III - Chapitre 39 : La dernière pièce

Hello again my darlings <3 

C'est bizarre la vie. Ce chapitre là, j'avais une grosse pause (j'ai écris 150 pages de LDP puis eut un moment de désespoir). Bref, j'ai galéré comme tout à le finir (et au final je suis contente du résultat). 

Et pile quand je vous le propose, je suis à la lutte pour un autre chapitre, mais vraiment j'ai rarement autant lutté. Il avait du potentiel monstre, il devait aller vite et au final chaque mot me semblait affreusement vain. Vraiment c'est le genre de sensation d'écriture qui vous donne un putain de coup de blues. Bref, d'où mon extrême satisfaction lorsque j'ai posé le point final de ce chapitre y'a quelques minutes. 

En fait je pense que ça tient au fait que j'en ai marre de la partie 3. Elle traine, je trouve que j'ai pas réussi à lui donner la dynamique que je voulais, peu d'enjeux en dehors du Simoria. ça fait deux ans que je l'ai commencé je crois ... je pense que j'ai vite besoin de la finir. Il me reste 4 chapitres dans mon programme : je vais me contenir aux quatre chapitres et j'espère que ma hâte d'en finir ne va pas altérer la qualité ! 

Mais si ça peut vous rassurer, j'en ai pas marre de mon histoire. La partie 4 s'annonce des plus palpitante et ça a toujours été la plus claire dans la tête au niveau de la trame (oui oui, depuis le début !). Donc pour le coup je trépigne ! 

Allez je vous laisse pour les états d'âme ! Maintenant ce chapitre ! Paradoxale parce qu'il a fait ma joie et mon désespoir. Genre j'ai adoré écrire quelques parties et au moment où j'ai dû reprendre j'ai galéré comme tout. 

Je vais peut-être me fendre de quelques commentaires. ça fait longtemps ! 

Bonne lecture <3 

***

Le jour d'anniversaire est cette passerelle qu'on veut bienveillante, enterrant un passé récent pour plonger dans un futur incertain. 

- Mostefa Khellaf 

***

Chapitre 39 : La dernière pièce.

-Allez, essaie-la !

-Emily, tu me fais vivre le pire anniversaire de ma vie.

-Pire que la fois où j'ai oublié que c'était ton anniversaire ? Oh allez, je sais que tu seras super jolie dedans ! Même Simon sera forcé de l'avouer !

Je fusillai Emily du regard. Certes, j'appréciais les motifs couleur pastel, dans les tons blancs et rouges. Les manches courtes étaient vaporeuses, elle était cintrée à la taille et la jupe couvrait certainement mes genoux. Mais je détestais le sourire d'Emily qui flottait au-dessus d'elle, presque semblable à celui du chat dans Alice au Pays des Merveilles – et c'était loin de m'inspirer confiance. Et pire que tout, sa mention à Simon donna à mon visage une couleur écarlate que je tentai de cacher en m'intéressant à la robe.

-Tu sais, ce n'est qu'une fête familiale ...

-Elle est sobre, Vic' ! Allez, ce n'est pas comme celle du bal ! Essaie-la, allez ! Pour moi ... Et parce qu'au fond de toi, je sais que tu es coquette, c'est juste que tu le caches très bien.

Je tordis mes lèvres pour réprimer un sourire entendu. Je me revoyais dans ma salle de bain à noël, tournoyant dans la jolie robe que ma tante Beata m'avait offerte comme une petite fille. Je devais l'admettre : je me permettais si peu d'être jolie et même d'être féminine que les rares fois que cela arrivait, j'appréciais. Du moment que je ne me sentais pas déguisée – comme au bal. Vaincue, je finis par lui arracher des mains.

-Très bien. Mais je te déteste, d'accord ?

-Tout ça parce que tu ne peux plus détester Simon, c'est ça ? s'offusqua-t-elle.

Elle rejeta des deux mains ses cheveux coupés à l'épaule en arrière avec un sourire enjôleur. Quand elle était apparue devant chez moi, rayonnante et que je lui avais appris d'une petite voix que j'étais avec Simon, elle avait à peine réagi, se contentant d'un sourire qui paraissait heureux. Je comprenais maintenant que j'allais payer mon silence de façon insidieuse et distillé, par des petites piques pleines de mordant dont Emily Fawley avait le secret. Elle s'était même permise d'en faire une devant mes parents, très intrigués de rencontrer enfin ma sorcière de meilleure amie. Mais je ne lui en tenais même pas rigueur : c'était rafraichissant de la retrouver, son sourire, ses remarques pétillantes. En la voyant évoluer aimablement avec mes parents, j'avais pu constater tout le chemin qu'elle avait parcouru depuis Poudlard : elle avait intégré de la « vieille sage » qu'elle souhaitait devenir tout en ayant la belle énergie de la fille que j'avais connu pendant de longues années à Poudlard. Toujours était-il que ma mère l'avait adorée et que j'étais persuadée que ce serait le cas également de mon frère.

Emily se laissa tomber sur mon lit et observa ma chambre d'un air intéressé. C'était la première fois qu'elle y entrait et elle avait déjà marqué son territoire en mettant une photo de nous deux en avant sur mon bureau, rajustant l'écharpe de Poufsouffle et déployant sa cape sur ma chaise.

-C'est sympa, je reconnais ton style ... Tu peux te changer ici, hein, on a partagé un dortoir ensemble !

-Tu veux vérifier que je la mets, c'est ça ? me moquai-je. Tourne les yeux !

-Oh ce que tu peux être pudique ... Et il t'a offert quoi, ton « amoureux » ?

Je levai les yeux au ciel avant que mon regard ne tombe sur la lettre posée sur mon bureau, le sceau intact, à peine froissée par le voyage. C'était ce que j'avais reçu en me réveillant ce matin de la patte d'Ogma, le vieux hibou des Bones et j'avais reconnus l'écriture resserrée de Simon sur mon prénom. Je me mâchouillai ma lèvre inférieure et me dépêchai d'enfiler la robe.

-Je ne sais pas trop encore ... il m'a envoyé une lettre, mais je ne l'ai pas ouverte.

-Pourquoi ?

J'hésitai le temps de me contorsionner pour fermer ma robe dans mon dos. Emily finit par avoir pitié et par m'aider pour combler les derniers centimètres.

-C'est idiot ... mais disons qu'on a une tradition qui consiste à s'offrir des cadeaux débiles pour nos anniversaires. Et même si c'est nous ... voilà.

Je ne savais pas franchement comment formuler cela. Peut-être qu'après ces dernières semaines très intenses en émotion, entre la visite du grenier, l'aveu à Alexandre et à nos parents qui consistait en une étape importante entre nous, j'attendais peut-être plus qu'un simple cadeau stupide. Et je ne savais pas quoi penser de ma volonté. Etais-ce légitime, ou étais-je en train de me transformer en fille niaisement romantique ? Emily parut me connaître assez pour saisir les nuances de mon silence et pressa mon épaule.

-Peut-être qu'il a fait un effort ... A noël il t'a offert un super cadeau, non ? C'est qu'il est capable d'y réfléchir ...

-Oui, c'est le problème avec Simon : avec moi, il est capable du meilleur comme du pire et je ne sais jamais à quoi m'attendre ...

Je lissai les pans de ma robe, rassurée par l'effet. Emily avait bien choisi : elle était sobre, le tissu fluide n'entravait pas mes mouvements. Elle me faisait sentir belle et féminine sans pour autant me dénaturer.

-Mais est-ce vraiment une solution d'ignorer la lettre, Victoria Bennett ? objecta Emily d'un air docte. De toute façon il ne va pas tarder à revenir de l'IRIS non ? Et il va te demander si tu l'as lue ... tu veux vraiment lui dire que tu en as pris peur ?

Devant tant d'argument d'une sagesse et d'une pertinence indéniable, je réagis de façon très mature en lui jetant à la figure mon tee-shirt roulé en boule. Elle éclata de rire et replia ses jambes contre sa poitrine, extatique. Elle revenait du travail et ne s'était pas embarrassé d'une robe : une simple combinaison fluide à larges bandes bleues et crèmes et des cheveux lâchés sur ses épaules suffisaient à faire d'elle une beauté.

-Ah, je n'en reviens toujours pas ! Et le pire, c'est que vous en êtes presque « mignons », je meurs ! Comment tu as peur de sa réaction, on dirait que c'est la première fois que tu sors avec quelqu'un ...

-Si Roger était là, il dirait « Em ? Vieille sage toute mignonne, tu te souviens ? ».

Un rictus déforma les lèvres d'Emily et elle s'étira paresseusement sur mon lit.

