III - Chapitre 35 : La maison du souvenir

Oula il faut vraiment que je me remette à écrire, il me reste quatre chapitres d'avance. LES GENS MOTIVEZ MOI ! 

BONJOUR TOUT LE MONDE SINON 

Pour ceux qui ne suivent pas LDP, je vous souhaite une excellente année, plein de bonnes choses, de réussites, et de joie ! 

Présentement en train de regarder le biathlon en double-fenêtre. Présentement en train de faire des couinements de souris face à l'élancement d'Emilien Jaquelin, porteur du dossard jaune de leader. AH CE QU'IL EST BEAU. Et c'est du Oberhof des grands jours : vent, blizzard héhéhé. 

(UN MOIS AVANT LES JO D'HIVER HEHEHEHE) 

Bon j'arrête. Je vous laisse avec ce chapitre, un peu long, sur lequel j'ai été un peu mitigé mais disons que c'était une rampe de lancement vers le prochain chapitre qui était juste une de mes grosses scènes prévues avec le Simoria ! 

Je préviens simplement qu'il y a aura des références à L'héritage d'Ilvermorny de annabethfan et notamment au futur de ses personnages. PAS DE SPOILS CHEZ ELLE !! (POur ceux.elles qui n'ont pas lu, ça restera très compréhensible pour vous). 

Bonne lecture ! 

***

Les souvenirs, cette terrible vie qui n'est pas la vie - et qui fait mal. 

- Albert Cohen. 

***

Chapitre 35 : La maison du souvenir. 

J'étais arrivée en retard à mon entrainement de Quidditch mais fort heureusement je tombais sur Leonidas Grims avant mon entraîneuse : escortée ainsi du président en personne, Dalia n'osa pas me réprimander et je pus confirmer avec lui une date de repas un dimanche de lendemain de match. Le championnat avançait et nous étions troisième à six points de la tête détenue par les Flèche de Appleby menés par une excellente Amanda Kirk, une jeune attrapeuse qui avait la spécificité de n'avoir jamais joué à Poudlard et d'avoir été repéré tardivement. Ça n'enlevait rien à son talent : elle était invaincue cette saison et les rumeurs parlaient d'un passage en professionnel pour elle. Lorsqu'elle l'avait su, Joana, notre attrapeuse, s'était enfermée dans la douche si longtemps qu'Arnold avait été vérifié qu'elle ne s'était pas noyée.

-Le niveau professionnel ne devrait pas tarder à vous tendre les bras également, évalua Leonidas en me faisant passer dans un couloir étroit au troisième étage de la maison des Croupton. J'entends régulièrement Parkin – l'entraineur des A – se plaindre de Leonard Spielman ...

Je grimaçai à l'idée et laissai mon regard se promener sur l'antique demeure, une maison dissimulée en plein Londres. J'avais déjà l'impression de n'avoir aucun temps libre en étant réserviste mais alors jouer en professionnelle ...

-Mais les Tornades sont premières du championnat ? contrai-je.

-Oui, mais à égalité de point avec les Catapultes – et c'est pour cela qu'il faut soigner notre goal-average. Oh tenez, ça devrait vous intéresser ...

Il se glissa devant moi pour ouvrir une porte : elle menait à un immense bureau qui faisait l'angle de la maison. Lumineux et rayonnant avec ses boiseries lustrées et ses armatures de cuivre, il restait intimidant en raison d'un grand bureau d'acajou posé sur une estrade recouvert d'une moquette d'un vert jade et d'impressionnantes ramures de bronze accrochés à l'arrière.

-Le bureau de Barty, annonça Leonidas avec gaieté. Lysa n'y met jamais les pieds, mais j'aime beaucoup venir ici et observer la vue. Parfois j'ai l'impression que je vais trouver le cœur de Barty quelque part caché sous une cloche de verre, comme dans le conte de Beedle le Barde ...

-Je ne connais pas les contes de Beedle, fis-je savoir, mal à l'aise.

Je jetai un coup d'œil aux fenêtres qui donnaient sur la City de Londres et ses grands immeubles élancés. Je me tordis le cou pour apercevoir Tower Bridge mais il me semblait qu'il n'était visible que de l'autre côté de la maison.

-C'est à dessein que les Croupton se sont installés près du centre économique ?

-Evidemment, confirma Leonidas d'un air grave. Les Croupton ont toujours été une grande puissance financière et ont développé des intérêts dans l'économie moldue ...

-Comment ils se sont tournés vers la politique ?

Leonidas ricana de façon presque triomphale et sortit une cigarette de son étui. Il ne s'embarrassa pas pour la fumer au milieu de la pièce et recracha un nuage de fumée avant d'agiter sa baguette. La silhouette d'une danseuse étoile s'y dessina, tournoya lentement avant de s'évaporer dans l'air.

-Parce qu'il y a eu la déchéance. Caspar, le père de Lysa et Cassie, n'avait pas l'habilité de son père. En réalité, c'est sa femme Charis qui tenait la maison et les affaires et qui a réussi à maintenir le train à flot pendant plusieurs années – mais les dettes de Caspar ont fini par s'accumuler et ils ont dû vendre cette maison. Ils se sont retranchés dans leur demeure secondaire du côté d'Oxford - au bord de la rivière Cherwell, c'est très joli comme endroit. 

Il expira une nouvelle bouffée de sa cigarette, songeur.

-Charis n'a inculqué qu'une chose à ses enfants : la réussite, à tout prix. Redorer le blason des Croupton. L'idée a été reçu cinq sur cinq par son fils aîné qui s'est empressé de devenir un monstre sacré du Ministère. Il a mis une somme colossale pour racheter la maison de son enfance si honteusement cédée et s'y est installé avec sa femme et son fils.

-Ah, celui qui est mort à Azkaban ..., me souvins-je, glacée.

Je revoyais le garçon sur les photos que Rose m'avait montré l'année dernière, aux cheveux blonds et aux tâches de rousseurs – trop semblable à Simon pour que je ne puisse l'oublier. Un frisson désagréable me parcourut et fut accentué par la mine sombre que Leonidas aborda. Il laissa tomber quelques cendres dans le cendrier.

-Hum ... j'ignore si quelqu'un en a informé Simon mais ... en réalité, Barty Junior est en vie.

-Pardon ?

Leonidas hocha laconiquement la tête face à ma surprise. Un sinistre sourire s'étira sur ses lèvres.

-Vous avez dû avoir Fol Œil en professeur il y a quelques années, n'est-ce pas ? Alastor Maugrey, l'ancienne gloire du Ministère ?

-Oui, confirmai-je, perplexe. Mais il parait que c'était un imposteur ... Oh.

Je venais de comprendre où la chose nous menait et elle me glaça le sang. Je portai une main à ma bouche, saisie.

-Ne me dites pas ... ne me dites pas que c'était ... lui ?

-Apparemment, Barty avait réussi à le faire sortir d'Azkaban, expliqua Leonidas. On ne sait pas comment, ni comment il a pu être caché, le Ministère est resté avare de détails dessus ... Mais une fois les effets du polynectar dissipés, c'était bien Barty Junior qui se tenaient devant nous. Il a été avéré que c'est lui qui a tué son père à Poudlard, pendant le Tournoi des Trois Sorciers et pour ça, il a été condamné au baiser du Détraqueur ...

-Oh mon Dieu ...

-Le baiser aspire l'âme mais pas la vie. Il vit encore, à Ste-Mangouste, dans un service spécialisé mais n'est plus qu'une coquille vide. C'est Lysandra qui en a la charge, personne ne voulait la mettre sur les épaules de Simon, tiens ... Rose a d'ailleurs fermement refusé au moment de l'ouverture du testament de Barty.

