III - Chapitre 36 : Le passé reste au fond des cœurs.

Guess What ...? 

Disons que j'ai reçu une supplique hier qui m'a beaucoup touchée (deux en réalité) et comme je suis toujours à la recherche d'excuses pour poster plus tôt ... C'est très vilain de s'attaquer ainsi à mes faiblesses si béantes. 

Bon sang, heureusement que j'ai fini de boucler mon chapitre, sinon j'aurai été dans une situation critique. Bon, j'espère que je vais continuer sur ma lancée maintenant ! 

BON BEAUCOUP DE TRUCS A DIRE SUR CE CHAPITRE 

- Déjà j'ai triché. Oui, je le confesse, mea culpa. Les yeux experts auront reconnu le titre comme étant une chanson de La reine des neiges II , la berceuse d'Ahtohallan. Et il se trouve que ... je vais l'utiliser, comme si c'était une chanson sorcière. Je vous la mets en lien, écoutez-la (elle sera utilisée dans le chapitre), vous allez très vite comprendre pourquoi elle m'a tapé dans l'oreille. 

- Je ne suis pas fan des images insérées dans le récit. Mais là pour votre bonne compréhension, je ne vais pas avoir le choix : je pense que ce sera plus pratique pour vous. Il y aura quelques incohérences avec le récit, j'expliquerai en commentaire (mais rien de grave). 

Maintenant je vous laisse avec le chapitre. La citation est issue d'une de mes chansons préférées de Mozart Opéra Rock (oui après la Perri enfant on touche à la Perri ado) et encore une fois les paroles sont parfaites pour les événements je trouve. 

BONNE LECTURE <3 

*** 

Je hais les roses autant que mes sanglots !
La vie s'impose, je crois à nouveau
En mes rêves défunts
J'ose enfin
Oser la fièvre du parfum
Des roses ! 

- Je dors sur les roses 
Mozart Opéra Rock 

*** 

Chapitre 36 : Le passé reste au fond des cœurs

Il me fallut encore dix minutes pour rassembler le courage et la sérénité nécessaire avant de partir à la recherche de Simon. J'en profitai pour recueillir quelques informations sur ma professeur d'Etude des moldus par le professeur Shelton, visiblement très affecté d'avoir ainsi laissé échapper l'information. Il n'avait pas réalisé, disait-il, que la volonté de Simon restait si fragile. Lysandra, elle, n'avait laissé échapper le moindre mot et était réduite au silence par le regard acéré de son mari. Je me doutai qu'elle n'aurait rien de bien ou de rassurant à dire et que l'unique chose qui la démangeait, c'était de cracher contre Rose Bones qui avait laissé cette situation s'installer au point que son fils ne supporte d'entendre parler de sa véritable histoire.

Oui. J'admettais également que c'était regrettable.

Le problème, c'est que je n'avais aucune idée de la destination que Simon avait pu prendre. Je passai la demi-heure suivante à transplaner un peu partout : sur les berges du canal, dans le parc de jeu de Terre-en-Landes, au milieu des champs et même chez moi. J'avais même poussé jusque Londres et le QG mais l'unique personne présente – Hestia Jones – ne l'avait pas aperçu. Un peu agacée, je tentai le dernier endroit que j'avais en tête, mais le plus improbable : l'antique maison des Bones sur les bassesses de Terre-en-Landes. La maison du drame ... pourquoi irait-il s'infliger cela ?

Il le fait bien depuis quinze ans, songeai-je en passant la porte, à bout de souffle après mes différentes courses. Peut-être qu'il avait développé une sorte d'insensibilité aux souvenirs dramatiques qu'elle renfermait au fil des ans. La maison était silencieuse, silence qui m'hérissa l'échine. Je frottai mes bras pour apaiser la chair de poule et parcourus les différentes pièces de la maison. Le vieil hibou Ogma dormait dans le cellier et la grande horloge dans le salon battait sinistrement la mesure du temps. Avec un grand malaise, je me résolus à grimper l'escalier aux marches grinçantes – là où avait été retrouvé Matthew Bones, quinze ans plus tôt. Comment Simon faisait pour marcher quotidiennement sur ses marches en sachant qu'elles étaient souillées du sang de son frère aîné ?

Je montai les escaliers en courant, comme si j'avais peur de moi-même voir Matthew étalé sur ses marches. Sans attendre, je grimpai au deuxième et dernier étage où se trouvait la chambre de Simon et je fus surprise de découvrir au milieu du couloir ensoleillé une échelle déployée. Je sursautai, une main sur le cœur et l'autre à ma poche que dissimulait ma baguette avant de me détendre. L'espace d'un instant, j'avais cru voir l'ombre d'une silhouette menaçante. J'observai l'échelle, le cœur battant et découvris une ouverture carrée dans le plafond.

-Simon ? Dis-moi que c'est toi là-haut.

Je m'y approchai prudemment, l'oreille alerte. Après une seconde de flottement, j'entendis un concert de grincement et la voix de Simon jaillir de l'ouverture :

-Et toi, dis-moi quelle chanson tu as chantée après la première tâche de Cédric.

-Tout Poufsouffle m'a entendu chantée, ce jour-là, fis-je remarquer avec l'ombre d'un sourire. Et tu ne l'avoueras jamais, mais je suis sûre que tu as adoré mon interprétation de Je voulais déjà être roi ...

Sans même réagir, j'entendis Simon s'éloigner de l'ouverture. Avec un soupir, je plaçai mes mains sur les barreaux et me hissai. Pour chasser les traces de fatigue ou d'énervement, je me mis à fredonner frénétiquement en grimpant l'échelle.

-Je vais faire dans la cour des grands une entrée triomphale ... en poussant très royalement un rugissement bestial ! – Majesté, tu ne te mouches pas, tu coudes ... je voudrais déjà être roi ...

-Tu veux me la mettre dans la tête, c'est ça ?

J'essuyai un petit rire et émergeai enfin dans ce qui semblait être le grenier des Bones. Les effluves de poussière et de renfermé se mélangeait avec celle du vieux bois et me prirent à la gorge. Avec de grandes fenêtres qui perçaient les toits, les murs inclinés du sol au plafond et les poutres qui s'entrelaçaient, l'atmosphère y était très lumineuse et intime alors que la pièce couvrait la moitié de la surface de la maison des Bones. Des boites de bois et des cartons étaient entassés dans chacun des coins et contre le seul mur qui n'était pas mansardé. Sur les étagères, des bibelots prenaient la poussière depuis des décennies, de vieux vases de cristal qui avaient perdu leur transparence ou de statuette dorées qui ne brillaient plus depuis longtemps. Au milieu de la pièce, Simon se tenait face à une pile de carton qui semblait être la plus récente. Il en caressait les coins, le visage fermé, le visage baignée dans une drôle de lumière à moitié granulée par la poussière en suspension dans l'air. En un éclair, je compris ce que refermait ces cartons et l'énervement fut balayé par des vagues de compassion et de curiosité. Lentement, je m'approchai de Simon et j'attendis d'être assez proche pour chuchoter :

-Ce sont leurs affaires ... ?

