenir Simon. La façon dont elle et George me toisèrent, incrédules de me voir élever ainsi la voix face à eux, m'affectèrent à peine. Je fis un large geste vers la sortie, furibonde.
-Ma grand-mère est une moldue, une moldue, mon grand-père est tout seul face à ça, ce n'est pas le moment de réfléchir à qui doit y aller et pourquoi ! (Je passai une main dans mes cheveux, un cri de frustration coincé au fond de la gorge). Simon dépêche-toi s'il te plait ...
-Simon, non ! se récria Rose.
Elle fut dessus avant même qu'il ne se lève : elle l'attrapa par les épaules, fermement et planta son regard fiévreux dans le sien. Je crus qu'elle allait le secouer comme un prunier, qu'elle allait profondément planter ses griffes dans ses bras, mais elle se contenta d'asséner férocement :
-Je ne te le permettrai pas. Non, je ne permettrai pas que tu te mettes comme ça en danger, que tu voles comme ça face aux mêmes personnes qui ont tué Edgar et Cassie ! Ils auraient pu t'avoir toi aussi, tu te souviens ?!
-Maman enfin ...
Simon tenta de se dégager de la prise de sa mère, éberlué, mais sitôt libéré elle lui prit le visage en coupe, plus férocement encore, les doigts enfoncés dans sa gorge.
-Non ! Non, c'est hors de question, je te l'interdis, je ne te le supporterais pas ! Tu restes ici, tu restes avec moi !
-Rose, lâchez-le !
-Rose !
-Je t'ai sorti de ce placard Simon, souffla-t-elle sans même nous prêter la moindre attention. J'étais là, je les ai tous vu, j'ai bercé le corps de Spencer ... Matthew aussi voulait aider, tu as vu comment il a fini Simon ? Dans cet escalier, la tête la première !
Elle désigna l'endroit d'un vague geste du menton, mais cela suffit largement pour qu'une lueur vacille dans les yeux de Simon et que son visage blêmisse. Son regard s'aimanta mécaniquement à l'escalier et à la vague expression de frayeur qui le traversa je sus qu'il se souvenait, qu'il entendait, voyait quelque chose qui appartenait à son passé. Un début de panique commençait à faire luire ses prunelles. Mon estomac se souleva, horrifié.
-Mais vous êtes sérieuse de lui remettre ça en pleine figure maintenant ? m'indignai-je, suffoquée, avant de me tourner vers George. Elle est sérieuse ?!
George ne répondit pas, se contentant de supplier sa femme du regard. Mais Rose l'ignora. Elle n'avait d'yeux que pour Simon, mais lui avait fermé les paupières, comme pour se préserver des images qui semblaient défiler :
-Quand je t'ai trouvé ... Merlin tout puissant, je crois que je n'ai jamais vécu quelque chose de si fort ... Il faudrait un cataclysme pour t'arracher à moi ... Non, je ne te laisserai pas y aller ... Je ne peux pas, c'est au-dessus de mes forces ... J'ai promis ...
Les yeux fermés, Simon l'écoutait, complètement tétanisé. Il avait attrapé les poignets de sa mère, d'abord pour la repousser, mais ses mains demeuraient affreusement immobiles à mesure que l'angoisse de Rose déroulait et nourrissait la sienne. George tenta d'intervenir, de s'avancer vers sa femme mais elle recula en entrainant son fils avec elle.
-Non ! Je sais que tu veux qu'il y aille, mais ...
-Mais enfin il ne s'agit pas ce que ce que George veut, ou de même ce que vous voulez, il s'agit des décisions de Simon ! explosai-je, à bout de nerf. Seigneur, laissez-le, mon grand-père est seul face aux Mangemorts, on n'a pas le temps de d'attendre, arrêtez de vouloir le contrôler !
-C'est toi qui parles de contrôle ? Mais qu'est-ce que tu fais depuis quelques mois, Victoria ?!
C'était trop. Je n'avais pas le temps d'entendre les états d'âmes de Rose concernant la façon dont je lui volais son fils, sur le rapport toxique qu'elle avait noué entre eux et qui continuait de paralyser Simon. Mes grands-parents attendaient et chaque seconde qui s'écoulaient amenuisait leurs chances de survie. Je pris résolument la direction de la porte, passant résolument devant Simon et sa mère, évitant les coussins et livres que j'avais valsé à terre en cherchant ma baguette. J'attendis d'avoir la main sur la porte pour me tourner vers Simon, qui avait amorcé un mouvement pour me suivre sans réellement l'achever. Le déchirement dans ses yeux luisants faillit me faire vaciller.
-J'y vais, annonçai-je avec une détermination qui me glaça moi-même. J'y vais, dis-moi que tu viens aussi ... s'il te plait ...
-Simon non, intervint immédiatement Rose en attrapant son bras. Simon je t'en conjure, non ...
Cette fois, enfin, enfin, il bougea, s'écarta, assez pour libérer un espace mais pas assez pour que Rose ne le lâche. Il contemplait sa mère, moitié horrifié, moitié déboussolé, le regard toujours voilé par le passé.
-Maman, souffla-t-il, dépassé. S'il te plait ...
-S'il te plait quoi ?! hurlai-je, incrédule. Quoi ? Tu n'as pas besoin de sa permission, tu fais ce que tu veux !
-Alors arrête de l'inciter ! me répliqua Rose d'un ton venimeux.
-Rose enfin, lâche-le, arrête ! tenta d'intervenir George.
Mais lui aussi semblait complètement dérouté parce qui se passait, incapable de savoir comment gérer sa femme, qui appuyer. Mais mes yeux restaient rivés sur Simon, sur sa gestuelle qui trahissait un entre-deux, un grand déchirement, à la façon dont ses yeux passaient de sa mère qui ne lâchait pas du regard à moi, prête à m'élancer baguette à la main. Il ne s'était pas détaché de la prise de sa mère, qui enfonçait ses doigts dans sa peau. Je lui laissai une seconde, un battement de cœur pour prendre une décision, pour me choisir. Tu as dit que tu venais, tu me l'as dit ... tu m'as dit que je ne serais jamais seule face à ça ... Viens, s'il te plait, viens, aide-moi, j'ai besoin de toi, Simon s'il te plait ... pitié ... Un pas, juste un pas ... Les larmes me brouillèrent la vue, mais elles ne masquèrent pas l'évidence : Simon ne bougea pas, ne prononça pas un mot. Comme paralysé. Comme si le temps venait de s'arrêter pour lui. Ou pire, qu'il venait de reculer, de faire un bond en arrière, de le réduire l'enfant terrorisé et impuissant d'alors. C'était ça que venait d'invoquer Rose, de façon insidieuse. Un spectre prêt à engloutir Simon et à le renvoyer dans le placard.