Je me laissai pénétrer par les informations, choquée. Le film de ma sixième année se refit dans mon esprit et me souvins du grand malaise que j'avais face à mon professeur, ce professeur qui, dès les premières semaines, s'était permis d'user d'impardonnable sur nous ... Emily et le french-cancan qui lui avait valu les moqueries des garçons qui avaient aperçus sa culotte ... Cédric forcé à discuter au porte-manteau comme s'il s'agissait d'une lady ... Et Simon ... Simon manipulé par son propre cousin ... un cousin qui avait embrassé la cause des Mangemorts. Il y avait quelque chose de malsain dans la situation qui me donna la nausée. Rose m'avait dit que Barty Croupton avait réclamé la garde de Simon après l'incarcération de son fils. Une façon de mettre la main sur le dernier hériter de la famille. Et si son fils l'avait su ? Qu'avait-il pensé lorsqu'il avait posé les yeux sur son cousin, orphelin, héritier de tout ce qui aurait dû lui revenir ?

Ma tête se mit à tourner et je me laissai tomber sur l'une des chaises qui étaient devant le bureau. Leonidas écrasa immédiatement la cigarette et se précipita vers moi, un pli soucieux entre les sourcils.

-Je suis désolé, je ne voulais pas vous bouleverser ... vous allez bien ?

-Oui, assurai-je, néanmoins secouée. Oui, c'est juste ... (Je clignai plusieurs fois des yeux, abasourdi). Un Mangemort nous a fait cours ... Il était là quand ... quand ...

Les mots me manquèrent et finirent par s'étouffer dans ma gorge. Il était là quand Cédric est mort, réalisai-je, glacée. Les brides de l'interview que Harry avait donné au Chicaneur l'année dernière me revinrent et j'y cherchai une mention à faux-Maugrey et à son rôle sans que rien ne me revienne. Leonidas avait pris place à côté de moi, une expression contrite sur le visage.

-Vous êtes en train de vous demander s'il a eu un rôle dans le retour de Vous-Savez-Qui ? devina-t-il avec douceur. On se pose la question depuis un an avec Lysandra. On n'a pas de réponse, malheureusement.

Je m'adossai à la chaise, complétement sonnée et un brin nauséeuse. Si Barty Junior avait réellement eu un rôle dans le retour de Voldemort ... dans la mort de Cédric ... Je plaquai mes deux mains contre mon visage en réprimant un gémissement.

-Oh Seigneur ... Oh Seigneur, ne dites jamais ça à Simon ... S'il apprend que c'est son propre cousin qui ...

-Il l'apprendra un jour. Quand Lysandra rendra l'âme et qu'il aura à son tour la charge de Barty Junior. Peut-être même avant ...

-Mais ça peut attendre qu'il intègre le reste, non ?

La tête de Leonidas oscilla doucement sur ses épaules avant qu'il n'acquiesce.

-Oui, ne brusquons pas le processus ... D'ailleurs nous devrions redescendre avant que Lysa ne se laisse emportée par son élan ou Julian par son émotion. Ou l'un ou l'autre par le vin. Oh Morgane, oui, le vin est notre pire ennemi ce midi ma chère Victoria.

-Je crois que j'aurais besoin d'une coupe quand même pour avaler la pilule, évaluai-je en me levant.

Leonidas essuya un petit rire et me précéda dans les corridors. Nous descendîmes jusqu'au premier étage et la somptueuse salle de réception par laquelle nous étions rentrées. Grande, lumineuse, les murs couverts de dorures et de miroirs, j'imaginais parfaitement une foule de sorcier bien habillé glisser sur le parquet, éclairé par les lustres de cristal qui flottaient à mi-hauteur. Je suivis Leonidas sur l'une des portes latérales qui menaient une salle à manger plus modeste mais tout aussi luxueuse. Lysandra trônait en bout de table comme une reine, sa coupe de vin à la main et souriait avec une certaine raideur au professeur Julian Shelton. Simon, assis en face de son tuteur, semblait écouter poliment. Il n'avait pas touché au vin que Leonidas avait versé avant de m'emmener visiter la maison.

-... on est peu affecté par la guerre, expliquait le professeur Shelton avec une grimace. Mais on sent quand même une certaine pression au niveau des recherches – ne pas trop orienté le propos sur les moldus ou leur monde. Ne travailler que sur la magie. Scrimgeour est venu la semaine dernière demander si un groupe ne pouvait pas se former autour de la magie martiale – pas dans la théorie, mais vraiment dans la pratique. Ce ne sont pas encore des injonctions mais un jour ça peut le devenir si la situation empire. Il parait que pendant la première guerre, l'IRIS a été forcée de travailler sur de nouveau sorts d'immobilisation et beaucoup de contre-maléfice ... Et évidemment, on a toujours ce groupe d'étude qui tente de trouver un moyen de parer un impardonnable ...

-C'est possible qu'on trouve un jour ? s'étonna Leonidas en prenant place à côté de sa femme.

Les lèvres de Julian se pincèrent et il prit une gorgée de vin.

-A mon humble avis ? Non, c'est peine perdue. C'est un espoir aussi vain que de trouver un sortilège qui créerait de la nourriture ou une potion qui rendrait réellement amoureux. La magie a ses limites et il nous faut l'accepter.

-Je vois ... mais ...

-Quasiment pas de photo, annonçai-je à voix basse à Simon, laissant les deux hommes à leur discussion. Quelques portraits d'ancêtres mais j'ai l'impression que beaucoup de choses ont été retirées quand ils ont vendu la maison pendant l'enfance de ta mère...

Je vis les épaules de Simon se détendre et il cessa de tapoter frénétiquement son verre de cristal. Il avait préféré ne pas visiter la belle maison dans un premier temps, de peur de tomber par hasard sur le visage souriant de Cassiopée Bones. Mais je n'avais vu aucun portrait de la famille Croupton : après les explications de Leonidas, j'étais persuadée que les vestiges des affaires familiales se trouvaient dans l'autre maison, celle dans laquelle ils avaient emménagés après la vente. Non, le reste de la maison était aussi austère et prestigieuse qu'avait pu l'être Bartemius Croupton de son vivant. Je levai le nez pour observer les murs de lambris et le manteau de la cheminée de marbre avant de glisser à Simon :

-Et je crois que je préfère ta maison à Terre-en-Landes ...

Il eut un bref sourire, mais malheureusement, ma phrase destinée à le rassurer tomba dans l'oreille de Lysandra qui porta une main outrée à son cœur.

-Comment ?

-Je suis campagnarde, ajoutai-je précipitamment. Vraiment, une campagnarde profonde, c'est pour ça, je préfère Terre-en-Lande à la ville. Je ne pourrais jamais vivre à Londres ...

-Essaie New-York, proposa Julian en fronçant du nez. C'est pire ...

Leonidas haussa les sourcils à l'adresse de son filleul qui se trouva une fascination soudaine pour la fin de son verre de vin. Il avait insisté quand nous étions arrivés, quelques minutes plus tôt : c'était Julian, plus « professeur Shelton ». J'évitai soigneusement le regard pourtant affable du chercheur : chaque fois, je le revoyais faire référence à « son compagnon » et chaque fois l'idée me plongeait dans un profond malaise. C'était ridicule. Je savais que ce détail pervertissait l'image que j'avais de lui : sans cela, je me serais rapidement attachée à Julian Shelton, son sourire agréable et son esprit vif. Mais le « mon compagnon » venait absurdement faire obstacle à tout cela.

-Soit aimable avec New-York, je te prie, lança Leonidas avec un sourire. Maintenant évitons une guerre anglo-américaine, nous sommes malheureusement en minorité ... (Il adressa un sourire à Simon). Et bien feu ! Qu'est-ce que tu veux nous demander qui ne doit pas arriver aux oreilles de ta mère ?

Les joues de Simon rougirent légèrement mais il ne détourna pas le regard pour rétorquer :

-Et qui vous dit que je veux me cacher de ma mère ?

