III - Chapitre 23 : Maîtriser l'incendie
Je sens que ça frétille de l'autre côté de l'écran, je me trompe ?
Bonjour à tous sinon ! Pour mon dernier jour de vacances, je vous propose ce chapitre ! Je ne sais pas quoi dire d'autres sinon que je vous remercie de continuer de suivre cette histoire et que chacun de vos commentaires me font un immense plaisir !
Bonne lecture !
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Ce que la bouche s'accoutume à dire, le cœur s'accoutume à le croire.
- Charles Baudelaire
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Chapitre 23 : Maîtriser l'incendie.
Je consultai ma montre, presque agacée et gênée par le silence ambiant du pub. Tom le barman avait été ravi de m'accueillir mais je m'étais trouvée extrêmement gênée à l'idée d'être sa seule cliente. J'avais beau cherché, je ne voyais pas en quoi il était moins dangereux d'être au Chaudron Baveur que devant l'enceinte du Ministère à Londres. C'était placardé sur les fenêtres à l'entrée : les attaques de Détraqueurs étaient fréquentes dans la rue commerçante de Londres. Et ce n'était pas la présence de Tom qui me rassurait. Mon regard se porta sur l'unique autre chose qui bougeait dans la pièce : les portraits des Mangemorts évadés. D'après les rumeurs qui courraient au QG, Bellatrix Lestrange avait fait parler d'elle au nord du Pays. Il paraissait même que Kingsley était lié à cette affaire et qu'il s'en était fallu d'un cheveu pour que son nom ne ressorte pas. Ça aurait été catastrophique : il était quasiment le mieux placé au Ministère et il ne pouvait pas se permettre de se dévoiler aux yeux de Scrimgeour. Ça avait mis l'Ordre en émois et retarder les recherches de Podmore concernant Mondigus Fletcher. Tout ce que je pouvais faire depuis, c'était surveiller Barjow et Beurk à tour de rôle avec George, mais à part la surconsomation de tabac du commis Turner, nous n'avions pas grand-chose de nouveau. Et pire que tout, ces longues séances à faire le pied-de-grue dans l'obscure allée me donnait tout le loisir de réfléchir à la conversation que j'avais eue avec Emily et Roger.
Je grimaçai dans le vide et me reconcentrai sur la porte qui ne daignait s'ouvrir depuis dix minutes. De l'autre côté du bar, Tom m'adressait des sourires édentés en nettoyant pour la dixième fois ses verres depuis que j'étais assise. Ma réponse devait tenir du rictus et je me plongeais immédiatement dans la bièraubeurre que j'avais commandée. Je venais de la terminer quand la clochette teinta enfin et Miles s'engouffra dans le pub. Il pleuvait à verse dehors et il eut à peine le temps de rétracter son parapluie vert que Tom s'avançait vers lui avec son plus charmant sourire édenté :
-Bonjour monsieur ! Vous désirez quelque chose ?
-Euh ...
Il repoussa une mèche trempée sur son front et fouilla la pièce du regard. J'agitai la main avec un petit sourire pour attirer son attention et il hocha la tête pour indiquer qu'il m'avait vu.
-Juste une bièraubeurre Tom, merci. Je serais là-bas ...
Il indiqua la table sur laquelle j'étais installée et Tom le gratifia d'un sourire entendu qui me fit soupirer. Miles vint s'asseoir devant moi, se dévêtant de sa cape lourde de pluie et haussa les épaules d'un geste qui se voulait nonchalant.
-Bon. Je pense qu'il croit que c'est rencard mais ce n'est pas pour ça que je te paierais la chope que tu viens de finir.
-Ça veut dire que tu me paieras la prochaine ? plaisantai-je timidement.
Miles leva les yeux au ciel et finit par lever deux doigts à l'adresse de Tom. Je lui adressai un sourire reconnaissant puis tripotai nerveusement ma chaine et mes deux breloques en rassemblant mes pensées. Il ne se pressa pas pour m'arracher la raison de cette entrevue et sirota sa bièraubeurre en observant la pluie qui se fracassait contre les vitres. Mon regard se baissa sur le parapluie vert qui nous avait protégé de la bruine devant le Ministère et qui dégoulinait sur les dalles nues du pub. Mon cœur se serra et je finis par reporter mon attention sur Miles.
-C'est sympa d'être venu.
-De rien, répondit Miles, toujours sans me regarder. Ça avait l'air important ... Juste, à qui était le hibou ? Je ne l'ai pas reconnu, c'est pas le vieux plumeau des Bones ...
Je lui donnai un coup de pied en dessous de la table qui lui arracha l'ombre d'un sourire. Il leva les mains d'un air faussement catastrophé.
-Ouh, aurais-je soulevé un point sensible ?
-La ferme, imbécile. Et c'était mon hibou. Cadeau de noël de mes parents.
Et j'avais été particulièrement fière de pouvoir lui confier ma première lettre. Lui aussi : Archimède avait volé dans le vide jusque la, en cercle concentrique inquiétant autour de Terre-en-Landes et avait enfin pu prendre un véritable envol. Miles haussa les sourcils.
-De tes parents ? Tes parents qui ont hurlé quand je t'ai envoyé un hibou il y a deux ans et que tu m'as fait la tête pour ça ?
-Tout le monde change. Et c'était ma mère qui avait hurlé. Mon père a juste fait un bond de dix mètres.
-Et maintenant, ils t'achètent un hibou. C'est beau.
Un léger sourire s'étira sur mes lèvres. Il ne s'imaginait pas à quel point ... Je fis tourner le liquide ambré dans ma chope alors que le silence s'installait entre nous. Tom le barman nous fit parvenir plus ou moins discrètement le menu – à dire vrai, il frappa Miles en plein visage. Il le feuilletait malgré tout, bougon pendant que Tom nous contemplait avec avidité. Les affaires devaient être si dures en ce moment ... A dire vrai, ça m'étonnait que Chaudron Baveur soit encore ouvert.
-C'est dingue qu'ils n'aient rien sans viande quand même, laissa échapper Miles, contrarié.
-Tu ne manges pas de viande ?
Mon étonnement provoqua un roulage de yeux de la part de Miles. Mais nous n'avions jamais mangé à la même table, sauf la fois où j'avais été dormir chez lui sans remarquer de régime particulier.
-Non, mais c'est récent, admit-t-il en haussant les épaules. Je veux dire, ça fait un an que j'essaie de réduire au maximum mais ce n'est que cet été que j'ai réussi à tout arrêter ...
-Et pourquoi ?
-Bien ... ça me semble évident, non ? Je suis un grand défenseur des animaux, Vic'. Ça a commencé quand j'ai vu que certaines enseignes vendaient des steaks d'hippogriffe. Un produit de luxe, très difficile à préparer. Ça m'a écœuré, j'ai refusé d'en manger quand ma mère m'en a mis dans mon assiette. Au début, ça s'est limité à ça. Puis Victoria Bennett a déboulé dans ma vie.
Je restai bouche bée face à mon intervention dans cette histoire et Miles esquissa un sourire amusé face à mon air dubitatif. Il fit mine d'examiner le menu, mais je remarquais bien que ces yeux étaient fixes depuis quelques secondes.