-Oui mais Roger n'est pas encore là et je peux devenir l'espace d'un instant la peste que j'étais à Poudlard. Tu sais combien c'est difficile de contrôler tout le temps ce que je dis ?

-Disons que moi j'ai appris petite à tourner sept fois ma langue dans ma bouche avant de parler, évaluai-je avec malice. Mais vous pourrez en discuter avec Simon, il te comprendra plus que moi ... Tu as acheté ça dans une boutique sorcière ?

Je désignai sa combinaison et un sourire fier retroussa les lèvres d'Emily.

-Non ! Figure-toi que j'ai découvert cette année que la mode moldue était infiniment plus riche que la mode sorcière qui se réduit aux robes ! Et vivre proche de Londres n'aide pas du tout, je découvre pour de vrai le plaisir de faire les boutiques !

-Oh Seigneur, heureusement que je ne vis plus avec toi ...

-Vraiment ? douta Emily avec nostalgie. Ça ne te manque pas un peu ? Poudlard, le dortoir, les soirées à manger dans mon lit en débriefant les journées ...

A contrecœur, je lui concédai ce point d'un sourire nostalgique. Oui, peut-être que c'était quelque chose qui me manquait, ces habitudes d'adolescentes que nous avions mises en place, la complicité que nous avions nouées.

-Tu sais, le manque d'intimité des dortoirs ne me manquent, fis-je remarquer. Mais peut-être que toi tu me manques un peu ...

Emily se redressa, adoucie. Faisant fi du fait que j'étais en train de me mettre du mascara devant le petit miroir sur ma commode, elle passa son bras derrière ma nuque et embrassa ma joue avec un baiser qui claqua bruyamment, m'arrachant un glapissement. La brosse de mon mascara ripa contre ma pommette et je la fusillai du regard alors qu'elle était prise d'un petit rire.

-Toi aussi tu me manques, Vic'. Crois-moi, c'est plus simple de vivre avec une fille ... Bon, on descend ? Roger ne va pas tarder, il a dit qu'il serait là pour dix-neuf heures ...

Je la lorgnai du coin de l'œil, suspicieuse, mais elle s'était de nouveau parée d'un sourire enthousiaste. Devant son insistance, j'achevai de mettre du mascara, effaçai la trace et la suivis dans les couloirs de ma propre maison – mais Emily semblait déjà chez elle. Avant d'arriver dans l'entrée, elle prit soin de me glisser avec malice :

-Et si un jour tu as besoin de ... tu sais, mes petites potions ...

-Oh Seigneur, Em', gémis-je en plaquant une main contre mon front. Tu m'as manqué ...

-Je le savais ! Tu sais que ta vie est fade est triste depuis que je n'y suis plus et que tu es obligé de maîtriser tes coups sur ... Oh, salut Simon !

Il était là, en effet, assis à la table de la cuisine avec un café, en face de mon père en tablier, occupé à tourner énergiquement la pate d'un gâteau. Je n'eus même pas le temps de m'attarder sur le portrait cocasse qu'offrait mon père que je surpris le regard équivoque qu'Emily nous jetait. Il y avait très clairement une demande silencieuse qui pétilla dans chacune des parcelles de ses iris. Simon se prit le visage dans une main et je persifflai :

-Em' !

-Oh allez ! Juste pour que je m'y fasse ...

Mon père s'éclaircit ostensiblement la gorge pour rappeler sa présence – et cette fois, deux plaques roses s'étendirent sur les joues de Simon. Cette défaite ne parut pas déconcerter Emily qui s'approcha à pas bondissant de Simon pour lui glisser :

-Tant pis, moi je sais qu'elle n'a pas encore lu la lettre que tu lui as envoyé ce matin ...

-Emily Fawley ! m'indignai-je pendant que Simon se trouvait un intérêt soudain pour la contemplation de son café. Tu comptes me faire payer combien de temps de ne pas l'avoir su la première ?

-Jusque la fin de tes jours, affirma-t-elle d'un ton tranquille. Et si tu meurs avant Simon, il prendra le relai.

-Par pitié Em', meurs la première, supplia Simon dans un soupir.

La sonnette retentit à ce moment-là et je nouai mes mains au niveau de mon cœur en rivant mon regard au plafond.

-Avec un peu de chance, c'est Roger qui vient à la rescousse !

-Pss, chuchota mon père à Simon. Qui est Roger, déjà ?

Je souris devant l'échange, presque attendri en voyant avec quelle précipitation Simon s'empressa de lui répondre, visiblement soulagé que leurs rapports ne changent pas malgré l'officialisation de notre relation. Je me dépêchai d'aller jusque la porte, la baguette à la main plaquée contre les pans de ma robe. J'ouvris le battant pour découvrir la haute silhouette et les épaules développées de Roger Davies. Pourtant sa physionomie avait changée depuis Poudlard : toujours blond avec son sourire de coin, mais on sentait qu'il n'avait plus le temps de faire du sport. Il ricana en me voyant à moitié cachée derrière ma porte avec planté sur lui un œil suspicieux.

-En troisième année, lors du premier match qu'on a joué l'un contre l'autre, j'ai envoyé le souafle sur ton visage sans faire exprès.

-Merlin c'est toi ! me réjouis-je en ouvrant plus franchement la porte. Pitié, viens nous débarrasser d'Emily, elle est insupportable !

-Vraiment ? s'esclaffa Roger, amusé. Et pourtant ce n'est pas comme si je ne luttais pas tous les jours ! Moi qui pensais avoir réussi quelque chose avec elle ... Au fait, joyeux anniversaire ! Ce n'est pas grand-chose, mais c'est déjà ça ...

Il me tendit un petit paquet soigneusement emballé que je saisis avec un sourire ému. Je m'effaçai pour le laisser entrer. Je m'apprêtai à le suivre quand j'entendis lointainement le « CRAC » caractéristique d'un transplanage. Je resserrai mes doigts sur ma baguette et observai mon petit jardin, de la balancelle sur la terrasse au saule pleureur qui avait retrouvé ces feuilles vertes et joyeuses. Et enfin, alors que je vis Octavia McLairds émerger des arbres qui bordaient ma rue, un grand sourire sur le visage, élégante dans sa cape émeraude.

-Bonjour Bennett ! me salua-t-elle joyeusement en poussant mon portail. Tu es bien jolie, aujourd'hui, j'interromps un rendez-vous galant ?

Je clignai des yeux, un peu surprise de la voir débarquer alors que je n'étais pas censé la recevoir. Elle parut s'amuser de mon air ahuri et ne s'embarrassa pas pour avancer sur mon allé d'un pas confiant.

-Et avant que tu demandes, j'ai vu il y a quelques semaines une scène que je n'étais pas censée apercevoir et qui m'a beaucoup chamboulé ... C'est les Bones qui m'ont dit que je te trouverais là. C'est ta maison ? Très mignon, j'adore la balancelle ! Je vais peut-être voler l'idée pour la mienne ...

-Qu'est-ce que tu fais ici ?

Octavia haussa ses sourcils parfaitement dessinés. Toujours avec son sourire, elle poussa le vice à m'ignorer pour me dépasser et entrer dans la maison.

-Oh, je viens dire bonjour, demander comment tu vas, quelles sont les nouvelles ...

-On s'est vue il y a deux jours et ... Oh, McLairds !

Elle s'était engouffrée dans mon salon sans même me jeter un regard. A la fois agacée et intriguée, je claquai ma porte et la suivit à l'intérieur. Elle observait le salon en retirant sa cape, l'air vaguement intéressée, comme une lady dans une chaumière. Présents devant la porte vitrée qui menait à la cuisine, Roger et Emily la dévisageait avec stupeur.

-McLairds ? s'étonna mon amie, un brin réprobatrice.

-Oh Fawley ! se réjouit visiblement Octavia, rayonnante. Mais c'est que je suis ravie de te voir, vraiment ! J'adore ta nouvelle coupe, elle te va si bien ... Oh, ne me regarde pas comme ça, on n'est plus à Poudlard à se disputer pour le titre de reine de l'école ... Si ?

Le regard d'Emily indiquait très clairement qu'une partie d'elle était en effet rester en Ecosse et continuait de percevoir Octavia comme une menace et une rivale, mais Roger s'empressa de répondre :

-Mais non, bien sûr ! On ne savait pas que tu devais venir ...

-Oh mais je ne devais pas ! assura-t-elle, toujours souriante. C'est un vraiment un hasard, un hasard complet ...

