III - Chapitre 29 : Dépêche-toi de vivre ...
C'est une journée très triste pour moi. Je finis mon remplacement et j'avais des élèves et un environnement trop bien et ça me rend très triste de les quitter. Vraiment. Je suis partie avec une pochette, 99% de dessins et de mots beaucoup trop cute et heartbreaking, et 1% de contrat de travail.
Et comme vous le savez, ma tristesse nourrit ma faiblesse. Et ma faiblesse est votre meilleur aillée pour avoir des chapitres en avance !
Pour ceux qui ne sont pas à jour :
- FAQ postée sur Les fantômes des oubliés
- Aes d'Anna postés sur La dernière page, suspendue jusqu'à ce que la sainte inspiration tombe sur moi pour que je réécrive mon chapitre - le reste avance plutôt bien, ce qui est d'autant plus frustrant.
Je vous laisse avec la chanson qui m'a accompagnée pendant mon trajet pour me remonter le moral, elle est issue du groupe dont je vous ai parlé la semaine dernière, le Naheulband et je trouve qu'elle a trop une vibes halloween. Elle s'appelle "Revendication monstrueuse" et elle est en commentaire ! =>
(Et la citation est issu d'un film que j'adore, mais qui contient l'une des scènes qui me brise le plus le coeur du monde, voilà. Il est disponible sur Netflix)
***
Je crois que tout se résume à un simple choix, en réalité. Dépêche toi de vivre ... ou dépêche-toi de mourir.
- Andy Dufesne
Les évadés
***
Chapitre 29 : « Dépêche-toi de vivre ... ».
-Est-ce que je suis vraiment obligée de venir ?
Alexandre soupira et reporta son attention sur le piano qu'il accordait. C'était un vieil engin qui avait appartenu aux grands-parents de mon père et qu'il avait récupéré pour son déménagement dans la banlieue de Bristol. Pas d'appartement, mais une petite maison pour Melania et lui, décorée avec goût et dont le jardin était ombragé par un saule pleureur. On sentait que la sorcière avait apporté sa touche : le bric à brac qui avait constitué l'appartement d'Alexandre avait disparu au profit de meubles en bois clair et de sofa d'un vert qui n'était pas sans rappeler celui de Serpentard. Un chaudron trônait au milieu de la cuisine où hurlait le poste radio que mon frère s'était offert à ses dix-huit ans. Dans la penderie dans le hall, les capes se mêlaient aux vestes en cuir et dans le garage la vieille moto d'Alexandre côtoyait le balai de course de Melania dont elle ne parvenait pas à se séparer. Elle n'avait pourtant jamais joué au Quidditch, mais elle adorait voler. Plus j'observais la petite maison qui commençait à prendre des airs de foyer, plus je l'aimais. Un mélange parfait et élégant de culture moldue et sorcière.
Alexandre prit un instrument pour tirer l'une des cordes du piano.
-Oui, ce serait bien Tory. C'est juste un thé et il y aura peut-être la copine d'Ulysse ...
-Et Thalia Selwyn, rappelai-je avec aigreur.
Il me jeta un regard agacé et donna un coup rageur qui permit de tendre la corde.
-Oui, je sais. J'ai passé noël avec elle je te rappelle. Tu peux appuyer sur le « la » ?
-Hein ?
-La première touche à droite des trois touches noires.
Un peu déboussolée, je m'exécutai et la corde vibra d'une note claire. Je n'avais aucun rythme mais j'avais l'oreille assez musicale pour reconnaitre la justesse. Alexandre aussi car il hocha la tête d'un air satisfait.
-Parfait, le « si » maintenant ...
-J'oublie parfois que tu es un musicien dans l'âme, maugréai-je en m'accoudant au piano. Pourquoi ce n'est pas à toi que papa a donné la guitare ?
-Parce que je ne jouais pas de guitare, moi, je me débrouille juste au piano. Tu peux appuyer sur la touche d'à côté ?
Le « si » claironnait moins et Alexandre s'appliqua à raidir la corde pour en tirer le son le plus juste possible. L'intérieur était gorgé de moutons de poussières et d'araignées mortes, aussi me dépêchai-je de nettoyer tout ça d'un coup de baguette pour éviter que mon frère n'en avale une.
-Merci, soupira-t-il après une petite toux. Je voudrais finir ça avant l'arrivée de Mel ...
-C'est pour elle ?
Les joues d'Alexandre prirent une teinte rosée et il s'attaqua à une autre corde.
-C'est son anniversaire demain – c'est pour ça qu'on est invité à boire le thé chez les Selwyn. C'est une grande pianiste, je voulais lui faire plaisir. Bon, ce n'est pas le magnifique piano à queue qu'elle a chez elle ...
-Elle va adorer, le rassurai-je en laissant mes doigts courir le long du clavier. Et il faudra que maman soit là quand on va dire à grand-mère Anne que le piano de sa mère se trouve maintenant chez toi aux mains d'une sorcière.
Cette fois, Alexandre éclata d'un rire franc qui sembla chasser ses doutes quant à son cadeau. Il poursuivit son accordage et moi je m'efforçai de rendre au bois terni son éclat d'antan. C'était un piano droit qui datait de 1908, appris-je en décrassant la plaque d'or près des pédales de cuivre. Je réparai le pupitre de bois chaud incrusté dans le coffre. Pour redonner de l'éclat aux touches d'ivoire, je dus consulter les livres de magie de Melania qu'elle avait rangé dans une bibliothèque à l'étage mais j'y parvins à la troisième tentative – la première avait rendu les touches bleues. Quand Alexandre acheva de l'accorder et referma le coffre, il semblait comme neuf.
-Incroyable, souffla-t-il. Je te revaudrais ça.
-En me dispensant de thé chez les Selwyn ? proposai-je avec un sourire mutin. Allez, je n'aime même pas le thé, en plus !
-Tu vas laisser papa et maman seuls avec Thalia Selwyn, c'est ça que j'entends ?
Ma grimace fit ricaner Alexandre et il ébouriffa mes cheveux avec un sourire triomphant en comprenant qu'il avait trouvé l'argument qui me ferait plier. Puis il ouvrit le clavier et laissa ses doigts effleurer les touches avant de les frapper. Ça manquait de fluidité mais je reconnus parfaitement La lettre à Elise de Beethoven qui sonnait parfaitement et s'élevait avec grâce et mélancolie. Je m'appuyais contre le piano et observai les doigts de mon frère courir contre le clavier sans que ses yeux ne les commandent : il regardait dehors, comme si les notes étaient inscrites dans le ciel.
-Tu n'as pas perdu la main, fis-je remarquer lorsque la dernière totalité s'évanouit dans l'air.
-Arrête, je connais trois morceaux parce que mon prof de musique me les a appris au collège, maugréa-t-il en refermant le clavier. Je ne sais même pas lire une partition.
-Tu pourrais. Tu as l'oreille musicale, plus que moi ...