Sauf que pour moi, le temps filait à toute vitesse, s'accélérait, pesait de tout son poids sur mes épaules. J'avais douloureusement conscience de chaque seconde qui s'égrainait, chaque seconde qui rapprochait ma famille de l'ombre et de la poussière.
Le battement de cœur passa. C'était déjà trop lui accordé : il s'agissait de la vie de mes grands-parents. Je ne peux pas l'attendre ... pas attendre qu'il se défasse ce qui l'entrave depuis quinze ans. Un sanglot coincé dans la trachée raccourcit ma respiration et m'empêcha de me fendre d'un dernier mot, d'une dernière réplique qui aurait pu le convaincre. Je serrai ma baguette et ouvris la porte à la volée.
-Vicky !
Un mot ... Mais je n'avais plus le temps. Le temps, il tournait à toute vitesse et jouait contre mes grands-parents seuls face au danger. S'il voulait me suivre, qu'il le fasse mais moi je devais partir. Alors je pris sur moi pour ne pas jeter le moindre regard en arrière et m'élançai dans la nuit qui tombait sur Terre-en-Landes. Les larmes dévalèrent mes joues lorsque je n'entendis pas derrière mois l'écho des pas de Simon, ni même le fracas de la porte. Je pris une seconde pour les essuyer, prendre une tremblante inspiration, la maîtrise de mes nerfs. Je ne pouvais pas aller me battre dans un état de détresse psychologique, il fallait que je pense à mes grands-parents ... A Jaga impuissante, à mon grand-père seul contre tous ... Seigneur Rose, qu'avez-vous fait ... ? rageai-je quand les larmes refusèrent de se tarir. Finalement, la colère me gagna et je finis par considérer qu'elle serait un moteur plus efficace que la douleur qui avait tenté de m'étreindre.
Un nouveau battement de cœur plus tard, je transplanai.
La première chose que je sentis fut le vent, fort, poisseux, qui emmêla mes cheveux et plaqua mes mèches contre mon visage. Le sel marin qu'il véhiculait me vivifia et j'inspirai une profonde bouffée d'air avant d'ouvrir les yeux. Les lumières étaient ouvertes à l'intérieur de la maison, entrecoupée d'éclat de couleurs mauves et rouges qui filaient en travers de la baie-vitrée qui donnait sur le jardin. L'éclat des cris et des voix étaient étouffé par les murs, jusqu'à ce qu'un sort ne frappe les vitres qui se fracassèrent, s'éparpillant dans le jardin, se plantèrent comme autant d'épée de verre. J'eus l'impression d'en recevoir un au fond du cœur ma main alla se crisper sur ma poitrine. Puis je les vis, passer devant la baie-vitrée laissée béante par la brisure.
Les cagoules noires. Les longues capes sombres. Les baguettes à leur main. Les étincelles qu'elles projetèrent. Mon cœur s'emballa pour atteindre un rythme infernal. Rien que cette pulsation sourde qui cognait contre ma poitrine était angoissante.
Simon pitié viens me chercher ... S'il te plait ...
Garde la tête froide, Vic', m'enjoignis-je en tentant de contrôler le tremblement de mes mains. Je me baissai pour me cacher derrière les plantations aromatiques de Jaga. De là, j'avais une meilleure vision du salon sur lequel débouchait la baie laissée béante. Les premières paroles qui me parvinrent furent celle d'hommes :
-Coriace le vieux ... Pour quelqu'un qui a abandonné la magie pendant cinquante ans ...
-Lâche, le vieux, rétorqua un autre, dont la voix me fut familière. Se cacher derrière des boucliers ... Il attend quoi, que Nestor meure d'épuisement ?
Nestor, notai-je, sans savoir si j'en étais soulagée ou courroucée. Nestor ... Evidemment. Je connaissais. Je l'avais déjà battu à Bristol. Enfin, à moitié ... Mais depuis j'avais suivie la formation de l'Ordre. Et lui celle de Mangemort, songeai-je finalement pour éviter que ne monte la confiance. On est à égalité. Plutôt que de me laisser envahir par l'angoisse, je tentai d'identifier la voix que j'avais reconnue, celle d'une grande silhouette qui se tenaient à l'écart, presque nonchalamment contre le mur, à regarder un spectacle. Celui qui était avec lui sur le toit de Bristol, réfléchis-je en hochant la tête. Rowle ? Quant au dernier, son masque m'empêchait de l'identifier, mais il était le plus proche de la baie-vitrée éventrée.
Qu'est-ce que tu attends Victoria ? me demandai-je nerveusement, réalisant que j'étais à m'enfoncer dans le sable depuis plusieurs minutes déjà, me cachant derrière une évaluation de la situation trop longue. La réponse me vint très facilement et elle me fit de nouveau monter les larmes aux yeux. J'attends Simon ...
Mais il ne viendrait pas. Il serait déjà là, derrière moi. Non, il ne viendrait pas.
Il m'a abandonné.
La constatation me morcela le cœur et je me sentis vaciller. Rien de plus surprenant : un pilier qui m'avait tenu toute ma vie était en train de s'effriter, de tanguer sous moi. Tu devais être là, Bones, tu me l'as promis. Tu as toujours été là ... Il me fallut quelques secondes pour refouler les larmes et repoussai la douleur que cet abandon causait quelque part au fond de moi. L'urgent, c'était la situation présente. Une fois rentrée, mes grands-parents à l'abri, j'aurais tout le temps de tirer les oreilles de Simon. Je me redressai d'un pouce pour pouvoir allonger le bras sur le bac à plante. Même avec ça, ma main tremblait, et il me fallut plusieurs grandes inspirations pour en minimiser le tressautement. Un œil fermé, je visai la poitrine de l'homme sur laquelle la pointe de ma baguette refusait de se fixer.