Incapable d'articuler le moindre mot, Simon se contenta d'acquiescer. Maintenant que j'étais assez proche, je pouvais lire les mots parfois tremblants sur les boites. « CHAMBRE SPENCER », « BUREAU EDGAR », « COURS MATTHEW » ... Tout était là : la vie brisée de la famille Bones, entassée dans des cartons, cachée dans l'ombre, oubliée sous la poussière. Sans pouvoir m'en empêcher, je les effleurai également, fascinée, avec l'impression d'enfin les toucher du bout des doigts. Je les avais vu en photo, j'avais entendu anecdotes et histoires mais c'était la première fois que j'avais l'impression de toucher leur vie.

-Je ne savais même pas qu'elles étaient vraiment ici, souffla Simon dans un filet de voix. Je me suis juste dit ... que si elles devaient être quelque part, c'était là. Je ne suis jamais monté au grenier ... Caroline a essayé une fois, tu aurais vu la colère de ma mère ... Personne n'a osé depuis.

La mention de la colère de Rose me tordit le ventre et je songeai de nouveau à l'amertume de Lysandra. Songe à cela : c'est elle qui gère Simon depuis dix-huit. Pas George : elle. Elle qui a accepté d'entrer dans son jeu qui envoyait ma sœur aux oubliettes, elle qui l'a élevé dans le déni. Elle s'est construite comme son seul repère. J'avais beau savoir que Rose avait fait tout cela pour préserver Simon et lui réserver une enfance heureuse et insouciante, l'idée que cette famille soit ainsi cachée dans le grenier était dérangeante. Doucement, je passai une main dans le dos de Simon et repensai à tout ce qu'il avait laissé éclater depuis quelques jours. Cette fois, j'en ai marre. J'ai l'impression qu'ils parlent une langue étrangère, sauf qu'ils parlent de ma vie.

-Alors qu'est-ce qu'on attend pour les ouvrir ?

Simon laissa échapper un petit rire et arracha son regard des cartons pour le baisser sur moi. Toute la douleur et le désarroi qui hantaient ses prunelles m'obligèrent à l'enlacer plus franchement. Son bras passa dans mon dos et sa main se referma sur mon côté, fébrile.

-Tu m'aides ... ?

-Toujours, soufflai-je, mon regard planté dans le sien. Tu le sais ...

Je me hissai sur la pointe des pieds et passai la main sur sa nuque pour embrasser sa joue en toute délicatesse. Simon ferma les yeux et laissa échapper un gros soupir qui trembla dans mes cheveux. Lentement, ses doigts se détendirent sur mon flan et il s'écarta après avoir posé un bref baiser dans mes cheveux.

-Sérieusement, qu'est-ce que je ferais sans toi ... ?

-Tu resterais planté devant les cartons sans oser les ouvrir.

Je repoussai une mèche qui lui tombait dans les yeux et pris sans attendre le premier carton à ma modeste hauteur. Avec révérence, je le posai sur le sol et m'assis en tailleurs devant lui. Simon vint me rejoindre à terre et lut l'inscription.

-Hum ... « Archives Edgar » ... (Il me jeta un regard malicieux). Tu as été influencée ?

-Ah, ah ... Ouvre au lieu de te moquer.

Simon ricana et passa la main sur le carton. Ses doigts hésitèrent sur le scotch qui le scellait et son regard se perdit au loin. J'avais la nette impression qu'il ne voyait pas une simple boite renfermant des souvenirs mais l'essence même de son père. Il finit par se rendre compte que je le contemplai, certainement avec inquiétude et il essuya un petit rire étranglé.

-Je ... je suis pas sûr, je ... j'ai ...

J'ai peur. Il était incapable de les prononcer, mais moi je les entendais les mots qui refusaient de franchir ses lèvres. La peur fendait sa voix, faisait trembler ses doigts, lui ravivait ses dernières couleurs. Mais l'envie de savoir finit par l'emporter sur le reste et il empoigna fermement le carton pour le tirer vers lui. Il battit des paupières pour chasser les larmes qui commençaient à faire briller son regard et prit une profonde inspiration avant de se mettre à déchirer le scotch. Il luttait, avançait péniblement mais je le laissai faire, la gorge obstruée par un bouchon douloureux. Avec un grognement, il parvint à arracher la bande collante et ouvrit les deux pans du carton. Il ne prit pas le temps de faire une pause ni même d'analyser le contenu pour en extraire une liasse de parchemin. Il défit l'élastique qui l'enserrai et y jeta un bref coup d'œil. Le rire qui suivit avait quelque chose d'étrange, avec des traces de pleur et de soulagement.

-Des notes pour le Ministère ... Que du jargon juridique, je ne comprends pas la moitié ... Je n'ai pas cette fibre-là, moi ...

-Aucun de vous trois si j'ai bien compris.

Simon enroula le parchemin, l'air songeur.

-Non, tu as raison ... Matthew ne paraissait pas très scolaire, Spencer était précoce mais très timide et renfermé ... et moi ...

Il rangea le parchemin dans le carton et en sortit un nouveau. Encouragée par l'enchainement, je me mis à fouiller à mon tour. La boite était pleine de carnet et de rouleaux aux coins énornés qui jaunissaient avec le temps. Des choses très impersonnelles et très protocolaires, rassurante pour débuter un voyage dans le temps.

-J'aurais peut-être pu, finit par lâcher Simon d'une voix rauque. J'aurais pu être celui qui aurais repris le flambeau ... J'en avais les capacités. J'ai fini major de ma promotion, préfet-en-chef ... J'ai la foi, j'ai la flamme des Bones. Peut-être que si je n'avais pas ... que ça s'était passé autrement ...

Il avait commencé à tordre le parchemin qu'il tenait entre ses doigts et je couvris rapidement la main de Simon de la mienne, assez fermement pour que mon message passe.

-Tu n'avais pas le tempérament pour t'enfermer au Ministère, on le sait tous les deux Simon. Ce n'est pas ce qui s'est passé qui a façonné ça, c'est simplement ce que tu es. Toute ta vie n'est pas conditionnée à ce qui s'est passé quand tu avais trois ans ... Tu étais quelqu'un avant ça et c'est toujours en toi. Dont ta capacité certaine à refuser une autorité ou à t'enflammer. Et un manque d'intérêt total pour la paperasse. Tu n'aurais pas tenu une semaine dans le Magenmagot avant de jeter un sort à quelqu'un ou envoyer les parchemins valser.

Un sourire frémit sur les lèvres de Simon sans complétement s'y épanouir et il jeta un bref regard au parchemin qu'il venait de saisir. Et comme pour prouver mes dires, il le jeta derrière son épaule en un froissement.

-Ouais, tu as sans doute raison. Ce n'est pas le traumatisme qui m'a donné mon intérêt pour les sortilèges ... Donc aucun d'entre nous n'aurait repris le flambeau.

-Parfait, Susie est là pour vous suppléer. Tu l'as dit toi-même : ce sont les femmes qui gèrent dans cette famille.