Ma seule qualité musicale demeurait le chant mais malgré son scepticisme affiché, je savais que ce n'était pas le cas de mon frère. C'était un intuitif et un manuel. Si Alexandre avait choisi la mécanique, c'était qu'il avait de l'or dans ses mains – et son accordage précis et express le prouvait encore. Petit déjà il avait été tactile, toujours à tout toucher, tout ressentir, tout casser mais pour avoir le plaisir de réparer les choses. C'était exactement ce qu'il s'était efforcé de faire avec notre famille : la maltraiter, la briser, l'enflammer mais pour ensuite jouer les traits d'union, la force réunificatrice autour du souvenir et de l'humour. Comme moi il avait un bel esprit d'analyse, mais plus pratique qui lui donnait l'intuition nécessaire pour comprendre les objets et en tirer le meilleur. Il y avait un côté créateur chez lui qui s'était exprimé dès qu'il avait retapé sa moto seul à l'âge de dix-huit ans et qui expliquait qu'un grand benêt incapable du moindre discernement comme lui soit sensible à la musique. Plus qu'une question d'oreille, c'était une question de toucher et ça ne me surprenait pas qu'il ait été attiré par ce long clavier de noir et de blanc.
Il recouvrit le piano d'un grand drap et le poussa à la force des bras contre un mur nu.
-On verra, trancha-t-il en se frottant les mains. Peut-être que Mel voudra bien m'apprendre. On se prend une bière ? Et quand est-ce que le crapaud vient voir ma maison ? J'ai l'impression de ne plus jamais le voir, lui ...
Je haussai les épaules en le suivant dans sa petite cuisine. L'espace avait été quadrillé avec un mur laboratoire dédié au chaudron et à la magie et un autre mur plus pratique avec les plaques de cuisson et l'évier. Il me jeta un regard insistant pour me rappeler sa question et je m'efforçai de ne pas paraître gênée. J'ignorais complétement comment mon frère pourrait réagir face à l'évolution de ma relation avec Simon. Globalement, il n'avait jamais été l'archétype du grand frère protecteur qui regardait de travers chaque garçon qui s'approchait de sa petite sœur, mais ça ne voulait pas dire qu'il ne s'y intéressait pas. Mais ce n'était pas n'importe quel garçon. C'était Simon et ça rebattait les cartes pour tout le monde. Je savais qu'Alexandre l'adorait, qu'il était presque comme son propre petit frère – et je me fis la réflexion que c'était peut-être le souvenir de ses grands frères et particulièrement du turbulent Matthew que Simon avait pu chercher chez Alexandre. De là à comprendre ce qui se jouait entre nous en ce moment ... ? Je l'ignorais totalement. Je ne préférais pas me poser la question pour l'instant, mais je savais que mon frère serait mon premier test quand je serais enfin en confiance avec Simon.
-Je lui dirais de passer, promis-je à Alexandre qui continuait de me fixer. Mais il est sur plein de projet dans son école c'est peut-être pour ça aussi, même moi je le vois beaucoup moi ... Presque moins que lorsqu'on était à Poudlard.
-Pauvre chérie, tu n'as plus ton souffre-douleur sous la main, railla Alexandre en me tendant une bière. Bah, je vais finir par aller le chercher par la peau du cou.
-Vous n'avez pas fini les cartons ?
Je donnai un coup de pied dans l'un d'entre eux, remplis de bocaux et d'ustensiles de cuisines. Alexandre haussa les épaules.
-Oui, il en reste beaucoup. On n'est pas encore sûr de rester ici, on n'a pris cette maison dans l'urgence ... On envisage même de partir de Bristol.
-Vraiment ? m'étonnai-je. Pourquoi, je pensais que tu adorais la ville ... ?
Mon frère grimaça et prit une longue gorgée de bière. Son regard se perdit dans la fenêtre qui donnait sur le jardin et le saule pleurer.
-Je n'en sais rien. Oui j'étais content de partir en ville et d'enfin quitter la campagne ... Mais je ne sais pas, maintenant que je n'y suis plus, elle me manque.
-Oh ... Tu veux qu'on fasse comme Chloé et qu'on accroche une photo des champs de Terre-en-Landes ici ?
-Très drôle. Mais non, ce n'est même pas Terre-en-Landes qui me manque. C'est gênant pour Mel d'être ici : elle ne peut quasiment pas faire de magie, on vit à côté de trop de moldus, ça la bride. Et ... je ne sais pas, il y a quelque chose qui me manque. L'espace. L'impression de liberté, loin du regard des gens et des flics qui grouillent de partout. Non, je ne fais rien d'illégal, insista-t-il lorsque je recrachais ma gorgée de bière, prise de court. Enfin, presque ...
Il tapota sa bouteille de verre, l'air indécis. De nouveau, ses joues avaient rosies.
-Il y a quelques semaines, on s'est tapé un délire avec Mel. J'ai pris ma moto et elle a pris son balai et on s'est trouvé une route au Pays-de-Galles, complétement isolée qui serpentait dans les collines. Pas loin, juste de l'autre côté du canal de Bristol ... On est parti en fin d'après-midi et c'était extraordinaire. On avait l'impression d'avoir le monde pour nous, de pouvoir nous afficher moi comme moldu et elle comme sorcière sans que ça n'ait aucune importance. Tu la verrais voler, on dirait un oiseau ... J'ai failli louper un virage à la regarder – il est là le côté illégal, il se pouvait que j'étais à cent-cinquante kilomètre-heure.
-Je peux vivre avec ça, hoquetai-je, la gorge toujours obstruée. Mais du coup ... Tu veux vivre dans une maison éloignée de tout pour pouvoir laisser Mel être une sorcière et toi continuer de rouler à cent-cinquante kilomètre-heure sans que personne ne te mette d'amende ou te regarde comme si tu avais perdu la tête ?
-Tu as parfaitement résumé ça. Ah et avoir des poules aussi. Mel veut un chat, il faut que je trouve des arguments contre et les poules ça me semble bien.
Un sourire attendri effleura mes lèvres et je m'appuyais à ses côtés contre le meuble, ma bouteille de bière à la main. Les yeux d'Alexandre s'était mis à étinceler quand il avait raconté leur escapade galloise. Il y avait quelque chose de parfaitement eux dans cette anecdote, dans ce désir de liberté, de s'élever et pour la première fois j'arrivais à voir un dénominateur commun à ce couple des plus atypiques.
-Je suis contente de te voir comme ça. Ça fait du bien.
-C'est clair que je n'étais pas dans le même état l'année dernière, ricana Alexandre sans se départir de son sourire.
Le rappel fana le mien et je pris une gorgée de ma bière pour éviter d'avoir à renchérir. Mais Alexandre parut lire mon malaise et me donna un petit coup d'épaule.
-Allez, je suis désolé, pardon. On n'a dit qu'on en parlait plus. C'est juste que ... je suis content que ça se soit arrangé. Qu'on ait trouvé un équilibre. Même avec toi, moustique.
-Depuis quand je suis un moustique ? m'indignai-je. J'étais un moustique quand j'avais dix ans ! (Je finis ma bière et consultai ma montre). Bon, je vais y aller, je suis crevée ...
-Je vois ça, tu as une tête à faire peur ...
-Dalia m'a collé des entrainements tous les jours pour que je sois prête pour le match dimanche. Dimanche soir, je m'effondre comme une masse.
-Amen sa sœur.