-Tous les débats qu'on a eu sur magiques et non magiques et ce que ça changeait, ça m'a fait prendre conscience que j'étais hypocrite dans mes propres valeurs. Comment je peux défendre la cause des créatures magiques si je ne les prends pas dans leur globalité ? Elles ne sont pas juste magiques, ce sont des animaux. Je n'avais pas à faire de hiérarchisation entre créature magique et non magique. Si c'est mal d'en consommer ou d'abuser, torturer ou exploiter des créatures magiques, c'est mal pour les non-magiques aussi. D'où le végétarisme.
-Parfait. Et les elfes de maison dans tout ça ?
Ce fut son tour de me frapper la jambe du plat du pied – si fort que ça m'arracha une grimace. Je savais que les elfes de maison n'était pas considérée au même titre des créatures mais je savais aussi que Miles avait fait d'énorme efforts d'ouverture d'esprit pour un sorcier de pure souche sur cette question. Un des rares à ne pas se moquer de mes rêves de liberté pour eux. Mais je n'avais jamais remarqué que les réflexions de Miles étaient allées plus loin, plus loin que mes perceptions et plus loin que son simple amour pour une matière d'école. Ça s'était développé en convictions et en valeur que je n'avais jamais appréhendé. Peut-être parce que je ne m'étais jamais intéressée à cet aspect de lui. Même si nous n'avions jamais mangé à la même table, une petite-amie digne de ce nom aurait dû savoir que Miles se préparait au végétarisme et le soutenir dans sa démarche. Encore une preuve que je ne m'étais jamais réellement investie dans notre relation ...
Mon cœur se serra face à ce brusque rappel de ma présence au Chaudron Baveur. Pendant mon mutisme, Miles eut le temps de commander une salade dans laquelle il tria les morceaux de poulet avec une grimace et je me réjouis de n'avoir commandé qu'un Yorkshire Puddings – sans le rôti qui allait avec. Je picorais mes légumes quand il finit par prendre la parole, toujours sans me regarder :
-Donc, tu voulais me parler ? Ou tu comptes juste me regarder manger ? Tu veux mon poulet ?
Il me tendit les morceaux qu'il avait amassé dans une petite assiette mais je refusai avec un petit sourire amusé.
-Merci, c'est gentil. C'est juste ... euh. (Je lâchai mes couverts que je tortillais dans tous les sens). Je voulais te demander pardon pour la dernière fois.
-Tu parles de la fois où on a failli en coquille vide et embrassé par des créatures atroces ?
Il avait lancé sa tirade, toujours sans me regarder, avec une nonchalance qui frôlait l'indifférence. J'ignorais s'il l'était vraiment, mais toute son attitude depuis son arrivée marquée une certaine distance. Il ne paraissait pas gêné. Mais visiblement, il avait hâte d'en finir. L'idée me traversa qu'il aurait probablement dû déjeuner avec Gillian et que je l'avais privé de ce plaisir – mais c'était mon seul midi de libre de la semaine, je ne lui avais pas laissé grand choix. Gênée, je repoussai mon assiette.
-Voilà, cette fois-là. Je voulais vraiment m'excuser parce que ... Tu avais raison. J'avais tort. Je nous ai mis en danger et malgré ça ... tu m'as ramené chez moi. Donc je dois aussi te remercier. Et te payer ton repas – y compris le poulet que tu ne touches pas.
Miles posa les yeux sur moi pour la première fois depuis qu'il s'était assis sur sa chaise bancale en bois. Il mastiquait toujours sa salade mais un léger sourire retroussait le coin de sa lèvre. J'étais incapable de dire s'il se forçait ou s'il le réprimait.
-Je suppose que ça s'impose, oui. J'ai failli crever à cause de toi.
Il planta sa fourchette dans un morceau de tomate, un brin trop violemment. Bon, il se pouvait qu'il se force avec ce demi-sourire et mon ventre s'en noua.
-Miles, je suis vraiment désolée ... J'ai déconné, je sais. S'il t'était arrivé quelque chose à cause de moi, je ne le serais jamais pardonnée ...
-C'est drôle. J'avais plutôt l'impression que tu t'en fichais, quand était là-bas.
Mon ventre se contracta alors que les souvenirs affluaient – le froid, les cris, la lueur argentée des patronus. Je passai une main sur ma poitrine avec l'impression de ressentir de nouveau la pression de la main du Détraqueur sur ma cage thoracique. Miles avait de nouveau rivé son regard sur sa salade et m'ignorait, exactement comme j'avais pu l'ignorer ce jour-là. Occupée à sauver les autres, sauf lui. J'avançai ma main et la refermai sur son poignet. Il fixa ma prise, le visage impassible.
-Vraiment, je suis désolée, répétai-je avec toute la conviction que j'avais. J'ai été nulle. En fait, ça fait un bail que je suis nulle avec toi et je viens seulement de m'en rendre compte. Bon sang, je ne savais même pas que tu étais végétarien, quel genre de copine j'étais ?
Cette fois, un vrai sourire effleura les lèvres de Miles et j'y lus un encouragement. Je raffermis ma prise sur son poignet.
-Je suis sincère. Je n'attends pas à ce que tu me pardonnes, je voulais juste te dire que ... j'ai compris. Tu avais raison. Je suis désolée.
Les sourcils de Miles se froncèrent et son regard noisette effleura enfin le mien pour s'y planter.
-J'avais raison ... à quel sujet, exactement ?
-C'est-à-dire ?
-Sur le fait que tu étais stupide de vouloir sauver tout le monde ou sur le fait que tu aimes Simon et que ça nous a ruiné ?
J'ouvris la bouche, à moitié outrée par son ton délibératif avant de brusquement la refermer et de lâcher son poignet pour croiser mes bras sur ma poitrine. Cette fois, le sourire s'était clairement épanoui avec une certaine satisfaction sadique.
-C'est les deux, devina-t-il.
-Ça ne nous a pas ruiné, rectifiai-je vertement. Je n'y ai jamais pensé avant maintenant. Je comprends que ça t'ait gêné et sans doute qu'il y avait de quoi mais ... Ce n'était pas conscient.
-C'est pire, donc !
-Miles ! J'ai fait des conneries mais notre relation ne se réduit pas à ça ! Si ? Je suis juste la fille qui t'a ignoré, qui aimait quelqu'un d'autre ? Vraiment ?
Le coin de la bouche de Miles tressaillit et il détourna le regard pour le river sur la fenêtre battue par la pluie. Derrière son bar, faussement absorbé par le nettoyage de son verre, semblait ne pas perdre une miette de la conversation. Je le lorgnais avec défiance et il se retrancha un peu plus dans l'ombre sans pour autant s'éloigner. Miles finit par lâcher ses couverts qui teintèrent violement dans son assiette et noua ses doigts devant sa bouche, l'air gêné.
-Non. Non, ce serait injuste ... Evidemment que tu as été plus que ça, Vic'. C'est juste ... Bon sang, c'était dur.
