III - Chapitre 22 : Le ciel sur la tête

JE CRAQUE 

En plus demain et après demain je vais avoir plein de truc à faire donc ça me sert d'excuse. 

Mais c'est surtout que je craque. 

Et j'ai 666 abonnés, j'ai considéré ça comme un signe. SI ça l'est ! 

Avant toute chose : le retour en triomphe d'ATDM avec le tome 3 proposé par Anna' ! Courrez-y, ça va être génial <3 

Bref. Ce chapitre, maintenant. Ce chapitre est important, certes. Pas le fameux où j'ai dit que j'avais vécu un des meilleurs moments de ma vie, mais il est important. D'ailleurs, je vais le commenter avec vous parce qu'en l'écrivant, je me suis imaginée le commenter et c'était drôle. 

Et merci à Anna' pour la relecture ! 

***

Naît-on deux fois ? Oui. La première fois, le jour où l'on naît à la vie ; la seconde fois, le jour où l'on naît à l'amour.

- Victoire Hugo

*** 

Chapitre 22 : Le ciel sur la tête.

Oh, oh.

Oui c'était ça. L'onomatopée parfaite qui définissait la surprise et le ciel qui vous tombait sur la tête pour vous apporter une révélation divine. Parce que c'était ça : je ne croyais plus en Dieu depuis l'histoire de la Chambre des Secrets, pourtant je ne voyais que son intervention dans mon âme pour me faire admettre ce qui était lentement en train de faire cheminement dans mon esprit. Amour ? Amoureuse ? Amour ? Quelle forme ?

La panique était de retour alors que nous passions à la nouvelle année. Deux semaines de répit et mon esprit était de nouveau en ébullition. J'avais à peine eu le temps de profiter de Susan qu'elle repartait déjà pour Poudlard. J'avais néanmoins pris le temps de l'accompagner au Poudlard Express puisque personne ne pouvait le faire : Simon avait ses recherches à l'IRIS et ses deux parents travaillaient. Mon amie avait profité de notre seul moment de solitude des vacances pour s'enquérir de mon état. J'avais dû faire une drôle de tête parce qu'elle avait soupiré de dépit.

-Tu te crois forte et insurmontable, mais la vérité c'est que ça se voit quand tu vas mal, Vic'. Je le vois et Simon le voit aussi si tu veux savoir.

-Ah ... C'est juste ... Je suis fatiguée en ce moment, je ...

Elle m'avait souri d'un air si condescendant que j'avais ravalé mes mensonges.

-Trouve une meilleure excuse devant lui, il sera moins compatissant que moi. Je t'envoie ma prochaine sortie à Pré-au-Lard dès que l'ai ! Bon courage !

Elle m'avait embrassé sur la joue avant de monter dans le train à la suite d'Hannah et d'Ernie. Puis le Poudlard Express avait de nouveau filé devant moi, un peu à la manière de mon enfance qui s'effilait entre mes doigts sans que je ne puisse rien y faire. J'avais attendu que le quai se vide, complétement décontenancée à l'idée que mes troubles soient si transparents avant de comprendre que je ne pouvais plus les cacher – encore moins avec Simon. Maintenant que l'idée avait effleuré mon esprit, j'avais de plus en plus de mal à l'extirper et j'avais fini par conclure, une boule dans la gorge, que j'étais trop seule face au mal qui me rongeait l'esprit et l'estomac. J'avais besoin d'aide.

-On a besoin d'aide, Pod !

-Demande à Ding.

-Il est introuvable ! Il se passe quelque chose dans cette boutique et tu vas nous aider !

-J'ai des affaires plus urgentes à régler, ma belle. Demande à Didalus.

-Envoyé à l'étranger par Dumbledore.