Nous échangeâmes un regard complice, le genre de regard qui m'avait manqué pendant le laps de temps qu'il lui avait fallu pour me pardonner. Définitivement radoucie, je passai mon bras autour de sa nuque et le forçai à l'incliner la tête pour que je puisse plaquer un baiser sur sa joue mal rasée.
-Je te ramène ton crapaud dans la semaine, ça fait un moment qu'il n'a pas sorti le nez ses bouquins, lui promis-je avec un sourire. A plus !
Je lui adressai un dernier sourire et sortit dans son jardin. Il n'était pas grand et la moitié était mangé par une terrasse mais des haies me masquaient des voisins. La dernière fois que j'étais venue, Mel m'avait indiqué que le coin droit n'était pas concerné par le sortilège anti-transplanage et je m'y dirigeais rapidement. En me retournant, je pus voir l'œil gris de mon frère fixer sur moi, une seconde avant que ma magie ne m'emporte. J'atterris près du ruisseau, à l'abri d'une haie avec pour seul témoin un couple d'hirondelle qui me toisèrent l'œil perplexe. J'avais décidé de transplaner assez bas sur la colline mais ça me permettait de marcher un peu.
Mes mains se perdirent dans mes poches et j'en retirais la lettre d'Emily que j'avais reçue ce matin, sans avoir le temps d'y répondre avant mon entrainement. Elle m'avait bouleversée et c'était pour cette raison que j'avais tenu à aller me changer les idées avec mon frère.
Salut Vic',
Je suis encore désolée de ne pas avoir répondu à ta dernière lettre mais on a un petit problème en ce moment ... Mon oncle est mort cette semaine – le père de Gillian ... Quand ma tante est rentrée de chez ses parents, elle a trouvé la marque des ténèbres flottant au-dessus la maison ... C'était un Sang-Pur, tu comprends ? Mon père aussi mais ma mère est de Sang-mêlé, et surtout c'est le cadet de la famille ... Mon oncle, c'était le véritable chef, celui qui avait les clefs de la politique et des finances familiales. On pense que des Mangemorts ont tenté de le recruter mais qu'il a refusé ...
OK, désolée pour la tâche de larme. C'est juste très dur en ce moment, j'ai l'impression de voir la réalité en pleine figure. Roger est revenu hier soir en tremblant : il a eu le cas d'un petit garçon mordu par un loup-garou ... il est arrivé dans un sale état et il a succombé à ses blessures ... J'ai cru que je n'arriverais jamais à le calmer. J'ai voulu qu'il n'aille pas à Ste-Mangouste aujourd'hui mais ils ont besoin de lui : des blessés arrivent tous les jours, plus que d'habitude.
Ça me met en colère, Vic'. Contre moi, contre tout le monde, contre Fudge qui nous a fait perdre du temps l'année dernière et la troupe de mouton qui l'a suivi dans sa connerie. J'ai vu Gillian hier, complétement éteinte et je me suis rappelée toutes les fois où on s'est crêpées le chignon pour rien ... ça remet les choses en perspectives. Miles était là aussi, il a été adorable avec elle. Le pauvre, toutes ses copines subissent un processus de deuil ... Au moins il est habitué.
Bon, je vais aller me reposer je n'ai pas dormi depuis trois jours. Juste ... Je sais que tu préfères prendre ton temps avec Simon, être certaine, observer mais ... Regarde ce qui se passe autour de nous. Regarde ce qui est arrivé à Amelia Bones, regarde ce qui tourne autour de toi avec les Selwyn. La vie est courte, mais elle l'est encore plus aujourd'hui, Vic'. Dépêche-toi de vivre.
Passe quand tu veux, ça nous remontra le moral. Prends soin de toi.
Em'.
***
-Waho.
Simon était accoudé à la table de ma cuisine, les bras posés de chaque côté de la lettre qu'il relisait pour la troisième fois. Dans un autre registre, il m'avait confié une lettre que Susan m'avait adressée.
C'est HORRIBLE de se désartibuler !
Bonjour au fait.
Mais c'est HORRIBLE je te jure j'ai cru que je ne retrouverais jamais de sensation à la jambe ! Et j'ai l'impression que ça me bloque, j'ai tellement peur que ça arrive de nouveau que je n'y mets pas tout mon cœur. Bon sang comme c'est chiant comme cours, je te jure ! Simon m'a dit que vous aussi c'était la demi-portion et ses 3D ! Pourquoi les jumeaux Weasley n'en ont pas fait un bouc émissaire style Ombrage ? On en aurait été débarrassé ! Je pense que je vais attendre les vacances pour prendre des cours avec Simon, ce sera un professeur plus efficace. Quitte à devoir payer plus cher pour avoir mon permis.
Bref. J'espère que tout va bien chez toi, mais ça semble s'être calmé j'ai l'impression de nôtre côté. Est-ce que c'est une bonne nouvelle, je ne sais pas. Ça veut dire qu'ils sont plus actifs ailleurs ... La tante de Judy Summerby a été attaquée, apparemment ... Tu devrais peut-être lui envoyer une lettre, elle ne se sent plus très bien depuis et le match contre Gryffondor est dans trois semaines. D'ailleurs, tu pourrais peut-être carrément venir, non ? Car autre MERVEILLEUSE nouvelle : notre sortie à Pré-au-Lard a été annulée ! Rien que ça, on n'a plus le droit de sortir ! Il parait que quelque chose s'est passé à la Tête de Sanglier, on n'en sait pas plus. Bref, ne t'y pointe pas, tu ne me verras pas. Et comme Slughorn a enfin cessé de faire ces « petits soupers », je n'ai pas d'autres moyens de vous attirer à Poudlard que le Quidditch ! Allez, peut-être que pour toi Dumbledore dira oui ! Tu étais Capitaine, tu es une joueuse des Tornades. Et prends Simon dans ta poche, s'il te plait, je suis sûre qu'il y tient !
-Elle dit que tu tiens dans ma poche, dénonçai-je à Simon avec un sourire.
Il leva les yeux au ciel et se reconcentra sur la lettre d'Emily pendant que j'achevais ma lecture, nostalgique. La voix volontaire de ma petite Susan se superposait aux mots couchés sur le papier :
Bref, voilà mon plan ! Et bien sûr je reviendrais pour les vacances de Pâques, examens ou non. J'ai l'impression qu'on est plus que d'habitude à rentrer cette année : on a tous peur de perdre quelqu'un pendant qu'on est coincé ici ... Et puis certains ont même peur d'être attaqué, même si rien ne se passe depuis Katie Bell. Elle est toujours à Ste Mangouste, on a peu de nouvelle ... Tu crois que Roger en aurait ?
Je te renverrais vite une lettre. Vous me manquez beaucoup. Hannah va un peu mieux et je m'entends de mieux en mieux avec Padma mais ... je ne sais pas. Anthony par exemple, je parle de moins en moins avec lui depuis noël ... Il faut croire que je me faisais des illusions. Ce n'est pas grave, ce sera pour le prochain !
(S'il te plait ne montre pas cette dernière phrase à Simon. Il va flipper. Tu gardes toujours un œil sur lui, pas vrai ?)
Je t'embrasse ! Et viens au match, par pitié !