-Ça c'est clair. Il n'y avait qu'à voir tante Amy ... Et ma grand-mère Susan, il parait que c'était une sacrée aussi ... Bon, je vais ouvrir un autre parce que le jargon juridique c'est barbant. Tu m'aides ? A deux on ira plus vite ...

Il me tendit une main et je la saisis immédiatement avec un sourire. Fouiller, ça me connaissait et je pouvais même dire que j'adorais cela. J'avais passé une partie de mon enfance à observer les vieilleries que ma grand-mère Anne gardait jalousement – des broches somptueuses, de vieilles photos avec la bonne société anglaise – et l'autre à écouter les anecdotes de Jaga sur sa Po logne natale. C'était peut-être là que se situait ma passion pour l'Histoire et j'avais poursuivi en fouillant archives et passé. Notamment de celui de Simon.

Nous nous retrouvâmes rapidement assis au milieu des cartons éventrés. Les papiers et objets s'alignaient autours de nous, grignotant le moindre espace, comblant chaque vide dans l'esprit de Simon. Dans une petite boite, il y avait un échiquier aux pièces polies que Simon disposa sur un plateau. Dans un carton, je découvris un nouvel album familial dédié au mariage de Cassiopée et Edgar. Caché dans un coffre, Simon débusqua le balai de Matthew, un vieux modèle d'Etoile Filante – obsolète maintenant mais qui devait être la pointe de la mode dans les années 70. Spencer collectionnait visiblement les puzzles : il y en avait des centaines de boites, certains que malgré ma patiente légendaire je ne parviendrais jamais à finir moi-même. Puis au milieu de toutes ses boites j'en découvris une qui me fit éclater de rire.

-Matthew aimait le Scrabble ? Sérieusement ? Le Gryffondor turbulent qui faisait du Quidditch ?

-Dis, Vicky, qui pourrait dire que Sainte Victoria est capable de se prendre des cuites ? rétorqua Simon, presque sur la défensive.

Il en fut quitte pour que je lui lance une pièce du scrabble à la figure. Tout était là : le plateau, le pupitre, et même le dictionnaire qui datait de 1975. Je l'ouvris et découvris dans les marges des mots visiblement inventés tant ils avaient peu de sens. Je fixai avec un drôle de creux dans le ventre l'écriture de Matthew Bones, évoluant au fil des ans, des plumes, des situations. Puis je m'arrêtai à la première page et découvris une autre manuscrite d'une autre main.

Pour que tu daignes enfin jouer LOYALEMENT avec des VRAIS mots. Bones indigne. Joyeux anniversaire. Ju.

Juste en dessous, la main de Matthew ajoutait d'un ton que j'imaginais débordant de malice :

Mais j'utilise des mots du dictionnaire ! Regarde par toi-même, je l'ai personnellement enrichi d'un vocabulaire que j'estime indispensable. Lâche l'affaire Ju' : t'es juste deg' que je sois plus fort que toi quelque part.

Les larmes aux yeux, je pressai le dictionnaire contre ma poitrine. L'espace d'un instant, c'était comme si j'avais entendu la voix de Matthew Bones flotter dans les airs. Ces mots, c'était plus prégnant que n'importe quelle photo, n'importe quelle anecdote. C'était son essence même qui m'était révélée, venue des profondeurs d'un dictionnaire livré à l'ombre et la poussière.

-Waho.

Je levai le visage pour chasser les larmes et pivotai vers Simon, l'épais volume toujours pressé contre moi. Simon étalait devant lui un nombre incalculable de papier tâchées de petits points. En me rapprochant, je réalisai que ce n'étaient pas des tâches : c'étaient des notes. Des partitions défraichies, toutes datées des années cinquante, tracées à l'encre sur du simple papier. Une larme vint s'abattre sur les portées parfaitement droite et une clef de sol se délava pour veiner les lignes d'encre noire.

Simon venait de découvrir qu'il tenait la musique de quelqu'un.

J'en lâchai le dictionnaire pour me rapprocher de lui et du carton qu'il débouillait. Il essuya la larme qui roulait de nouveau sur sa joue d'un revers de main avant qu'une autre ne vienne tâcher l'impeccable travail. Il attendit quelques minutes de se calmer avant de se replonger, les yeux brillants.

-Je ne connais pas les morceaux ... Je pense que ce sont des compositions. Quelqu'un composait ...

-Ce n'est pas noté qui ? demandai-je avec douceur.

-Sans doute un de mes parents, vu la date ... On aura qu'à demander à Lysa qui aimait la musique.

Je hochai la tête, rassurée par la mine résolument déterminée de Simon. J'embrassai le sommet de son crâne en espérant lui insuffler un peu de ma force et le laissai à ses dépouillements. Presque tous les cartons étaient ouverts, à moitié vidé sur le sol mais je finis par en trouver un intact. Avec un pincement au cœur, je lus « CHAMBRE SPENCER ». Spencer ... celui qui en enfermant Simon dans le placard lui avait sauvé la vie. Le petit ange blond, le petit prodige. Comprenant que le souvenir paralysait Simon, je me chargeai d'en déchirer le scotch et ouvrit le carton. La première chose que j'y vis m'arracha un petit rire.

-Je ne sais pas lequel de tes parents aimait la musique ... mais je pense que ça s'est aussi transmis à Spencer.

Avec un émerveillement certain, j'en sortais une magnifique boite à musique d'acajou. Je soufflai dessus pour faire disparaitre la poussière et effleurai les délicates arabesques qui creusait le point. C'était un objet trop ancien pour dater de la naissance de Spencer. En revanche, j'en découvris une seconde, plus petite et plus simples, sculptée d'une farandole d'animaux qui en faisait le tour. Sans attendre, j'y tournai la clef et une douce mélodie entêtante en jaillit. Des notes très enfantines, douce comme tout qui s'élevèrent et m'arrachèrent un sourire ému. Puis la mélodie s'imprima dans mon esprit et je papillonnai les yeux, très surprise.

-Mais ... c'est moldu !

-Comment tu le sais ? s'étonna Simon, occupé à feuilleter l'album de mariage.

-La chanson ... c'est connu, un thème très écouté par les enfants ...

Je retournai la boite dans tous les sens, à la recherche d'un indice, d'un code-barre ou un numéro de série qui pourrait prouver la provenance moldue de la boite. Je finis par trouver des chiffres gravés en dessous. J'étais en train de les déchiffrer quand une nouvelle musique rompit le silence, plus mélancolique, avec des notes claires et nettes, presque tranchantes comme les lames qui la jouait. Je me tournai vers Simon, surplombant la boite d'acajou qu'il venait d'ouvrir. A l'intérieur s'était élevé la silhouette en bois d'une danseuse étoile, avec ses joues rouges et un tutu de tulle. Animée par magie, elle s'était mise à gracieusement danser au rythme de la musique, aussi légère et souple que si elle avait été de chair.

-Celle-là, elle est clairement magique, évaluai-je avant de précipitamment demander : ça va ... ?