-Et je suis venue m'excuser pour ça. Parce que je n'en avais pas conscience, pas conscience que je te relayais au second rang ou que la place de Simon pouvait grignoter la tienne. Mais ce n'est pas de la faute de Simon, c'est la mienne. Je ne t'ai pas donné l'attention que tu méritais – et bon sang que tu en méritais, tu as été si patient avec moi, si prévenant ... Franchement, tu as frôlé la perfection.
-Tu essaies de me flatter ?
-De te rassurer, en fait. Je ne me suis pas assez investie en nous et ça a dû te blesser. Mais ça ne veut pas dire que le problème venait de toi. Vraiment.
Miles me contempla longuement, le visage à moitié masqué par ses mains nouées devant et qui rendaient son expression peu lisible. Ses sourcils étaient d'une droiture peu naturelle, en pente douce froncé jusque son nez.
-Qu'est-ce qui t'as fait réaliser ? Ce que je t'ai dit ?
-Il y avait une réalité que je ne voulais pas voir, admis-je en haussant les épaules. J'ai pas mal cogité dessus ...
-Et donc ?
-Comment ça « et donc » ?
-Donc à quelles conclusions tu en es arrivée ? Parce que je t'avoue que je n'ai jamais su où se situait le curseur avec toi. Simon, c'était évident. Toi ...
Je clignai des yeux, assez surprise que la conversation revienne sur Simon alors que je cherchais justement à l'en écarter. J'avais voulu reconcentrer le débat sur notre couple, sur mon manque d'investissement et de discernement. Mais visiblement, l'intérêt de Miles était ailleurs. Il laissa sa phrase en suspens et de nouveau un tic nerveux agita sa joue. Il évita mon regard, comme s'il craignait la réponse. J'avouais hésiter moi-même à la donner. La conversation avec Emily était encore fraiche dans mon esprit et les conclusions quant à la suite restaient floues. J'ignorais quoi faire avec le fil que nous avions tiré de la pelote. Et surtout, j'ignorais si mon ex-petit-ami devait avoir connaissance du fil. Miles finit par lire ma réponse dans mon silence, ou quelque part dans mon visage tendu et laissa échapper un ricanement de dépit.
-Bon sang, c'était sûr ...
-Alors non, le coupai-je immédiatement, en comprenant que j'étais grillée quoiqu'il arrivait. Non, non, Miles, je n'ai réalisé ça que récemment – noël, pour tout te dire ...
-Mais ça fait un moment que c'est là, Vic'. Tu l'admets toi-même maintenant : même à l'époque, tu l'aimais.
-Mais pas comme ça ! ça s'est ... transformé, si on veut. Au fil du temps, au fil des épreuves. Il y a toujours eu quelque chose mais ... Non, Miles, je ne l'aimais pas. C'est maintenant que ça a changé. Je te le jure.
Il méritait au moins de savoir ça. Qu'en dépit du poids de Simon sur notre relation, celle-ci avait été pleine et entière. Que jamais je n'avais hésité entre eux deux, que je n'avais pas été avec Miles par dépit. Et en voyant les traits de son visage se détendre imperceptiblement, je compris que cela avait été l'une de ses hantises. Ses mains quittèrent enfin son visage, dévoila un petit sourire dont il ne parvenait pas à effacer le soulagement.
-Et maintenant du coup, Victoria Bennett ? Qu'est-ce que tu comptes faire ?
Je haussai les sourcils.
-Tu penses vraiment que j'ai envie de parler de ça avec mon ex-copain ?
-Ce n'est pas l'idéal, concéda-t-il avec un vague geste de la main. Alors je vais juste te rappeler la dernière chose que je t'aie dite avant qu'on se quitte, à Poudlard ...
-Arrêter de me prendre la tête, me rappelai-je avec un léger sourire. Définitivement.
-Et quelque chose me dit que tu es précisément en train de te prendre la tête.
Je me trouvai alors une passion surprenante pour la contemplation de mes ongles – inégaux parce que je ne les soignais pas et que le Quidditch les cassait. Je m'étais brisé le majeur gauche dans une tentative de sauvetage et Dalia m'avait hurlé dessus en pestant contre mon jeu dangereux pendant que la pauvre Emma Spielman me soignait. Depuis, j'avais l'impression qu'il restait tordu. Miles claqua des doigts devant mon nez.
-Victoria ! Je vois les rouages de ton cerveau tourner, là !
-Alors je me disais juste qu'il fallait vraiment que je me coupe les ongles, plaisantai-je en agitant ma main. Regarde, il y en a un sur deux de cassé.
-Et maintenant, le retour de la fuyarde ...
J'eus un pauvre sourire. Il méritait bien que j'arrête de fuir et assume un peu le peu que j'avais laissé échapper.
-Bon. Oui, je me prends la tête. Ma tête surchauffe et ça me colle des insomnies et des migraines atroces et je te jure que je lui ferais payer un jour. Mais comment tu veux que je fasse d'autres ? ajoutai-je avec une certaine exaspération, car Miles venait de lever les yeux au ciel. Bon sang, c'est Simon. Ça n'a strictement aucun sens.
-Ça n'a pas à avoir de sens, rétorqua-t-il. Regarde Gillian et ...
Il s'interrompit, comme frappé par la foudre et me fixa avec une certaine appréhension qui me parut presque attendrissante.
-OK, je suis en train d'espérer que la commère Emily ait frappé, débita-t-il, catastrophé.
-En fait, c'est moi qui lui aie appris, avouai-je avec un certain plaisir. Je vous ai vu quand je suis venue déposer des papiers au Ministère. Ça m'a surprise, mais ... Tu fais ce que tu veux. Je suppose que tu as raison, ça n'a pas à avoir de sens ...
Miles me jeta un regard dubitatif auquel je répondis par un sourire que j'espérais charmant et qui montrait que je voulais son bonheur et non que je désapprouvais son choix. Qu'il y croit ou pas, il décida visiblement de retenir l'attention et enchaîna :
-Exactement. Et crois-moi, quand on vous a vu vous taper dessus pendant des années, Bones et toi ça n'a aucun sens. Mais moi, j'ai tout vu de près, Vic'. Et si ça peut te rassurer, de mon point de vue ça en a.
Et étrangement, ça me rassura, en effet. Il disait cela avec une telle conviction, sans la moindre trace de jalousie et d'aigreur que je fus forcée de le croire. Si c'était une telle évidence pour lui, mon ex-petit-ami qui s'était construit une véritable rivalité avec Simon, c'était que c'était l'évidence-même. J'avais l'impression que les derniers nœuds de la pelote se dénouer et que je pouvais voir ce fil de laine, entier, simple, linéaire.
-A ce point ?
-Je te l'ai dit, Vic', c'est de ton côté que j'avais du mal à situer le curseur. Maintenant qu'il est stabilisé ... lâche les chevaux. Tu as su le faire pour nous, non ? C'est toi qui es venue me voir.
-J'étais sûre de toi. De ce que tu ressentais. Là ... Là, je suis sûre de rien.