Susie(-jolie, mais juste pour toi !)
-Ta sœur est d'un adorabilité sans limite.
-Je sais, fit Simon en levant les yeux de la lettre d'Emily. Elle t'a parlé de la sortie annulée ?
Je hochai la tête, peinée. Pour tous les élèves de Poudlard, la sortie trimestrielle à Pré-au-Lard était une véritable bulle d'air et de liberté, l'occasion de toucher du bout des doigts le monde extérieur qui semblait si irréel coincé entre les murs du château. Dans un contexte encore plus pesant, l'annulation de la sortie devait être un véritable coup de massue. Les doigts de Simon jouèrent avec les coins de la lettre d'Emily. Sa lecture m'avait forcé à lui avouer qu'Emily avait été ma confidente, mais il n'avait pas eu le temps de le relever, trop secoué par le début sinistre de la lettre.
-Elle veut qu'on vienne au match contre Gryffondor, lui appris-je d'une voix douce. Dans trois semaines ...
-Les matchs sont un samedi matin, rappela Simon avec un pauvre sourire. Et je suis toujours hyper occupée le samedi, entre l'IRIS et Bill ...
-Pour une matinée, Bones. Une seule. Je pense qu'elle en a besoin.
La bouche de Simon se tordit nerveusement et il passa une main sur sa mâchoire, le regard rivé sur les lignes écrites par Emily. Personnellement, je pensais que lui aussi avait besoin de revoir sa petite sœur, mais cette soudaine raideur m'interloquait. J'ouvris la bouche, prête à l'interroger mais il embraya immédiatement sur les nouvelles apportées par Emily, laissant ma proposition en suspens :
-Je vois qui c'était, son oncle. Je l'ai vu aux banquets du Ministère, il travaillait au Département des Accidents et Catastrophe magiques ... Un homme très fin, ma tante le voyait en prendre la tête dans quelques années ... Et oui, de Sang-Pur, la mère de Gillian est une Greengrass. C'est pour ça qu'elle s'est toujours un peu sentie supérieure et qu'elle ne comprenait pas que le monde préfère Octavia, qui est riche mais dont la famille est plutôt récente. Elle n'arrêtait pas de râler dessus ...
-Elle est en danger ? murmurai-je malgré moi. Gillian ?
-Je ne crois pas. Heureusement pour elle, c'est une femme. Son frère en revanche ...
Je me souvenais vaguement du cousin d'Emily, de trois ans notre aîné et qui avait été préfet de Serdaigle quelques années plus tôt. L'héritier de la famille, maintenant que le père était mort ... Simon effleura le deuxième paragraphe de ses longs doigts.
-Et le petit garçon ... je l'ai lu dans La Gazette, ce midi en déjeunant. J'étais avec le professeur Shelton, ça l'a vraiment choqué. L'œuvre de Greyback, sans doute ...
Pendant la formation de l'Ordre, j'avais dû apprendre tous les noms de Mangemorts connus, présumés et ceux qui gravitaient autour de Voldemort et le nom de Greyback me sautait aux oreilles autant qu'il m'arrachait un frisson d'horreur. Lupin m'avait une fois expliqué que Voldemort le lâchait sur les sorciers qui refusaient de le rallier et particulièrement sur leurs enfants. L'idée de ce qu'il avait pu faire de ce pauvre gamin me donnait le haut le cœur.
Agacée, je repoussai la lettre et me levai d'un bond, prenant Simon au dépourvu. Celle de Susan vint se froisser entre mes doigts crispés comme des serres.
-Et à côté de ça je ne suis pas fichue d'attraper correctement un gars qui est censé être dans notre camp ! m'énervai-je en donnant un coup de pied dans ma chaise. On a perdu un temps de fou avec Fletcher et même si je suis certaine que Pod et Tonks faisaient d'autres choses hyper importantes à côté, nous on a été incroyablement inutiles ! Bon sang, j'ai l'impression qu'on ne pèse pas un gramme !
-Ce n'est pas qu'une impression, grommela Simon. Ils ne font pas confiances aux nouveaux venus, c'est très clair du point de vue de Maugrey. Encore moi ça va, ce que je fais est essentiellement théorique et que mine du rien je jouis du fait d'être le fils d'Edgar Bones ... mais j'ai croisé Renata cette semaine qui me disait qu'il avait refusé qu'elle soit sur une mission alors qu'elle était la seule disponible.
-Mais pourquoi ? Je vais finir par comprendre George ! Ils pensent vraiment qu'on s'est engagé à la légère ?
-Non, mais je pense que pour eux, c'est acquis qu'on ne connait pas la réalité. Et qu'on pourrait facilement prendre peur. Et les gens font des choses très stupides quand ils ont peur.
-Comme trahir, devinai-je en me rasseyant. Comme celui qui a trahi les Potter ... Pettigrow ? Arthur Weasley nous en avait parlé ...
Le regard de Simon se figea sur notre corbeille à fruit. Après quelques secondes où il la fixa, la mâchoire contractée, il avança prudemment la main et piqua une clémentine qu'il entreprit d'éplucher.
-Tu n'es pas chez toi, Simon Bones, plaisantai-je timidement.
-Pour tous les vivres que tu as englouti chez moi, je pense que je peux bien te prendre une pauvre clémentine. Et pour revenir à cette histoire de trahison, je pense que c'est précisément le nœud du problème. Tu sais qu'il y a de grandes réunions auxquelles on n'est pas invitées ? Des missions à succès dont on n'est pas informés ? C'est aussi pour ça qu'on n'a l'impression de ne pas peser : on est au courant de rien. En même temps, Maugrey veut se préserver à la fois des Mangemorts, mais aussi du Ministère. Et le problème à nous tenir à l'écart comme ça, c'est risquer que l'un d'entre nous pète un câble et fasse cavalier seul – et que ça se finisse un peu plus tragiquement que Swansea.
Je plissai les yeux avec suspicion et Simon s'en étrangla avec son quartier de clémentine.
-Mais non, pas moi ! Je passe le nez dans les bouquins, à quel moment tu veux que je sorte faire une bêtise ?
-Attends que Jugson s'évade de nouveau et on en reparle.
Une grimace déforma les lèvres de Simon et je sus que j'avais visé juste. Il acceptait l'inaction et de passer pour un rat de bibliothèque tant que le meurtrier de ses parents et de ses frères était derrière les barreaux. Mais je craignais que tout ne s'embrase de nouveau s'il en ressortait et se trouvait à la portée de la baguette de Simon.
-On fait une fixette sur lui mais il n'était pas le seul, maugréa Simon. Ils étaient quatre ...
-Ah bon ?
Il hocha vaguement la tête et tira un nouveau quartier de sa clémentine.
-Tu penses vraiment qu'il aurait pu venir à bout seul des deux meilleurs sorciers de leur génération ? Jugson, c'était celui qui menait l'attaque. Il y avait un autre Mangemort, Rosier, mais Maugrey l'a tué quelques semaines plus tard. Ma mère en a eu un autre et le dernier était un délinquant notoire qui est mort à Azkaban.