Podmore jura dans la barbe blonde qui couvrait sa mâchoire carrée et ses joues creuses. Il découpait méthodiquement un quartier de pomme, impassible face à Tonks qui le suppliait depuis près de dix minutes. J'assistai à la scène sans un mot avec George Weasley, toujours en binôme avec l'homme. Il se fendit d'un reniflement méprisant.

-Il ment, on n'a rien d'urgent, m'avoua-t-il sur le ton de la confidence. On surveille juste d'autres groupes de délinquants notoires, soit pour les protéger soit pour les arrimer à notre réseau. J'ai fait une belle affaire à l'un d'entre eux pour une livrée d'œufs de Doxy ... Maintenant que Ding se fait rare, c'est difficile de se fournir en fourniture dangereuse.

-Il se cache encore, votre escroc domestique ?

-Il se cache de Dumbledore plutôt. (Il m'adressa un sourire canaille). Ça te dit qu'on aille à la chasse au Ding sauvage après, Bennett ?

Je levai une main avec un sourire désolé.

-Désolée, j'ai déjà des plans pour cet après-midi. Mais ça aurait été avec plaisir. Qu'est-ce qu'il fait, sinon ?

Je désignai Podmore, qui écoutait toujours avec un intérêt poli mais indifférent les arguments de Tonks. George touilla négligemment le thé qu'il s'était préparé.

-Il est dans la brigade de police magique. Il n'y paraît pas mine de rien, mais c'est quelqu'un qui pèse. Un sang-froid incroyable, je n'ai jamais vu ça ... C'est peut-être pour ça qu'on m'a mis en binôme avec lui.

Son sourire s'estompa légèrement mais il le cacha en prenant une gorgée de son thé. Il considéra les placards à moitié vide de l'antique cuisine des Black avant de me demander du bout des lèvres :

-Il parait que tu as été prise dans une attaque de Détraqueur il y a quelques semaines ? Tu t'en es bien remise ?

-Quoi ? (Je surveillais toujours Tonks et Podmore du coin de l'œil). Oh, ça ... Oui, ça va mieux. Quelques tonnes de chocolat plus tard. Merveilleuse période, noël, pour se remettre des Détraqueurs.

Un sourire effleura les lèvres de George et il reposa sa tasse presque intacte.

-C'est peut-être ça. Je n'ai pas mangé assez de chocolat.

Je lui jetai un regard étrange, rendue assez inquiète par son ton, quand Maugrey Fol Œil en personne descendu de l'escalier de pierre, armé de sa canne et de son redoutable œil pivotant d'un bleu électrique. George se fendit immédiatement d'un immense sourire et le salua d'une courbette.

-Big Boss ! Comment tu vas ?

-Fol Œil ! s'écria Tonks en désignant Podmore. Force-le à m'aider !

-Lèche-botte, marmonna le brigadier en lorgnant Maugrey.

L'ancien Auror le considéra de ses deux yeux, les sourcils froncés. Sa crinière grise avait poussée depuis la dernière fois que je l'avais aperçue et était de moins en moins soignée. Ses mains se nouaient avec de plus en plus de crispation sur le pommeau de sa canne.

-Quel est le problème ? s'enquit-t-il d'un ton sec.

-Yaxley et d'autres Mangemorts se réunissent de plus en plus chez Barjow et Beurk ! Yaxley y va régulièrement et on a des raisons de penser qu'il reçoit des financements de la part de plusieurs familles de Sang-Pur approchées par Tu-Sais-Qui ! Il faut qu'on sache ce qui se passe dans cette boutique, Victoria et moi on ne peut pas y travailler seules ! On a des jobs toutes les deux !

-Et moi je fais quoi, du tricot ?

-Tu es mis à pied depuis ton passage à Azkaban !