-Stupefix !
-Attention !
Rowle avait perçu le trait rouge filé vers son camarade et le poussa sur le côté : mon maléfice d'écrasa sur le mur et brisa un cadre. Je pestai et me retranchai derrière le bac au moment où le Mangemort enjambait les éclats de verres de verre en pestant.
-Alors, à qui on a le droit ici ... ? entonna-t-il d'un ton doucereux.
Mon cœur battait si fort que j'étais persuadée qu'il l'entendait. Une main repliée sur ma poitrine comme pour l'étouffer, j'attendis, recroquevillée dans le sable, qu'il arrive à ma hauteur. L'effet de surprise de fonctionnerait plus à présent : il fallait que je fasse mouche. Mue d'une brusque idée, que je collais à plat ventre et jetai un coup d'œil sous le bac. De l'autre côté, j'entrevoyais le bas d'une cape noire qui trainait sur le sable, avançant lentement vers moi. Je brandis ma baguette et l'éclat orangé d'un sortilège cuisant en jaillit. Le cri que Rowle poussa me donna l'alarme pour bondir et jeter un nouveau sortilège de stupéfixion, muet et qu'il ne put cette fois évité. Il l'atteint en pleine poitrine et il tomba sur le sol, tel une poupée à laquelle on aurait coupé les fils.
-Torfinn ! Torfinn qu'est-ce qui se passe ?!
L'autre Mangemort se précipita dehors, mais je m'étais déjà cachée derrière un volet, contre le mur de la maison. Penché sur le corps inerte de Rowle, il ne me vit pas enjamber la baie-vitrée et entrer dans la moiteur chaleureuse mais explosive de la maison. Là, je n'eus qu'une seconde pour évaluer la situation : retranché derrière les canapés retournés en une barricade des plus précaires, mon grand-père parait chaque sortilège que Nestor Selwyn, visage découvert malgré sa longue cape noire, lui opposait, avec de grand geste et quelques cris un peu fanfarons comme « c'est tout ce que tu as dans le ventre, petit ? », destiné à déstabiliser Nestor. Certes, le visage du futur-Mangemort était crispé, rendu terrifiant par les cicatrices qui lui mangeait la peau et chaire sur la joue mais son entrainement devait porter ses fruits : il ne cédait pas à la colère et ne répondait aux provocations de mon grand-père que par des sorts toujours plus destructeurs. Derrière la modeste barricade, accroupie sous la table d'appoint avec un couteau entre les mains, Jaga tressaillait à chaque sort, les yeux écarquillés. Un sortilège particulièrement féroce de Nestor renvoyé plus maladroitement par mon grand-père frappa le mur juste au-dessus d'elle et des débris de plâtres tombèrent sur la table sous laquelle elle était retranchée. L'air de profondément terreur qui traversa son visage me fit perdre tout sens commun et je hurlai dans réfléchir :
-Nestor !
Cela eut pour mérite de faire cesser ses attaques envers mon grand-père. Après un moment de stupeur complète, Nestor pivota vers moi avec un cri de rage et je vis trop tard qu'il était accompagné d'un trait de lumière mauve qui filait droit sur ma poitrine. J'eus la présence d'esprit de me baisser et je sentis à peine la brûlure du maléfice sur mon bras avant qu'il n'aille frapper le mur derrière moi. J'eus à peine le temps de lever ma baguette qu'il attaquait derechef, silencieusement, insidieusement, de sorts si puissants que je sentais leur impact jusque dans mes bras lorsqu'ils se fracassaient contre mon bouclier. J'en parai un, deux, trois. Le quatrième fut esquivé physiquement et fit voler en éclat le vase de cristal sur la table de la salle à manger. Ma pirouette faillit me faire trébucher et je peinai à me remobiliser pour un nouvel assaut mais une voix tonnait déjà :
-Viens par ici mon garçon ! C'est moi que tu veux, c'est moi que tu cherches ! Viens là, allez !
Miro était sorti souplement de sa barricade, les bras écartés, sa poitrine offerte à la baguette de Nestor. L'éclat féroce qui brillait dans son regard avait quelque chose de glaçant et faillit me couper les jambes ; pourtant, Nestor le soutint sans broncher.
-En effet, murmura-t-il.
Son timbre était bien différent de celui de mon souvenir : plus posé, plus déterminé. J'entendis sous-jacent les accents froids de son père. La façon dont il pivota vers mon grand-père, dont il m'ignora dès lors, me prit complètement de court. Le changement était si brutal que je m'interrogeai sur l'adversaire que j'avais en face. Mais il s'était déjà détourné de moi pour se précipiter vers mon grand-père. Cette fois, ce n'était de l'attaque-défense : un véritable duel s'engagea, projetant dans la pièce des étincelles qui brûlèrent les tapis, noircirent les tapisseries, éclaboussant les murs de lueurs malsaines qui dansaient. Nestor avait gagné en fluidité dans ses gestes et avait appris à ne pas prononcer ses formules, mais il avait en face de lui un homme qui avait gardé tous ses réflexes de sa jeunesse et à qui l'amour pouvait donner des ailes.
-Perelko, ta grand-mère ! m'ordonna Miro après avoir paré un maléfice de Nestor. Partez !
-Non !
Le refus émanait de Jaga elle-même, qui tentait de sortir de son abri malgré ses difficultés de mouvement. Elle prit appuis sur le mur pour se redresser, mais ne parvint qu'à trébucher. Je me mis à courir vers elle, évitant les maléfices que s'envoyaient toujours Miro et Nestor derrière moi. Je sautai au-dessus du canapé retourné et ma grand-mère agrippa mon bras. Elle tremblait de tous ses membres, mais je sentis ses ongles s'enfoncer dans ma peau.
-Non ... Non, Perelko, je ne le laisse pas, ne m'emporte pas ! me supplia-t-elle, le regard fiévreux. Par pitié !