Il prit le temps de mastiquer mon quartier, songeur. Ses doigts s'agitaient et retiraient patiemment les fils blancs qui couvraient la chaire orangée. J'ignorais d'où il tenait toutes ses informations, mais qu'il ait pris la peine de les chercher et qu'il en parle avec une telle fluidité m'impressionnait autant que cela me laissait perplexe.
-Tout ce que je sais, c'est que c'est Jugson qui a tué Spencer. Au final, pour le reste je ne sais et je ne suis pas sûr de vouloir savoir. De toute façon, les autres sont morts ...
-Et ça ne change absolument rien à ce qui s'est passé ..., ajoutai-je avec douceur.
Ma main glissa d'elle-même sur la table et effleura les doigts qui continuaient de décortiquer la clémentine. Le regard de Simon se baissa sur elle et après une seconde d'hésitation, il lâcha le fruit pour prendre ma main. Un sourire dépité s'étendit sur ses lèvres.
-Il faut toujours que tu réagisses dès qu'on parle de ça ...
Ma mine penaude lui arracha un petit rire et je tentai maladroitement de me justifier :
-Elle m'attendrit toujours cette histoire, évidemment que c'est quelque chose qui touche ...
-Ou te mets hors de toi, précisa Simon avec une pointe d'acidité.
Au fond, tu ne m'as jamais pardonné de t'avoir caché pendant dix-sept ans qui j'étais, avait-t-il lâché au cinéma. Et j'avais été forcée de lui répondre par l'affirmative. Oui, c'était quelque chose qui restait dans un coin de ma tête, qui donnait une dimension disproportionnée à chaque petite chose qu'il me cachait. Mais aujourd'hui, je décidai de le rassurer en tapotant sa main avec un sourire malicieux.
-Tu t'es bien rattrapé depuis ...
Les sourcils de Simon se froncèrent avant qu'il ne comprenne ce à quoi je faisais allusion et s'empourpre violemment. Il retira sa main de la mienne et se remit à tripoter la moitié de clémentine qui lui restait. Je contemplai ma main, puis les siennes, un brin vexée par le geste qui ne me rappelait que trop cette fameuse fois à la fête de Slughorn où je m'étais sentie abandonnée. Et sans que je ne comprenne, mon esprit fit un lien avec sa tension quand j'avais évoqué le match, la volonté de Susan qu'on vienne le voir ... Volonté qu'il avait ignorée. Sa petite sœur adorée. Ça ne collait pas ... Pour éviter de m'y attarder, je me levai et me précipitai sur mon frigo pour faire mine d'y chercher une bouteille de jus de fruit. La froideur ambiante souffla le feu sur mon visage et ma contrariété.
-Il n'y a plus de jus de pomme, je vais en chercher dans le cellier, annonçai-je d'un ton que j'espérais neutre en refermant la porte.
-Vicky, soupira Simon.
Mais je m'éloignai vers le fond de la cuisine qui donnait sur la porte du cellier et l'ouvris avec la plus grande délicatesse du monde pour que mon geste ne trahisse pas ma contrariété. Une fois à l'abri des regards, je fis un saut étrange, juste destiné à me détendre et à faire passer cette mauvaise énergie nerveuse qui me prenait d'un coup. Comme après la fête de Slughorn, je me sentais stupide d'éprouver une telle contrariété et ça m'agaçait. C'était justement pour dépasser ça que j'avais parlé à Simon.
-Tu t'attendais à quoi ? murmurai-je, exaspérée. A ce qu'il assume, à ce que tous se passe bien ? Bon sang, c'est Simon, rien ne peut bien se passer !
Je me dirigeai vers le fond du cellier, troublée, mon souffle bloqué dans ma gorge. Les étagères s'étendaient devant moi et je trouvais rapidement le jus de pomme, mais attendis avant de le saisir. Je pris une profonde inspiration et déployai mes bras à la manière d'une danseuse étoile pour les ramener en couronne autour de ma tête, puis tout laisser retomber en soufflant. Retrouver de la sérénité, à tout prix.
-Ah, à ce point-là ...
Je fis un véritable bond qui me fit faire volte-face pour découvrir Simon, un bras appuyé sur l'embrassure de la porte et un sourire penaud aux lèvres. Ma main se perdit sur ma poitrine qui s'était mise à battre à une vitesse affolante puis sur mon visage embrasé par l'embarras.
-Bon sang, Bones !
Simon se contenta de me fixer, ce sourire figé accroché aux lèvres et les doigts battant nerveusement l'embrassure de la porte. Après quelques secondes où ni lui ni moi n'osâmes ouvrir la bouche, il finit par entonner avec douceur :
-Vicky ... tu es sûre que ça te va ?
-C'est plutôt à toi qu'il faut demander ..., marmonnai-je en prenant enfin la bouteille de jus de pomme.
Je la fis sauter d'une main à l'autre en mâchouillant ma lèvre inférieure. Le sourire s'était brusquement effacé sur les lèvres de Simon et son bras glissa de l'embrassure pour venir se croiser sur sa poitrine quand il lâcha un profond soupir. Mon cœur s'alourdit et je crispai les mains sur ma bouteille.
-Oh, lâchai-je, mortifiée. A ce point ...
-Quoi ? Non, non ... Vicky, c'est juste ... Vicky, c'est pour toi que j'ai peur, pas pour moi !
-Mais peur de quoi ?
-De nous ! s'exclama Simon en levant les bras au ciel. De moi, du fait que tu ne saches pas comment réagir, que je ne sache pas comment réagir ! Ce qui s'est passé, ça a brouillé toutes les lignes et je sais que ça te contrarie – n'essaie même pas de le nier, me prévint-t-il quand j'ouvris la bouche. Ou alors tu vas me dire que là tu révisais un ballet !
Mes lèvres se tordirent et je jonglais de nouveau avec ma bouteille en amorçant quelques pas vers lui. Il restait adossé au chambranle, à m'observer m'approcher, l'air déboussolé par l'espace qui se réduisait entre nous. Je m'immobilisai à deux mètres de lui, et jouai encore quelques secondes avec la bouteille, sans le regarder.
-Non, finis-je par admettre du bout des lèvres. Non, je ne révisais pas un ballet et oui je suis un peu contrariée. Mais ...
-Mais ?
Je me trémoussai d'un pied à l'autre, et passai mon ongle sous l'étiquette du jus de pomme. C'était difficile de mettre des mots sur mes sensations, notamment parce que j'avais conscience de leur irrationnalité. Mais Simon parut saisir le problème d'un regard : les dents serrées, il donna un léger coup sur la porte du cellier.
-Mais quoi Vicky ? Je n'agis pas naturellement ? Et ça te vexe même si tu ne veux pas me l'avouer ? Oh bon sang c'est ça, ragea-t-il quand je gardais le silence. Bon sang elle veut encore faire sa Sainte avec moi, je n'y crois pas ...
Son ton agacé me hérissa les poils et je me souvins ce qu'il avait laissé échapper dans la campagne anglaise, comment il avait détesté ce côté angélique de moi, à quel point il avait voulu prouver au monde entier que j'étais un démon. Il détestait que je sois un ange, même avec lui. Je plissai les yeux, épuisée d'avance parce que sous-entendait l'idée.