Podmore mordit dans un quartier de pommes et contempla Tonks avec une certaine irritation. Je le fixai avec surprise. Bill m'avait dit qu'il avait été mis sous Imperium, pourquoi lui faire doublement payer ce sévisse en le privant de son travail ? Puis je me souvins de la pauvre Esmera Fortarôme qu'on avait débarqué du réseau des cheminées de peur que les Mangemorts ne détiennent son frère. Le Ministère devait avoir perdu toute confiance en Sturgis Podmore. Maugrey considéra l'explication de Tonks, son œil valide rivé sur elle quand l'autre s'était retourné. J'eus la désagréable impression que c'était nous qu'il observait à travers sa boite crânienne et cela m'arracha un frisson de dégoût.

-Une concentration de Mangemort en un lieu unique est toujours inquiétant, même s'il est aussi peu surprenant que Barjow et Beurk, murmura-t-il sans à peine bouger des lèvres. Hum ... Et tu dis qu'il y a des sommes d'argents qui vont à Yaxley ... Pas bon ça ... Ding sait quelque chose ?

-Ding se cache toujours.

L'œil valide de Maugrey flamboyant de façon assez inquiétante pour que je colle contre les meubles dans l'espoir de m'y fondre.

-D'accord. Trouvez-le, et trouvez ce que ces fumiers cachent derrière leur boutique. Rapport réguliers exigé – à Kingsley ou à moi.

-Et Remus ? demanda prudemment Tonks.

-Remus est occupé. Kingsley ou moi.

Et il s'en fut sans plus de précision, claudiquant jusque la cave avec des grimaces de douleur. Nous nous entreregardâmes tous les quatre en comprenant que nous allions collaborer ensemble. Seul Podmore n'était pas enchanté par la perspective et mastiquait énergiquement son morceau de pomme. Tonks finit par frapper dans ses mains avec un sourire.

-Parfait ! Bon, je dois retourner à Poudlard, si l'un d'entre vous peut retrouver Ding ...

-Le chômeur s'y colle, lança Podmore avec amertume. A toute, les gosses.

Il abandonna le reste de sa pomme sur la table sans même prendre la peine de la ranger. Tonks haussa les épaules quand il disparut et le suivit dans l'escalier. George et moi la suivîmes de près pour échapper à l'ambiance étouffante de la cuisine. Malheureusement, le reste de la maison n'était guère plus hospitalière. George s'enfuit vite pour retrouver la boutique et un univers plus connu. Sans savoir pourquoi, je me retrouvais face à la tapisserie dans le salon principal qui décrivait l'arbre généalogique des Black. Mes yeux furent attirés par la mère de Cassiopée, Charis, éternellement figée entre ses sœurs Cedrella et Callidora. Ses traits étaient grossièrement esquissés en ceux d'une femme à la beauté sévère. La grand-mère de Simon ... Sa date de mort indiquait 1973. Elle n'avait jamais pu connaître son dernier petit-fils ...

-Tu essaie de trouver mon second prénom ?

Je fis un véritable bond et me retrouvai face à Simon, une main sur le cœur et ma poitrine s'élevant à un rythme erratique. Il souriait doucement, des parchemins sous le bras, sans doute allégrement pillés dans l'obscure bibliothèque des Black. Il fronça du nez en suivant les branches du regard.

-Des noms tous très moches, si tu veux mon avis ... Mais non, Vicky, on a tous les trois échappés à ça.

-Tu connais ceux de tes frères ?

La bouche de Simon se tordit et mes yeux se rivèrent immédiatement sur ses lèvres fines, distordues en une ligne atypique. L'espace d'un étourdissement, mon esprit s'imagina que mes lèvres étaient descendues plus bas que la joue que j'avais atteinte sur le perron ... Je déglutis en reprenant mes esprits, mais ma pensée se trahit d'une flambée sur son visage. Fort heureusement, il ne parut pas la remarquer : ses yeux étaient rivés sur le nom de sa grand-mère maternelle.

-Oui, les constellations sont gravées sur leurs tombes. Leo pour Matthew – la constellation du Lion, tu sais, le signe astrologique ? Symbolique pour ma Gryffondor de mère. Et Lysandra te l'a dit, Hercule pour Spencer.