Miles eut une réaction qui me laissa complétement pantoise : il explosa de rire, un rire si impulsif qu'il en posa son coude dans son assiette. Il nettoya passivement la vinaigrette qui tâchait sa chemise, toujours secoué par l'hilarité.
-Je vais finir par me sentir vexée, fis-je savoir puisqu'il ne se calmait pas.
-Tu n'as pas à l'être, haleta-t-il en passant une main sur son visage. Non je te jure c'est juste ... absurde. Laisse tomber, je suis crevé, je craque. Depuis ce qui s'est passé avec les Détraqueurs, j'ai l'impression que ma vie va trop vite.
Il fut secoué d'une dernière série de gloussement qui me fit hausser les sourcils. Il m'adressa un sourire d'excuse.
-Je te dis, laisse tomber. Juste, vraiment Vic', fonce. Vu vos deux tempéraments, Bones et toi vous avez une espérance de vie qui va se réduire à mesure que Tu-Sais-Qui prendra le pouvoir.
-Charmant.
Mon ton sec parut couper enfin l'hilarité de Miles et une ombre de culpabilité s'abattit sur son visage. Je sentais presque la brûlure du regard des Mangemorts dans leurs affiches qui semblaient emplir toute la pièce et m'écraser totalement. Je vrillai une main sur ma tempe, comme si ça pouvait me soustraire à leur attention, cesser d'être une cible. Entre leur présence et Miles qui me toisait avec une pointe de pitié dans le regard, je commençais à étouffer. Il parut vouloir amorcer un geste envers moi mais se contenta finalement de remettre ses couverts en place.
-OK, c'était un peu trop violent, s'excusa-t-il. C'était juste pour dire ... Je ne voudrais pas que tu aies à regretter, Vic'. On n'a qu'une vie. Vis la à fond. Débranche ton cerveau. Ça te fera du bien et tu le mérites. Bones sait la chance qu'il a de t'avoir dans sa vie ...
-Mais pas comme ça Miles ... je ne suis pas idiote, je sais qu'on a une relation absolue, particulière, incroyable. Mais le côté couple, moi-même ça m'effraie, alors lui ... je vais le faire mourir de peur.
-Qui te parle de couple ? Vis juste que vous avez à vivre, Vic'.
Il consulta sa montre et jeta un coup d'œil à la pluie qui forçait à l'extérieur. En le voyant sortir sa bourse avec les frémissements d'un sourire, je compris qu'il était pour lui le temps de mettre fin à cette conversation. Ça devait être un exercice gênant que de convaincre son ex-petite-amie à avouer ses sentiments à son rival. Parce que c'était ce que Simon avait été, sans le vouloir, contre mon gré : un véritable rival. Un rival pour lequel il devait avoir un certain respect pour ainsi me pousser vers lui. Mais c'était une certitude que j'avais : Miles et Simon ne s'étaient jamais détesté. Une critique par ci, une pique par-là, mais beaucoup d'estime sur ce que chacun était intrinsèquement. Je me demandais soudainement ce que Simon pensait réellement de Miles, sans langue de bois, sans risque de me heurter – ou de me pousser vers lui ?
Miles me confirma mon impression de départ en enfilant sa cape. A présent, quelques Gallions et mornilles trônaient fièrement sur sa table. Je les repoussai de la main.
-Non, garde-les, j'ai dit que je payais !
Miles sourit.
-Je paye ma part, tu n'as pas encore un gros salaire. Tu m'inviteras quand tu seras pro.
Je le toisai d'un air désabusé. Je savais pertinemment ce que voulait dire ces pièces parfaitement disposées : il pouvait se le permettre. Il avait de la richesse à montrer, même modeste, même deux pièces. Mais elles étaient là et il avait gagné ce qui lui importait le plus : son indépendance. Miles Bletchley ne devait rien à personne. Alors je lui laissai son plaisir et complétai la note de ma propre bourse. Je devais l'admettre, c'était quelque chose que nous avions en commun : comme j'étais fière d'avoir cet argent qui m'était propre et de pouvoir assumer tous mes achats. C'était une sensation satisfaisante.
Miles reprit enfin son parapluie. Il le prit entre ses mains, parut hésiter et finit par se pencher sur moi pour embrasser ma joue. Occupée avec mes pièces, j'en fus prise au dépourvu et le considérai, surprise. Il me gratifia d'un petit sourire plein de confiance et il posa une main sur mon épaule.
-Tout ça pour te dire que je te pardonne. Et que je te soutiens. Je suis quand même un ex incroyable.
-C'est vrai, admis-je avec un petit rire. Et un gars incroyable. Gillian a intérêt à prendre soin de toi, sinon elle va m'avoir à sa porte.
-Perspective effrayante ... Bon courage, Vic'. Et ...
-« Arrête de te prendre la tête », chantonnai-je.
Miles claqua des doigts en me pointant de l'index et empoigna plus fermement son parapluie pour s'en aller. Il m'adressa un dernier signe avant de le déployer et de disparaitre sous des amas d'eau. Je mis ma cape, rassemblai les pièces pour les confier à un Tom rayonnant – il fallait dire que je m'étais permise un pourboire à peine mérité – et m'en fus à mon tour mais côté sorcier. La pluie s'abattit sur mon visage découvert et chassa la gêne et la honte. Je restai un instant dans la courée du Chaudron Baveur, devant le mur de brique, le visage tourné vers le ciel avec l'impression d'être lavée de tout : de ma culpabilité, de mes doutes. Eteindre l'incendie que Simon avait débuté d'une allumette et qui me dévastait autant qu'il m'élevait. Il fallait juste que j'apprenne à le contrôler, que j'arrête de le laisser me consumer.
Le contrôle, ça passait par la maîtrise. La maîtrise, ça passait par les mots. Et Dieu que les mots étaient plus effrayants que l'incendie.
***
-Il a encore filé ?!
Podmore poussa un gros soupir devant le cri de George. Nous le suivions tous les deux à travers la campagne galloise, véritable mer verdoyante qui s'étendant à perte de vue et que nous fendions tel Moise. Littéralement, car Podmore était agacé par notre avancée lente et sa baguette avait fendu l'herbe pour tracer un sillon qu'il pouvait avaler à grande enjambée furieuse.
-Encore, oui ! Je l'avais presque, il était là, là le petit salopard, devant moi ! Il a osé me transplaner au nez en me laissant une dragonne furieuse ! Il essayait le lui voler ses œufs, ça l'a mise dans une rage ... Et moi donc ! Je vais finir par lui envoyer directement Maugrey, on verra s'il fait le malin le rouquin ! Ou directement Dumbledore, tant qu'à faire !
-Mais il fait parti de l'Ordre, oui ou non ? m'agaçai-je.
Je luttai contre le vent et les cheveux qu'il plaquait contre ma bouche. J'avais été réveillée en sursaut par une lueur argentée et l'idée absurde avait germé dans mon esprit ensommeillé que la lune était entrée dans ma chambre. Puis la voix énervée de Podmore avait rugi dans ma chambre :
-Breacon Beacon National Park ... Park ... Verts Gallois ... Tout de suite !