-Parce que sinon elle aurait certainement insisté pour venir avec toi, renchérit Lysandra avec un sourire torve. Comme si elle allait te laisser avec moi ...

Je me mordis l'intérieur de la joue, à peine surprise de la perspicacité de Lysandra. Simon n'avait même pas avoué à ses parents que nous allions déjeuner chez elle, par souci d'éviter un débat sur la place qu'elle occupait à présent. Devant le mutisme éloquent de Simon, le sourire de Lysandra se transforma en rictus qu'elle cacha en buvant une gorgée de vin.

-Si ta première question c'est « pourquoi vous vous entendez mal », je crains ne pas pouvoir te donner de réponse ... C'était déjà le cas à Poudlard, si tu veux savoir. On se trouvait toutes les deux hautaines – moi à cause de mon rang, elle à cause de son intelligence. Ça n'est pas allé en s'améliorant lorsqu'on s'est trouvées toutes les deux apparentées aux Bones.

-Et c'est devenu carrément glacial depuis ..., entonna Leonidas avant de froncer les sourcils. Comment dire cela ... ?

-La mort de mes parents ? proposa Simon avec un certain cynisme.

Le ton et les mots arrachèrent une grimace à Julian mais je crus lire une lueur de triomphe dans les yeux de Lysandra quand elle porta son verre à ses lèvres. Leonidas se contenta de fixer Simon, impassible si ce n'était une vague expression de compassion.

-Oui, voilà. Mais nous ne sommes pas là pour parler de nos relations avec tes parents : elle est ce qu'elle est et nous nous adapterons. Alors il a une raison à cette envie subite ?

Simon se trahit en glissant un petit regard sur moi qui ruina mes efforts pour rester parfaitement impassible. Je lâchai un petit rire nerveux que je tentai de réprimer d'une main, mais mon geste acheva de nous griller aux yeux de la table. Lysandra pivota vivement vers son mari, un sourcil levé.

-Mais je pensais qu'il n'y avait « rien du tout » ? Tu oses filer de mauvaises informations à ta femme, Leonidas Grims ?

-Et bien visiblement, ton neveu m'a menti, lâcha Leonidas avec un petit sourire. Ou édulcoré ?

Les joues de Simon s'empourprèrent mais il m'étonna en répliquant avec sa verve habituelle :

-Il me fallait le temps de vérifier que vous n'étiez pas un psychopathe.

Julian s'étouffa avec le morceau de rosbeef qu'il venait d'enfourner et jeta un regard surpris à Simon, puis à Leonidas. Il fit passer la viande d'une gorgée de vin et s'éclaircit la gorge.

-Oh ... mais je pensais ... enfin, c'était ...

-Evident ? complétai-je tranquillement avant de gratifier Simon d'une œillade triomphale. Tu vois ?

Simon roula des yeux et entama enfin son verre de vin. Le regard de Leonidas pétillait mais ce n'était rien comparativement à celui de Lysandra. Elle battit même des mains avec un rire ravi qui arracha un regard éberlué à Julian.

-Et je suis au courant avant Rose, c'est ça ? C'est mon cadeau d'anniversaire avant l'heure ?

-Lysa mon amour, la rabroua gentiment, mais fermement Leonidas avant de nous sourire. Et bien félicitation. Juste pour savoir : c'est récent ou tu as vraiment osé mentir à ton oncle ?

-Hum ... Les deux ?

-Il n'y avait pas rien mais ça a été officialisé récemment ? comprit Julian avec un sourire. Et bien profitez bien de la lune de miel ... Les premières semaines sont toujours les plus paisibles.

Cette fois, il n'eut pas de gêne ni de rougeur : Simon et moi éclatâmes de rire en même temps. Leonidas se pencha discrètement vers un Julian pris au dépourvu :

-Pardon, nous aussi on a malheureusement sauté quinze ans de leur vie ... Mais s'il y a un mot pour la qualifier, ce ne serait pas paisible.

-D'après ce qu'on a compris, le mot adéquat est « compliqué », ajouta Lysandra avant de lever son verre à notre adresse. Très heureuse que ça se soit simplifié pour vous !

Simon lui répondit par un sourire presque timide. Au moins, il ne paniquait pas et le peu de rougeur commençait à se résorber. Je pus attaquer mon assiette, rassurée. Je savais que la réaction de Leonidas et Lysandra serait sobre – et celle de Julian inexistante ou presque. Commencer ainsi était la meilleure manière de donner assez d'assurance à Simon. Pourtant, malgré son calme apparent, j'aperçus quelques signes de nervosité qui finirent par s'expliquer lorsqu'il lança :

-Mais ... vous n'avez pas vraiment « sauté quinze ans » de ma vie ... Quelqu'un vous a tenu au courant, non ?

Leonidas contempla silencieusement Simon sans cesser de mastiquer sa viande mais Lysandra détourna les yeux, le visage brusquement fermé. Le silence qui faillit s'installer parut agacer Simon qui insista :

-Les photos ne viennent pas de nulle part. Celles que vous avez montré à Vicky ... Qui vous les a envoyées ? Vu vos rapports je doute que ce soit ma mère ...

-Non, en effet, admit Leonidas après avoir avaler. Hum ... c'était George, pour la plupart. Elles étaient accompagnées de lettre qui nous donnait quelques nouvelles ...

-Le stricte minimum, rectifia Lysandra avec une certaine aigreur. Des informations très factuelles : le nom de tes amis, sa Répartition, tes BUSE ...

-Mais cela nous a permis de te suivre de loin, il est vrai. De te voir grandir. (Un sourire frémit sur ses lèvres). Enfin, dans l'idée.

Je ne pus retenir un petit rire qui me valut le coup de pied de Simon. Leonidas, lui, me gratifia d'un discret clin d'œil et Julian eut lui-même un sourire moqueur.

-Ah ça ... c'est clair que tu n'as pas l'appétit de Matthew. Sincèrement s'il n'avait pas fait autant de sport, il aurait fini avec le tour de taille de Hagrid avant sa septième année !

-Matthew faisait du Quidditch ? m'étonnai-je.

Car il s'agissait de l'unique sport que l'on pouvait faire à Poudlard. Certes, j'avais vu quelques élèves faire du jogging dans le parc, mais ils étaient rares et beaucoup appartenaient déjà à une équipe de Quidditch. Julian eut un sourire nostalgique et piqua dans un haricot sans même esquisser un mouvement pour le porter à sa bouche.

-Oui, oui ... il jouait comme Gardien à Gryffondor.

-Bah ça alors.

La coïncidence arracha également un sourire à Simon. Il ne touchait plus ni son assiette ni à son verre et ses yeux s'étaient mis à luire d'un éclat spectral.

-Ah ... je ne pensais pas qu'un Bones pouvait monter sur un balai. Personne mais alors personne n'est sportif dans la famille...

-Oh, ni des Croupton, songea Lysandra. Ça vient des Black, ça. Une famille exigeante qui vise l'excellence, peu importe la manière – et le sport pouvait en être une. Peu ont choisi le Quidditch en carrière mais je sais que beaucoup ont fait parti des équipes à Poudlard ... Une façon de porter leur noble nom toujours plus haut au firmament.

-Il était plutôt bon, ajouta Julian. Il a été capitaine ses deux dernières années et je crois même qu'il a gagné la coupe une fois ...

-Vous n'y jouiez pas vous ? s'enquit Simon.

Julian essuya un petit rire nerveux qu'il finit par étouffer avec une gorgée de vin. Son verre vide, Leonidas ensorcela la bouteille pour qu'elle le remplisse et me jeta un long regard entendu qui m'obligea à pincer des lèvres.

-Oh certainement pas, j'ai le vertige. Comme tu dois te douter, j'étais l'intello de la bande, le seul qui avait le sens des responsabilités ...

-Tu exagères, Matt avait le sens des responsabilités, objecta Lysandra. Sinon Cassie ne l'aurait jamais laissé garder ses frères ...