Il y avait beaucoup trop d'information dans une seule phrase et aucune ne suffit à apaiser le feu sur mon visage. Il s'était intéressé à la vie de ses frères. Il s'était recueilli sur leurs tombes. Le mot « mère » pour désigner Cassiopée était sorti avec un naturel qui aurait me rendre fière. Mais la seule chose à laquelle je songeais, c'était de ne surtout pas fixer les lèvres de Simon. Bon sang, j'avais un véritable problème.

Il effleura le nom de sa grand-mère du pouce avant de pousser un profond soupir.

-Ça ne s'est pas trop mal passé à noël. Le chaudron n'a pas explosé.

-Hum. Je dois y aller, j'ai promis à Emily de la retrouver avant seize heures, elle est de garde cette nuit ...

Je ramassai le sac que j'avais laissé tomber à mes pieds en observant la tapisserie et le hissai sur mon épaule sans effleurer le regard de Simon. Malheureusement, au moment où je m'apprêtai à partir, son bras me barra le passage. Je levai un regard exaspéré sur lui et son sourire tordu. Et je n'aimais pas du tout la lueur satisfaite qui brillait dans son regard.

-Tu t'es trahie deux fois, Vicky. Pas de questions sur mon nom ? Pas d'insulte parce que j'ai dit que je ne voulais pas que tu le saches ? Qu'est-ce qui t'arrive ?

-Je suis fatiguée.

-A d'autres. Qu'est-ce qui se passe ?

Je sentis mes joues s'embraser – une fois de plus – et maudis mon corps de trahir ainsi mon trouble. D'autant que mes yeux ne cessaient de passer sur ce petit sourire insolent qui m'exaspérait autant qu'il menaçait de faire fondre la peau de mon visage. Finalement, il me donna seul le mensonge le plus à même de le satisfaire et j'arrivai à arracher mon regard à ces lèvres pour asséner :

-Non, tu n'y es pas : c'est toi qui me fatigues. Quoi, ça t'amuse de me voir chercher comme une folle son deuxième nom ? Tu penses vraiment que ça vaut la peine que je dépense mon énergie ? Tu crois que je n'ai pas des recherches plus importantes à faire ? Bon sang, Bones, ça ne peut pas être simple pour une fois ? Je ne mérite pas que ce soit simple après tout ce que tu m'as fait subir ? Non, il faut encore que je rame ?

J'eus au moins la satisfaction de voir son sourire se faner sur ses lèvres et je me mis à respirer plus librement. Ce n'était pas éloigné de ce que je pensais : je n'avais simplement pas eu le temps de verbaliser cette frustration, noyée dans la panique qui m'avait reprise dès que j'avais refermé la porte sur Simon sur le perron.

-J'en ai marre de ramer, affirmai-je avec toute la conviction que j'avais. Alors si tu ne veux pas que je sache, très bien, je ne le saurais pas. Si tu as envie que je connaisse enfin tes moindres secrets, fais-moi signe, je pense que tu sais où j'habite depuis le temps.

Je devais vraiment excellente comédienne : une moue penaude avait commencé à déformer les lèvres de Simon. Mais avant de m'y attarder, je le dépassai souplement, et eut même la présence d'esprit de jeter par-dessus mon épaule :

-Et cette fois, ce n'est pas une faute imaginaire, Minus !

-Minus toi-même !

Je souris. Je n'aurais pas dû. J'étais fâchée, vexée et je détestais cette panique chronique qu'il développait en moi. Mais je n'avais pu m'empêcher le sourire s'épanouir sur mes lèvres alors que je claquai la porte du 12, Square Grimmaurd. Et ce que je me disais ce sourire, c'était que j'avais décidément besoin d'en parler à quelqu'un. J'avais besoin d'aide.