Et ce fut sans doute également un total hasard qu'elle profita de cet instant pour remplacer ostensiblement une mèche adorablement placée sur son front derrière son oreille de sa main gauche. Le geste fut lent, calcul et en agitant ses doigts l'un d'entre eux accrocha un rayon de lumière qui jaillissait des dernières lueurs du couchant. Il ne me fallut pas davantage pour comprendre. Avec un soupir, je saisis la main à peine affaissée d'Octavia et la tirai à moi pour observer la magnifique bague de fiançailles qui ornait à présent son annulaire. Délicate, la pierre centrale était à elle-seule si lourde que j'étais surprise de ne pas voir la délicate phalange ployer sous son poids et était en plus de cela accompagnée d'un cercle de diamant qui captaient chaque rayon de lumière. Je la gratifiai d'un long regard entendu auquel elle répondit par un sourire des plus radieux.

-Un total hasard, hein ? répétai-je, dubitative.

-Oh mille gargouille, laissa échapper Roger, stupéfait. Tu t'es fiancée ?

-Fiancée ?

Mon père venait d'émerger de la cuisine, Simon sur ses talons. Le visage de celui-ci s'assombrit nettement pour prendre la même mine revêche que celle d'Emily, qui se rapprocha de lui en soutien. Octavia récupéra sa main pour agiter triomphalement les doigts à l'assemblée.

-Mais oui, c'est cela ! Réservez tous votre 15 juin, vous êtes pris par ma fête de fiançailles. Oh vous devez être Edward, le père de Victoria ? Enchantée, je suis la fiancée d'Ulysse Selwyn.

Elle semblait se délecter de l'annonce, mais chez ses interlocuteurs, elle semblait davantage provoquer l'incompréhension et le dégoût.

-Oh Merlin, lâcha Emily, une main sur la gorge. Je vais vomir ...

-Comment ça « tous » ? réagit Simon, sur la défensive.

Les réactions peu joyeuses ne parurent pas heurter Octavia – bien au contraire, je pensais que toutes réactions vive était bonne à prendre pour elle. Mais heureusement, mon père conserva ses bonnes manières en se saisissant de la main tendue avec un sourire. Visiblement, il avait rapidement fait le lien avec la famille de Melania car ses traits s'étaient légèrement tendus à l'annonce.

-Enchanté également, miss – et félicitations pour vos fiançailles.

-Merci mon père !

-Révérend, siffla Simon entre ses dents.

Je lui jetai également un regard torve – j'avais passé une après-midi complète à lui faire un cours sur la religion au Royaume-Uni en prenant mon père en exemple. Cette fois, le coin de sa bouche s'affaissa légèrement et elle prit une mine contrite.

-Excusez-moi, révérend. Je retiendrais pour la prochaine fois ... (Puis avec dignité, elle se tourna vers Simon). Et oui, j'ai bien dit tous. Roger est l'un de mes anciens camarades de classe, je comptais bien l'inviter ... ce qui implique je suppose ta charmante présence, Emily – désolée ma chère il te faudra me laisser être la reine ce soir-là ... Quant à toi.

Elle pointa son index sous le nez de Simon, un sourire tordu aux lèvres. Si Emily loucha dessus, Simon eut assez d'aplomb pour ne pas reculer et continuer de regarder Octavia droit dans les yeux, les paupières plissées.

-Evidemment que tu vas venir. Tu vas venir parce que tu ne laisseras jamais ta petite Victoria dans une pièce remplie de sang-purs et de Selwyn. N'essaie même pas de protester, ajouta-t-elle fermement quand Simon ouvrit la bouche. Victoria sera là parce qu'elle est liée à la famille Selwyn par Melania de une, et que je tiens personnellement à sa présence de deux ...

-Victoria est ravie qu'on lui demande son avis, raillai-je, provoquant le rire d'Emily.

Mais Octavia ne prit pas compte de l'interruption et acheva d'asséner :

-Et si pour cela je dois te supporter, qu'à cela ne tienne. Mais je te préviens, Simon Bones : si jamais tu mets le moindre grain de sable – un mot de travers à la mauvaise personne – dans cette fête, je te le ferais payer.

-Je tremble, fit tranquillement remarquer Simon, un sourire narquois aux lèvres. Tu veux demander le serment inviolable aussi ?

-Oh la la, soupira Emily, incrédule. Mais calme-toi, McLairds, je suis certaine qu'il a d'autres choses à penser qu'à foutre en l'air tes fiançailles, redescends. Et puisque tu parles de « laisser être la reine », sache que celle d'aujourd'hui c'est Victoria et tu es priée de lui laisser l'attention et la couronne.

Les sourcils froncés, Octavia replia son index dans son poing. Après un dernier regard d'avertissement pour Simon qui lui souriait toujours d'un air destiné à tout, sauf à la rassurer, elle se tourna vers moi, perplexe.

-Pourquoi, qu'est-ce que j'interromps ?

-Mon anniversaire mais ce n'est pas grave. Si tu promets de te tenir, tu peux même rester boire un verre.

-Quoi ? s'étranglèrent Emily et Simon.

Je les ignorai royalement, concentrée sur Octavia et à réprimer le sourire ému qui tentait depuis quelques minutes de franchir mes lèvres. Je tiens personnellement à sa présence. C'était plus qu'une marque de respect de la part d'Octavia McLairds : c'était une marque d'affection. Et bien que c'était infime, même pas adressé à moi, et de surcroît d'un ton qui menaçait Simon, c'était une phrase qui m'avait touchée. Nos rapports n'étaient plus que scolaires, professionnels, liés par les dossiers, les archives et les idées : c'était plus que cela. Octavia parut prise de court et cligna des paupières sans esquisser le moindre geste.

-Je vais sortir une coupe supplémentaire, abonda gentiment mon père. Et mettre le gâteau au four si on veut pouvoir le déguster ...

-Et voir Victoria rater le soufflage de ses bougies, elle est trop petite pour avoir assez de souffle pour tout éteindre, se moqua Roger.

-Oh méfie-toi, moi je fais encore du sport et je suis sûre que toute petite que je suis j'ai plus de souffle que toi, rétorquai-je en le poussant à l'épaule. Allez Octavia, donne ta cape, je vais la ranger ...

Octavia hésita encore quelques secondes, avant d'enfin dégrafer l'attache sur sa gorge, vaincue. Le sourire qu'elle m'adressa en me tendant sa cape était tenu, à peine esquissé sur ses lèvres mais c'était sans doute l'un des plus dépourvus d'artifice qu'elle pouvait produire.

-Allez, disons que ma présence est ton cadeau. Joyeux anniversaire, Bennett.

Je lui souris en retour, attrapai sa cape et m'en fut avec, intérieurement réjouie de sa présence – et curieuse de voir ce qui pouvait en découler. Je me glissai dans le vestibule, la cape sous le bras et voulut refermer la porte derrière-moi – pour découvrir qu'une basquet bloquait le battant, accompagné d'un :

-Aïe ! Vicky !

-Hé, c'est toi qui as mis ton pied-là, rétorquai-je en lâchant la poignée.

Simon en profita pour s'infiltrer à son tour dans le vestibule et enfin fermer la porte derrière nous. L'air y était plus froid en raison de son absence totale de luminosité – si l'on exceptait les quatre carreaux qui paraient la porte d'entrée – et la chaire nue de mes bras s'hérissa d'autant plus que Simon mit une main sur ma taille.

-Octavia ? marmonna-t-il néanmoins. Sérieusement ?

-C'est mon anniversaire, chantonnai-je doucement en ouvrant le placard pour sortir un cintre. J'ai le droit de prendre deux ou trois décisions excentriques, non ?

Simon me jeta un long regard dubitatif, les yeux plissés. Sa main était remontée nerveusement au creux de mon dos et ses doigts s'étaient presque mis à pianoter au rythme d'une musique qui n'existait que dans sa tête.

-Comme ne pas ouvrir ma lettre, c'est ça ?

Emily je te déteste, pestai-je intérieurement, la main figée sur le cintre. Mon regard se baissa coupablement sur la cape que j'étais en train d'arranger et que je me mis à lisser de façon compulsive. Ma fuite ouverte lui arracha un petit rire et il s'adossa à la porte du placard, un sourire tordu aux lèvres.

-Ouh, à ce point ... tu as peur, Bennett ?

-J'ai raison, non ? maugréai-je en retirant un infime grain de poussière de la cape. Tu te souviens du pull que tu m'as offert l'année dernière ? Il est hideux.

-Et toi tu te souviens de ce que tu m'as offert pour mon anniversaire ?

Il eut un instant de flottement avant que je me souvienne de la couverture colorée et tape à l'œil de 12 leçons pour séduire une sorcière. Le sang me monta au visage et je préférerai laisser couler la pique en tournant résolument le dos à Simon pour ranger la cape dans la penderie. Il laissa échapper un petit rire.