Simon avait blêmi et fixait la danseuse avec de grands yeux qui s'emplissaient progressivement de nouvelles larmes. Il ne paraissait pas m'avoir entendu : il était captivé par la boite à musique et quand la mélodie s'acheva, il s'empressa de la rouvrir puis de la refermer pour la faire se rejouer. Quelques notes passèrent avant qu'il ne se mettent à chanter en écho, d'une voix rauque, à peine plus haute qu'un murmure et qui semblait venir des tréfonds de lui-même :

Quand le vent frai vient danser

La rivière chante pour ne pas oublier

Ferme les yeux si tu veux voir

Ton reflet dans son grand miroir ...

Dans l'air du soir, tendre et doux,

L'eau claire murmure un chemin pour nous.

Si tu plonges dans le passé :

Prends garde de ne pas t'y noyer.

Elle chante pour qui sait écouter

Cette chanson magie des flots

Il faut nos peurs apprivoiser

Pour trouver le secret de l'eau.

Quand le vent frai vient danser

Une maman rêve tout éveillée

Dors mon enfant n'aie plus peur

Le passé reste au fond des cœurs.

Les notes s'éteignirent et la voix de Simon avec. Ce ne fut que lorsqu'il essuya une larme sur sa joue que je réalisai que je pleurais aussi. Simon chantait rarement – c'était par la guitare qu'il s'exprimait musicalement, une façon paradoxalement silencieuse de jouer. Pourtant il avait eu une très belle voix enfant et la mue ne l'avait pas trop abîmée. J'avais oublié combien il pouvait chanter juste, malgré l'émotion qui faisait trembler le chant et les mots qui me perçaient le cœur.

Si tu plonges dans le passé prends garde de ne pas t'y noyer ...

Les paroles étaient incroyables. Le sens saisissant. Les mots si justes. 

Simon referma le couvercle de la boite, l'air sonné. Il ne parvenait pas à détacher ses doigts du bois, et suivis les traces des fines étoiles sculptées en relief et des astres qui décorait la serrure.

-C'est ... je ... (Il porta une main à sa tête, les mots butant contre ses lèvres). J'en reviens pas de m'en souvenir encore ...

-C'est à ta mère ?

C'était la première chose qui me revenait en observant les étoiles filantes qui décoraient le cadre. Les Black étaient liés à la nuit mais surtout aux étoiles, ne cessait de marteler Lysandra et la boite était assez ancienne pour être un héritage. Simon hocha lentement la tête.

-En tout cas, c'est elle qui la chantait ... ça ... ça a toujours été dans un coin de ma tête, cette musique ... Parfois quand je me réveillais, je l'avais en tête ... Avec le fantôme de sa voix ... (Il empoigna la boite de ses deux mains et la fixa intensément). C'était la dernière chose qui me restait d'elle et je la repoussai de toutes mes forces ...

-Oh mais non ...

Je glissai sur le parquet près de lui et posai ma tête sur son épaule. Il appuya sa joue contre mes cheveux et son souffle laborieux fut s'envoler quelques mèches brunes. J'effleurai du bout des doigts les astres sur la boite, fascinée, comme si cette boite d'acajou renfermait l'essence de Cassiopée Bones comme le dictionnaire celle de Matthew.

-Regarde-toi dans un miroir, Bones, murmurai-je. Il te reste plein de choses de ta mère ...

Pour le lui prouver, je me redressai et attrapai une de ses mèches où se mélangeait le blond et le cuivre selon les rayons qui les frappaient, qui devenait presque châtain l'hiver et d'or l'été. Un sourire trembla sur ses lèvres fines – un sourire qu'il tenait également de Cassiopée Bones. Lentement, il se pencha davantage sur moi et je l'enlaçai, le front pressé contre son épaule. Nous restâmes ainsi quelques minutes, le temps que la respiration laborieuse de Simon s'apaise. Ses doigts se décrispèrent sur la boite et quand il s'écarta avec un gros soupir, il la plaça sur le côté – et je compris qu'il avait la ferme intention de l'inclure à présent dans sa vie.

Les yeux toujours luisants, mais plus calme, il poursuivit ses investigations et se plongea dans les affaires de Matthew. Moi, je me tournai de nouveau vers les archives d'Edgar. Simon goûtait peu le papier et le jargon administratif, mais j'étais persuadée que la paperasse pouvait receler des trésors. Je vidai consciencieusement les dossiers, les rouleaux de parchemins, jusqu'à trouver de vieux carnets manuscrits qui ressemblaient forts à ceux entassés sur une étagère de la bibliothèque. J'en ouvris un à la page de garde pour voir inscrit d'une élégante écriture : « Nicholas Bones – recherches personnelles ».

-Nicholas c'est ton grand-père paternel ?

-C'est ça, confirma Simon d'un ton distrait. Je ne l'ai pas connu, mes grands-parents sont morts dans une attaque du chemin de traverse avant ma naissance ... Regarde ce que j'ai trouvé dans le sac de Matthew !

Je levai la tête pour le voir assis au milieu d'une dizaine de cassette audio, celles que mon père utilisait encore pour le vieil autoradio de sa voiture. J'eus un rire incrédule.

-Oh la la, c'est tellement vintage !

-Pour les moldus peut-être, mais pas pour les sorciers ... C'est étonnant qu'il y ait tout ça ... Queen, Genesis, les Beatles ...

-Excellents goûts.

-Attends, ce n'est pas tout ... (Il plongea sa main dans le sac pour en sortir un album pour enfant encore plastifié). Oh ... Robin des bois ... Ça, je doute que c'était pour lui.

Il le retourna pour en lire le titre et se fendit d'un petit rire. Cette fois, les larmes ne vinrent pas embuer son regard et un léger sourire continuait de flotter sur ses lèvres alors qu'il examinait l'album. Je me replongeai dans les carnets de Nicholas en sifflotant tranquillement le début du dessin animé de Robin des bois. Simon me jeta un regard torve devant la mélodie.

-Vicky, elle va me bouffer le cerveau cette musique...

-Tu préfères Le Roi Lion ? Hé ...

En tournant les pages, j'avais fini par découvrir un arbre généalogique, inscrit à la main d'une écriture soignée. Clair et concis, il retraçait les origines de la famille Bones depuis le début du XIXe siècle. Je tournai le carnet et déployai toutes les feuilles annexes repliées dans le carnet pour étendre l'arbre. Fascinée, je retrouvai facilement Edgar et le trait qui l'unissait à Cassiopée Bones surmontée de leur date de mariage – 9 février 1963. Des enfants, seul Matthew et Spencer étaient inscrits mais Nicholas n'avait pas eu la joie de connaître son dernier petit-fils. De même, en dessous de George et Rose, il n'y avait que Caroline. Lentement, je remontai les branches. Il y avait plusieurs Edmund – comme le frère aîné de Nicholas, mort à seize ans seulement. Je fus perplexe devant leur mère, Antonia deuxième du nom, qui s'était mariée à un certain Tybalt Tuft et qui pourtant avait transmis son nom de jeune fille à ses enfants. La même anomalie se répétait plus haut dans l'arbre avec Seraphina, le seul nom qui me sautait aux yeux puisqu'il s'agissait de celle qui avait achevé la maison. Elle avait épousé un certain Thaddeus Wolpert – et pourtant, ses quatre enfants portaient le nom de Bones. Elles avaient été assez fortes pour, en plus de garder leur nom de jeune fille, l'imposer à leurs maris et leurs enfants. J'avais beau savoir que les Bones était une lignée de femme forte, ce tour de force en était le meilleur exemple.