La ferveur de son ton fit douloureusement écho à celle de Rose, mais avant que cela ait pu m'affecter, un cri me parvint et m'obligea à me retourner. Les deux hommes se tenaient de nouveau dans l'encadrement brisé de la baie-vitrée. Rowle avait arraché sa capuche, contrairement à l'autre et pointait sa baguette sur moi et Jaga. J'eus juste le temps de lever la mienne pour parer pendant que le second se dépêchait de prêter main forte à un Nestor acculé, mais résistant dans un coin du salon contre Miro.
-Mais je te reconnais, la petite danseuse, souffla Rowle, un rictus au coin des lèvres. Comme on se retrouve ... tu as caché un balai quelque part pour fuir, cette fois ?
Sa raillerie occasionna une véritable interrogation de ma part, sur la façon dont j'allais sortir de là. Je savais que mon grand-père avait toujours fermement refusé d'installer un sortilège anti-transplanage sur sa propriété : certes il empêchait les gens d'entrer, mais il retenait surtout les assaillis pris au piège. Je pouvais transplaner, réalisai-je, presque soulagée – mais la pression qu'exerçait toujours ma grand-mère sur moi doucha vite mon enthousiasme.
Transplaner, oui : mais à trois ou rien.
Je jetai un bref coup d'œil à mon grand-père, occupé face à deux adversaires. Aidé par l'autre Mangemort, Nestor s'était de nouveau mis à avancer, mais ce n'était pas pour autant que Miro reculait. Avec un cri de rage, il parvint même atteindre l'autre à l'épaule et il s'affaissa avec un grognement de douleur.
-Perelko !
Je n'eus pas besoin de l'avertissement de ma grand-mère pour lever ma baguette : l'éclair rouge de Rowle alla s'écraser sur mon bouclier. Je n'attendis pas pour riposter et cette vigueur parut le prendre par surprise : il recula, une expression vaguement stupéfaite, avant de se ressaisir et de tenter de percer mes défenses d'un maléfice qui faillit m'ébranler. Mais en l'esquivant, je parvins à lancer une nouvelle attaque qui l'atteint au bras – celui qui ne tenait pas la baguette, mais le sortilège fut assez douloureux pour qu'il pousse un cri de rage.
-Je vais t'avoir, la petite danseuse, lança-t-il d'un ton venimeux. Et promis après, j'aurais ta grand-mère.
-Occupe-toi de moi d'abord !
Et au moment où je prononçai ces mots, je m'aperçus que je les pensais, qu'ils m'imprégnaient avec une telle intensité qu'un grand calme émergea en moi. Oui, il faudrait me tuer pour toucher à ma famille, réalisai-je, étrangement sereine. J'en avais eu conscience, dès la première fois que j'avais vu la marque danser sur la Une de La Gazette, il y avait une éternité. Je vous protégerai, avais-je juré contre le torse d'Alexandre. Je vous jure que je vous protégerai ...
Pas des mots creux. Un serment.
Alors avec une hargne nouvelle, je me remis à attaquer. Cette fois, Rowle crampa sur ses positions et riposta en tentant d'atteindre ma grand-mère derrière moi. Il n'avait sans doute pas conscience qu'il était face à une athlète capable de bondir partout, de tournoyer pour éviter des sorts tout en gardant la lucidité pour préparer son prochain maléfice. Jaga ne s'était pas retranché sous sa table : je la sentais derrière moi, tremblante, mais son couteau toujours entre les mains. Tout occupée par mon duel, je perdis la notion du temps et de l'espace. Autour de moi, tout s'était mis à bourdonner. J'entendais les éclats, les grognements, les sorts, les crissements des chaussures sur le verre : tous les sons se mélangeaient, se superposaient, mais je ne voyais que la baguette de Rowle qui tournoyait, l'éclat féroce dans ses yeux quand il me regardait. Il fallut qu'entende un nouveau cri de mon grand-père pour que ma bulle se brise :
-Alma ! Alma, sauvez ma femme, vite !
-Non ! protesta Jaga derrière moi. Non, Miro ... Miro !!
Le cri perçant de ma grand-mère me coupa dans ma concentration : je détournai le regard une demi-seconde de Rowle pour voir la vision de mon grand-père, soulevé de sol de quelques centièmes, auréolé d'une lumière à la fois rouge et mauve avant que tout ne s'éteigne et qu'il s'écroule, révélant Nestor et l'autre Mangemort, les baguettes toujours levées. Jaga hurla de nouveau, les larmes dévalant ses joues et me repoussa pour se précipiter vers Nestor, de dos face à elle.
-Mamy, non !
Mais elle m'échappa et Rowle profita de ma déconcentration pour m'attaquer de nouveau. Occupée à déployer un nouveau bouclier, je ne pus retenir ma grand-mère qui quitta sa barricade. Elle titubait, butait contre les obstacles, les débris, le verre et sa maison en ruine, mais elle avançait. Miraculeusement et sans doute trop occupé à savourer sa victoire contre l'ancien prodige de Durmstrang, Nestor ne la vit pas arriver. Avec la force de ses bras frêles elle lui planta le couteau dans les omoplates jusque la garde. La vue de Nestor s'écroulant m'échappa : en revanche, je vis bien l'éclair vert jaillir de la baguette du Mangemort ... pointée sur ma grand-mère, à présent penchée sur le corps de son mari, comme pour le protéger.
-Non !
J'étais trop loin, mais je tentai quand même de me précipiter, le cœur au bord des lèvres. Un sortilège me cueillit alors à l'épaule et je sentis une force me propulser contre le mur derrière moi. Face au choc, tout l'air de mes poumons s'échappa et je me retrouvée écrasée sur le sol, le souffle coupé, une douleur brûlante quelque part sur ma clavicule, les oreilles bourdonnantes. Ma vue se brouilla quelques instants et je me dépêchai de battre des cils pour la retrouver. Et quand ce fut le cas, je vis une vieille femme, debout face à deux Mangemorts, devant mes grands-parents toujours couchés sur le sol. Je crus mourir de soulagement lorsque je vis la tête de ma grand-mère se redresser et la fumée grise qui s'élevait d'un point noirci à côté d'elle, trahissant l'impact manqué du sortilège de la mort. La vieille femme, je ne la connaissais pas : elle était petite, replète et ses longs cheveux gris lui battaient le dos. Les deux Mangemorts face à elle ricanèrent.