-C'est lui qui nous gardait ?

La voix de Simon s'était enrouée et je dus crisper ma main contre ma fourchette pour ne pas la poser sur son genou. Je passai la tentation en coupant un nouveau morceau de viande pendant que Lysandra poursuivait :

-Quand il était là, oui. C'était la guerre, vos parents évitaient de vous confier à un tierce ... Quand il s'absentait, c'était une femme du village, une vieille sorcière ... Mrs (elle échangea un regard incertain avec Leonidas) ... McPharlan ?

-McDougal, rectifia Simon avec automatisme.

Et visiblement, l'automatisme avec lequel le nom était sorti l'horrifia car il perdit toutes ses couleurs. Ses mains s'étaient crispées sur ses couverts et il baissa rapidement le nez sur son assiette pour ne pas montrer son trouble aux autres. Mais moi, je le vis, comme je vis un mur invisible s'ériger entre lui et le reste de la tablé. Son repli me fit froncer les sourcils et très brusquement, je me mis à douter. Etait-il vraiment prêt à tout entendre ... ? Malheureusement, machine était lancée et emporté par le souvenir, Julian poursuivait avec un sourire nostalgique :

-Oui, voilà ! Un soir, je l'ai accompagné. Elle vous gardait et s'était endormie. Quand on est arrivé, Spencer te faisait voler dans les airs, tu avais la tête en bas ... Tu aurais vu la tête de Matthew, j'ai cru qu'il allait nous faire une attaque.

-Attendez.

Loin d'être ému au souvenir évoqué par Julian, Simon avait relevé la tête, visiblement perplexe.

-Spencer me fait voler ? Mais il avait quel âge ?

-Neuf ans, c'était l'été avant ...

Julian sembla ravaler sa langue et se mit à toussoter avant d'avaler une nouvelle gorgée de vin. Leonidas prit le relai avec un sourire penaud.

-Spencer était exceptionnellement précoce. Il maîtrisait sa magie de façon incroyable pour son âge. Il ne faisait pas qu'expérimenter : il la contrôlait. Ton père commençait même à être inquiet pour le jour où il entrerait à Poudlard. Il avait peur que l'obligation d'utiliser une baguette ne le frustre – et pire que tout, l'interdiction de pratiquer la magie en dehors de l'école.

-Ne cherche pas, tu es celui qui a fait de la magie le plus tard, enchérit Lysandra d'un ton moqueur. En tout cas moi, je ne t'ai jamais vu en faire ... Spencer c'était dès le berceau, Matthew vers six ou sept ans ...

Simon se trémoussa, mal à l'aise et je glissai sur lui un regard interloqué. Je savais avoir été assez précoce moi-même en terme de magie – avant mes un an, d'après les observateurs – mais malgré les années, je n'avais jamais entendu la moindre anecdote concernant les faits de Simon petit. Il finit par admettre avec raideur :

-Je n'en ai pas fait avant d'avoir une baguette, je crois. Comme quoi, ça ne veut rien dire.

-Non c'est clair, murmura Julian.

Pourtant, il continua de fixer Simon, les sourcils légèrement froncés par la réflexion. Je voyais parfaitement le raisonnement s'effectuer derrière ses prunelles vertes. Certains jeunes sorciers étaient plus précoce que d'autres, mais ne pas manifester de pouvoir avant de posséder une baguette était inhabituel. Le traumatisme avait-il enrayé les mécanismes magiques chez Simon ? La question se lisait dans tous les regards et ce fut sans doute pour cela que Leonidas se dépêcha de détourner le sien pour se tourner vers Julian :

-Et comment va Noah ? Il ne pouvait pas venir ce midi ?

Julian papillonna des yeux, surpris et je plongeai le nez dans mon assiette pour fuir la conversation. « Noah ». Le « compagnon ». J'entendis l'infirme soupir agacé de Simon et il couvrit presque la réponse de Julian :

-Oh. Non, non, il est à New-York, parti rendre visite à sa tante. Je l'ai forcé, ça faisait presque trois ans qu'il ne l'avait pas vu ...

-Et qu'est-ce qu'il fait en ce moment ? demanda Lysandra. Toujours des caricatures pour Le Chicaneur ?

Il y avait un certain mépris, voilé, à peine prospectable dans le ton de Lysandra qui parut indisposer Julian. Il se redressa, le menton levé et asséna avec froideur :

-Non, il aide notre ami Liam à lancer la filière anglaise de son journal. La Voix du Chaudron a du mal à décoller alors que je trouve leur ligne éditoriale très pertinente ... mais ils sont assez isolés, Liam est beaucoup au Canada et il a laissé sa rédactrice toute seule – parfois avec Noah, ce qui n'est pas un cadeau. Et surtout, ils manquent de fond, le tirage ne permet aucune visibilité ... d'ailleurs parrain, ça ne te dirait pas d'investir ?

-Les transferts de capitaux deviennent de plus en plus difficile avec ce qui se passent, expliqua Leonidas, l'air contrit. Ce n'est pas ce que je ne veux pas, c'est juste ... Et j'ai déjà beaucoup aidé tes amis à la fondation du journal ...

Les lèvres de Julian se pincèrent mais il s'abstint de tout commentaire. Malgré l'embarras qu'avait provoqué en moi l'évocation de son « compagnon », je relevai la tête pour demander timidement :

-C'est un nouveau journal, c'est cela ?

-C'est cela, soupira Julian en se pinçant le nez. Mes amis Liam et Aileen l'ont fondé ensemble au Canada – La Voix du Chaudron, en référence à notre cher Albert.

-Albert ? répéta Simon, vaguement amusé.

-Notre chaudron. Il est tragiquement décédé dans une tentative de potion à Ilvermorny. Un vrai drame, mon ami Liam en a pleuré ... mais ils ont décidé de lui rendre hommage en nommant le journal à sa mémoire. (Il poussa un gros soupir). Il a eu un vrai succès au Canada et Aileen a même réussi à l'implanter aux Etats-Unis. Ils ont décidé de tenter l'Angleterre mais l'implantation est plus difficile. En un sens je comprends : un journal étranger appartenant à ses étrangers, c'est peu attractif pour les sorciers anglais. Mais pourtant ils ont une excellente rédactrice-en-cheffe, jeune et dynamique. Elle a la plume acérée de Rita Skeeter sans avoir son goût du scandale. Elle donne une alternative très intéressante à La Gazette, beaucoup moins crédule vis-à-vis du Ministère – et c'est normal. L'avantage d'avoir des propriétaires étrangers, c'est qu'il est complétement indépendant vis-à-vis des autorités ...

-Mais c'est peut-être ce qui fait peur aussi, protesta Lysandra. Si tous ces gens ont cru le Ministère l'année dernière plutôt que Dumbledore, c'est bien parce que nous avons une confiance aveugle en nos institutions. C'est grâce à ce lien que nous avons survécu toutes ses années dans la clandestinité ... Tu imagines si nous étions comme les Français à contester absolument toutes les décisions de nos dirigeants ?

-Ou comme les américains à les ignorer, je sais, soupira Julian avec une certaine exaspération. Mais l'année dernière a bien prouvé que cette confiance a des limites.

Lysandra ne trouva rien à répondre à cela et se contenta d'agiter sa baguette pour rassembler les assiettes – y compris celle inachevée de Julian, qui avait pourtant toujours sa fourchette à la main. Sans un mot, elle se leva et s'en fut dans une autre pièce, la pille d'assiette flottante derrière elle. Quand elle passa la porte, Julian se frotta la tempe et Leonidas nous lança un regard désolé.

-Veuillez excuser ma femme, elle a hérité de l'orgueil des Black. Mais dites-moi, Victoria, il parait que votre être n'est pas à cent pourcent dédié aux Tornades ? Quelle est cette histoire de « projet » dont Julian m'a parlé ?