Intriguée, j'achevai ma lecture en arrivant à la dernière ligne, la ligne originelle qui marquait le début de la lignée des Bones dans le monde sorcier. Je savais que leur ancêtre était un moldu du village, Edmund Bones, un fils d'ébéniste mais le nom de la sorcière qu'il avait épousé me laissa pantoise. Je caressai le papier, stupéfaite, avant de lever les yeux sur Simon.

-Dis ? Tu savais que tu as des Dumbledore dans ton arbre généalogique ?

-Quoi ?

Simon abandonna le carton de Matthew pour se glisser à côté de moi, perplexe. Ses yeux parcoururent les différentes branches de l'arbres jusqu'à ce qu'ils tombent sur le nom que je pointai, tout en haut de la double-page. Il laissa échapper une exclamation admirative et tira le carnet à lui.

-Whaaa ... « Antonia Dumbledore » ... Bon sang, c'est incroyable ...

-Tu as vu le nom à côté ?

Simon hocha la tête, médusé. A côté d'Antonia était inscrit le nom de Wulfric Dumbledore, avec sous son étiquette des pointillés qui indiquaient une descendance. Nous avions assez reçu de lettre de Poudlard pour comprendre de qui il s'agissait. Beaucoup d'entre elle étaient signée Albus Perceval Wulfric Bryan Dumbledore.

La coïncidence était trop belle. Et pour moi la seule explication était la suivante : de Wulfric était issu le plus grand sorcier de l'époque moderne, Albus Dumbledore. Et d'Antonia l'ensemble de la famille Bones aux femmes fortes. Sans doute avait-elle été la première d'entre elles.

Incrédule, j'éclatai d'un rire compulsif que je tentai de cacher dans la main. Je ne m'attendais pas à remontrer aussi loin dans le passé – au début du XIXe, à la création de la lignée des Bones – et de découvrir une telle parenté. Beaucoup d'autres noms de familles m'avaient évoqué quelque chose, mais ce n'était rien par rapport à Dumbledore !

-Rappelle-moi d'en parler à Dumbledore la prochaine fois qu'on le voit, lâcha Simon, abasourdi. Ça a beau remonté à un sacré moment dans l'arbre ... Mille gargouilles galopantes, je ne vais pas m'en remettre ... J'ai l'impression de découvrir que je suis apparenté à la reine.

Ce qui était ironique quand on savait que du côté maternel, l'arbre recelait de nombreuses familles au statut presque royal – les Croupton, les Black ... Mais preuve que Simon était plus qu'un Bones qu'un Croupton, c'était le nom de Dumbledore qui sonnait en lui comme le plus infime des honneurs. Rendue euphorique par ma découverte, je feuilletai encore quelques pages dans l'espoir de trouver un nouveau trésor.

-Tu m'étonnes, Dumbledore quoi ... Oh mais ... Attends, c'est la Maison Hantée ?

Je venais de découvrir une très vieille photographie – moldue car elle restait immobile dans son cadre – d'une rue que je connaissais parfaitement bien pour l'avoir parcourue toute mon enfance. Elle était centrée sur une maison qui n'avait rien de délabrement d'aujourd'hui : encore droite et neuve, sans vitre brisée mais c'était impossible de ne pas reconnaître la célèbre maison de Terre-en-Landes. Simon me prit la photo des mains, les sourcils froncés et la retourna. De la même écriture qui parcourait le carnet était inscrit à l'encre à moitié effacée « Maison Dumbledore ? Photo de 1923 ». Je me frappai le front du plat de la main, suffoquée.

-L'Ancien !

-Quoi ?

-L'Ancien ! Une fois j'ai dû le ramener chez lui, il m'a dit ... il m'a dit de ne jamais m'approcher de la maison, qu'avant sa naissance des gens « bizarre » y habitaient ... qu'une fois son frère y avait été et en rentrant n'avait plus jamais été le même ... J'avais compris que ça avait été des sorciers, mais ce n'est pas n'importe quelle famille : c'était les Dumbledore !

Simon digéra l'information, sidéré, les yeux écarquillés faisant l'aller-retour entre les carnets et la photo. Il finit par la ranger entre les pages et referma la couverture dessus.

-Bon. Sur ça, on interrogea mon père, je sais qu'il était proche de Nicholas, il sait peut-être pourquoi il faisait toutes ses recherches ... Peut-être qu'il en sait un peu plus. Après tout, les Dumbledore n'était pas une famille importante, c'est juste Dumbledore – enfin, Albus – qui l'est ... Ce n'est pas ... important ...

Mais ça le semblait tout de même parce que Simon eut du mal à se remettre de sa surprise. Il m'aida à ranger les parchemins mais plaça les carnets au-dessus de la boite à musique de sa mère. Je remarquai alors que d'autres objets avaient été mis de côté, notamment des cadres et album photo. Je contemplai quelques secondes Simon, passant d'un carton à l'autre sans se laisser submerger par l'émotion, les sourcils à peine froncer par la concentration. Une vague de fierté me submergea lorsqu'il sourit avec nostalgie devant un cliché de lui et de ses frères et qu'il le plaça au-dessus de tous les objets qu'il emporterait. Loin du renfermement qu'il avait affiché chez Lysandra, il était entreprenant, prenait l'initiative et je compris que c'était justement ce qui le rassurait. C'était son rythme, ses choix, ses sensations : rien de lui était imposé. Lorsque c'était trop douloureux, il s'arrêtait. Lorsque ça pansait la plaie qui ne cessait de saigner depuis quinze ans, il gardait. Photo après photo, objet après objet, il se reconstruisait et reformait les pans éparpillés de son passé.

Je le laissai à son exploration et retournai à la mienne. Je fouillai dans les cartons qui n'étaient pas encore ouverts mais la plupart l'étaient déjà. Après quelques minutes de recherche, je finis par découvrir ce que je considérai comme le véritable trésor de ce grenier. Avec un sourire extatique, je me mis à sautiller comme une folle devant.

-Oh mon Dieu ! Simon, j'ai trouvé le carton ! L'ultime, la raison pour laquelle on est là, l'unique qui mérite d'être dépouillé par mes soins ...

-Mais de quoi tu parles ? (Son visage s'assombrit lorsqu'il vit mon expression). Oh mon Dieu, c'est quoi ce sourire ? Qu'est-ce que tu as trouvé ? Ne me dis pas ... ?

Avec un cri de triomphe, je lui présentai à bout de bras le carton qui portait fièrement l'inscription « AFFAIRE BEBE SIMON ». J'étais encore en train d'exulter quand Simon se leva précipitamment et me l'arracha des mains, les joues brusquement rouges de confusion.