-Je me demande même si ce n'était pas un appel du pied, au fond !

-Même ça, ça aurait été trop subtile pour toi, répliquai-je en plantant mon coude dans ses côtes.

-Certainement, admit-t-il, sans cesser de sourire. Mais pour en revenir à la lettre ...

Je levai les yeux au ciel, exaspérée d'être ainsi découverte dans mon dilemme. Je n'avais pas envie de me justifier, pas envie d'expliquer ce qui m'avait poussé à ne pas l'ouvrir et à l'oublier sur ma table de nuit. Pas envie de passer pour la fille niaise et ... amoureuse ? L'idée faillit provoquer un feulement au fond de ma gorge et le réprimai en baissant résolument le regard. Il tomba sur les mains de Simon, que j'avais cru enfoncées dans mes poches. En réalité, l'une tenait sa baguette – et l'autre la lettre en question. Devant mon air ahuri, il esquissa un faible sourire et leva l'enveloppe qu'il avait coincé entre deux doigts.

-Pour ta peine, tu attendras ce soir. Ta punition pour ta méfiance.

-Tu me punis le jour de mon anniversaire ? m'offusquai-je, outrée. Rends-la Simon !

Je fis parler ma vitesse pour que ma main fuse vers la lettre mais Simon réagit instinctivement en la levant au-dessus de sa tête avec un éclat de rire. Je considérai ma position, la demi-tête que Simon avait de plus que moi – cette taille parfaite pour m'embrasser sur le front, mais qui rendait la lettre inaccessible si je ne me mettais pas à sautiller ou à prendre appuis sur lui. Simon dressa un sourcil devant mon immobilité et face à la frustration qui devait vraisemblablement se lire sur mon visage.

-Un problème, Victoria ? Il fut un temps où tu m'aurais tiré les oreilles pour pouvoir l'atteindre.

C'était affreusement vrai. Je me souvenais avoir récupérer mes résultats de transplanage de cette manière. Mais au-delà de la baguette qu'il tenait toujours dans son autre main, j'admettais que la violence était moins la réponse instinctive qu'à l'époque. Sans doute que la partie de moi qui se fichait de faire souffrir Simon était morte le jour où j'avais réalisé pleinement mes sentiments pour lui. Pourtant, un sourire retroussa mes lèvres – assez inquiétant pour que les sourcils de Simon se froncent.

-J'ai d'autres méthodes maintenant.

Je me hissai sur la pointe des pieds pour atteindre ses lèvres et m'embrasser. Ce ne fut qu'une fois trop proche pour reculer que je réalisai qu'il risquait de se tendre, voire de me repousser face au risque que quelqu'un – mon père, ou pire, une nouvelle fois Octavia. Mais il me surprit en acceptant mon baiser – et même en y répondant, relâchant quelque peu la main qui tenait la baguette pour venir passer son bras derrière mon dos. J'en fus si surprise qu'il me fallut un moment avant de me rappeler que mon but était de récupérer la lettre, à présent à porter de main. Mais dès que mes doigts délogèrent du col qu'ils tiraient, Simon étouffa un rire tout contre mes lèvres et s'écarta vivement en plaquant la lettre derrière son dos avant de la glisser dans sa poche arrière de jean. Je plissai les yeux, vaincue. Très clairement, je n'avais pas encore assez la confiance pour m'attaquer à cette zone.

-Pss, Victoria Bennett, tu me penses stupide à ce point ? J'ai dit ce soir, tu l'auras ce soir. Crois-moi, ça peut attendre que tout ce beau monde parte ...

-Qu'est-ce que tu m'as fait encore ...

-Encore une remarque et je la brûle, Bennett. Pas de cadeau.

-Insupportable.

Ma pique le fit sourire, un sourire de coin dont je me méfiai brièvement avant qu'il n'incline de nouveau son visage vers moi pour poser ses lèvres sur les miennes – ce que j'interprétai très clairement comme un « je suis toujours insupportable, là ? ». J'aurais voulu être plus vaillante, mais la vérité était que j'étais trop heureuse de pouvoir librement l'embrasser, dans le vestibule de ma maison, avec mon père à côté, pour ne serait-ce que songer à le repousser. Ma main alla même se loger sur sa nuque pour approfondir le baiser, effleurer ses mèches soyeuses avant que des coups ne soient bruyamment frappés à la porte d'entrée. Avec un sursaut, je fis volte-face pour découvrir le visage de ma mère à travers les carreaux, souriant d'un air extatique. Des silhouettes floues se distinguaient derrière elle et qui révélèrent leur identité quand la porte s'ouvrit sur Alexandre et Melania. Ma mère entra à leur suite, les yeux pétillants, rayonnante.

-Le chat vit ! s'exclama-t-elle en levant les bras au ciel. Il ronronne même !

-Le chat ? s'étonna Melania, perplexe.

-Celui de Schrödinger. Tant qu'on n'a pas ouvert la boite ...

-On ne sait pas si le chat est vivant ou mort, compléta laconiquement Alexandre, un œil agacé planté sur leur mère. Et après tu te demandes pourquoi Melania est la première que je t'amène. Regarde mon pauvre crapaud, il est devenu écarlate !

Les joues de Simon avaient certes pris un coup de chaud, mais elles étaient encore loin de l'écarlate, jugeai-je pour ma part après un rapide coup d'œil, rassurée. Mais il s'était néanmoins écarté d'un pas avec prudence et réservait son attention à Alexandre.

-Est-ce qu'on peut zapper le « crapaud » pour cette fois ? supplia-t-il, presque penaud. Octavia est là ...

Il me jeta un petit regard où pointait le reproche et je compris que c'était sans doute également à cause de cela qu'il récupérait sa lettre. Mon frère éclata de rire et donna une grande tape dans le dos de Simon.

-Oh ça va être légendaire ! Promis, je tiendrais ma langue !

***

Il fallut deux heures à Alexandre pour laisser échapper le surnom. Au moins un quart d'heure à Octavia pour remettre du fou-rire que cela causa. Et une heure supplémentaire pour que le sang reflue des joues de Simon et qu'il cesse de fusiller Alexandre du regard.

Mais dans les faits, ce fut le seul instant qu'on pourrait qualifier « d'incident ». Mes parents se montrèrent aimable avec chacun de mes amies : ma mère était visiblement folle d'Emily et de son caractère enjoué, et mon père discuta longuement avec Octavia sur des questions de spiritualité. Finalement, la jeune fille resta plus qu'un verre : on rajouta une assiette, elle complimenta mon père sur sa cuisine tout en se plaignant que son « futur époux » n'arriverait jamais à sa hauteur culinairement parlant. Alexandre s'était arrangé pour se placer à côté de Simon et parlait régulièrement à voix basse – et ses joues rougissaient à intervalle réguliers. Roger tenta de me déconcentrer lorsque je me trouvais face à mes dix-neuf bougies – et réussit, car deux flammes continuèrent de virevolter après le passage de mon souffle.

-Tu feras mieux l'année prochaine ! s'amusa-t-il en prenant la part de gâteau que lui tendait mon père.

-Je suis déjà assez dégoûtée de devoir manger le gâteau sur lequel elle a craché, renifla Octavia en examinant sa part, l'air sceptique. Si on pouvait éviter de réitérer l'exploit l'année prochaine ...

-Qui te dit que tu seras là l'année prochaine ? attaqua Emily, l'œil étincelant.

Octavia dressa un sourcil mais n'eut le temps de répliquer car Roger s'était placé derrière Emily avec un éclat de rire. Il glissa ostensiblement une main sur sa taille.

-Hum ... il me semble qu'on a dit que c'était Victoria la reine aujourd'hui et qu'on rangeait les vieilles guerres au placard, n'est-ce pas Emily ?

-Notre amitié s'est notamment construite sur la détestation d'Octavia, rappela Emily d'un ton digne avant de lorgner Simon. Rappelle-moi pourquoi tu es sorti avec, déjà ?

Simon était toujours assis à côté d'Alexandre, occupé à racler le glaçage en chocolat sur le haut de la part de gâteau. Ses joues rougirent légèrement et il feignit d'être absorber par la tâche.

-Très délicat, Fawley, fit tranquillement remarquer Octavia.

Son regard sur Simon et moi fut nettement plus appuyé et mit Emily en rage. Dédaignant son assiette, elle leva les bras en l'air et nous fusilla du regard.

-J'en reviens pas qu'elle l'ait su avant moi ! Je ne sais pas comment je fais pour ne pas vous tuer ! Surtout toi !