Le changement de sujet était maladroit mais tous sautèrent dessus pour ne pas laisser la froideur de Lysandra refroidir l'ambiance :

-Crois-moi parrain, c'est plus important que le Quidditch.

-Beaucoup de choses sont moins importantes que le Quidditch, renchérit Simon avec l'ombre d'un sourire. Mais peu le sont plus que ce qu'elles sont en train de faire ...

Mon premier réflexe avait été d'écraser le pied de Simon pour le tacle fait à mon sport et métier avant de coller mon talon contre ma chaise suite au compliment. Julian acquiesça par ailleurs avec assurance et devant l'assurance de Leonidas je détaillai les grandes lignes du sujet de recherche. Julian prit rapidement mon relai avec des détails plus techniques propres à la recherche magique et très vite mon propre sujet m'échappa pour se glisser entre les mains de Simon, intéressé par l'exposé de son professeur. Ecartée de la conversation par la force des choses, je remarquai alors les plats que Lysandra n'avait pas pris la peine d'emporter. Sans un bruit, je le saisis et me levai. Simon me jeta un bref coup d'œil inquiet et je le rassurai d'un sourire avant de quitter la pièce. Peut-être que mon absence le libérerait assez pour qu'il questionne Julian et Leonidas sur Matthew sans avoir peur que je réagisse. Parce que c'était clair pour moi depuis que nous nous étions assis à cette table : Simon craignait la conversation. Chaque fois il posait des questions de manière superficielles mais dès qu'elles mobilisaient sa propre mémoire, je le voyais blêmir. Comme avec le nom de la baby-sitter. Quelque chose avait brusquement émergé du gouffre – et malgré sa bonne volonté, il était évident que cela l'effrayait toujours.

Je mobilisai ma mémoire pour retrouver la cuisine que m'avait brièvement fait visiter Leonidas. Comme celle du 12, square Grimmaurd, elle était en retrait, cachée dans l'ombre de la Salle à manger et de la somptueuse salle de réception. C'était quelque chose de contre-intuitif pour moi : ma propre cuisine était un véritable lieu de vie. J'y cuisinais avec mon père, j'y mangeais avec tout le monde, j'y buvais mon chocolat en rentrant de l'entrainement pour raconter ma journée à mes parents. C'était un lieu lumineux aux bonnes odeurs de nourriture mais celle des Grims avait une ambiance complétement différente. Elle ressemblait à celle de Poudlard avec les portes de bois, ses briques apparentes et les poêles de cuivre accrochées au mur. Mais tout était immobile, inodore, incolore : la pièce manquait singulièrement d'âme. Lysandra était là devant l'évier à regarder les assiettes se laver seule, une cigarette coincée entre ses doigts. Elle darda son regard gris et incisif sur moi et je me figeai sur le seuil de la cuisine, le plat entre les mains.

-Euh ... Désolée, je vous ramène juste ...

-Tu peux le mettre sur la table, me coupa-t-elle en la désignant de la main qui tenait la cigarette. Je m'en occuperais après ...

-Vous ?

L'exclamation m'avait échappé et Lysandra dressa un sourcil. C'était surprenant de l'imaginer dans le rôle de la ménagère alors qu'elle était si digne, si royale dans son port et des gestes. Elle agissait en grande dame : les grandes dames ne s'abaissaient pas à faire la vaisselle, même magiquement. Un sourire dépité s'étira sur les lèvres fines de Lysandra.

-Et qui d'autre ? Tu vois quelqu'un ? Une servante, un elfe ?

-Désolée, je ne voulais pas ...

-On avait une elfe, petits, poursuivit Lysandra comme si je n'étais pas intervenue. Winki. A la mort de notre mère, elle est passée à Barty. Je ne sais pas ce qu'elle est devenue, la seule chose que je sais c'est qu'elle n'était pas dans les biens de mon frère ...

Le mot « bien » m'hérissa l'échine et je serrai les dents pour ne pas froisser davantage Lysandra en rectifiant son langage. J'avançai plutôt vers la table pour poser le plat de rosbeef. De dos, j'entendis le rire amer de Lysandra.

-Ah, laisse-moi deviner ... Tu ne comprends pas la situation des elfes ? C'est le cas de beaucoup d'enfants de moldus ...

-Disons que ça reste pour moi une forme d'esclavage, répondis-je de façon diplomatique. Mais vous devez le comprendre si vous n'avez pas repris d'elfe à votre service.

Lysandra eut un vague sourire et tira une bouffée de sa cigarette. Contrairement à son mari, elle n'essayait pas d'animer sa fumée, ni même de la dissiper.

-Disons que j'entends les arguments. Mais tu aurais vu Winki ... Nous servir, c'était sa raison de vivre. La libérer l'aurait tuée. Mais comme c'était une servilité absurde que je méprisais – sa vénération malsaine de Barty ... Merlin j'en aurais rendu mes repas – non, je n'ai pas repris d'elfe. Ce n'est pas comme si je manquais de temps ...

-Vous ne travaillez pas ?

Les lèvres de Lysandra se pincèrent en une mince ligne et elle laissa tomber des cendres dans l'évier. Elle repoussa une mèche noire qui s'était échappé de son chignon.

-Tu sais, je suis la dernière de la portée. Mes deux aînés ont pris tous l'intellect et m'ont laissé le reste : la beauté. Ah ça j'étais la beauté de la famille, ma mère en était très fière – ça signifiait mariage et beau parti pour elle. Alors comme j'étais belle promise à un beau mariage, je n'ai pas beaucoup travaillé à l'école. J'ai fait quelques années de secrétariat au Ministère – c'est là que j'ai rencontré Leonidas – mais aussitôt mariée j'ai arrêté. Il faut bien occuper mes journées et la cuisine et la vaisselle, ça meuble un peu les journées.

Je hochai la tête, incapable de savoir si j'étais abasourdie ou envieuse. Entre le projet avec Octavia, l'Ordre et le Quidditch, j'avais l'impression d'avoir vécu des mois écartelée, à bout de souffle. Mes rares moments de libres étaient souvent dédiés à Simon, à l'exploration de notre nouvelle relation mais il y avait une éternité que je n'avais pas pris soin de moi. Si mes cheveux continuaient de pousser, c'était tout simplement que je ne voulais pas aller chez le coiffeur. Depuis combien de temps n'avais-je pas ouvert un livre pour le plaisir ? Alors ce vide qui semblait peser à Lysandra me faisait presque rêver. Un sourire cynique se dessina sur ses lèvres.

-Allez, pose la question.

-Pardon ? m'étonnai-je.

-La question que tout le monde me pose à ce stade de la conversation. Pourquoi je n'ai pas d'enfant ... Des enfants pour remplir mes journées. Pour m'accomplir en tant que femme.

Je clignai des yeux, prise de court. Ça ne m'était absolument pas venu à l'esprit alors que je réfléchissais à la vie de Lysandra mais maintenant que j'y songeai, l'absence d'enfant dans leur vie était étrange. Lysandra était une femme de la haute société et le revendiquait. Leonidas semblait plus moderne dans ses idées mais fidèle à son statut. Un couple pareil aurait dû avoir des enfants – pour le nom, par obligation, par mimétisme ... par amour.

Mon premier réflexe fut de songer à une infertilité. Mais le cynisme de Lysandra, l'amertume dans son ton me mettait le doute. Je finis par oser du bout des lèvres :

-Vous n'en avez pas voulu, c'est cela ?

-Toutes les femmes ne sont pas faites pour être mère. Personne n'en parle mais c'est une vérité. J'ai vu ma mère se saigner aux quatre veines pour nous, nous élever au mépris de sa santé et du reste. (Elle battit des paupières et écrasa rageusement sa cigarette). J'ai vu ma sœur se battre et mourir pour ses enfants ... et je ne suis ni ma mère, ni ma sœur. Je n'ai pas leur abnégation et encore moins leur courage. Ce n'est pas un hasard si je n'ai pas demandé la garde de Simon ... j'aurais été une mère exécrable.