-Alors là hors de question !

-Non mais ! Rends ça Bones, c'est moi qui l'aie trouvé !

Je le suivis dans le grenier, évitant maladroitement les différentes boites éparses sur le sol. Je finis par le rattraper et pris appuis sur ses épaules pour me hisser sur son dos. Déséquilibré, Simon porta une main à la jambe que j'avais collé contre sa hanche et ce faisait, lâcha le carton qui alla se renverser sur le sol. Le fracas fut couvert par mes éclats de rire.

-Vicky !

-Quoi ? Tu vas m'arracher les yeux ? Je suis un boulet que tu dois te traîner ?

-Je te jure ... Descends de là !

Mais je callai plus étroitement mes jambes contre ses hanches et enroulai mes bras autour de son cou, le menton niché contre son épaule. Avec un soupir résigné, Simon passa sa main sur mon genou pour me soutenir.

-Oh laisse tomber, on ne se lâchera jamais.

-Bien vu Minus.

Je posai un baiser sur sa nuque et je vis le coin de la bouche de Simon frémir. Puis je le libérai de ma présence et me précipitai à terre pour retourner complètement le carton avec un sourire impatient. Cette fois, un petit rire s'échappa de la gorge de Simon.

-Mais quelle barbare !

-Non mais tu te rends compte ? C'est ma meilleure journée depuis que j'ai appris que ton deuxième prénom était un prénom ridicule ! Oh ! Regarde ça, c'est adorable !

Je brandis triomphalement des deux mains une peluche toute mignonne en forme d'hippogriffe. Je ne sais pas si ce fut le doudou en tant que tel ou l'image de moi la portant aux nues comme le faisait Rafikki avec Simba dans le Roi Lion, mais un sourire retroussa les lèvres de Simon. Il se laissa tomber sur le sol et la saisit avec délicatesse.

-C'est quand même dingue qu'il ne me l'ait même pas laissé ...

-Peut-être que tu l'as rejeté toi-même, songeai-je en continuant de fouiller. Hé, Jack et le Haricot Magique ! Oh ! (Je pressai le livre contre mon cœur) J'adore ta famille de vous élever dans la double-culture, franchement vous êtes parfaits ! Je vais vous citer en exemple dans le livre !

-Contrairement aux trois quarts de la population magique, on a refusé de renier notre héritage ... Qu'est-ce qu'il y a ?

Je venais d'ouvrir le livre à la page de garde et mon visage de se figer. Mon sourire se fana lentement sur mes lèvres alors que je lisais les mots inscrits en lettres rondes et joyeuses :

Pour Simon, joyeux noël. Un jour, tu arriveras à lire ce livre tout seul et il deviendra peut-être ton préféré, comme moi. Ne laisse pas Matthew te raconter n'importe quoi, c'était mon idée. J'espère qu'il te fera plaisir. Charity.

Il y avait un espace vide entre la dernière phrase et la signature qui paraissait peu naturel, comme si des mots manquaient. Le pire dans tout cela ? C'était que je reconnaissais parfaitement l'écriture de ma professeur d'Etude des moldus. Je l'avais vue sur le tableau, sur mes copies ... Le doute n'était plus permis. Après un instant de flottement, je tendis le livre à Simon. Dès qu'il comprit d'où lui venait l'album, sa mâchoire se contracta. Il fixa les mots, les yeux parfaitement secs mais agrandis par le choc.

-Julian m'a donné quelques détails, si tu veux, entonnai-je avec douceur. Sur comment ils se sont mis ensemble, la fameuse fois où il l'a mise à genoux ...

-Ça va, m'interrompit-t-il sans quitter les mots de Charity Burbage du regard. J'ai ... j'ai vu quelques photos d'eux dans les affaires de Matt.

Il caressa les pages et fronça les sourcils quand ses doigts s'arrêtèrent sur l'espace vide devant la signature. Il sortit sa baguette d'acacia de sa poche et se mit à tapoter l'album, plus intrigué que contrarié.

-Attends, il y a quelque chose là ... de magique ...

-Et tu l'as senti juste en passant la main ? m'étonnai-je, estomaquée.

-Tu penses que je fais quoi à l'IRIS ?

-Du tricot ?

Simon interrompit une seconde ses coups de baguette pour me donner un coup de pied dans le genou. Puis il se concentra à nouveau sur l'album. Quelques tapotements plus tard, il eut un grésillement étrange suivi d'une douce lueur dorée qui s'estompa rapidement pour laisser apparaitre les mots que la magie avait cachée. Sans attendre qu'il m'y autorise, je me penchai pour les lire par-dessus son épaule. La signature avait été incomplète. En réalité, elle avait ajouté « ta peut-être future belle-sœur, Charity ». Mon cœur se serra lorsque je me rappelais les explications de Julian.

-Elle a dû mettre ça pour rire avant de regretter ... Apparemment, ce n'était ... pas vraiment sérieux, entre eux, il parait que ... 

Je laissai ma phrase en suspens lorsque je m'attardai sur l'expression du visage de Simon. Ses traits s'étaient brusquement creusés en un masque de contrariété et d'agacement et ses yeux s'étaient mis à luire, non plus d'émotion mais de colère. D'un geste sec, il ferma l'album et allongea le bras pour le ranger au-dessus des carnets de Nicholas et de la boite à musique de Spencer.

-C'est juste ... C'est dur. Dur parce que tu ne peux pas t'empêcher de te dire : et si ... ?

Les lèvres de Simon se pincèrent et il secoua la tête, comme pour chasser cette idée de son esprit.

-Il n'y aura jamais de « et si ». Non, tout ce qu'il y a, ce sont des omissions et des faux-semblants. Et je sais – je sais – que j'en suis en parti responsable, que tout a été mis en œuvre pour me préserver, à la fois des Mangemorts et du traumatisme ... Mais quand même. Elle n'aurait pas supporté de m'avoir dans sa classe. Elle a demandé à Chourave de me faire renoncer à prendre son option. J'ai ... juste l'impression de m'être fait manipuler toute ma vie sans m'en être rendu compte. C'est horrible.

Il plongea sa main dans les affaires et en ressortit l'hippogriffe en peluche.

-Même ça, on ne m'a pas laissé le garder – je ne me suis pas laissé le garder. Mes propres affaires, ma propre enfance : tout a été effacé ...

-Non, pas tout, contrai-je avec fermeté. Regarde la chanson de ta mère. Elle est restée en toi. Malgré tous vos efforts, tu n'as jamais pu l'oublier ...

Simon papillonna des yeux et son regard tomba sur la boite d'acajou sculptée d'astres. Il l'extirpa du reste des affaires et ouvrit de nouveau le coffret pour laisser échapper les notes douces de la berceuse. Aussitôt, les traits de son visage se détendirent et ses épaules s'affaissèrent, comme libérées de la crispation de la colère. Les notes s'égrainèrent jusqu'aux dernières mesures que Simon accompagna en fredonnant doucement :

-Dors mon enfant n'aie plus peur, le passé reste au fond des cœurs ... Comment elle pouvait savoir ... ?