La voix m'avait fait sursauter au plafond et émanait d'un daim qui s'était évaporé une fois le message délivré. L'aube venait de pointer et le raffut avait affolé ma mère qui était entrée dans ma chambre avec un gros livre dans la main, l'air prête à l'asséner sur le premier intru qu'elle croiserait. J'avais dû la rassurer, enfiler une tenue à une vitesse incroyable puis transplaner à peine sortie du jardin dans un parc verdoyant. J'avais trouvé un George tout aussi déboussolé que moi au milieu d'un troupeau de mouton et Podmore dix minutes plus tard, complétement fulminant et fumant. Un Vert Gallois, une espèce de dragon protégée dont Mondingus avait voulu voler les œufs. L'ancien tireur d'élite s'était échappé de justesse mais nous voyions toujours la dragonne qu'ils avaient affronté avant la fuite de Mondingus volait en cercle concentrique plus loin. Nous avions atteint le sommet d'une colline et nous avions une vue magnifique sur son corps serpentin dont les écailles se fondait à la perfection dans l'herbe verte. Elle remonta en piquet, une sphère laineuse entre ses serres, majestueuse et effrayante dans le ciel d'un gris perle.
Podmore s'arrêta pour observer le spectacle et tapota son bras qui crépitait encore du feu de la dragonne.
-Evidemment qu'il fait parti de l'Ordre. Ding n'a pas intérêt à ce que Tu-Sais-Qui prenne le pouvoir. Simplement, il fait un peu ce qu'il l'arrange et Dumbledore est furieux qu'il se soit permis de piller le QG – il n'y a pas que des affaires des Black, beaucoup de membres ont amené des objets, du matériel ... C'est une sorte de trahison à ses yeux.
-Alors on s'occupe de la boutique sans lui ...
George grimaça.
-Le problème, c'est que le marché de Barjow et Beurk est directement lié au marché noir et aux activités clandestines. C'est pour ça qu'on cherche à se rapprocher de bandes de délinquants mineurs ... Mais Ding a un réseau incroyable et avec ce qui s'est passé la dernière fois ...
Il déglutit et laissa le vent emporter le reste de sa phrase. L'entrepôt attaqué par des Détraqueurs ... Sûr que les délinquants de la région ne devaient plus se bousculer pour s'opposer à Voldemort. Quand la dragonne fut réduite à un point dans le ciel, Podmore se remit à dévaler la pente, George et moi dans son sillage.
-Désolé de vous avoir tiré du lit, les jeunes. Quand j'ai vu Ding en prise avec le Vert Gallois, j'ai cru qu'on le tenait. J'avais oublié que c'était un lâche. N'oubliez jamais ça : ne comptez que sur vous-même. Les autres vous laissent toujours tomber.
-Hyper joyeux, je vais graver ça sur le proton de ma boutique, ironisa George. On continue la surveillance du coup ?
-Et Lupin ? m'enquis-je après que Podmore ait répondu par l'affirmative. Qu'est-ce qu'il fait ? ça fait une éternité que je ne l'ai pas vu au QG ...
-Mission sous-terraine, tu n'as pas à en savoir plus. Maintenant, rentrez chez vous et reposez-vous. L'un de vous deux est de garde cette nuit.
Et sans attendre, il transplana et le sillon qu'il avait creusé se rétracta sur lui-même pour effacer toute trace de son passage. George me jeta un bref coup d'œil entendu qui me fit pousser un gros soupir. C'était lui qui avait pris la dernière nuit ; celle-là était pour moi.
-Je vais finir épuisée, soufflai-je en jouant des épaules. J'ai le match contre les Flèches de Appleby ce week-end ...
-Ouh ...
-La réserve est moins bonne que l'équipe A, ça devrait aller. Bon, je passe te voir ce soir avant de relayer Podmore ?
-Quand tu veux Bennett. A toute !
Je lui adressai un signe de main et transplanai dans la foulée. Je poussai un soupir de soulagement en arrivant dans le jardin des Bones et posai une main sur ma poitrine maltraitée a cours de l'opération. Le vent était moins fort qu'au Pays de Galles mais suffisait largement à emmêlé mes longues mèches brunes et à rendre ma respiration laborieuse. L'unique avantage à cette promenade très matinale, c'est que j'avais quoiqu'il arrivait rendez-vous avec Octavia pour peaufiner les derniers détails de notre introduction avant de pouvoir commencer à la taper à la machine. Evidemment, toujours chez Simon et cela provoquait toujours chez moi un mélange étrange d'appréhension, de peur et d'excitation. J'avais l'impression de l'avoir à peine vu du mois de janvier : dans un premier temps, j'avais cherché à l'éviter avant qu'il ne soit lui-même pris par des obligations à l'IRIS – expériences, examens ... autres choses ? Je restai une minute sur le perron, la main toujours crispée sur ma poitrine, le souffle court – et pourtant cette fois j'étais protégée du vent. Il fallut que je perçoive un mouvement à la fenêtre et craigne d'être découverte figée sur le seuil pour que j'entre enfin dans la maison. Le murmure des voix cessa aussitôt pour ne laisser qu'un silence inquiet et je lançai :
-Pas de panique, c'est moi ! Simon a glissé une grenouille morte dans mon lit en première année !
-Et tout le monde ne connait pas ce détail !
Je souris face au ton faussement indigné de Simon. C'était idiot, mais rien que ce petit sourire était significatif. Et que dire de celui que m'adressa Simon quand j'entrais dans le salon ? Petit, effronté, défieur : ce même sourire qui depuis des années embrasait l'allumette et qui elle-même avait provoqué l'incendie. Je pris une discrète inspiration.
Contrôle l'incendie, Vic'.
Il était assis sur le canapé, un toast à la main et un livre sur les genoux, diamétralement opposé à Octavia qui sirotait son thé le petit doigt élégamment écarté de la tasse, comme toutes les grandes dames et comme ma grand-mère Anne. L'image des imitations de ma mère me revinrent à l'esprit et j'étouffai de mon mieux l'hilarité qui en jaillit.
-Tu t'es battu contre le calamar géant ? se moqua-t-elle en reposant sa tasse. Ou tu t'es coiffée exprès comme ça ?
-J'ai laissé faire le vent, répondis-je simplement, me refusant à entrer dans son jeu. Et puisque ça déjeune, je peux me faire un chocolat ? Bon sang qu'il fait froid.
-On déjeune parce que tu es en retard, me rappela Octavia alors que je me dirigeais vers la cuisine. Et ramène du sucre !
-Ce n'est pas chez elle.
-Alors toi, ramènes-moi du sucre !
Il eut un vague grommellement lorsque je passai la porte de la cuisine, incapable de gommer le petit sourire sur mes lèvres. Et ce fut pire lorsque Simon passa à son tour la porte, de fort mauvaise humeur. Ses cheveux pointaient dans tous les sens et je compris qu'Octavia avait vraisemblablement dû le réveiller en se pointant ainsi à neuf heures chez lui. Il n'y avait que le sommeil pour lui donner cette coupe. Sans réfléchir, je me mis sur la pointe des pieds et passai une main dans ses mèches avec un éclat de rire. Je regrettai mon geste dès que mes doigts frôlèrent les mèches soyeuses de Simon, mais je m'efforçai de maintenir l'illusion avec une petite pique :
-Bon sang et on parle de moi !