Elle pointa un index si furieux sur moi que j'en conçus un mouvement de recul qui fit s'esclaffer mon frère. Roger, embarrassé, lui fit remballer son index dans son poing en refermant ses doigts dessus alors qu'Alexandre répondait allégrement :

-Peut-être parce que ça ne se fait pas de tuer la fêtée le jour de son anniversaire ? Et que si ça arrive je charge mon crapaud de te changer ... (Il se tourna vers Simon, songeur). Si on prend le théorème de Merlin l'Enchanteur appliqué à cette situation présente ...

-Laisse tomber, Emily c'est Madame Mime et elle n'a besoin de personne pour se transformer en dragon, le coupa Simon avec les frémissements d'un sourire. Et elle est meilleure que moi en métamorphose.

-Pardon ? (Abasourdie, Emily mit sa main en cornet derrière son oreille). Je suis quoi, Simon-meilleur-élève-de-Poudlard Bones ?

Simon la contempla longuement, avec un reste de condescendance qui ne suffit pas à faner le sourire qui était en train de fleurir sur les lèvres d'Emily. Finalement, ce fut à son tour de sourire avant qu'il ne daigne prendre un morceau de son gâteau.

-Tu m'as manquée, Em'.

-Oh ... (Elle caressa doucement ses mèches blondes, geste que seule elle était autorisée à faire et ce bien avant moi). Est-ce que tu fais ton mignon petit chose parce que tu es devant les parents de Vic' ?

-Avec eux il fait toujours son « mignon petit chose », grommelai-je en levant les yeux au ciel.

Simon me jeta un vague regard perçant pendant qu'Emily continuait de lui caresser la tête avec un sourire nettement plus carnassier.

-... Ou parce que tu veux que j'arrête de vous faire payer pour ne pas avoir été au courant la première ... ?

-T'as passé ce pacte avec Vicky, je ne devrais même pas être mêlé à tout ça.

-Je te remercie ...

Pour ne pas avoir à répondre davantage aux piques, je me levai et pris quelques assiettes vides – la mienne, celle de ma mère qui était plongée dans une discussion avec Melania et celle de Roger qui lorgnait toujours Emily glissée à côté de Simon. Alexandre me suivit précipitamment dans la cuisine et se dépêcha de refermer la porte pour se plaquer dessus, épouvantée.

-Elle le touche ? Mais quand Chloé a essayé de lui ébouriffer les cheveux elle a failli avoir la main coupée !

-Em' est une exception pour Simon, elle est rentrée dans sa bulle, expliquai-je sommairement.

-Hum ... et toi, à quel point tu as ... pénétrer la bulle ?

Je lui jetai un torchon à la figure mais la vérité était qu'il s'était lui-même étouffée avec sa propre hilarité. Elle fut telle qu'il s'affaissa sur la porte dont la moitié supérieure était vitrée – et le spectacle de l'autre côté devait être absolument savoureux.

-Non ! refusai-je fermement. Non, ne compte pas sur moi, pour le coup tu ne sauras rien !

-Quoi ? Tu veux dire que j'ai réussi à glisser ma sœur dans le lit du crapaud et que je n'ai même pas le droit à quelques détails croustillants ? Honte sur toi, Tory !

-Tu veux dire qu'il n'y a que ça qui t'intéresse ? Honte sur toi, Alexandre !

Mon frère aurait volontiers répondu si la porte ne s'était pas ouverte derrière lui. Affalé comme il l'était, il s'écroula de tout son long sur le sol avec un grand bruit sourd. Le silence consterné qui suivit fut vite brisée par un immense éclat de rire qui couvrit le gémissement de mon frère, étalé, les bras en croix, sous le regard désabusé de ma mère qui venait d'ouvrir la porte. Sans le moindre état d'âme, elle l'enjamba pour s'engouffrer dans la cuisine en secouant la tête, Emily à sa suite. Elle bondit joyeusement au-dessus d'Alexandre, les assiettes à la main, un large sourire sur le visage.

-C'était excellent, Mrs. Bennett !

-Tout le mérite revient à mon mari, c'est lui qui cuisine. Moi, je travaille.

-Vous faites quoi dans la vie ?

Ma mère, occupée à remplir le lave-vaisselle, s'interrompit, quelque peu mal à l'aise. Elle me jeta un petit regard embarrassé et répondit prudemment sans me quitter du regard :

-Hum ... Comment expliquer simplement ça ... ?

-Elle confectionne les médicaments, traduisis-je, comprenant que c'était ce que me demandait silencieusement ma mère.

-Oh ! s'étonna Emily. Comme moi, en fait ?

-Non. Toi tu as les recettes, tu fais les stocks. Ma mère crée les médicaments.

Et j'avais toujours une petite pointe de fierté à le souligner. Ma mère était une femme intelligente, titulaire d'un doctorat. Parfois, j'entendais les habitants du village réduire ses fonctions. « Elle est pharmacienne, je crois » : une phrase qui l'avait toujours excessivement agacé et qui justifiait que son diplôme acquis à l'université de Bristol soit fièrement affiché au mur. Mais la remarque assombrit le visage d'Emily et son nez se fronça.

-Oh. Je vois. J'aimerais faire ça, aussi ... mais la seule fois où j'ai voulu apporter une amélioration à une potion, mon chef m'a remise à ma place – et visiblement, elle est bien bas ...

-Tu vas repasser le concours de Langue-de-Plomb ? Les grands chercheurs en magie, expliquai-je à ma mère, perplexe. Emily l'a tenté l'année dernière ...

-Je ne sais pas, entonna Emily avec lenteur, le visage fermé. Je ... Je ne suis pas sûre que ça serve à quelque chose. Ils prennent des gens avec de l'expérience maintenant ... des hommes avec plus d'expérience. Le jury n'aura pas changé, ce sera toujours cette bande de vieux sorciers qui ont haussé les sourcils quand je me suis ramenée en jupe ...

-Ah, intervint amèrement ma mère. Laisse-moi deviner ... On ne te l'a pas donné parce que tu es un petit bout de femme ?

Emily papillonna des yeux et planta un regard songeur sur ma mère, qui s'était appuyée sur le plan de travail avec une certaine nonchalance.

-Moi aussi, si tu veux savoir. Personne ne voulait me prendre en doctorat, pour une femme j'étais déjà bien assez diplômée ... il a fallu que j'insiste, que je fasse quelques mois de travail de subalterne en laboratoire, que je peaufine avec acharnement mon projet de thèse et que je harcèle l'université. Mais ils ont fini par me prendre.

-C'était déjà trop d'effort, protesta Emily avec acidité. Pourquoi j'aurais à en faire plus ... ?

-Parce que nous sommes des femmes et qu'on est moins crédibles. Ça ne va pas changer du jour au lendemain alors blinde-toi et arme-toi de courage. Continue d'en faire plus. Persévère. Le changement, c'est par nous et notre obstination que ça passe. Si toutes les femmes abandonnaient au premier obstacle, ça donnerait raison aux vieux messieurs du jury, tu ne crois pas ?

Laissant Emily à ses réflexions, elle repartit dans le salon avec un pichet de thé glacé et de vin. Ce faisant, elle passa devant Octavia, qui s'était immobilisée dans l'encadrement de la porte, son verre vide en main. Elle s'effaça devant ma mère avant de rentrer plus franchement dans la cuisine, un sourire tordu aux lèvres.

-Ça c'est du discours. Je ne pensais pas qu'on avait ça en commun, Fawley. Tu veux qu'on se plaigne de nos supérieurs barbants et incompétents ? Et voyeurs, oh la la ! Je ne compte plus le nombre de regard sur mon décolleté depuis le début de l'année.

Emily haussa les sourcils mais plus par dépit commun que contre Octavia. Visiblement, la situation devait lui être familière car elle se laissa glisser sur la chaise de la cuisine avec un gros soupir.

-Là-dessus nous nous comprenons. Toi aussi Vic' ça ne doit pas être simple dans le Quidditch, non ?

-Non, répondis-je sincèrement, un peu surprise. Non, ça fait longtemps que le Quidditch est mixte et ... je n'ai pas de problème.

Je m'interrompis quelques secondes, observai le visage de porcelaine d'Octavia et l'adorable moue d'Emily. Les deux filles étaient assises à la table de ma cuisine, une image qui peinait à s'imprimer dans ma rétine tant elle était impensable.

-Et puis vous savez, moi je suis petite Vic', hein. Ce n'est pas comme s'il y avait grand-chose à regarder.

-Oh la la, marmonna Emily en me jetant un regard en coin. Dit-t-elle, jolie comme un cœur dans la robe que lui ait offerte ...