-Elle ne savait pas. Je pense qu'à ce stade, on peut parler de destin, Simon.

Le coin de sa lèvre tressaillit en un sourire et il referma le couvercle. Les deux mains à plat sur la boite à musique, il fixa le vide quelques secondes, silencieux, le visage vide de toute expression.

-Et nous ? finit-t-il par souffler. C'est le destin aussi ?

Je mis une seconde à comprendre ce qu'il y avait derrière le « nous ». Et quand je compris, je me retrouvai sans voix, incapable d'articuler le moindre mot ou la moindre pensée cohérente. Les mots se bousculaient sans s'aligner dans mon esprit et avant que je ne puisse tenter de former la moindre phrase, un grincement nous fit tous les deux sursauter. Preuve que nous étions bien entraînés, notre premier réflexe fut de nous munir de nos baguettes au moment où une tête brune émerger de l'ouverture dans le grenier. Avec stupéfaction, je reconnus le chignon à peine défait et les yeux gris de Lysandra Grims. Et de forte mauvaise humeur.

-Je n'en reviens pas que tu me fasses monter jusque là, râla-t-elle en poser un pied sur le paquet usé. Tu crois vraiment que j'ai déjà été plus haut que le rez-de-chaussée dans cette maison ? Et baissez vos baguettes, je vous assure que c'est moi. Victoria et moi avons eu une conversation fort intéressante dans la cuisine où elle m'a surprise en train de fumer.

Simon haussa les sourcils et coula un regard interrogateur sur moi. Avec une certaine gêne, j'acquiesçai et nous rengainâmes les baguettes d'un même mouvement. Lysandra était déjà en train de parcourir la pièce des yeux, les yeux s'agrandissant à mesure qu'elle découvrait les traces du passé d'étaler devant elle. Elle effleura les cartons déballés et les vieux coffres de bois, complètement interdite.

-Et bien ... moi qui pensais que tu étais parti te replonger dans tes illusions ...

Simon parut serrer les dents et un tic nerveux agita sa joue. Pour se donner l'air nonchalant, il se pencha sur une pile de livre qu'il remit en place.

-C'est pour ça que tu es venue ? Pour être sûre que ça n'arrive pas ?

-Effectivement, confirma-t-elle sans rougir. Je n'allais pas te laisser continuer de renier ma sœur – et ce que tu es. Qui tu es.

Elle prit entre ses mains un vieil exemplaire de manuel de magie et l'observa sous toutes ses coutures avant de le lâcher dans un carton.

-Qu'on se le dise : à la place de Rose, je n'aurais pas mieux fait, admit-t-elle d'un ton pincé. Je t'aurais brusqué, j'aurais manqué de patiente et sans doute qu'on se serait détruit tous les deux à essayer de se reconstruire. Elle avait plus de légitimité à t'élever : une vraie fibre maternelle et c'était ta marraine. Mais j'ai compris dans quelle direction on t'emmenait ... C'est sans doute pour cela que je n'ai absolument pas cherché à te voir pendant toutes ses années. Je n'avais pas la force de faire semblant, de prétendre être une étrangère.

Lysandra cligna des yeux et vrilla son regard sur Simon. Je les observai, frappée par leur ressemblance tout en finesse : dans la courbe de la lèvre, dans l'éclat volontaire dans leurs prunelles. C'était léger, mais l'émanation de leur parenté était là, criante.

-La dernière fois que nous nous sommes vus, le jour de l'enterrement, entonna Lysandra à mi-voix. Je suis venu te dire au revoir. Et tu t'es mis à hurler. Comme si j'étais Cassie revenue des morts ...

-Désolé ...

Lysandra balaya ses excuses d'un revers de main.

-Tu avais trois ans et tu venais de vivre ce qui demeure le pire moment de ta vie ... Tu n'as pas à t'excuser. Mais maintenant c'est fini Simon. Je le supporte plus et toi non plus, visiblement. Il est temps de cesser définitivement la mascarade. Tu vas mieux, je l'entends bien mais ce n'est pas que j'ai ressenti pendant tout le repas. Non, moi j'ai vu quelqu'un qui avait peur d'entendre ce qu'on avait à lui dire.

Je me tournai vers Simon, ayant soudainement l'impression d'être de trop. Il fixait sa tante, le visage impassible, la mâchoire si contractée que je doutai qu'il laisse échapper le moindre mot. Pourtant, il finit par se frotter le front avec un soupir et répondit :

-Disons ... que j'en avais assez que ce soir les autres qui me racontent ce que j'étais. J'ai préféré ... me souvenir par moi-même.

Comme pour le prouver, il se pencha et saisit la boite à musique. Cette fois, le regard de Lysandra s'embua et elle s'avança pour la prendre entre ses mains. Leurs doigts se nouèrent sur le souvenir de Cassiopée Bones éclairé par les derniers rayons du soleil que laissaient entrer les fenêtres mansardées. Lysandra eut beaucoup de mal à détacher son regard de la boite à musique mais quand elle fit, ce fut pour planter son regard dans celui de Simon.

-Si tu le permets, je vais t'y aider. (Elle baissa de nouveau les yeux sur la boite et un sourire s'étira sur ses lèvres). Elle était à notre mère ... Son père l'avait fabriqué pour elle, petite. On s'est disputée pour l'avoir, à sa mort ... Elle a eu le dernier mot en rappelant que elle, elle avait des enfants qui pourraient l'apprécier.

Simon ne répondit rien, mais un identique sourire ourla ses lèvres. Comprenant que définitivement, j'étais de trop dans cette scène où la mémoire s'évertuait à être réveillée, je pressai doucement l'épaule de Simon.

-Je vous laisse ... je vais en bas. A toute.

Je m'attendais presque à ce que Simon panique et refuse. Mais il me surprit et me rendit fière en me souriant. Il laissa la boite à musique à Lysandra et m'enlaça d'un bras pour poser un baiser sur ma tempe. Je le laissai faire, un peu sonnée qu'il s'autorise de telle marque de tendresse devant sa tante – devant n'importe qui. Mais quand son souffle effleura mon oreille, ce furent les larmes qui me montèrent aux yeux.

-Merci.

C'était un simple mot, à peine murmurer, mais ils firent écho à tant d'autres paroles, tant de sensations, dans d'images en moi que j'en fus chamboulée. Je ne répondis que d'un sourire tremblant, pressai une dernière fois sa main avant de quitter le grenier. Mes jambes tremblaient lorsque j'atteignis le bas de l'échelle et quand j'arrivai au premier étage, je remarquai la façon dont la lumière du couchant rougeoyait dans le couloir. Je n'avais pas réalisé le temps que nous avions passé dans ce grenier. Là-haut, tout s'était arrêté et les vies s'étaient suspendues, gardées précieusement dans des boites de carton. De nouvelles larmes piquèrent mes yeux quand je me retrouvai face au terrible escalier. Cette fois, je me sentis incapable de poser ne serait-ce qu'un orteil dessus. J'avais trop de chose en tête : la boite de Scrabble, l'Etoile Filante, l'écriture ronde de Charity ... Matthew n'avait longtemps été qu'un nom, un nom réduit à l'ombre et la poussière. En une après-midi, il s'était constitué en tant que personne à mes yeux. Il s'était rempli, solidifié et à présent je le voyais étendu de son long sur l'escalier.