-Que veux-tu, on a toujours été accordé capillairement parlant, marmonna Simon en étouffant un bâillement. Quand est-ce que je serais débarrassé de la présence d'Octavia ?
Je ne répondis que par un sourire et arrachai mes doigts de ses cheveux pour prendre une tasse et le lait dans son frigo. J'agitai ma main, comme prise de fourmillement. La maîtrise de l'incendie, ça passait par la maîtrise des gestes : et là c'était tout, sauf maîtriser. Et très soudainement, je sentis sa main dans mes cheveux et je me figeai comme une statue de sel alors même que je versais du lait dans ma tasse. Ses doigts farfouillèrent dans mes mèches et mon visage aurait pu s'embraser s'il n'avait tiré l'une d'entre elle.
-Aïe !
Instinctivement, je portais ma main à l'endroit douloureux et rencontrai la sienne. Elle ne fit que l'effleurer et pourtant je sentis mon sang battre jusqu'au bout de mes phalanges. Il claqua la langue d'un air impatient et repoussa mes doigts d'une pichenette.
-Du calme, tu as quelque chose de coincer dans tes tentacules.
-Mes tentacules ? Mais tu as vu ta coupe, tu oses parler ? me rebiffai-je mécaniquement.
-C'est la coupe du réveil. Et les tiens sont beaucoup trop long ... attends, serres les dents ...
-Aïe !
-Je l'ai !
Son bras s'allongea pour me présentait triomphalement une brindille ficelées de quelques cheveux bruns, rêches et ondulés. Je suivis la main du regard jusqu'à remonter au visage souriant de Simon. Un sourire quelque peu crispé.
-Tu dors dans un nid maintenant ?
Je lissai une mèche dans un geste nerveux. Tonks et Podmore nous avait martelé que les informations concernant nos missions devaient être cloisonnées aux maximum et que si une information devait sortir, ce serait par leur bouche et certainement pas par la mienne ou celle de George. C'était douloureux pour moi de ne pas être totalement transparente avec Simon : parce que je l'avais toujours été et parce que ça me mettait face à mes contradictions et me renvoyait à la face cette colère qui bouillonnait en moi chaque fois qu'il me cachait quelque chose.
-Une petite promenade dans la campagne galloise, laissai-je échapper dans un filet de voix. Un peu trop matinale je te l'accorde ... Et bon sang, beaucoup trop venteuse.
Les restes du sourire de Simon s'estompèrent pour ne laisser qu'un air horrifié.
-Pitié, ne me dis pas que ta promenade implique des dragons.
Je haussai les sourcils devant sa rapidité de déductions. Je n'avais appris que des dragons peuplaient le Pays de Galles – frontalier au Gloucestershire – qu'au moment du Tournoi des Trois Sorciers, mais j'oubliais qu'il était un sorcier de souche et que les Verts Gallois avaient dû peupler son imaginaire. Peut-être même avait-il passé son enfance à tenter d'en apercevoir un. L'image de la dragonne émeraude s'élevant avec son mouton flotta dans mon esprit et m'arracha un sourire coupable. Simon poussa un gémissement et écrasa sa paume contre son front.
-Après le 5 Novembre et les Détraqueurs, elle va me sortir les dragons ...
-Il était loin ! Et je suis grande, Bones. Je te rappelle que le 5 Novembre et les Détaqueurs, je les ai affrontés toute seule !
-Si j'avais su, je t'aurais aidé, rétorqua-t-il, l'air vexé.
Mes lèvres s'étirent en un sourire ému. Mes doigts esquissèrent le geste d'avancer, fourmillaient d'attraper sa main à ma portée mais j'enfonçai la mienne dans ma poche pour pallier à toute tentation.
-Oui, je sais. Tu ne veux pas que je meure.
Les yeux de Simon s'écarquillèrent légèrement puis le coin de sa bouche fut agité d'un tic nerveux. Je m'efforçai de soutenir son regard, pendant de longues secondes qui s'égrainèrent sans que je ne les voies. « Je ne veux pas que tu meures, Vicky ». Le ton étranglé sur lequel il avait prononcé cette phrase. Les larmes qui avaient luies dans ses yeux. C'était à ce genre de détails que je m'accrochais, à ça que m'attachait de toutes mes forces pour me persuader que, comme Emily ou Miles l'affirmaient, Simon tenait à moi, peut-être plus qu'à n'importe qui d'autre. Qu'il était capable du meilleur comme du pire pour moi, exactement comme l'inverse était vraie. Que c'était cette intensité folle qui l'avait fait hurler contre Ombrage et avait provoqué les cicatrices blanches qui s'effaçait lentement sur le dos de sa main. Que tout était possible. Mais quel possible ? J'ignorais ce que je voulais encore, mais une chose était sûre c'était que je ne voulais pas rester dans cette situation, à devoir forcer ma main à rester clouer dans ma poche, à ne pas le toucher au risque de le regretter alors que j'en mourrais d'envie. Là tout de suite, j'aurais voulu prendre sa main, le rassurer, jouer avec ses longs doigts en me moquant du grain de la tâche de naissance en forme d'étoile sur son majeur gauche. C'était douloureux, ce rien qui nous séparait alors que quelques semaines plus tôt, je ne me serais posées aucune question. Le naturel m'avait fui et j'étais prête à tout pour le retrouver. Un jour ou l'autre, il faudrait qu'on parle. C'était certain. Déjà maintenant, alors que mon regard était plongé dans le sien, que je détaillai ses iris à pouvoir situer chaque tâche d'ambre dans le vert de ses prunelles, les mots se bousculaient dans ma gorge
-Hé ! Vous le moulinez à la main le sucre ?
Je pris une grande inspiration qui s'acheva par un soupir et un regard exaspéré sur la porte. Mais tout de suite, Octavia McLairds était assise dans le salon alors ça attendrait. C'était peut-être une illusion, mais Simon semblait également contrarié par l'interruption d'Octavia. Ses sourcils s'étaient froncés et ses lèvres s'étaient pincées à une mince ligne.
-Je te jure, cette princesse, maugréa-t-il. Allez, va la rejoindre avec son sucre, je vais te faire ton chocolat.
-Tu vas quoi ?
-Ne te bile pas, je vais glisser du poison dedans.
Mais il passa doucement la main dans mon dos, contredisant totalement sa pique et s'éleva pour attraper le bocal de poudre de cacao sur l'étagère. Sa main s'était arrêtée quelque part au-dessus de mon bassin, chaude, légère mais présente et je ne pus retenir un coup d'œil nerveux en direction de son visage. Toujours un petit sourire et la main glissa naturellement de mon dos au tiroir pour y extraire une cuillère. Il finit par sentir mon regard sur lui et me fixa, légèrement interloquée. Je le remontai précipitamment vers les yeux. La triste vérité, c'était que je m'étais de nouveau retrouvée à contempler ses lèvres et que l'espace d'un étourdissement, je m'étais imaginée m'y pencher.