-C'est que ça devient palpitant, ricana Rowle en faisant quelques pas vers son camarade.
La femme ne répondit pas. Elle jeta un regard à Nestor, recroquevillé au sol, le couteau toujours planté dans le dos, puis à mes grands-parents derrière elle. Enfin, son regard vert se leva sur moi, froid, déterminé.
-Emmène-les, petite. Je vais les retenir.
-Alma ..., chuchota ma grand-mère, sidérée.
Alma Thomasson, me souvins-je alors, soufflée. La voisine de mes grands-parents, la sorcière pour laquelle ils avaient emménagé dans ce quartier précis ... A qui Miro n'avait cessé de voler les journaux pour se tenir au courant des actualités magiques ... Celle qu'il disait vieille et gâteuse, mais qui se trouvait à présent debout dans cette maison, la baguette à la main face à deux Mangemorts.
-Tu seras morte avant, la prévint le Mangemort en armant sa baguette. Rowle, occupe-toi de la petite ...
La femme eut un étrange sourire. Sa propre baguette pendait au bout de sa main, paresseuse, sans qu'elle ne la mette en garde.
-Tu sais, ça fait longtemps que j'attends la mort. Alors contrairement à vous, je ne la crains pas.
Sur ces paroles qui ne déconcertèrent même pas son adversaire, elle attaqua. Rowle en fit de même sur moi, mais j'avais déjà paré d'un bouclier. Je faillis lâcher un cri, tant le simple effort de tenir ma baguette réveillait la douleur sur ma clavicule. Chaque geste tirait, réveiller mes terminaisons nerveuses, chaque acte de magie semblait vouloir m'arracher un peu plus de mon énergie et pourtant je trouvai la force de parer. Me lever me demanda paradoxalement moins d'effort : je parvins à vite me remettre sur mes pieds et à retrouver mon équilibre. En revanche, il fallait que je fasse un choix : me battre, ou courir.
Parfois, il fallait revenir aux fondamentaux.
Mon départ soudain prit Rowle par surprise. Il ne parvint pas à me viser correctement et le maléfice qu'il me destina alla éventrer le fauteuil derrière lequel nous étions retranchés. Alma tenait admirablement tête à l'autre Mangemort, sans reculer, toujours planté devant mes grands-parents comme un bouclier humain. J'envisageai l'espace d'un instant de lui venir en aide : si je lançai un sortilège ... qui décontenancerait son adversaire ... Mais Rowle tua mes plans dans l'œil et je sentis un nouveau maléfice me frôler la jambe. A la brûlure que cela m'infligea, je soupçonnai Doloris.
-Pas si vite la danseuse !
-Mamy !
Ma grand-mère réagit à une vitesse incroyable : elle me tendit la main. Dans ses yeux sombres voilés de larme, je lus toute sa douleur, tout son déchirement, tout son désarroi. Le cœur morcelé, je pris ma décision. J'attrapai sa main, me jetai littéralement sur mon grand-père et invoquait toute ma force magique pour transplaner. L'espace d'une seconde, je ne crus pas y parvenir : la douleur sur ma clavicule décupla, et j'eus douloureusement conscience du poids que je trainais et dont je n'avais pas l'habitude, un poids qui me tira vers le bas, me clouait sur place. Un cri s'échappa de ma gorge et je tirai, ma baguette dans une main, les doigts de Jaga dans l'une et le pull de Miro dans l'autre, puisant au fond des ressources de moi-même pour accomplir mon acte magique.
Je suis une sorcière, je peux le faire ! Je dois le faire !
Je le fis. Je reconnus la sensation d'étouffement, malgré mon corps qui semblait irradier de douleur. Celle-ci explosa quand l'étouffement cessa et que je me retrouvai face contre terre, le nez dans la pelouse.
L'odeur végétale me chatouilla agréablement les narines une seconde avant que je ne me mette à hurler.
Je ne comprenais pas réellement d'où venait la douleur : elle semblait avoir plusieurs pôles et aveuglait trop mes sens pour que je ne puisse l'identifier. J'avais à peine conscience de m'égosiller : j'entendais mes hurlements sans réaliser les pousser. Mais j'avais besoin, crier, crier pour tenter de l'expier par mon souffle, dans un cri, crier pour cesser de souffrir, la faire fuir, j'avais mal, j'avais mal, oh Seigneur, faites que cela cesse, j'ai mal ... Il fallut que des mains me prennent le visage avec douceur pour que les hurlements s'apaisent et se muent en gémissement effrénés. Je tentai d'ouvrir les yeux mais je ne voyais que des ombres dans la nuit.
-Chut ... Perelko c'est fini ... Oh mon Dieu ... Quelqu'un ! Pitié, venez, Perelko est blessée ! Venez !
C'était le premier cri qui n'était pas le mien ; mais il ne fut pas le dernier. Il eut des pas, des plaintes, des pleurs, de l'agitation tout autour de moi. Je renonçai complètement à comprendre ce qu'il se passait. Tout ce que j'autorisai à m'atteindre, c'était cette main qui me caressait les cheveux, goutte de tendresse dans un océan de souffrance.
-Par la barbe de Merlin !
-Oh Seigneur, papa ! Papa ! Papa, ouvre les yeux !
-Victoria !
-Vicky !
-Non ! Recule, laissez-la ! Elle s'est désartibulée !
Désartibulée. Il y avait donc un nom à ce que j'étais en train de ressentir ? A cette douleur lancinante qui me faisait haleter, moitié gémissement, moitié cri selon l'endroit où la souffrance s'éveillait ? Une nouvelle main apaisante vint caresser mon front, mais je la sentis à peine. La sensation s'ajouta désagréablement à toutes celles qui me saturaient déjà et je tournai la tête avec un gémissement pour me soustraire.
-Guérissez-la nom de Dieu ! Vous avez bien des potions ... ou de sorts ... je n'en sais rien mais guérissez-la !