-Et qu'est-ce que je devrais faire ? Forcer, te pousser ? Encore lutter, comme chaque fois ?
-Ce n'est pas ce que j'ai dit, répondit sèchement Simon. Juste ... Bon sang, Vicky, tu le savais ! Tu le savais, tu l'as dit toi-même : tu n'attendais rien !
-Et c'est vrai !
-Alors pourquoi j'ai l'impression que tu attends quand même quelque chose ?
Je me mordis la lèvre inférieure, rendue muette par mes contradictions. Mon éloquence me fuyait et Simon essuya un rire incrédule en se pinça l'arrête du nez. Quelque chose dans la façon dont ses épaules s'affaissèrent, dont son rire se répercuta tristement dans le cellier, me morcela le cœur, et me força à tenter maladroitement de me justifier :
-Arrête, ce n'est pas que j'attends quelque chose ! Ou si, la seule chose que j'attends c'est que ... ça redevienne normal, Simon, comme avant ! On n'avait aucun mal dans le parc, alors pourquoi soudainement tu te dérobes ?
-Bon sang, soupira Simon avec une pointe d'irritation. J'ai l'impression d'avoir déjà eu cette conversation ...
-On n'a jamais eu cette conversation.
-Non, ce n'était pas avec toi ...
Je fronçai les sourcils, perplexe avant de brusquement comprendre. J'étais tendue depuis quelques minutes, peut-être même vexée mais ce ne fut qu'à ce moment que je passais à la colère.
-Octavia ?!
-Elle râlait toujours que je ne voulais pas lui tenir la main, ou l'embrasser en public, expliqua Simon, une main sur la tempe. Ou, exactement comme tu le dis, qu'il y avait des moments où tout allait bien et d'autres où ...
-Je m'en fiche. Tu me compares sincèrement à Octavia ?
Simon parut enfin réaliser sur quelle pente il nous avait emmené – et qu'elle était sacrément glissante. Son regard s'écarquilla et il leva une main qui se voulait apaisante mais qui me donnait envie d'attraper ses longs doigts pour les tordre jusqu'à ce qu'il s'excuse. En toute mesure, bien sûr.
-Alors, non ! Non, ce n'est pas ce que j'ai dit !
-Mais c'est ce que tu penses, répliquai-je froidement. Que je vais agir comme elle, exiger que tu me tiennes la main et te trainer un peu partout comme si tu étais en laisse. Et oui, d'un point de vue extérieur, c'était exactement à ça que ça ressemblait.
Un sourire confus s'étala sur les lèvres de Simon, mais ça ne m'attendrit pas. Après avoir tout fait pour le rassurer, après m'être arraché les cheveux à trouver une façon de lui faire accepter notre évolution, après avoir passé un après-midi à l'embrasser dans un parc, après dix-huit ans de vie commune, je n'en revenais pas qu'il me force à lui prouver que je n'étais pas Octavia McLairds.
-C'est pas vrai, laissai-je échapper dans un filet de voix furieuse. Franchement, dis quelque chose maintenant pour te défendre ou je te jure que tu vas te retrouver avec la bouteille de jus de fruit dans la tronche !
-On en est là ? OK, d'accord ! s'impatienta-t-il quand j'armais mon bras, la bouteille en verre bien visible dans ma main. D'accord, baisse ça, j'ai laissé ma baguette dans la cuisine !
-Et en plus ça se sépare de sa baguette, ricanai-je méchamment. Que dirait Maugrey ?
-Que la tienne est aussi dans la cuisine.
-Moi je suis prête à t'exploser une bouteille en verre sur le crâne, Bones !
Le regard de Simon glissa ostensiblement vers la cuisine, l'air d'envisager la fuite en bonne et due forme – ou peut-être évaluait-t-il le temps qu'il prendrait à récupérer sa baguette avant que la bouteille ne se fracasse sur sa tête. Pour faire preuve de bonne foi, je croisai les bras sur ma poitrine, la bouteille coincée dans mon coude, mais un regard flamboyant planté sur lui. Après quelques secondes d'hésitation, Simon se laissa tomber sur la pile de seaux retournés. Ce faisant, il déséquilibra le balai dont le manche heurta son crâne. Il lâcha un glapissement qui m'arracha un sourire avant que son regard suspicieux ne se darde sur moi, comme s'il soupçonnait ma magie d'être à l'origine de la chute du balai.
-Par la barbe de Merlin ... ça va être comme ça tout le temps ?
-Premièrement, c'est comme ça depuis dix-huit ans. Secondement : ce sera pire si tu continues de penser que je serais comme Octavia McLairds. Et avant que tu ne poses la question : oui, je suis vexée. Pour plein de raisons différentes.
-Je n'ai jamais dit que tu serais comme Octavia, marmonna-t-il en se frottant le crâne là où le balai l'avait heurté. Juste que tu avais des attentes et que ... peut-être il faudrait envisager le fait que je ne ... puisse pas y répondre.
Je plissai les paupières, incrédule.
-Avoir ta main dans la mienne, ce sont des attentes trop élevées ? C'est étrange, je n'ai pas l'impression qu'on ait attendu cette semaine pour le faire.
Les joues de Simon s'empourprèrent et son regard se perdit sur mon plafond découpé par des poutres saillantes et couvertes de poussières. Devant son embarras manifeste, je choisis d'enfoncer le clou :
-Allez voir Susan au match, ce sont des attentes trop élevées aussi ?
Les yeux de Simon se clorent et je sus que j'avais bien interpréter sa crispation dans la cuisine. Jusque là, nous n'avions pas discuté de si nous tenions les autres au courant. Au contraire, nous avions besoin de garder les choses pour nous, de nous concentrer sur nous et non sur les regards extérieurs. Prendre nos marques sans se soucier des autres. Et en l'espace de cinq minutes, il avait appris qu'Emily attendait justement cette nouvelle et que Susan réclamait notre présence. De quoi faire disjoncter Simon, sa pudeur, sa prudence. Je passai une main dans mes cheveux, agacée qu'il ait pu songer que je le mettais ainsi devant le fait accompli.
-Aller la voir, ça ne signifie pas la mettre au courant. Juste ... aller la voir. Parce que c'est ta sœur, parce que c'est mon amie. Ça n'a rien à avoir avec « nous ». Et je n'ai pas l'intention de te trainer partout pour t'exposer comme le faisait Octavia ...
-Je sais, Vicky ..., soupira-t-il en fermant les yeux. Je sais, je n'ai jamais cru que ...
-Alors je peux savoir ce qui ne va pas ? Qu'il te faille du temps, je sais. Que ce soit nouveau et que tu ne saches pas comment réagir, je comprends aussi. Mais sur des gestes qu'on faisait déjà avant ...
Je clignai des yeux et l'espace d'une seconde, je revis la main de Simon se défaire de la mienne sur une nappe blanche, je sentis à nouveau sa chaleur me quitter et le sentiment d'abandon et de honte qui en avait suivi. Cela décupla ma colère et je grommelai avec hargne entre mes dents :
-C'est comme la dernière fois ...
-La dernière fois ?