Seigneur, comment avaient-ils fait tout ce temps ... ?

Ce fut assise en tailleurs sur le palier que Rose me trouva une demi-heure plus tard. Elle sursauta et posa une main sur son cœur en me remarquant, un livre posé sur mes genoux, les yeux sans doute brillants. Elle se laissa aller contre le mur, haletante.

-Bon sang Victoria, tu m'as fait une de ses peurs ... Qu'est-ce que tu fais ici ? Où est Simon ?

J'hésitai quelques secondes et reposai mon livre à côté de moi.

-Dans le grenier. Avec Lysandra.

La couleur déserta le beau visage de Rose Bones et elle leva les yeux au plafond, comme si elle pouvait apercevoir son fils par-delà le bois et les étages.

-Dans le ... avec ... mais ... mais non !

Elle grimpa les marches quatre à quatre, affolée mais me trouva debout sur son passage, les bras écartés.

-Rose, attendez ! Laissez-le ... laissez-le, il en a besoin ...

-Besoin ? répéta Rose d'une voix un peu aigue. Tu penses savoir mieux que moi ce dont il a besoin, Victoria ?

Je voulus répondre mais son regard me cloua sur place. Elle inspira profondément, se passa la main sur le visage avant de poser une main conciliante sur mon épaule.

-Ecoute Victoria, je sais que tu veux bien faire mais ... Simon est très fragile concernant cette histoire. Tu penses être la première ? Avant son entrée à Poudlard, George a voulu lui parler d'Edgar et Cassiopée. Il a insisté, il voulait qu'on crève l'abcès avant qu'il aille à l'école. Je l'ai laissé faire ... Ça l'a tellement paniqué qu'il a brisé les fenêtres de toute la maison ! 

J'accusai le coup, choquée. Simon avait avoué lui-même n'avoir pas fait de magie avant d'obtenir une baguette ce midi ; visiblement, il avait oublié cet épisode tardif. Ou peut-être que, comme le reste, ne voulait-il pas s'en rappeler ... Rose poursuivit, implacable :

-Amelia a essayé aussi à noël dernier, elle n'a réussi qu'à le braquer ... chaque fois ça le met dans un état de véritable détresse et d'instabilité psychologique. C'est vraiment dangereux ...

-Les choses ont changées depuis noël, plaidai-je néanmoins. Rose il veut savoir. C'est lui qui enclenche le processus ...

-Non, c'est vous qui forcez ! Lysandra, Leonidas et même toi ! Même toi Victoria, tu crois que je ne le sais pas ? Depuis que tu sais tu ne fais que le forcer à mettre le nez là-dedans sans te douter ce que ça peut provoquer chez lui !

Le ton accusateur me heurta, malgré le désarroi que laissait clairement échapper Rose. Je croisai les bras sur ma poitrine, comme si cela pouvait me protéger d'une réponse plus brutale encore.

-Non ... non, croyez-moi je le sais très bien ... J'étais là l'année dernière quand Jugson s'est échappé.

Pas vous. Ce n'était pas elle qui avait empêché Simon de ruiner sa vie. Pas elle qui l'avait pris par la main et sortit de l'abîme. Pas elle qui depuis portait le fardeau jusqu'à l'épuisement comme s'il s'agissait du sien. Les mots de Lysandra dans sa cuisine me revinrent en tête et s'infiltrèrent froidement en moi comme un poison. « C'est elle qui a accepté d'entrer dans son jeu qui envoyait ma sœur aux oubliettes, elle qui l'a élevé dans le déni. Elle s'est construite comme son seul repère ». Je ne pouvais retirer cela à Lysandra, mais elle-même avait admis qu'elle n'aurait sans doute pas mieux faut. Qui aurait su gérer parfaitement cela ... ? Moi, finis-je par me dire, moitié orgueilleuse, moitié mortifié. Moi je l'ai fait.

Rose me considéra, l'air déboussolé. Avec un infirme grognement, elle tenta de me contourner mais je l'attrapai par le poignet. Elle jeta un regard médusé à la main qui la retenait ainsi.

-Mais enfin, Victoria !

-S'il vous plait, laissez-le !

-Jamais !

Jamais. Le mot, rageur, résonna sinistrement dans la cage d'escalier. Rose se dégagea sèchement de ma prise et je vacillai en arrière. Mon cœur connut une envolée terrible lorsque mon pied rencontra le vide et que je fus déséquilibrée, mais deux mains puissantes m'attrapèrent par les épaules pour le stabiliser. Le cœur battant à tout rompre, je levai un regard dérouté sur George Bones. Il fixait sa femme avec un calme et une gravité qui frisait le surnaturel et quand sa voix s'éleva, j'eus l'impression qu'elle avait gagnée en autorité et en prestance.

-Victoria a raison. Laisse-le. Il est assez grand pour faire ses propres choix.

-Mais ...

-Tu l'as dit toi-même Rose : quand il ne voulait pas, il se braquait. S'il est dans ce grenier, c'est qu'il l'a voulu. Viens, on va boire le thé en bas en attendant ...

Il lui tendit une main que qui me parut impérieuse : malgré ses paroles doucereuses, je sentais que George ne lui laissait pas le choix et qu'un refus entrainerait une descente de l'escalier par la force. Rose parut le percevoir également car elle hésita, le regard entre le plafond et l'escalier. Après un instant de flottement, elle marmonna quelque chose d'incompréhensible entre ses dents et dédaigna la main tendue par son mari pour descendre dignement les escaliers. Elle ne m'adressa pas un seul regard et s'en fut furieusement, ses pas claquant faisait grincer les antiques marches. La main de George se crispa sur mon épaule et nous échangeâmes un regard inquiet.

Jamais ! avait-elle clamé et le mot avait à présent des accents de malédiction. Je n'avais pas cru Lysandra dans sa cuisine, mais à présent, je sentais que ses mots et cette scène allait me hanter pour les prochaines semaines. 

*** 

VOILA 

Honnêtement, après le Simoria c'était l'une de mes grandes scènes de cette partie donc j'attends vos réactions avec la plus grande des impatiences ! 

Petit point canon : Antonia Dumbledore sort bien sûr de mon imagination. En fait j'ai trouvé ça fort opportun au niveau de la couleur des cheveux notamment : Albus Dumbledore a les cheveux auburn, comme les Bones, et les deux familles sont originaires de Terre-en-Landes (Les Dumbledore y habitaient avant de déménager à Godric's Hallow). Les coïncidences étaient trop belles pour que j'y renonce, non? 

Merci à annabethfan pour les arbres généalogiques (confectionnés pendant le premier confinement, où il nous fallait de l'occupation, n'est-ce pas?) ! Merci également pour sa relecture

A la semaine prochaine pour LDP <3


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