-On ne peut pas, il nous faut ... le morceau qu'elle a perdu.
-Sa jambe George ! Ma fille a perdu sa jambe ! Bon sang de Dieu !
Et au moment où la phrase fut prononcée, j'eus affreusement conscience de la douleur qui irradiait depuis mon genou gauche, tant qu'un nouveau cri s'échappa de mes lèvres malgré les douces caresses dans mes cheveux, malgré les autres petites brûlures qui picoraient mon corps. J'ouvris un œil. La lumière était assez forte pour me laisser entrevoir la chair à vif sur mon bras, les plaies qui suintaient un mélange de plasma et de sang. La vision était si horrifique je faillis tourner de l'œil.
-Simon, va chercher l'essence de dictame.
-Mais ça ne va pas ?! Je reste ici, avec elle !
-Dieu du ciel ! éructa la voix proche de moi. C'était avant qu'il fallait rester avec elle, Simon ! Avant, lorsqu'elle s'est envolée retrouver mes beaux-parents ! Maintenant qu'elle a perdu sa jambe, qu'elle nous revient dans cet état !
-Je vais chercher l'essence de dictame ... ça va soigner les plaies, mais si on en récupère sa jambe on ne pourra ...
-Simon, où est-ce que tu vas ? Simon non !
-La ferme !!
« CRAC ».
Le silence qui suivit fut tellement assourdissant que j'entendis de nouveau mes gémissements, réguliers, suivant la douleur dans leur intensité. Celle à mon genou devint l'espace d'un instant insupportable et se réveilla atrocement lorsque je fus soulevée de sol. De nouveau, je m'entendis hurler, mais la sensation était noyée dans le reste.
-Chut, calme-toi Victoria ... je t'emmène à l'intérieur, tu seras mieux ...
-J'ai mal ... j'ai mal ...
C'étaient les premiers mots que je prononçais, si bas que je doutais réellement avoir réussi à les formuler, à avoir réussi à produire autre chose qu'une plainte informe. Mais la réponse m'assura du contraire :
-Je me doute ma grande ... Rose, tu as l'essence ? Parfait, tu vois, ça va aller mieux ...
-Oh ma chérie ...
-Edward, il va falloir la tenir. Ça risque de piquer un peu, Victoria, tu m'entends ?
Je tentai de hocher la tête, les yeux fermés, consciente des mains qui s'étaient refermées sur mes épaules. Le changement de position m'arracha de nouveau cri, mais ce ne fut rien comparé à ce qui se passa par la suite. Mon corps semblait irradier ? C'était que les plaies étaient nombreuses. La chaire s'était déchirée partout : sur mes cuisses, sur mes bras, sur ma poitrine. Les larmes de dictame me brûlèrent comme de l'acide. Folle de souffrance, je me débattus dans les bras de mon père. Je dus même l'atteindre au visage car soudainement il s'écarta et subitement ce fut Jaga qui fut près de moi, à me tenir dans ses bras, moitié comme une étreinte, moitié comme une camisole, à chantonner en hébreux. Ou bien était-ce du polonais ? Toujours était-il qu'elle me tint assez tranquille pour que George applique parfaitement le dictame partout. La douleur explosa, puis se reflua lentement, comme la mer sur le sable. Je me laissai aller contre ma grand-mère, le cœur battant. Mais depuis mes lèvres c'était un souffle apaisé qui s'échappait ; plus des gémissements.
-Tu as fini ? Alors tu devrais ... le rejoindre ... Oh George, il ...
-Rose, tais-toi. Si tu l'ouvres, ce sera pour soigner Victoria, tu m'entends ?
Oui Rose, ferme-la, songeai-je en échos, bien plus consciente du monde qui m'entourait maintenant que seul demeurait ma douleur au genou. J'étais dans le salon des Bones, certainement sur le sofa. Ma grand-mère me tenait dans ses bras, toujours à chanter, à caresser mes cheveux de ses doigts – et je ne réalisai que maintenant qu'ils tremblaient. En ouvrant un œil, je découvris mon père, prostré près de la cheminée, les lunettes passés dans ses cheveux, le visage dans sa main. De ma mère, aucune trace. De mon grand-père non plus ... A l'aveugle, j'attrapai fébrilement le poignet de ma grand-mère, une boule d'angoisse brûlante dans la poitrine.
-Papy ... papy ... ?
-Chut, Perelko ..., souffla ma grand-mère en accélérant ses caresses. Il va bien... il a ouvert les yeux, il a dit qu'il allait bien ... qu'on s'occupe de toi ... C'est ce qu'on fait ...
-Comment tu te sens, Victoria ? s'enquit la voix douce de George. Un peu mieux ?
J'acquiesçai avec difficulté. Par le geste, certes, mais aussi parce que j'avais l'impression de mentir. Certes les brûlures sur mon corps disparaissaient progressivement, mais leur absence ne faisait que révéler l'incroyable poids que je portais en moi et qui continuait d'oppresser ma poitrine et de me crever la peau. Les larmes vinrent brouiller ma vue et je levai les yeux vers les traits floutés de Jaga.
-Alma ...
-Oh Perelko ..., murmura ma grand-mère, la voix rauque.
-Oh Merlin soit loué !
La voix de Rose couvrit le reste et George bondit brutalement sur ses pieds pour abandonner mon chevet. Quand il revint, sa femme l'accompagnait, cachant quelque chose derrière ses jupes et je préférai fermer les yeux. Je commençai à récupérer assez de vigueur pour la frapper au visage si jamais il se présentait devant moi.
-Oh mon Dieu, souffla Jaga avec révérence. Merci ... merci, merci ...
-Rose, à toi.
-Je peux ...
La voix de Simon me crispa et je pressai les paupières pour être certaine de les maintenir close. Cela ne suffit pas : les larmes débordèrent vite et dévalèrent insidieusement mes joues, traitresses. Je n'étais pas sûre de pouvoir en supporter plus sans réagir, sans me lever malgré la douleur lancinante à mon genou, me lever pour le rouer de coups, frapper sa maigre poitrine jusqu'à lui casser une côte, atteindre son cœur comme il venait de piétiner le mien. J'avais besoin de toi Simon, tu n'es pas venu ... pourquoi tu n'es pas venu ... George me sauva d'une nouvelle intervention :
-Certainement pas, tu n'es pas en état ... c'était déjà bien assez dangereux de transplaner ... qu'est-ce que tu as là ... ?