Pris par l'étonnement, Simon en avait lâché le plafond du regard pour me contempler, ahuri. Cette fois, ce fut moi qui m'empourprai et je serrai ma bouteille de jus de pomme contre moi, soudainement tentée de l'utiliser contre moi-même.
-Rien !
Mais Simon me jeta un long regard dubitatif qui signifiait clairement que mon ton était tout, sauf crédible et qu'il attendait une réponse de ma part. Avec un gémissement de défaite, je m'avançai vers le sèche-linge et m'y élevai d'un bras, simplement pour ne pas à avoir à affronter le regard de Simon. Je doutais qu'il comprenne l'importance de cette anecdote. J'étais même persuadée qu'il avait déjà oublié son geste.
-A la fête de Slughorn, cédai-je en fixant mes pieds qui jouaient avec la porte du sèche-linge. Franchement, je sais que c'est idiot mais ... A un moment je t'ai pris la main et tu t'es dégagé. Et ... (Je pris une profonde inspiration avant d'enfouir mon visage dans mes mains). Je n'en sais rien, Simon. C'est aussi là que j'ai compris, en un sens. Je ne voulais pas lâcher ta main, même si les gens nous regardaient, même si c'était un geste ambigu aux yeux du monde. Je ne voulais pas que tu me lâches. Jamais. Alors que ça continue, que tu me fuis, que tu aies peur de moi ... Bon sang, depuis quand tu as peur de moi ... ?
Je bougeais mes doigts pour mieux apprécier la chaleur brûlante qui se dégageait de mon visage.
Avec la pénombre ambiante dans le cellier, Simon ne percevrait sans doute pas la couleur de mes joues mais je n'arrivais pas à me résoudre à émerger de mes mains. Le silence commençait à me paraître long quand je me rendis compte que Simon s'était déplacé. J'entendais ses pas sur les dalles du cellier, puis assez brusquement je compris qu'il s'était rapproché quand je sentis son souffle sur mes mains toujours élevées comme un bouclier. Sans attendre que je réalise sa présence, il prit mes poignets et les écarta de mon visage pour que je puisse avoir une vue parfaite sur son petit sourire affreusement satisfait. Il m'arracha un grognement de dépit et je voulus récupérer mes mains, mais Simon resserra ses doigts sur mes poignets avec une fermeté que je lui soupçonnais rarement. Pour couronner le tout, il se retrouvait devant moi, si près, presque à ma taille avec les quelques centimètres de hauteur que me conféraient le sèche-linge. Assez près que mon souffle se bloque dans ma gorge quand mon regard effleura le sien, étincelant.
-C'est à ce point, Victoria Bennett ?
-J'ai toujours la bouteille de jus de fruit à portée de main, menaçai-je d'une voix qui avait perdue toute crédibilité.
-J'attends.
Il n'attendit en revanche pas pour se pencher, incliner son visage pour que son nez n'heurte pas le mien et m'embrasser. J'aurais voulu être plus combattive, plus fière et le repousser, mais la triste vérité fut que je poussai un soupir de contentement tout contre ses lèvres. Ma main lâcha la bouteille de jus de pomme et alla se nicher sur sa nuque pour approfondir le baiser. Je sentis Simon se détendre à mon contact et compris qu'il avait pris sur lui, rassembler son courage pour oser se présenter devant moi et m'embrasser et qu'un rejet l'aurait meurtri bien plus qu'il avait pu le faire en retirant sa main de la mienne.
Rassuré, il posa les mains sur le sèche-linge, de chaque côté de moi et ses lèvres s'entrouvrirent pour accepter le mouvement des miennes. Ses hanches cognèrent contre mes genoux que je finis par espacer pour le rapprocher de moi et nouer mes mains à l'arrière de sa nuque. Simon ne recula pas et m'enlaça à son tour : sa main remonta de mon dos jusque ma nuque où il glissa quelques doigts dans mes cheveux, sans cesser d'explorer mes lèvres. Mes poumons finirent par me brûler, par réclamer de l'oxygène et je leur répondis à moitié en déviant de sa bouche à sa joue, avec beaucoup de douceur pour tester sa réaction. Le souffle de Simon s'était raccourci mais son visage s'inclina un peu plus vers moi, comme pour me donner sa bénédiction. Lentement, mes lèvres suivirent la courbe de sa mâchoire puis atteignirent un point qui bloqua complétement la respiration de Simon, à la jonction de la mâchoire et du cou, juste en dessous de l'oreille. Amusée par la réaction, j'y posais un nouveau baiser en toute douceur et cette fois un râle s'échappa des lèvres de Simon. Je pouvais sentir sa peau s'hérisser contre ma bouche et cela m'apportait une telle jouissance que cela effaçait la colère qui avait pu m'emporter un peu plus tôt. J'aurais pu insister, tester ses limites mais je retournai sagement sur ses lèvres et passai le pouce sur la zone dans son cou pour en apaiser les frissons – ou pour mieux les ressentir. Nous finîmes par nous embrasser sans précipitation, à nous goûter avec lenteur jusqu'à ce que je ne m'écarte de quelques centimètres, un sourire incertain aux lèvres.
-Tu essaies de me prouver que tu n'as pas peur de moi ?
Ma voix était rauque, loin de son timbre naturel mais ça ne parut pas troubler Simon. Ses doigts jouaient avec les longues mèches qui flottaient dans mes omoplates et son regard peinait à se détacher de mes lèvres.
-Ça marche ?
-C'est efficace ...
-Toujours envie de fracasser la bouteille sur ma tête ?
Avec un petit rire, je baissai le regard sur la bouteille de jus de fruit, en équilibre juste à côté de moi et qui menaçait de valser si Simon ou moi faisions le moindre mouvement brusque.
-Non. Non, je pense qu'elle restera intacte.
-A la bonne heure, soupira Simon avant de glisser ses mains de chaque côté de mon cou et de m'obliger mon visage à lui faire face pour planter son regard dans le mien. Alors est-ce que maintenant tu peux me promettre de me parler avant de me menacer avec ?
-Je ne voulais pas ...
-M'effrayer ? Tu t'es regardée, Bennett ? Tu n'as jamais été effrayante.
Même les dernières traces de trouble liées au baiser n'avaient pas réussi à endiguer la moquerie dans sa voix et je me retins de le frapper à l'arrière de la tête. De toute manière, je ne m'en sentais pas la force. J'avais l'impression que mes muscles avaient fondues ces dernières minutes et que je devenais complétement flasque. Les bras de Simon qui me soutenait devenaient ma colonne vertébrale, la seule chose qui me maintenant debout.
-Crétin, soufflai-je pour faire bonne figure.
-Crétine toi-même.
-Tiens, c'est nouveau.
Simon cligna des yeux avant de partir d'un petit rire. De nouveau, ce fut lui qui attira mon visage au sien pour effleurer mes lèvres d'un baiser qui annihila définitivement toute volonté en moi. Je dus me raccrocher à sa nuque pour ne pas complétement m'affaler et m'abandonner à lui. Quand il s'écarta, il fallut que je papillonne plusieurs fois des yeux pour que son visage apparaisse avec netteté, illuminé d'un petit sourire qui n'avait plus rien de moqueur.
-Et oui, c'est nouveau. Alors maintenant, essaie de me promettre de parler et moi je promets de ne plus retirer la main. On fait ça ?