-Elle va finir par vraiment râler, fit remarquer Simon avant de pointer une étagère. Le sucre est juste là, tu es assez grande pour l'attraper, lui.
Confuse, je hochai la tête et attrapai le sucrier qui trainait sur la table. Je m'en fus de la cuisine, secrètement heureuse que mes joues s'embrasent à retardement. Bon sang, tout ce que je craignais. C'était un geste simple, simple comme il l'avait fait cent fois mais à présent il était sujet à de trop nombreuses interprétations, à de trop nombreux désir. Avec ce bras qui m'enlaçais presque, j'avais été tentée de me blottir contre lui, comme à mes plus grands bouleversement – sans que je ne sois bouleversée. Et ce geste avait-il la moindre signification pour lui, ou était-il juste un mouvement machinal ? Bon sang, je n'allais pas tenir longtemps à me poser ces questions. C'était à en virer Octavia du canapé dans lequel elle trônait comme une reine, son regard exaspéré planté sur moi et le sucrier que j'apportais.
-Pas trop tôt ! Mon thé a refroidi, j'ai dû le réchauffer ... Et ton chocolat ?
-Simon s'en occupe.
Ses yeux roulèrent dans leurs orbites et elle sucra modérément son thé qui fumait de nouveau.
-En voilà une qui a de la chance ... Il ne se serait jamais bougé pour moi ...
-Et Ulysse se bouge ? rétorquai-je avec une pointe d'aigreur. Ou il fait bouger son elfe de maison ?
-Touchée ...
Elle trempa ses lèvres dans son thé et but une longue lampée de façon très digne et silencieuse. Simon sortit de la cuisine dans cet intervalle, une tasse fumante dans chaque main et une assiette de toast volant devant lui. Octavia le fixa poser les toasts devant nous puis me tendre mon chocolat, visiblement choquée.
-Et pourquoi je n'ai pas eu le droit à tout ça, moi ?
-Il y en a pour toi aussi, répliqua-t-il, exaspéré. Et par pitié, étouffe-toi avec.
-Certainement pas. Ulysse m'emmène dans un restaurant incroyable de Londres mercredi, une enseigne cachée en plein Chelsea et j'ai l'intention de tenir au moins jusque-là.
Simon la fixa, l'air visiblement suspicieux.
-Est-ce que tu places ça là dans le seul but de montrer à quel point il est tellement supérieur à moi en terme de petit-ami ?
-Parfaitement, approuva Octavia avec un grand sourire. Mais j'avoue, c'est un peu spécial, après tout c'est notre première saint-Valentin ...
-Argh, laissai-je échappée avec un frisson de dégoût.
J'avais oublié que cette fête approchait à grands pas. Mes parents dînaient aussi à l'extérieur, Mel et Alexandre le passaient en amoureux chez eux et moi célibataire je comptais bien profiter d'avoir la maison pour moi toute seule pour monopoliser la télévision. Il fallait que je songe à faire le plein de chocolat. Octavia parut surprise par mon exclamation.
-Quoi ? Tu ne l'as pas fêtée l'année dernière avec Miles ?
-Euh ... Attends ... Mais j'étais avec toi ?
Je me tournais vers Simon en quête d'approbation. Sa main avait couvert sa bouche et son doigt tapotait sa joue dans un rythme régulier – musical, très certainement.
-Hum. Ça se pourrait bien, je crois que c'était le jour de la sortie à Pré-au-Lard.
-Ah, me souvins-je avec un poids dans l'estomac. La fameuse. Oui donc non, pas de Saint-Valentin avec Miles. Il avait entrainement de Quidditch. Et euh. Je n'y tenais pas.
-Tu vois ? se réjouit Simon en me montrant à Octavia d'un geste triomphal. Tout le monde n'aime pas cette fête !
-Toi tu as un problème avec le couple tout court, rétorqua vertement Octavia. N'essaie de pas de réduire ça à la Saint-Valentin. En tout cas moi je suis heureuse d'enfin faire quelque chose mardi prochain.
Simon devint livide et je fis les gros yeux à Octavia en tentant de lire à travers les lignes. Elle avait retroussé son petit sourire énigmatique de Joconde mais à la façon dont elle lorgnait Simon, je me demandais si elle ne faisait pas référence à un autre événement que la Saint-Valentin, autre chose censée arrivée un jour dans la vie de couple et que Simon, par pudeur, manque de sentiment ou gêne mortifère, lui avait certainement refusé. Et malgré toute mon estime pour Octavia, je trouvais sa remarque peu délicate.
-Ce n'est pas ...
-Mardi prochain, c'est la Saint-Valentin ?
Le cri horrifié de Simon provoqua un haussement de sourcil d'Octavia, qui ne s'attendait sans doute pas à ce qu'il réagisse sur cette partie-là.
-Oui, pourquoi ?
-Pour rien, répondit précipitamment Simon en piquant un fard.
-Pourquoi ? insistai-je, les yeux plissés.
Il évita soigneusement mon regard et replia un peu plus ses genoux contre sa poitrine, touillant son café noir en prenant soin de bien faire claquer la cuillère entre les bords. Le bruit finit par devenir si agaçant que je levai ma baguette en un sort muet : la cuillère jaillit du café, éclaboussant le tee-shirt et le visage blanc de Simon de tâches brunes et je la rattrapai d'un geste lest.
-Vicky ! protesta Simon en s'épongeant le visage.
-Tu parles ou je m'arrange pour te renverser ton café à la figure ?
Simon me toisa d'un air exaspéré et ramena sa tasse contre lui dans un geste protecteur. Octavia paraissait jubiler et posa son thé pour se languir de la réponse visiblement croustillante de Simon. Après quelques secondes à jeter des regards noirs, il finit par pianoter sur sa tasse et à dévoiler du bout des lèvres :
-L'archiviste-stagiaire de l'IRIS, Adrianne. Elle m'a proposé d'aller boire un verre mardi soir.
Octavia éclata d'un rire peu charitable sans prendre la peine de le réprimer d'une octave. Simon la fusilla du regard et je remerciai le ciel qu'elle rie si fort et que son attention soit concentrée sur elle. Car très honnêtement, j'ignorais quelle tête j'avais bien pu faire à cette annonce. Sans doute la même que si j'avais mordu dans un citron à pleine dents : je sentais la crispation de chacun de mes muscles faciaux. J'avais l'impression que le même poison glacial qu'avait évoqué Emily chez elle se répandait dans mes veines et attiser l'incendie. Pour cacher mon trouble, je pris une grande lampée de chocolat. L'arôme amer éveilla les sens et la note de sucré en fin de bouche me chatouilla agréablement les papilles. Il n'avait pas oublié le miel, ce qui adoucissait quelque peu sa révélation et ça me donna la force de demander au moment même qu'Octavia s'exclamait :
-Un verre ?
-C'est qui ?
Simon se frotta la tempe et je devinai que sa seule envie à ce moment était de rentrer profondément sous terre. Il me jeta un bref coup d'œil avant de se replonger dans la contemplation de son café.