-Jolie robe, mais arrête Bennett tu n'as pas besoin de ça, tu es très mignonne, assura Octavia, presque agacée, avant d'ajouter malicieusement : Et Simon trouve matière à regarder, lui. Et crois-moi, c'est le principal. Lui te voit. Les autres te jugent.

La formulation me semblait peu claire, mais qui parut limpide à Emily car elle hocha la tête avec assentiment. Un petit sourire s'était mis à ourler ses lèvres et quand elle échangea un regard avec Octavia, je compris qu'elles se comprenaient parfaitement.

-Et puisque c'est ton anniversaire, laisse-moi te dire ça, Bennett, poursuivit Octavia d'un ton important. J'étais jalouse de toi à un moment.

-Excuse-moi ? m'étonnai-je, choquée. Pourquoi ?

Elle jeta un petit regard à la porte que ma mère avait refermé derrière elle. Par la vitre, on percevait nettement que les convives s'étaient décalés vers le salon et le murmure des conversations étaient réduits à un brouhaha infime.

-Simon, avoua-t-elle finalement. Quand j'étais avec. Il n'y avait pas un moment où il ne parlait pas de toi. Oh, pour beaucoup négatif, ne t'en fais pas ... « Victoria se plaint encore qu'elle est nulle en sortilège », « Victoria a failli m'assommer avec mon balai », « je suis obligé de rester avec Victoria en cours le reste de l'année ! » - celle-ci m'a bien fait rire parce qu'il a passé l'heure qui a suivi à imaginer des plans pour te rendre l'année impossible ...

-Le plan en question était de m'inviter au bal de Noël et de ruiner ma soirée, me souvins-je, vaguement embarrassée.

Octavia se frappa le front du plat de la paume alors qu'Emily partait d'un petit rire nostalgique.

-Oh oui je me souviens, l'histoire des cinq demandes ...

-Et bien tu vois j'aurais su ça, ça m'aurait conforté, maugréa Octavia. Victoria par-ci, Victoria par-là ... Mais qu'est-ce qu'elle a Victoria pour que tu parles tout le temps d'elle ? Je n'en pouvais plus. C'était si répétitif que pour moi, ce n'était pas juste de la haine, c'était ... autre chose.

Le sourire entendu qu'elle m'adressa me fit m'empourprer jusqu'aux oreilles. Une moue avait déformé les lèvres d'Emily et elle marmonna :

-Et en plus elle l'avait vu venir avant moi ...

-Si ça peut te rassurer, pas vraiment en plus, assura Octavia en haussant les épaules. On est obligée de revenir là-dessus ou plus s'intéresser au fait que visiblement on est dans le même bain professionnel ? D'ailleurs, rien à voir, mais c'est fou comme tu ressembles à ta mère, Bennett. Va savoir pourquoi j'ai toujours cru que tu ressemblais à ton père – peut-être parce que tu m'as surtout parlé de lui – mais en fait pas du tout, tu es le portrait craché de ta mère.

Je haussai les épaules, assez indifférente à l'information qu'Octavia vivait visiblement comme une révélation. Ce n'était pas nouveau, on avait passé mon enfance à me le répéter – parfois, mes grands-parents m'avaient même appelé « Marian ». Je n'en éprouvai qu'une fierté modérée. J'étais surtout heureuse de, dans l'histoire, tenir principalement de Jaga qui avait légué l'ensemble de ses caractéristiques physiques – boucles brunes, yeux sombres, pommettes saillantes et petite taille – à ses filles.

-Dans ma tête je ressemble à mon père.

-Ah bon ? s'étonna Emily, les yeux plissés. Pourtant le discours, c'est complètement quelque chose que tu pourrais dire.

Octavia hocha la tête pour approuver et je les lorgnai toutes les deux, assez surprises de les voir se liguer contre moi. J'aurais bien appuyé lourdement sur l'ironie de la chose mais la porte s'ouvrit sur Roger.

-Désolée de vous déranger ... Emily ? Tu viens ? On dîne chez mon père ce soir ...

La grimace dont nous gratifia Emily fut invisible aux yeux de Roger et elle s'arrangea pour se construire un beau sourire quand elle se leva pour lui faire face.

-J'arrive, j'arrive ... Vic' ... Tu me tiens au courant ? Et pour de vrai cette fois !

-Tu auras une lettre ce soir, lui promis-je, sachant pertinemment qu'elle parlait du contenu de la lettre de Simon.

-J'y vais aussi, mes parents n'aiment pas que je rentre tard ... (Octavia forma des guillemets avec ses doigts). « Par les temps qui courent ». Mais c'était un plaisir Bennett. Tes parents sont charmants et ton frère ... (Un sourire machiavélique retroussa ses lèvres). « Crapaud » ... Alors celle-là je vais la retenir ...

Toujours gloussante, elle m'adressa un vague signe de la main avant de s'en aller vers le salon. Emily suivit après m'avoir embrassé sur la joue et fait une dernière fois promettre que je lui enverrai une lettre ce soir. Il fallut Roger pour la tirer le long de notre allée pour qu'elle daigne enfin quitter la place, sous les yeux amusés et supérieures d'Octavia. Ils partirent tous à pied, à la recherche d'un endroit où transplaner alors qu'Alexandre et Melania restaient à la maison ce soir. Mes grands-parents paternels devaient venir dîner et mon père se dépêcha d'aller les chercher – grand-mère Anne ne conduisait pas et grand-père Benedict souffrait d'une surdité partielle qui le rendait impropre à la conduite. S'il avait supporté Octavia et Emily toute l'après-midi, l'idée de voir affronter mes grands-parents – quelques peu bourgeois, critiques, et prompts au jugement – dans un nouveau statut parut trop pour Simon. Je le laissai remettre sa veste en cachant de mon mieux ma déception. Dans les faits, j'avais l'impression de lui avoir à peine parler de la journée, mais je supposais que c'était le problème à être au centre de la fête : on devait se partager entre chaque convive. D'autant qu'Alexandre avait ouvertement accaparé Simon alors que j'étais moi-même aux prises avec une Emily décidée à rattraper le temps perdu. Avec un serrement au cœur et le rouge aux joues, je réalisai que j'aurais largement préféré passer la soirée en tête à tête avec Simon qu'à rester assise à écouter les grands-parents parler bridge et critiquer le gouvernement. Je ravalai in extremis ma plainte et préférai vérifier que mon frère ne nous épiait pas. Fort heureusement, il semblait trop occupé à se battre avec ma mère sur l'emplacement idéal de la future maison qu'il souhaitait acheter avec Melania.

-Ils habitent loin tes grands-parents ? s'enquit Simon.

Il parvint à ne pas faire passer d'anxiété dans sa voix, mais je la perçus à la façon dont il lissa le pan de sa veste en jean – une vieille et rapiécée qu'il devait avoir sorti du fond du placard quand le temps s'était radouci. Je consultai ma montre.

-Hum ... à une demi-heure, ils ne devraient pas tarder. Eux je ne t'en veux pas de les craindre, ils m'insupportent moi-même. Allez, file.

Un sourire coupable s'étira sur les lèvres de Simon et il me remercia de couvrir sa fuite en m'embrassant brièvement sur le front. Le geste me fit presque lever les yeux au ciel et l'espace d'un instant, je me demandai si Simon ne m'avait pas sciemment évité parce que ma mère nous avait surpris dans le vestibule. La réflexion me mortifia assez pour qu'il lise la contrariété sur mon visage.

-Quoi ?

-Rien ... Mon cadeau ?

-Ah !

La compréhension illumina le visage de Simon. Je me félicitai d'avoir rapidement trouver cette distraction et mon regard tomba ostensiblement vers le jean qui dissimulait la lettre. Durant une fraction de seconde, je m'imaginais la récupérer mais avant de penser si c'était réalisable, Simon l'arracha de sa poche et me la tendit avec un petit sourire.

-Allez, tu as été sage. Tu vas l'ouvrir cette fois ?

-La ferme, marmonnai-je en la saisissant sèchement. A demain ...

-A demain. Bon anniversaire.