Je connaissais cette douceur dans sa voix, ce ton qui lui venait du peu de sagesse et de stabilité qu'il avait, qu'il invoquait quand il devait jouer les préfets-en-chefs ou me rassurer dans mes pires moments de troubles. Cette dernière constatation détendit définitivement chaque muscle de mon corps. Mes mains se perdirent distraitement sur ses poignets et je finis par acquiescer d'un hochement de tête.
-D'accord ... donc on va voir Susie au match ?
Simon hésita l'espace d'un instant avant de céder :
-On va voir Susie au match. Enfin, si on peut, il faudra envoyer une lettre à Chourave ... Mais non, tu n'envoies pas de lettre à Emily, ajouta-t-il, anticipant mal ma prochaine question. D'ailleurs j'aimerais qu'on reparle de la pertinence de parler de ça à la personne qu'on a appelé « La Tornade » toute notre scolarité.
-Hé ! protestai-je malgré le rire qui montait dans ma poitrine. « La Tornade » m'a vachement aidé à y voir clair ! Sans elle, jamais je n'aurais pu réussir à poser des mots sur ce que je ressentais ... Elle a été un « pré-test », si on veut.
Les lèvres de Simon se pincèrent. Ses mains en revanches, toujours placées de par et d'autre de mon cou, les paumes collées à ma mâchoire, continuait de s'agiter doucement. Je sentais ses doigts effleurer ma peau, ses phalanges s'infiltrer dans mes cheveux et chaque fois cela m'arrachait des frissons incontrôlables.
-Elle a réagi comment ? ne put-t-il s'empêcher de demander. Quand tu lui as dit qu'il y avait une possibilité ... qu'on finisse ensemble ?
C'était rare d'entendre Simon verbaliser ainsi notre « mutation » mais je compris surtout que l'avis d'Emily était également un test pour lui. Notre plus proche amie, sa plus proche amie, la fille avec laquelle il avait passé toute sa scolarité, l'une des rares personnes dont il acceptait tout – les marques d'affections comme les crises de colère. Mes mains qui avait glissés sur son torse s'agrippèrent nerveusement au col de son tee-shirt et je suivis la couture du bout de l'index.
-Comme une tornade, admis-je dans un souffle. Au début surtout. Elle avait compris des choses, mais pas ... à quel point on s'était rapproché. Elle ne s'y attendait pas mais ... tu as lu la lettre. Elle l'a intégré. Elle l'accepte.
-Elle l'attend, grogna Simon.
-Je ne lui ai jamais dit qu'elle serait au courant dans la seconde. Juste qu'elle serait la première. Elle me l'a fait juré sur la tombe de Cédric je n'ai pas le choix, ajoutai-je quand Simon écarquilla les yeux.
-Elle doit être au courant avant Susan ?
-Donc ... tu veux que Susan le sache ?
Simon dressa un sourcil et assez étrangement, un sourire mutin s'étendit sur ses fines lèvres.
-Si tu arrives à mettre des mots sur ce qu'il y a à savoir, on dit que oui. Je t'écoute.
Je restai coite, l'esprit figé. Il m'avait piégé. J'adorais ce qui se déroulait en ce moment, être assise sur ce sèche-linge, les mains de Simon dans mon cou, ses doigts qui ne cessaient de s'agiter sur ma nuque, mes lèvres encore gonflées, brûlantes de notre baiser. Pour autant, je n'avais pas envie de mettre de mots là-dessus. Juste de ressentir, profiter, explorer, tester. Tout cela provoquait chez moi un mélange d'exaltation et d'euphorie et j'avais conscience que ces sensations délicieuses n'étaient là que parce qu'il s'agissait de Simon Bones. C'était à la fois simple et déroutant : j'étais plus électrisée, plus vivante quand j'embrassais Simon Bones que dans n'importe quel autre moment de ma vie. Parce que contrairement à Miles, les baisers se répercutaient partout en moi, de mon corps à mon esprit tout en prenant soin de faire vibrer mon âme et de débrancher mon cerveau. Je n'avais pas envie de mettre de mot là-dessus. Peut-être tout simplement parce qu'il n'y avait pas à en mettre. Notre relation opérait simplement une mue et tout ce que je savais, c'était que je voulais absolument poursuivre le processus. Comme pour le prouver, mes yeux tombèrent sur ses lèvres, minces, toujours étirées en ce fin sourire teinté d'une expression de défi. Un appel auquel je pouvais de moins en moins résister.
-Tu as gagné, cédai-je en arrachant mon regard à ses lèvres pour le planter dans ses yeux. Mais ... j'ai encore le droit de t'embrasser ?
Simon aurait pu s'empourprer. Reculer. Mais il se contenta de me sourire et de secouer la tête avec un air désabusé qui ne me parut absolument pas crédible. Parce qu'au moment même où j'avais parlé d'embrasser, ses yeux s'étaient glissés sur mes lèvres et j'avais senti ses doigts se mouvoir sur ma nuque avec plus d'insistance, comme s'ils étaient impatients de s'agiter de nouveau.
-Victoria, tu es épuisante, chuchota-t-il.
Mais même là il n'était plus crédible.
-Je prends ça pour un oui.
Et sans attendre, je passai de nouveau les mains à l'arrière de sa nuque et m'emparai de ses lèvres. Simon tenta de protester, de se dérober à moi mais comme chaque fois il céda sous la forme d'un petit soupir qui occasionna un rire de ma part. Simon l'étouffa en plaquant sa bouche sur la mienne, ses mains toujours fermement ancrées de chaque côté de mon visage et je sus qu'il n'était pas près de renoncer à cette façon si efficace de me faire taire. Sans attendre, je répondis à son baiser, heureuse d'être certaine d'avoir la maison pour nous pour encore une heure, vivifiée par ces sensations. C'était incroyable de se sentir si vivante, assise sur un sèche-linge, dans l'obscurité rassurante de mon cellier qui rendait nos traits anonymes, brouillait nos identités. Pourtant j'en eus conscience dans chaque instant : c'était bien Simon que je sentais nous mes doigts, sous mes lèvres. Simon dont je découvrais à présent une autre dimension sans avoir à lui arracher. Dépêche-toi de vivre, m'avait enjoint Emily dans sa lettre, et à ses mots je pressai encore plus mon visage contre celui de Simon. Pour l'heure qui demeurait, c'était bien mon intention.
***
Aloooooors?
J'espère que vous êtes des flaques dans votre lit/canapé/chaise/peu importe. Parce que même moi après avoir écrit ça j'étais une flaque de Perri ahah !
C'est après ce chapitre que j'ai décidé que je ne voulais écrire que du Simoria.
Mais j'ai quand même la guerre sur le feu donc je ne vais pas l'oublier ! Mais Franchement ARGH c'est si tentant, j'aime trop les écrire ensemble, trop de chose et dynamique à travailler, trop de moment cute à faire.
WELL maintenant je vais retourner écrire la dernière page puisque je suis inspirée pour la suite ! Et pas de panique, vous aurez le droit à la suite la semaine prochaine, c'est vraiment CADEAU - un cadeau de vacances !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top