Sans apprécier le soleil hivernal qui perçait à travers de lourds nuages, je transplanai devant l'appartement d'Emily. La propriétaire au rez-de-chaussée tira ses rideaux pour m'observer grimper les escaliers de pierre qui menait au premier étage et ne cessa de me fixer de ces yeux suspicieux que lors qu'Emily m'accueillit, tous sourire.

-Pile à l'heure ! Entre, madame j'ai-mon-patronus-mais-je-ne-le-dis-pas-à-ma-meilleure-amie.

-Ah, ah. Miles a encore frappé à une rencontre de famille ?

-Nouvel an entre cousins, confirma Emily en s'effaçant pour me laisser passer. Et ça (Elle me donna une sèche tape à l'arrière de la tête) c'est pour ta stupidité. Et celle la (elle m'en donna une plus forte qui m'arracha un glapissement) c'est de sa part.

-Aïe ! C'est bon, j'ai compris. Oh, salut Roger.

Roger m'accorda à peine un salut. Il était plongé dans nombre de parchemin dont certains lévitaient devant ses yeux. Sa plume s'activait avec frénésie et je décidai de ne pas l'embêter davantage. Emily m'invita à m'assoir sur les hauts tabourets devant le bar et me servit deux doses généreuses de jus de citrouille. Elle paraissait de bien meilleure humeur que la dernière fois que je l'avais vu après le match contre les Pies de Montrose et je ne pouvais m'empêcher de lier son sourire persistant avec le fait qu'elle venait de me frapper deux fois de suite. Je me frottai l'arrière du crâne avec une grimace.

-Tu y as été fort ...

-Toi aussi, rétorqua-t-elle avec un charmant sourire. Seule contre cinq Détraqueurs, petite Victoria et son petit colibri ...

-Hé ! Ce n'est pas la taille qui importe, c'est l'éclat !

Emily leva les yeux au ciel et but une gorgée de son jus de citrouille.

-Bon, admettons. Quelles sont les nouvelles ? Ton noël a été bon ?

Ma gorge s'assécha brusquement et je l'humectai d'une gorgée fraiche sans que cela ne m'aide à trouver mes mots. Je revoyais le petit sourire de Simon, ce sourire dont j'avais du mal à détacher mon regard sans savoir si c'était parce qu'il me plaisait ou simplement que j'avais pris plaisir à fixer ses lèvres. L'idée m'arracha un gémissement et je baissai mon verre. La main d'Emily s'était refermée sur mon bras : elle paraissait soudainement inquiète.

-Oh mon Dieu, ça va Vic' ?

-Honnêtement ... Non ? Ce n'est rien, assurai-je quand elle écarquilla les yeux. Simplement ... Bon sang, est-ce que tu peux m'écouter sans ... juger ?

-Ah, lâcha-t-elle avec un semblant de sourire. Ça concerne la gente masculine ? Victoria Bennett est prête à reprendre sur service ?

-Vraiment, Em' ? grognai-je.

-Pardon, pardon. Je t'écoute.

Elle effaça son sourire de ses lèvres et se redressa sur sa chaise pour se donner des aires de vieilles sages qu'elle avait parfois avec moi, mais le pétillement dans ses yeux trahissait son amusement et son impatience. Elle coinça une mèche blonde derrière son oreille en attendant patiemment que je trouve mes mots. J'avais retourné des phrases dans ma tête sans qu'aucun ne sonne juste et je finis par entonner d'une petite voix :

-Tu te souviens quand ... Quand on s'est revues, tu m'as dit que tu te sentais mal à l'aise avec Simon et moi. Tu peux m'expliquer pourquoi ?

Les yeux d'Emily s'écarquillèrent légèrement et le poing qui soutenait sa joue s'abaissa sur la table. Elle ne paraissait pas s'attendre à la tournure des choses.

En même temps. Qui s'y attendait ?