Je ne répondis rien mais intérieurement je ne pus qu'acquiescer. Je connaissais assez mal, superficiellement mais il me paraissait évident qu'elle n'avait pas ce qu'on appelait « la fibre maternelle ». Elle était distante, paraissait capricieuse et je n'arrivais pas à l'imaginer placer le bonheur de ses enfants avant le sien.

-Alors ? lança-t-elle d'un ton sarcastique. Pas de jugement ? Pas de « mais ça ne vous manque pas ? »

Ce qu'elle pouvait ressembler à Simon, songeai-je en voyant le défi briller dans ses yeux, son menton relevé avec fierté. Mais contrairement à lui, le cynisme de Lysandra je ne savais pas le gérer et cela me mettait dans une position inconfortable. Je baissai les yeux et répondis d'une petite voix :

-Non... non, c'est votre choix. Plutôt agir comme vous l'avez fait que de répondre aux attentes et de gâcher la vie d'un enfant – ainsi que la vôtre.

-Hum, lâcha Lysandra, songeuse. Une vraie sainte, dites-moi ... qui m'a dit ça, déjà ? Peut-être ta mère, à Noël ... Que même si tu n'étais pas croyante tu étais baignée dans le dogme de la bienveillance. Remarquable.

-J'ai un père Pasteur, que voulez-vous ...

Mais ces mots m'arrachèrent un frisson. L'idée qu'elle ait pu parler de moi avec ma mère à noël m'était dérangeante. Je ne savais pas ce que ma mère pensait de moi : nous n'avions pas parler à cœurs ouverts depuis une éternité. Au début, c'était pour éviter de toucher à la magie, un grand sujet de tension – et puis lentement, le fil s'était détissé, l'habitude s'était perdue. C'était mon père qui me connaissait, mon père dont j'étais proche. Mais malgré tout, ma mère m'avait parfaitement analysé. Je n'étais plus croyante depuis longtemps mais je restai profondément impregnée des dogmes religieux qui m'avaient bercé et élevé toute mon enfance. Cela expliquait que je sois si embarrassée face à Julian et son « compagnon » : tiraillée entre mon modèle et les injonctions de bienveillance. Où était le curseur ?

Lysandra me contempla longuement, silencieusement. Après quelques secondes de silence inconfortable, elle entonna d'une voix un peu plus dure :

-Tu sais dans quoi tu t'engages ? Avec Simon ?

La question me prit complètement au dépourvu mais je réussis à sourire de façon incertaine.

-Vous voulez être certaine que je suis la fille qui lui faut ?

Un petit rire s'échappa de sa gorge et elle éluda la question avec un geste désinvolte de la main.

-Oh, je pense que tu l'es. Tu es la personne qui a rendu son fils à ma sœur et pour cela je t'en suis éternellement reconnaissante. De ce que j'ai pu voir, tu le tires vers le haut – et inversement. Non, je parlais des Bones. De la grande famille de Terre-en-Landes.

Je clignai des yeux, si médusée par la tournure de la conversation que je restai quelques secondes sans voix. Ma mine déboussolée fit rire Lysandra.

-Ah, je me disais bien ...

-Je connais les Bones depuis que je suis petite, protestai-je néanmoins. Pourquoi je devrais appréhender ... ?

-Parce que Rose Bones est accrochée à Simon comme un strangulot.

Et inversement, faillis-je rétorquer en songeant à l'infini et inexplicable patiente que Simon pouvait avoir avec sa mère. Il l'avait prouvé après la mort d'Amelia où elle avait veillé sur ses enfants de manière si étouffante que même Susan avait cherché à fuir. Il l'avait prouvé en supportant sa présence pendant ses longs mois d'arrêts – arrêt qui semblait s'être prolongé dans la seule optique de garder un œil sur Simon. La pression s'était apaisée depuis qu'elle avait repris le travail en janvier. Je l'ai sorti de là et il s'est accroché à moi .... J'ai l'impression qu'il ne m'a jamais lâché, en un sens, m'avait dit Rose en me montrant les photos, l'année dernière. Et c'était un fait : pour toujours, Rose resterait celle qui avait sorti Simon du placard et cela nouait entre eux un lien aussi indéfectible qu'unique.

D'un geste distrait, je caressai la montre à mon poignet. La montre que Rose et George m'avaient offerte pour mes dix-sept ans, pour mon âge adulte dans le monde magique. Presque en tant que parrain et marraine. Par ce geste, ils s'étaient posé comme étant ma famille, en un sens ...

-Rose me connait depuis que je suis petite, et c'est elle qui a toujours insisté pour que je m'infiltre dans la famille, objectai-je à Lysandra. Je ne pense pas qu'elle dira grand-chose contre ma présence, je suis déjà là depuis dix-huit ans ... j'ai juste changé de rôle.

-Mais c'est un changement de rôle qui risque de la déstabiliser. Songe à cela : c'est elle qui gère Simon depuis dix-huit. Pas George : elle. Elle qui a accepté d'entrer dans son jeu qui envoyait ma sœur aux oubliettes, elle qui l'a élevé dans le déni. Elle s'est construite comme son seul repère. Quand tu parles avec Simon il n'évoque pas ses parents : il évoque sa mère. George n'a jamais réussi à prendre sa place dans ce modèle. Lui savait qu'il était le fils de son frère mais Rose a choisi de l'ignorer. Tu crois que sa tête, il y a de place pour une autre femme dans la vie de Simon ? Une femme qui en plus s'applique à déconstruire tout ce qu'elle a construit ?

-Vous pensez vraiment que c'est comme ça qu'elle va me voir ? doutai-je avec un rire incrédule.

Le long regard de Lysandra fut difficile à soutenir. Elle avait des yeux très intimidants : gris, voilés, ils transperçaient le cœur et l'âme. Les restes de mon hilarité s'étouffèrent dans ma gorge et s'évaporèrent définitivement lorsqu'un cingla d'un ton glacial.

-Si tu es sûre de toi ... mais crois-moi, je connais Rose. Dans l'éducation de Simon, il n'y avait de place pour personne. Cela se ressentait dans les lettres que nous envoyer George. Ne pense pas que tu auras des privilèges. Je ne suis pas sûre qu'elle ait pleinement réalisé la place que tu avais dans la vie de Simon à présent. De ce que j'ai pu voir à Noël, elle en est restée à la bonne vieille guerre ... Ce qu'elle a oublié, c'est que de la guerre à l'amour il n'y a qu'un pas.

La vieille horloge sur le mur sonna les treize heures de façon si tonitruante que j'en sursautai et la voix de Lysandra fut perdue dans son carillonnement. Alors que portais une main à mon cœur, elle observa l'horloge avec patience et lâcha une fois le dernier son teinté :

-Nous devrions y retourner ... Sinon ces messieurs vont penser que leurs oreilles devraient siffler.

Et sans m'attendre, elle s'en fut en agitant sa baguette. Je me rendis alors compte que j'étais appuyée contre la porte du cellier qui s'ouvrit brutalement dans mon dos. J'étouffai un cri et m'écartai d'un bond au moment où des verrines de fruit en sortait. Je les évitai souplement et elles suivirent docilement Lysandra dans les couloirs. A moitié contrariée, moitié perplexe et l'omoplate douloureuse après le coup de la porte, je m'y engouffrai à mon tour. Je ne savais pas quoi penser des avertissements de Lysandra concernant Rose. Les deux femmes se méprisaient assez pour que cette haine soit la raison de ces dires. J'avais toujours entretenu d'excellents rapports avec les parents de Simon – beaucoup plus sains qu'avec Simon lui-même. De toutes les réactions, c'était celle qui m'inquiétait presque le moins. J'étais plus inquiète concernant le feu-follet Alexandre ou mon père et ses dogmes.