Je m'attendais à un geste supplémentaire – un baiser, une caresse – mais il se contenta d'un vague signe et s'en fut le long de l'allée. Je le suivis du regard jusqu'à ce qu'il tourne à l'angle de la rue – sans même une fois vérifier si la voix était libre. Il ne jeta pas le moindre coup d'œil en arrière, les mains enfoncées dans les poches de sa veste. Passablement mortifiée, je me plaquai une main contre ma joue. J'avais l'impression affreuse d'être l'une de ses gourdes qui se languissaient, d'être injustement agacée par l'attitude de Simon, d'attendre quelque chose que je n'avais pas à attendre. Pour m'échapper de cette sensation affreusement désagréable et enfin casser l'appréhension, j'ouvris l'enveloppe pour en tirer une feuille de parchemin, déchiré, négligé. Il me parut vide dans un premier temps et il fallut que je le tourne plusieurs fois, perplexe, pour enfin apercevoir les différents points disposés sur une face. Ils n'avaient pas de sens, ne dessinaient rien de particulier : juste huit points.

-Bones, c'est quoi ça ? soufflai-je, consternée. Je te jure que si c'est pour tester mes compétences magiques ...

Et il y avait de grande chance qu'il y ait un rapport. Les points étaient une énigme qui se révélaient avec le sort adéquat ? Trempé dans la bonne potion ? J'avais abandonné la potion après mes BUSE ... Je restai un instant assise sur les escaliers, à contempler le parchemin si intensément que mes yeux s'asséchèrent. Il ne fallut pas longtemps qu'ils s'humidifient de frustration et je ravalai mon émotion en quelques battements de paupières. Mes doigts finirent par se crisper sur la feuille et la chiffonner dans mon poing.

-Bones ? Je te déteste. Vraiment.

-Victoria ?

Je redressai la tête avec un sursaut pour voir Melania entrer dans le vestibule. Elle portait toujours une robe un peu vieillotte, boutonnée jusqu'au col mais restait très élégante. Elle mit une main douce sur mon épaule.

-Hé, ça ne va pas ?

-Si, si ... Je souffle un peu avant que mes grands-parents n'arrivent.

Melania essuya un petit rire – grand-mère Anne ne l'avait loupé la première fois qu'elle l'avait rencontrée. Elle repoussa ses longs cheveux derrière son épaule et s'assit sur les marches à côté de moi avec un gros soupir.

-Je pense que je vais faire la même chose ... La seule chose qui me fait tenir c'est que je sais que ta grand-mère aura cette magnifique bague au doigt et que je vais pouvoir la lorgner toute la soirée.

-Tu la vois au tien, un jour ?

-Je pense même que je la porterai mieux qu'elle, évalua Melania en contemplant ses doigts. C'est quoi dans ta main ... ?

Mon regard se baissa sur mon poing où dépassait les pans chiffonnés du parchemin. Mes doigts se déplièrent et Melania parut soulagée – visiblement, elle avait cru qu'il s'agissait d'un mouchoir qui aurait dissimulée des restes de larme. Pour la détromper je dépliai le parchemin et le lissai sur ma cuisse.

-Le cadeau de Simon ...

Je n'avais pas pu endiguer un soupçon d'amertume dans ma voix et Melania me jeta un regard peiné. Elle se pencha sur le parchemin et je vis son regard suivre le chemin des points.

-C'est censé représenté quelque chose ?

-Je n'en sais rien, avouai-je avec une pointe d'agacement. Il m'a juste donné ça comme ça. Sans indice. Je pense qu'il faut utiliser la magie mais ...

-Je peux ?

Je hochai la tête et Melania prit délicatement le parchemin. Elle le tourna dans un sens, puis dans l'autre et finit même par sortir sa baguette mais elle secoua rapidement la tête.

-Non, ce n'est pas magique ... Mais attends.

Elle tendit les bras pour placer le parchemin au-dessus de sa tête dans un angle particulier. Là, elle hocha la tête avec plus d'aplomb, satisfaite.

-Ah ! ça ressemble à Canis Major.

-A quoi ?

Melania me jeta un regard moqueur.

-Tu as écouté en Astronomie ? Canis Major, le Grand Chien. C'est une constellation.

Je papillonnai stupidement des yeux. A chaque battement de paupière, le visage de Melania s'alternait avec celui de Simon pendant que les propos sonnaient comme une révélation.

C'est une constellation.

C'est une constellation.

Oh la la ...

Je restai le regard fixé sur les points que Melania tenait toujours au-dessus de sa tête, la bouche légèrement entrouverte. Je n'arrivais toujours pas à leur trouver de forme, un lien, mais ce n'était pas ce sur quoi mon esprit carburait. Les cours d'Astronomie étaient loin, si loin, leurs connaissances écrasées, compressées et effacée par de nouvelles. Carnis Major ... Carnis Major ... Non, ce n'était pas ça, ça ne pouvait être ça, ça avait encore moins de sens que le tracé abstrait des points – des étoiles.

Pas des étoiles. Une étoile.

Simon prénom-étoile-ridicule Bones.

-Mel, l'interpellai-je, le regard toujours rivé sur le parchemin. La constellation ... elle a une étoile connue, en particulier ? C'est assez frai dans tes souvenirs ...

Melania sourit, un sourire presque triste. J'aurais voulu m'interroger sur cet air, mais tout fut brutalement éclairé lorsqu'elle me répondit, de la voix prudente mais fière de l'élève qui avait soigneusement gardé en mémoire tous ses cours.

Et au nom qu'elle me donna, je sus qu'on avait toutes les deux viser juste.

Elle poussa un cri de surprise qui tenait presque du glapissement lorsque je lui sautai au cou pour lui embrasser la joue. Toute ma frustration s'était brutalement envolée, éclipsée par un sentiment d'euphorie qui me poussa immédiatement à me relever. Melania me jeta un regard éberlué.

-Victoria ?

-Ce n'est rien, la rassurai-je, un sourire extatique aux lèvres. Enfin non, ce n'est pas rien, c'est énorme, mais ... Je reviens !

-Victoria !

Mais j'avais déjà ouvert la porte, avant de faire volte-face pour récupérer le parchemin toujours dans les mains de Melania et d'enfin m'élancer dehors. Mon père gara la voiture au moment où je récupérai mon vélo dans le garage et il dut me barrer la route et attraper mon guidon de ses mains pour arrêter ma course.

-Mais Victoria, où tu vas ?

-Mais oui enfin, tu crois qu'on a fait tout ce chemin pour te voir partir en vélo ? rouspéta grand-mère Anne depuis l'intérieure.

-Elle fait quoi ? beugla grand-père Benedict depuis l'arrière de la voiture.

J'ignorai mes grands-parents et adressai un sourire penaud à mon père. Mes jambes fébriles jouaient négligemment avec les pédales, prêtes à s'élancer dès qu'il se serait écarté.

-J'ai oublié de dire un truc à Simon. C'est urgent. Promis je reviens !

Pendant une seconde, mon père parut si exaspéré que je crus qu'il allait refuser et qu'il garderait les mains fermement ancrées à mon guidon pour m'empêcher de partir. Puis il poussa un profond soupir, redressa ses lunettes et lâcha mon vélo avant de désigner la route devant nous.

-Sois là avant qu'on ait trinqué, prévint-t-il en tenant d'avoir l'air ferme. Et surtout sois prudente.

-Promis !

-La fille de sa mère, celle-là, marmonna grand-mère Anne en s'extirpant de la voiture.

De sa bouche, c'était loin d'être un compliment. Mais c'était trop tard : j'étais déjà trop loin pour que cela m'atteigne. C'était cela, j'étais inatteignable, intouchable. La colline qui soutenait Terre-en-Lande aurait pu s'écrouler sur moi que j'aurais continué à sourire. Un talisman s'était mis à briller en moi, à aveugler mes sens si forts que ma prudence s'en trouva altérer et malgré mes promesses je faillis rentrer dans la voiture de l'épicière Mrs. Fisher et griller la priorité à l'Ancien sur un passage piéton. La pente parfois abrute qui avait fait mes plaisirs d'enfant m'amenait irrémédiablement vers le bas sans que j'aie à pédaler, ou presque. Je descendis le village comme je l'avais fait petite : sans la moindre crainte, couchée sur mon cadran ou debout sur mes pédales, faisant complètement fi du fait que j'étais en robe et que l'air commençait à beaucoup trop se rafraichir. Comme si des ailes m'étaient poussées et me portaient jusqu'à ce qu'enfin, je l'aperçoive. Il n'était pas encore arrivé chez lui : il lui restait quelques mètres jusque la maison des Bones auréolée par le soleil déclinant. La pente s'amenuisa assez pour que je sois obligée de me fendre de quelques coups de pédales et j'attendis d'être à portée de voix pour hurler :

-Bones !

Simon sursauta et pivota d'un quart de tour, assez pour me voir apparaître dans la partie périphérique de son champ de vision. Il parut décider que c'était beaucoup trop car il eut une réaction pour le moins surprenante et équivoque : il se mit à courir en direction de chez lui.

-Bon sang Vicky !