Mais j'avais fini par conclure cela : la gêne qu'Emily avait ressentie face à nous signifiait quelque chose, exactement comme la jalousie de Miles. Elle enroula une mèche de cheveux blonds autour de son doigt, toujours l'air perplexe.

-Je ne saurais pas trop, avoua-t-elle finalement. Je te l'ai dit : vous vous êtes repliés l'un sur l'autres ... Vous vous êtes assez soudainement mis à fonctionner ... je ne sais pas, comme un duo. Et soudé, le duo ... J'avais conscience de plusieurs choses : que vous me cachiez des choses, que vous partagiez des choses qui dépassaient mon entendement ... Des informations, mais des sentiments, aussi, des sentiments dont je n'ai jamais pris conscience mais qui m'ont explosé à la figure. (Elle essuya un petit rire). Naïvement, je m'étais arrêtée au fait que vous vous détestiez. Mais c'était plus que ça.

-Tu penses ?

Elle haussa les épaules.

-Oui. C'est évident que vous vous aimez.

Mes doigts se crispèrent sur mon verre de jus de citrouille. Visiblement, ça avait été évident pour tous, sauf pour moi. Peut-être parce que j'avais tardé à mettre des mots sur un sentiment présent depuis quelques temps, plusieurs mois. Peut-être parce qu'avant, ma seule préoccupation de l'amour était caractérisée par Miles et qu'il avait servi de paravent à l'évidence qui se déployait en moi. J'aimais Simon. C'était définir le type d'amour qui continuait de totalement me paniquer.

-Et ça ne t'a pas semblé bizarre ? Qu'on soit passé de la haine à ... l'amour comme ça ?

-Alors, je doute que ce se soit fait comme ça, protesta-t-elle en claquant des doigts. Je dis juste que je n'ai pas vu le processus, donc oui, ça m'a fait bizarre. J'ai mis ça sous le compte de la mort de Cédric ... On était tous bouleversé. On s'est recentré sur l'essentiel. Et visiblement, vous étiez essentiel l'un pour l'autre.

-Tu analyses bien ça pour quelqu'un qui dit n'avoir rien vu, m'amusai-je avec un semblant de sourire.

-Que veux-tu, ce n'est pas pour rien que j'ai failli aller à Serdaigle ... Maintenant tu me dis pourquoi tu me poses ces questions ? Il y a quelque chose qui cloche avec Simon ?

Pendant quelques secondes, même le froissement des papiers de Roger derrière nous sembla s'estomper. Je fis tourner le jus de citrouille dans mon verre, le cœur au bord des lèvres. J'avais l'impression que les mots n'arriveraient jamais à sortir, qu'ils resteraient au fond de ma gorge et continueraient de former cet amas de sentiments indistinct qui se chauffait à blanc à la moindre contrariété. Mais un jour ou l'autre, il fallait bien les sortir, les sortir pour dénouer les fils et y voir plus clair. Comprendre enfin.

-Miles ... (Je toussotai pour donner de la contenance à ma voix). Miles pensait que ... enfin, il a dit que j'aimais Simon et que ça nous avait empoisonné. Que je lui avais donné plus d'attention à lui ...

-Ce n'est pas complétement faux, mais passons. C'est évident, je veux dire ...

-Non. C'est pire que ça. Pire que ce qu'il dit. Je pense ... je commence à croire que je suis amoureuse de Simon, Emily.

Verbaliser ce qui me hantait depuis des semaines ôta un poids non négligeable de mes épaules et je ne pus retenir un petit soupir de soulagement. Je posais une main sur ma gorge pour prendre mon pouls et sans surprise, il s'était emballé. En revanche, je n'osais affronter la réaction d'Emily face à mon aveu : je gardai mes yeux rivés sur mon verre. Son silence choqué en disait bien assez long. Au bout de quelques secondes qui me parurent interminables et suffocantes, elle claqua violement son verre contre sa table, me faisant sursauter. Je levai enfin les yeux et vis son visage marqué par la stupeur la plus profonde et sa bouche laissée béante par la surprise.