-Je l'ai dit, l'archiviste-stagiaire de l'IRIS. On a une bibliothèque incroyable, plus fournie que celle de Poudlard et les archives sont ...
-Je le sais, ça fait des semaines que je réclame de consulter ses archives depuis que Victoria a eu sa brillante idée sur l'idéologie sang-pure et notre appropriation des technologies moldues. L'idée est vraiment brillante mais il nous faut plus de documentation ...
-Mais si ça n'a jamais été étudié, comment veux-tu qu'on trouve des ... Attends attends, on était sur l'archiviste, là, pas sur les archives !
-Ça m'allait les archives, fit savoir Simon dans un filet de voix.
-Je préfère l'archiviste, rétorquai-je d'un ton plus sec que je ne l'avais espéré. Avec qui, visiblement, tu as un rencard le jour de la Saint-Valentin.
La conclusion fit pouffer Octavia et s'étrangler Simon.
-Mais non ! Non, je voulais juste ... Enfin, je n'avais pas capté que c'était la Saint-Valentin ! Et d'ailleurs, certainement qu'on s'en fiche, c'est peut-être un hasard ...
Octavia et moi échangeâmes un regard dubitatif.
-C'est elle qui a proposé la date ? questionna-t-elle avec un petit sourire.
Simon hocha lentement la tête, l'air pétrifié. Ça aurait pu m'amuser. Ou me rassurer : si vraiment il y avait un rencard derrière ça, c'était contre son gré. Ça aurait dû m'apaiser. Alors pourquoi la sensation glaciale qui courrait mes veines ne semblait faire que se renforcer ?
-C'est que c'était conscient, conclut Octavia avec un sourire carnassier. Elle est douée, elle t'a amené à avoir un rencard le jour de la Saint-Valentin ...
-Mais ... mais c'est juste une amie ... (Il tourna le regard vers moi). C'est quasiment la seule de mon âge à l'IRIS, les autres sont des chercheurs plus âgés ou des envoyés différentes institutions. Beaucoup d'étranger aussi mais j'avoue que je n'ai jamais parlé avec l'allemand ... Bref, je me suis retrouvé à déjeuner avec elle. Mais comme je déjeunais avec Emily à Poudlard, pas pour finir par sortir avec elle à la Saint-Valentin !
J'avais la sensation qu'il cherchait à se justifier. Justifier quoi ? Qu'il n'ait jamais évoqué Adrianne parce qu'elle n'avait pas d'importance ? Ou se défendre de fréquenter une autre fille ? Une autre que moi. Mon estomac se contracta si violement que j'en repoussais ma tasse de chocolat.
Une autre que moi. L'idée me donnait envie d'envoyer mon chocolat froid à la figure. Malheureusement, cela paraitrait ... disproportionné. Surtout en présence d'Octavia. Tant qu'elle serait là, j'en étais réduite à la maitrise. Et Seigneur que c'était un exercice périlleux.
-Moi qui comptais sur toi pour regarder Le cercle des poètes disparus avec moi, soupirai-je en appuyant ma joue contre mon poing.
-Il n'est pas déprimant, celui-là ? On ne peut pas plutôt regarder Rasta Rockett ?
-Tss tss, siffla Octavia en claquant des doigts. Tu comptes faire quoi avec Adrianne ?
Simon s'enfonça dans son fauteuil et but une gorgée de son café qui devait être froid depuis longtemps. J'avais l'impression d'entendre les rouages de son cerveau tourner.
-Simon, ça va fait plus de deux ans qu'on a rompu, reprit Octavia d'un ton plus raisonné. Il est peut-être temps de ... tenter de nouvelles expériences ? Ce n'est qu'un verre, ça ne t'engage à rien. Si tu ne veux pas aller plus loin, tu arrêtes et tu restes ami. Essaie de voir ça comme un test. Et j'en reviens pas de devoir te donner des conseils, bon sang ! Ce n'est pas à Bennett de faire ça ?
-Bennett est occupée à boire son chocolat, prétendis-je en levant ma tasse.
J'en pris une gorgée pour appuyer mes dires mais j'eus l'impression que le cacao avait le goût de cendre sur ma langue. Parce que Simon ne s'était pas insurgé à la proposition d'Octavia, pas parler de déprogrammer ce verre avec l'archiviste, pas répéter qu'elle n'était qu'une amie et qu'il ne souhaitait pas aller plus loin. Il paraissait même considérer la chose, sa tête oscillant doucement et sa tasse s'abaissa, marquant sa réflexion.
J'avais envie d'hurler. Mais ça aussi, c'était disproportionné.
Je ne me rendis compte que je serrais la hanse de mon chocolat beaucoup trop fort que lorsque les tremblements que cela provoquait renversèrent quelques gouttes de liquide brun sur mon jean. Je le cachai en ramenant un coussin sur moi et desserrai ma prise sur la tasse. Simon se frottait à présent le visage, l'air dépassé.
-Je n'en sais rien ... Je n'ai vraiment pas envie de me prendre la tête avec ça ...
-Si tu annules, elle va peut-être te prendre davantage la tête. Si tu ...
-Octavia ? la coupai-je, agacée. Il est grand, il sait prendre ses décisions tout seul. On va travailler ?
Visiblement, elle s'amusait beaucoup trop pour s'y résoudre, aussi pris-je les devants en me levant, prête à me réfugier dans la bibliothèque. Qu'elle continue sa discussion, ni elle, ni lui ne pouvait m'obliger à y participer. La fraicheur se diffusait toujours dans mes veines et me glaçait le cœur pendant que dans mes entrailles, le feu faisait toujours rage. La maitrise qui semblait si indispensable à mon bien-être menaçait de voler en éclat, surtout quand je me souvenais de ce geste anodin, cette main passée dans mon dos qui semblait toujours brûler le point sur lequel elle s'était attardée ... Je me dépêchai de grimper l'escalier et captai le regard reconnaissant de Simon. Il devait songer que j'avais interrompu la conversation simplement pour le préserver.
Pour une fois, il avait tort. C'était pour me préserver moi.
Je détournai le regard sans même tenter de sourire et poussai un gros soupir tremblant une fois à l'abri des regards et des oreilles. Je me laissai aller contre le mur, une main sur le ventre et l'autre sur le front. Je n'allais pas tenir longtemps dans cette situation. J'avais besoin de Simon comme d'un pilier. Un apaisement. Pas comme la source d'un stresse constant.
Pas le choix. Adrianne ne rendait l'inéluctable que plus rapide encore. Il fallait qu'on parle. Et tant pis si ça devait tout détruire. Plutôt la vérité que cette relation distante, tendue et artificielle qui nous empoisonnaient un peu plus chaque geste.
***
Mais oui mais oui mes amis ce chapitre est déjà terminé et je dois vous dire à dans deux semaines ! Non sérieusement, croyez-le, l'attente est aussi dure pour vous que pour moi. Sincèrement comme je vous l'ai dit je ne sais plus quand, les histoires n'ont d'intérêt que si elles sont partagées !
Allez, le coeur brisé : à dans *ravale un sanglot* dans ... deux semaines.
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