-Quoi encore ?!

-J'ai fait un pari de moi à moi que je serais arrivé chez moi quand tu comprendrais !

J'éclatai d'un rire incontrôlable qui faillit me faire perdre mon souffle. J'aurais pu être vexée, agacée ou blasée, mais tout sentiment négatif avait été réduit à néant lorsque Melania avait prononcé les mots « C'est une constellation ». Je n'avais même pas eu le temps de me sentir idiote face à tout ce qui m'avait animé dans la journée : la peur d'ouvrir l'enveloppe, la tristesse de voir Simon me quitter prématurément ou d'avoir cette sensation qu'il m'avait évité. A la lumière de ce que je venais de découvrir, c'étaient des miettes, de la poussières, l'ombre d'un indice de ses intentions réelles, en vérité.

En quelque coups de pédale, je le dépassai, stoppant nette sa course vaine, et exécutai un demi-tour rapide – et accompagné d'un dérapage un brin crâneur – avant de descendre de mon vélo avant même qu'il ne se soit immobilisé. Nous le fîmes tous les deux quand l'inertie s'acheva et que mon monde cessa d'avancer lorsqu'enfin je me retrouvai devant Simon. Il eut une seconde, une seconde où, haletant, Simon sembla fuir mon regard, le river sur sa maison jusqu'à ce qu'il craque et ne le glisse sur moi. Il eut une autre seconde où ses yeux croisèrent les miens, brillants, sans que je n'arrive rien à en discerner. Elle parut s'écouler à l'infinie, comme la pente qui m'avait amené ici, à lui.

A lui. Enfin.

Et sans attendre, je lâchai le vélo qui alla s'écraser contre la barrière, passai mes bras autour de son cou et le forçai à s'incliner vers moi pour l'embrasser. Loin de me repousser, Simon m'entoura immédiatement de ses bras et très vite je me retrouvai plaquée contre lui, presque plus proches que je ne l'avais jamais été – et en un sens, c'était le cas. J'étais essoufflée après mon rire et ma course en vélo, lui à bout de souffle après avoir tenté de le suivre, pourtant il n'eut aucune hésitation, aucune tentative pour nous fuir, apaiser nos rythmes cardiaques. Ils s'emballèrent derechef, suivant la cadence de nos lèvres qui se cherchaient, se retrouvaient, se quittaient l'espace d'une demi-seconde pour à nouveau se happer. C'était chaotique, comme les battements de nos cœurs, mais la chaleur bienfaisante et grisante qui semblait irradier dans mon corps se chargeait de liait la scène en un ensemble à la fois cohérent et enivrant.

-Enfoiré, soufflai-je entre deux baisers.

Un petit rire me répondit, étouffée par mes lèvres qui continuaient de chercher les siennes jusqu'à ce qu'il trouve la seconde nécessaire pour glisser :

-Non, ce n'est pas ça ...

-Pff !

Pour éviter qu'il lâche d'autre pique, je remontai mes doigts jusque sa nuque, enfonçant mes phalanges dans ses cheveux pour presser son visage contre le mien et noyer le moindre mot dans notre baiser. Lentement, le rythme s'apaisa sans que jamais nos lèvres se désunissent. Les mains de Simon se firent moins pressantes, plus légères dans mon dos et ce ne fut que lorsque son étreinte se desserra que je me rendis compte d'à quel point elle avait été forte, puissante. Il aurait pu m'enserrer dans un étau et me couper la respiration que je n'aurais pas vu la différence, mais une fois relâchée j'éprouvai enfin le besoin de reprendre mon souffle. Je m'écartai, juste un peu, juste pour pouvoir lever le regard et le planter dans le sien. Il souriait, mais de façon si infime que c'était à peine perceptible. Ses yeux souriaient plus que ses lèvres. Ils étincelaient, percé d'éclat de fierté et de tendresse qui m'obligèrent à plonger mes doigts dans ses cheveux pour garder un ancrage avec la réalité.

-Sirius, murmurai-je, si bas, presque avec révérence. Simon Sirius Bones ...

Une lueur vacilla dans le regard de Simon et une de ses mains se crispa dans mon dos. J'apaisai la réaction d'une caresse sur son visage. Ses yeux se fermèrent et après une seconde de flottement, il se laissa aller contre moi jusqu'à ce que son front touche le mien. Un petit rire étranglé s'échappa de ses lèvres.

-T'en as mis un temps ...

-Un prénom ridicule porté par un homme envoyé pour crime affreux à Azkaban ... Tu m'étonnes que tu ne voulais pas me le dire ...

Simon ne répondit pas et se contenta de faire glisser ses mains de mon dos à ma nuque. Je fermai les yeux, soudainement débordée par l'émotion maintenant que ses lèvres n'étaient pas là pour occuper mes sens et mon esprit.

Sirius. La dernière pièce, celle qui m'échappait depuis toujours. Son nom étoile, l'héritage de sa mère, l'héritage des Black. Son identité entière, enfin assumée. Enfin révélée.

J'avais tant attendu ce moment, tant rêvé que les larmes me montèrent aux yeux. Il fallut que je le répète plusieurs fois, des murmures audibles par lui-seul, une répétition pour l'intégrer complètement, l'associer définitivement à ce que qu'il était, à tout ce que je savais. Sirius, Sirius, Simon Sirius. Simon Sirius Bones. Et chaque fois, Simon m'embrassait, sur le front, la joue, le nez, si bien ce que cela finit par être de la réclame et qu'il étouffe un dernier « Sirius » contre ses lèvres avec un improbable éclat de rire.

-Merci ..., finis-je par dire dans un filet de voix, éraillé par l'émotion.

Simon sourit, de ce sourire si doux que j'avais toujours cru uniquement adresser à Susan et qui de plus en plus semblait devenir ma prérogative. Car j'en étais sûr, si c'était le sourire de Susan, il ne l'avait jamais regardé de cette manière, avec ce regard si clair et pourtant si fiévreux, dont l'éclat était vivifié par un fin voile de larme. Il agrippa ma nuque de ses deux mains pour m'embrasser sur le front d'un baiser que je trouvais tout, sauf chaste et qui me troubla presque davantage que s'il avait été sur mes lèvres.

-Joyeux anniversaire Vicky ... ça t'apprendra à avoir peur de mes cadeaux.

J'essuyai un petit rire avant de me hisser sur la pointe des pieds et de l'embrasser de nouveau, plus tranquillement, plus posément. J'aurais pu rester des heures, oubliant le soleil qui se couchait derrière nous, ma famille qui m'attendait dans les hauteurs du village, et même jusqu'à ce que je venais d'apprendre – si peu, mais qui rendait Simon si complet à mes yeux que les larmes refusèrent de se refouler. Une bulle de tiède chaleur m'enveloppa de nouveau jusqu'à ce qu'un cri la perce nette :

-EXCUSEZ-MOI ?!

Malgré notre sursaut, ni lui ni moins nous écartâmes l'un de l'autre : Simon garda ses mains vissées à ma nuque et les miennes à ses épaules – tout, plutôt que de briser l'instant. Nous daignâmes juste tourner la tête pour apercevoir une fille brune sur le trottoir d'en face, trainant derrière elle une valise, un ballon de football et un petit frère qui nous fixait avec de grands yeux ébahis. Oh oh ... J'attendis un mouvement de panique de la part de Simon, mais il se contenta d'un soupir qui se répandit dans mes cheveux et hérissa ma chair de poule.

-C'était dans le planning, ça ?

-Non, assurai-je avant de saluer la jeune fille en face d'un geste de la main. Salut Chloé ! 

*** 

FINALLY 

Alors vous avez aimé le chapitre? 

Bon pour la petite histoire, ce n'était pas mon idée de base. Mon idée de base c'était Persée - ou Perseus, je n'avais pas très bien décidé. C'est une des seules constellation qui a un joli nom. 

ET PUIS. Je me suis dis que Sirius ça irait trop bien. Mais vraiment, en plus d'être le prénom-étoile, il y a tout le passé sang-pur et mémoriel qui reviendrait. En plus il est associé à l'un des pires criminels possibles (de ce que Simon sait dans son adolescence CALMEZ VOUS LES SIRIUS GROUPIES JE VOUS VOIS) ce qui explique parfaitement son obstination à ne pas le dévoiler. Vraiment c'était beaucoup trop attrayant pour que je ne l'utilise pas. 

(Celle.eux qui ont deviné je vous déteste voilà) 

Donc voilà ! Maintenant je vais aller continuer l'écriture pour me refaire mon avance qui fond. Vraiment je survis là, j'aime pas du tout. ça me fait peur. 


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