Il eut un silence pendant lequel je sentis Rose se glisser près de moi et soulever les pans éliminés de mon jogging.
-Ils étaient partis mais ... la maison était en feu. Avec la Marque des Ténèbres au-dessus ... J'y juste récupéré quelques affaires en plus de ... enfin, de ...
-Tu y es rentré ?!
-Maman, occupe-toi de Victoria !
La voix de Simon était si coupante que Rose ne chercha même pas à protester. Je sentis ses doigts sur mon genou, puis la caresse de sa baguette. Mon genou se mit à chauffer à blanc et je me redressai brusquement, les yeux ouverts, un cri inarticulé au bord des lèvres. Une épaisse fumée violette me cacha l'opération mais quand elle se dissipa, je vis Rose se redresser, satisfaite et ma jambe parfaitement soudée au reste de mon corps. La sensation brûlante laissa place à une autre, plus froide. Je tentai d'activer mon genou et il me répondit avec une seconde de décalage. Il semblait engourdi, comme si elle avait passé plusieurs jours dans un sceau glacé – mais je savais que peu à peu, mes sensations reviendraient.
C'était fini, songeai-je en contemplant mes deux jambes, mon jogging découpé de toute part, les plaies qui se refermaient sur ma peau. Pourtant la disparition de la dernière douleur fit craquer un barrage en moi. D'abord ce furent des larmes, mais bientôt je tombai en sanglot, des pleurs incontrôlables entre les mains. Maintenant que la douleur n'était plus là pour faire illusion, j'étais prise d'un fulgurant accès de clairvoyance. Le combat, mon grand-père suspendu dans les airs à la proie de deux maléfices ... la maison de mes grands-parents brûlaient, avec certainement le corps de cette vieille femme à l'intérieur, cette vieille femme qui ne m'était rien et qui nous avait permis de nous en sortir ... Pitié, qu'on me prenne de nouveau ma jambe, pensai-je avec un nouveau sanglot. C'est moins pire que ce qui est en train de me déchirer-là ... Je réalisai à peine qu'autour de moi, le monde s'était mis en mouvement. Une main se posa sur mon bras et je trouvai la force de lui jeter un vague regard. La peau pâle, des longs doigts, un bracelet brésilien que Susan lui avait confectionné cet été ... J'eus l'impression que sa peau me brûlait à travers le tee-shirt et j'écartai mes mains de mon visage pour le repousser.
-Non ! Non, va t'en laisse-moi !
-Vicky ..., entonna Simon, le visage décomposé. Oh mon Dieu, si tu savais comme je suis ...
Mais la férocité de mon regard étouffa la fin de sa phrase au fond de sa gorge. La douleur et l'angoisse ne faisait qu'aggraver la scène qui les avait précédés, lui donner même une nouvelle résonnance. J'avais eu mal. Je m'étais sentie abandonnée. Presque trahie – et le verbaliser fit de nouveau monter les larmes, en plus de transformer mon cœur en plomb. Mais justement parce qu'il se plombait chaque instant un peu plus, il n'était capable plus que de ressentir de la colère. Tous les mots remontèrent dans ma gorge, les mots qui m'avait habité pendant que je m'étais retrouvée seule, seule face au danger et que j'avais dû repousser pour garder la tête froide :
-Je m'en fiche ! Laisse-moi s'il te plait, laisse-moi ! Laisse-moi sinon je te jure que je te frappe ! J'avais besoin de toi, où est-ce que tu étais ... où-est-ce que tu étais ... ?
Mon ton avait perdu en vigueur et ma hargne s'était transformée en une plainte pitoyable. Avec un effort qui me parut surhumain, je parvins pour la première fois à poser les yeux sur Simon. C'était la première chose qui m'apparaissait avec tant de netteté depuis que j'avais passé le seuil de la maison de mes grands-parents, mais loin d'être un soulagement, cette nouvelle clairvoyance m'arracha le cœur. Il s'était glissé près du sofa, à genoux. Des marques de suie recouvraient son nez et ses vêtements et il émanait de lui une odeur de brûlé qui me frappa les narines. Sa poitrine s'abaissait et s'élevait à un rythme erratique. J'avais vu Simon Bones dans d'innombrable position. Je pensais connaître chacune de ses expressions. Mais celle-ci ? Ce désespoir, cet air décomposé, cet éclat terriblement blessé et coupable dans le regard ? Non, c'était une première. C'était étranger.
-Tu m'avais promis ..., soufflai-je d'une voix morte.
-Vicky ...
Il leva la main pour m'atteindre, mais je me reculai au fond du sofa. Ça n'avait pas été mon premier réflexe pourtant : mon premier réflexe avait été bien plus primaire, mu par un instinct hérité de l'enfance que je croyais étouffée à jamais. Reculer c'était le protéger et je m'interrogeai vaguement sur la pertinence d'une telle magnanimité. Pourtant, mes lèvres poursuivirent dans un murmure déterminé :
-Bones, je te promets que si tu t'approches, je vais te frapper.
Mais Simon ne recula pas. Il resta face à moi, la bouche légèrement entrouverte dans l'espoir qu'une réplique, une excuse, une explication entendable mais visiblement rien ne lui vint. Lui aussi pleurait – ou avait pleuré. Les larmes avaient creusé des sillons roses sur son visage couvert de suie. Dans son regard vert, je lus une supplique muette, mais j'y demeurai sourde en détournant les yeux. Sur mes joues brûlait de nouveau le sel des larmes et chaque mot menaçait d'exploser avec un sanglot.
-Simon, recule-toi, intervint fermement mon père. Je vais ramener Victoria à la maison.
-Il vaudrait mieux qu'elle dorme ici..., protesta George.
-Certainement pas, répliqua sèchement mon père. Elle rentre chez nous. Excusez-moi, mais ce jour me prouve que contrairement à ce que j'ai toujours cru, ma fille n'est pas en sécurité ici. (Il passa une main dans mes cheveux, une caresse qui redoubla mes larmes). Ça te va ma chérie, on rentre ?