Je chassai les doutes que Lysandra avait insinué dans mon esprit et retournai à la salle à manger. Elle s'était déjà installée en bout de table, une table bien plus vivante que je ne l'avais quittée. Julian Shelton était hilare, les joues écarlates, les lèvres pressées contre ses doigts croisés pour retenir son rire. Leonidas ne s'embarrassait pas de telles disposition et riait bruyamment à en faire trembler les lustres de cristal.

-Et là Matthew s'est indigné que je ne lui donne pas d'argent à lui ! Mais vraiment, un scandale, il a fallu que je lui rappelle que c'était Lysa sa tante ...

-Oh encore cette histoire, soupira Lysandra avec un suprême ennui. Leo, tu radotes ...

Leonidas leva son verre en direction de sa femme avec un sourire charmeur et je profitai de leur joute verbale pour me glisser aux côtés de Simon. Lui ne riait pas et restait tendu. Ses deux mains avaient glissé sur ses genoux et s'y crispaient de façon compulsive. Inquiète, je me penchai vers lui et m'enquis à voix basse :

-Ça ne va pas ... ?

La bouche de Simon fut agitée d'un tic nerveux et il se laissa aller contre le dossier de sa chaise.

-Si. C'est juste ... Tu connais cette impression quand tu es dans un groupe et que soudainement ils parlent de choses tellement spécifiques que ça te parait être une langue étrangère ?

-Tu veux dire comme moi quand on est passé de mon projet à des termes hypers pointus de sortilèges ?

Un sourire frémit sur les lèvres de Simon et il jeta un bref coup d'œil à Leonidas et Julian plongés dans une grande discussion.

-Je me doutais que tu avais fui à cause de ça ... Mais un peu, oui. Sauf que là, c'est de moi qui parle. Enfin, de moi petit, de ma famille, de ma vie. De Spencer que Matthew a envoyé dans les ronces quand il lui a appris à faire du vélo. Qu'il a failli être enlevé par un moldu ensorcelé et que c'est ma mère qui a empêché ça alors qu'elle était enceinte de moi. C'est normal que ça me paraisse étranger ?

Il y avait un certain désarroi dans sa voix qui me força à glisser la main sur la sienne. Il baissa les yeux sur nos mains, mais les fixa d'un œil froid, comme si elles aussi elles étaient étrangères, comme si son esprit n'arrivait pas à les intégrer. Avec un pincement au cœur, je songeai à tout ce qu'il ignorait encore, comme son cousin à l'âme dévorée à Ste-Mangouste et à tout ce que ça provoquait encore chez lui. Chaque fois, c'était une avalanche d'information qui saturait rapidement son esprit. Une nouvelle fois, je m'interrogeai sur sa capacité à tout absorber, à gérer les souvenirs issus du gouffre. Sa tension semblait me donner un début de réponse.

-Tu avais trois ans et moins que ça alors ... oui, je dirais que c'est normal. Mais on est là pour ça, non ?

Simon soupira et se frotta le front du pouce. Il avait passé la semaine entre l'IRIS et l'étude de la fameuse poignée de porte que nous avions ramenés : en ce dimanche midi, la fatigue commençait à se faire sentir.

-Oui, oui. Pardon, j'ai un de ses mal de crâne ...

-C'est le vin ça, Bones.

Simon leva les yeux au ciel devant ma réponse mais sa main s'activa enfin sous la mienne pour nouer ses doigts aux miens. Le geste me rassura, d'autant que les propos de Lysandra continuaient de flotter dans mon esprit tels de sombres songes. J'avais été sûre de moi mais elle me mettait le doute ... Si comme le disait Rose réagissait mal à notre relation, quelle serait la réaction de Simon ? Être écartelée entre la femme qui l'avait sorti du placard et celle qui l'avait sorti de l'abîme ? Parce que c'était cela que j'avais fait sur ce pont l'année dernière. Simon avait sombré après l'évasion de Jugson et aurait sombré encore si je n'avais pas arraché ce secret et si je ne l'avais forcé à voir la réalité en face.

Un peu troublée, je pris une gorgée de vin et tentai de m'imprégner de la chaleur de la main de Simon. En face de nous, Julian et Leonidas se rappelaient visiblement le bon temps d'Ilvermorny avec nostalgie et je les entendais discuter de Maison inconnues avec animation :

-Mais j'avais le choix avec Womatou, j'ai juste voulu suivre Aurelia à Serpent Cornu ...

-Ilvermorny a aussi des Maisons ? m'étonnai-je distraitement.

-Ilvermonry a tout plagié sur Poudlard, répondit Julian. Les maisons ont juste une sensibilité différente ... C'est très difficile de faire des équivalences je trouve.

-D'ailleurs je suis persuadé qu'à Ilvermorny vous auriez certainement été dans deux maisons différentes, ajouta Leonidas, songeur. Victoria à Puckwoodgenie, je trouve, ça fait sens mais Simon ... (Il s'adressa à Julian, l'air songeur). Oiseau Tonnerre peut-être ?

-Pas Serpent Cornu ?

-Il se serait peut-être manifester mais je doute que Simon aurait choisi ...

-Tu vois ? souffla Simon à mon adresse. Une langue étrangère.

J'eus un vague sourire qui se fana vite lorsque je sentis le regard de Lysandra sur moi. Elle le détourna vite mais cette impression furtive d'avoir été intensément observée ne passa pas et me noua le ventre. Je baissai les yeux sur ma main entrelacée avec celle de Simon. Visiblement, c'était le geste à ne pas faire parce que Lysandra s'enquit avec un sourire sardonique :

-Mais si vous préférez, on peut vous interroger sur vous. Comment est-on passé de « rien du tout » à « on se tient la main sous la table » ?

Aussitôt, Simon écarta les doigts et me lâcha et je lui jetai un regard de biais. Lentement, je ramenai ma main contre ma jambe mais décidai en représailles de laisser Simon répondre à la question. Il lui fallut quelques secondes et le regard prolongé de Lysandra sur lui pour entonner :

-Laissez tomber ... Vous trouveriez ça stupide.

-Oh tu sais, je doute que vous ayez la palme de la stupidité, s'amusa Leonidas. Tu sais combien de temps ta mère a galéré avant qu'Edgar ne daigne poser réellement les yeux sur elle ?

Simon se tendit immédiatement, malgré le rire presque joyeux de Lysandra qui résonna dans la pièce. Ses yeux gris luisaient de nostalgie mais également d'un sentiment plus féroce, comme du triomphe.

-Ils étaient préfets-en-chefs tous les deux à Poudlard, ajouta-t-elle. Et ma sœur qui repoussait prétendant après prétendant a eu dès les premières semaines un inexplicable coup de cœur pour Edgar. Pourtant ce qu'il était austère à cette époque ... sérieux, rigide. Crois-moi, heureusement que Cassie a débarqué dans sa vie pour lui apprendre l'humour. Même si ça lui pris plusieurs semaines. Mois. Années. Oui, années maintenant que j'y pense ...

-Et qu'est-ce qui a fini par le faire plier ?

La voix de Simon était rauque, très prudente mais Lysandra se fendit d'un immense sourire devant la question. Il s'y intéressait. Petit à petit, il se rendait lui-même à ses parents.

-Cassie était tenace. A force de trafiquer les rondes pour qu'ils y soient ensemble, d'imposer sa présence quand Edgar travaillait – et en travaillant avec lui, pour prouver qu'elle n'était pas qu'une folle furieuse – Edgar a fini par accepter sa présence et même à l'apprécier. Mais il a fallu qu'elle s'accroche : ça a mis presque un an.

-Dix-huit : on gagne, soufflai-je à Simon.

Je vis le coin de ses lèvres frémir en un sourire mais il choisit plutôt de me donner un léger coup de pied pour le faire taire. Julian capta notre échange car je le vis réprimer son amusement. Il caressa la montre dorée à son poignet d'un geste machinal et lança d'un ton joyeux :

-Ce n'est pas pire que Matthew avec Charity. Il l'a carrément mis à genoux quand même...