Incapable d'articuler le moindre mot, je hochai la tête. Avec une infinie douceur, mon père m'aida à me relever. Ma jambe demeurait fragile et je m'écroulai sur lui. Simon voulut m'aider, tendit la main, mais en tentant de le repousser je trébuchai de nouveau. Je vis l'éclat blessé briller dans le regard de Simon, je vis la façon dont il recula, comme physiquement heurté par mon rejet ... Mais j'étais incapable d'accepter la moindre aide de lui, incapable de le toucher. Non, j'avais trop peur de ce que j'étais capable de faire, de ce que la colère me ferait faire si jamais il m'approchait. Ce n'est pas maintenant qu'il faut m'aider Simon, songeai-je avec un mélange de dépit et de colère. Ce fut mon père qui me rattrapa, me stabilisa, et me mit solidement sur pied. Je secouai ma jambe, mais elle semblait encore être morte, tremblante. je m'appuyai contre lui, usée jusque la corde.
-Arrête, ordonna-t-il à Simon d'une voix ferme. Arrête, il vaut mieux que Victoria aille se reposer ... Ah, Marian, ton père est dans la voiture ?
Je tournai la tête, presque surprise de voir ma mère apparaître sur le seuil. Elle ne regardait pas la pièce : ses yeux restaient tournés vers l'extérieur. La précaution ne suffisait pas à masquer les larmes qui les baignait.
-Oui, répondit-t-elle d'une voix rauque. Oui, on vous attend ...
-Edward, soyez raisonnable, elle peut à peine marcher ..., plaida de nouveau George.
Mon père se tendit. Il avait passé un bras autour de ma taille pour me soutenir et je sentis sa main se crisper sur mon côté dans un geste compulsif. Il pivota d'un quart de tour pour faire face à George, une expression si glaciale imprégnée sur ses traits qu'ils semblaient être taillés dans la pierre.
-Raisonnable ? répéta mon père, ulcéré. Vous avez été raisonnable, vous, en refusant de vous porter aux secours de mes beaux-parents ? D'avoir laissé ma fille y aller seule ? Mais ça aurait été vous, elle aurait transplané dans la seconde aussi et vous vous êtes restés à vous plaquer dans votre grande maison ?
La colère faisait trembler la voix de mon père, en écho de la mienne. Je m'agrippai un peu plus à son épaule et réservai mon regard à lui seul, à celui dont je tenais tout le bon en moi, dont l'âme était le reflet de la mienne. Un bleu commençait à sortir sur sa pommette et je me souvins honteusement que dans mon délire, je l'avais frappé. Il fixait les Bones d'un regard ardent qui lui ressemblait si peu que j'eus l'impression d'être soutenu par un étranger.
-Je vous pardonnerai, conclut mon père. Mais pas ce soir. Laissez-moi une nuit de haine et de rancœur, une nuit de père avant que je ne redevienne le révérend Bennett.
Sans attendre une réponse, il se remit en marche, avec moi en fardeau décharné et silencieux. J'aurais peut-être voulu ajouter quelque chose, cracher au visage de Rose, avoir un dernier mot pour Simon qui s'était recroquevillé dans l'ombre, une main sur le front. Il tremblait ... il tremblait de tous ses membres et cela m'atteint à peine. J'avais l'impression que sa réalité se superposait à la mienne, parallèle, à se discerner sans se comprendre. C'était cela : pour la première fois de ma vie je renonçai à le comprendre. A lui trouver des excuses. Je n'en avais pas la force. Pas l'envie. La colère et l'épuisement venait de créer un mur qui me coupait de lui.
Je sus à peine mettre un pied devant l'autre quand mon père me guida vers la sortie et ma mère vint flanquer mon autre côté pour me soutenir. Je me laissai complètement aller contre mes parents, à bout de force, trop épuisée pour faire autre chose que pleurer.
Une nuit de haine et de rancœur. Oui, moi aussi j'en avais besoin, besoin de l'expier, par des larmes, des cris de rages étouffé dans un oreiller. Une nuit de haine, de rancœur et de repos. Ensuite, j'envisagerai de pardonner.
Mais pas encore. Pas encore.
***
De façon hyper miraculeuse la fin du texte s'est mis normal. Je suis aux-anges.
Bon on va faire deux trois mises au point parce que je me doute que ce chapitre a dû provoquer énormément de réaction.
La première, c'est Rose, bien sûr. Vous comprenez pourquoi Anna a proposé que vous relisiez la Divine Tragédie? Ce soir-là, elle a été aussi traumatisée que Simon, à sa manière. C'est quelque chose qu'il ne faut pas sous-estimé, qui explique complètement son hystérie quand Simon est en train de lui échapper. C'est au dessus de ses forces d'imaginer que Simon puisse subir le même sort que ses frères - et ça, c'est des plus humains. Alors c'est toxique aussi je vous l'accorde, mais c'est surtout humain.
La seconde, c'est Simon. Alors j'avoue j'ai ri parce qu'au moment d'écrire ce chapitre, je recevais des coms de quelqu'un sur le chap des Détraqueurs qui fustigeait Miles de ne pas être resté pour se battre, sous-entendant que Simon ferait mieux. C'est un grand non. Simon est complètement sur courant-alternatif : à partir du moment où on appuie sur le buzzer, il n'est plus bon à rien. Il est complètement inapte au combat. Ce qu'il a, ça ne disparaîtra jamais, malgré les efforts, malgré les progès et il se battra toute sa vie avec. ça me semblait très important à montrer.
Donc voilà pour mes explications psychologiques. J'ai écrit ce chapitre très vite, mais ça a été très difficile, notamment la deuxième partie. Je ne suis pas sûre d'avoir bien gérer Simon notamment, ça été compliqué. Mais j'espère que le chapitre vous a quand même plu !
On se retrouve la semaine pro pour LDP et dans deux semaines pour l'avant-dernier chap de la P3 ! (D'ailleurs le premier chapitre de la P4 vient d'être fini de rédiger !)
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top