-Qui ça ?

L'interrogation venait à la fois de Simon, mais surtout de moi. Le prénom, peu courant, m'avait sauté aux oreilles et mon esprit se mit sans-dessus-dessous pour trouver à qui il appartenait. Le temps qu'il y parvienne, Leonidas avait repris la parole avec un éclat de rire :

-Ah ça ! Je l'ai vu en direct, je vous jure ... mais quel petit ...

-Charity Burbage ?!

Le nom avait fini par être associé à un visage et lorsqu'il s'était imposé un mot je n'avais pu retenir un cri de surprise. Simon baissa son regard sur moi, déboussolé :

-Ta professeur d'étude des moldus ?

-Ah, lâcha Julian.

Sa peau était étrangement teintée : rosée au niveau des pommettes, mais le reste de son visage exsangue. Comme s'il s'était vidé de ses couleurs mais que le vin avait tenu à manifester sa présence d'une discrète touche. Visiblement, il considérait la boisson responsable de son interjection, car il repoussa son verre avant de bredouiller :

-Oui ... Oui, elle.

-Matthew est sorti avec ma professeur d'Etude des moldus ? compris-je, sidérée. Pour de vrai ?

-Pour de vrai. Enfin, ils sont sortis ensemble un an ... avant de rompre, un peu avant la fin de la septième année. Mais pendant l'été ils avaient commencé à se revoir ...

Je fis un rapide calcul avant que mon sang ne se fige lentement dans mes veines. Ça n'avait pas été n'importe quel été : ça avait été le dernier de Matthew Bones. Je revis en un éclair ma professeur d'étude des moldus, cette joyeuse sorcière avec le tee-shirt des Rollings Stones. Puis je l'imaginais avec quinze ans de moins, à mon âge, tout juste sortie de l'adolescence, apprendre que son ancien petit-ami avec lequel elle essayait visiblement de renouer s'était fait tué. L'image fut si nette dans mon esprit que ma gorge se noua douloureusement et je pris une profonde inspiration pour faire passer mon émotion.

Puis Simon frappa la table.

Les couverts teintèrent, les sourires se fanèrent et les larmes passèrent vite quand je posai le regard sur son visage fermé et ses yeux étincelants. Cette fois ce n'était ni de l'appréhension, si de l'émotion : c'était de la colère qui faisait luire ses prunelles.

-Dites. Est-ce qu'il y a un rapport, même vague, entre le fait que Matthew est sorti avec Burbage et le fait que Chourave m'a fortement déconseillé de faire Etudes des moldus en troisième année ? Alors que j'en avais l'envie et la place ?

-Tu as voulu faire Etudes des moldus en troisième année ? Mais ...

-Juste pour le plaisir de te t'embêter, Vicky, me coupa-t-il sèchement avant de darder un regard furieux sur Julian. Alors ?

Le long regard qu'échangea Julian avec Leonidas était limpide et donna une déchirante réponse à Simon. Le professeur semblait même un brin paniqué et j'étais persuadée que jamais il ne se serait risqué à laisser échapper une telle information si le vin n'avait pas quelque peu perturbé son esprit. Leonidas avait eu raison de se méfier de la boisson ... Julian chercha du soutien du côté de Lysandra qui secoua la lentement la tête, la mine un peu déroutée – visiblement, la plupart des détails lui échappaient. Sans doute ne savait-elle pas que l'ancienne petit-amie de son neveu travaillait à présent à Poudlard. Alors ce fut à Julian qu'échut l'obligation de donner une réponse verbale à Simon :

-Charity ... a été profondément bouleversé par la mort de Matthew. On l'a tous été mais elle ... Elle a mis énormément de temps à se reconstruire. Il y a même fallu qu'elle quitte le pays pour ça, qu'elle coupe avec tout ... Elle a réussi à trouver un équilibre à Poudlard. Mais quand elle a appris que tu envisageais de faire Etudes des moldus, elle a paniqué. Elle m'a envoyé une lettre à ce moment-là. Tous les vieux fantômes étaient en train de revenir et ... non, elle ne se sentait pas de te faire cours.

Ce n'était pas étonnant. Simon ressemblait à Matthew physiquement – et plus il grandissait, pire c'était. Les taches de rousseurs, le long nez ... Ce n'était pas difficile trouver son frère en lui. Si la reconstruction de Charity Burbage avait été aussi difficile que le décrivait Julian, j'imaginais parfaitement quel choc cela avait dû être pour elle d'imaginer Simon dans son cours, quelle douleur cela aurait été de devoir le contempler semaine après semaine. Elle aurait laissé échapper quelque chose – un lapsus, des larmes. Et quand je me souvenais l'état de Simon à ce moment-là – son déni maladif – cette solution me semblait la meilleure qui soit. Cela les avait préservés tous les deux d'un douloureux rappel auquel aucun n'était prêt.

Non. Je comprenais réellement la panique et la décision de Charity Burbage de refuser Simon dans son cours et je comprenais que Chourave l'ait encouragée. Mais lui ne semblait pas en état de réfléchir. A dire vrai, il ne semblait même pas en état d'intégrer l'information. La mâchoire était contractée, son poing serré sur la table et il continuait de fixer Julian d'un regard furieux qui devait être insupportable à soutenir. Avec une infinie prudence, je tentai de prendre son autre main laissée statique le long de son corps. Mais même ça, il ne paraissait pas être capable de l'accepter car il me repoussa sèchement.

-Non, c'est bon. Cette fois, j'en ai marre.

Il se leva et sans un regard pour personne il contourna la table pour sortir en trombe de la pièce. Je ne tentai même pas de le retenir, blessée par les mots et blasée la situation. Je nouai mes mains devant mon visage pour appuyer mon front contre elle et je tressaillis à peine quand la porte claqua avec fracas.

Le silence qui s'installa était des plus assourdissant. Je ne regardais rien : j'avais fermé les yeux et me préparai mentalement à la tempête qui m'attendait quand je déciderai enfin de sortir de cette maison. Mais c'était épuisant. J'étais épuisée. Cette situation me vidait de mes forces. Simon avait beau clamé que le processus de guérison était entamé, qu'il gérait mieux qu'avant, inconsciemment il continuait de la faire peser de tout son poids sur moi. Je n'étais pas obligée. Je pouvais le laisser intégrer et le laisser se calmer seul. Mais cela aussi c'était au-dessus de mes forces. J'avais trop peur de ce qu'il était capable de devenir, rongé par ses fantômes, hanté par son traumatisme. J'en avais eu un aperçu l'année dernière.

Oh non. Plus jamais ça ...

Je pris une profonde inspiration avant d'émerger et de balayer la table du regard. Lysandra et Leonidas échangeaient des regards interloqués et éloquents et Julian donnait l'impression de vouloir rentrer sous terre.

-Si vous avez d'autres bombes de ce genre, lançai-je d'un ton résolument neutre. C'est maintenant. Parce qu'à chaque bombe, c'est moi qui balaie. Et ça fait dix-huit ans que ça dure. 

***

Alors votre verdict? 

Je sais que certains d'entre vous vont peut-être se retrouver sur leur faim - ça a été le cas d'Anna quand elle l'a lu. Mais en lisant le suivant, elle a fini par me donner raison donc dites-vous que ce sera justifié dans deux semaines ! 

Oui oui La Voix du Chaudron évoqué dans Les fantômes des Oubliés a été fondé par deux personnages de LHDI, Liam et Aileen ! C'est issu d'un brainstorming avec Anna comme vous pouvez vous en douter ! 

Bisous tout le monde, je retourne au biathlon (mon palpitant est à 100 à l'heure là, c'est stressant d'avoir des français qui jouent le podium ET LE GENERAL ). 

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