-Excuse-moi. Tu peux me répéter ça ? S'il te plait ?

-Em' ...

-Non, non, non.

-Em' ...

-Si ? Ce n'est pas une blague ?

-Em' ...

Elle leva une main sèche pour me faire taire et pointa un index accusateur sur moi – si violement que j'eus un mouvement de recul.

-Je vous ai vu vous faire les pires crasses du monde – et toi autant que lui, Victoria Bennett ! – tu m'as soutenu droit dans les yeux que tu n'avais pas quitté Miles à cause de lui et maintenant tu viens me dire que tu es amoureuse de Simon Bones ?! On parle bien du même Simon, le petit blond gringalet arrogant au possible ? Et drôle – heureusement qu'il est drôle, d'ailleurs !

-Emily, intervint Roger sans même se tourner vers nous. Vieille sage, calme et indulgente, tu te souviens ?

Elle lui jeta un regard exaspéré et je rougis violement en comprenant qu'il avait tout entendu malgré la distance. Il leva la tête pour croiser mes yeux sans doute emplis de panique et sourit doucement. Il fit mine de se coudre la bouche avant de presser un doigt contre ses lèvres pour me promettre le silence et s'en retourna à ses parchemins. Emily claqua ses doigts devant mon nez pour récupérer mon attention et je me tournai vers elle, penaude.

-Hé ! Tu ne me lâches pas ce genre de bombe pour ne pas m'expliquer !

-Indulgence, Em' ...

-Rôh, ça va, râla-t-elle avant de pousser un profond soupir et de reprendre d'une voix plus contrôlée. Victoria, avec toute la bienveillance qu'une meilleure amie est censée avoir, je t'écoute.

Je déglutis nerveusement et adressa un dernier coup d'œil à Roger qui s'était replongé dans ses devoirs sans apparemment se soucier de nous. Je finis par en revenir à Emily qui semblait faire tous les efforts du monde pour garder un visage impassible.

-Je ne saurais même pas comment t'expliquer ... Je ... je ne sais pas, ça tourne dans ma tête depuis quelques semaines, qu'on n'a pas un comportement normal l'un avec l'autre. Moi avec lui. Je te jure il ... me fait littéralement péter les plombs !

La fin de ma phrase s'était étouffée dans un grognement de frustration et Emily eut un semblant de sourire. Son index accusateur se remballa dans son poing qui vint se caller sous son menton.

-Ah. Tout de suite, ça semble plus crédible. Rien ne vaut l'amour pour faire péter les plombs.

Sa remarque m'arracha un rire tremblant et je nouai mes mains devant ma bouche, l'estomac contracté par tout ce qui se jouait en moi et qui se retrouvai libérer par mes aveux. Emily me contempla, toujours avec des traces de choc mais nettement plus songeuse. Elle fronça les sourcils.

-Cela dit, que Simon te fasse péter les plombs, ce n'est pas nouveau, Vic'. Je dirais même que c'est la base de votre relation.

-Je sais, je sais ... Mais je ne sais pas, tout est disproportionné, avec lui. Je ressens tout au centuple. La colère, la vexation, mais aussi ... je ne sais pas, la tendresse ... Chaque situation, ça provoque en moi plus que ça ne devrait provoquer, je te jure. C'est trop ... intense.

Les yeux d'Emily s'écarquillèrent devant ma tentative maladroite de mettre des mots sur ce que j'éprouvais depuis des semaines. Son silence se prolongea assez pour que je me sente obligée de poursuivre, de me justifier :

-Je ne suis pas normale avec lui. Je ne l'ai jamais été, mais j'ai l'impression que plus j'avance, moins je le suis. Et je ne sais pas, je me suis rendue compte que ... La seule situation où tout ça pourrait être normal, c'est dans celle où je suis amoureuse de lui. C'est absurde, je sais, mon Dieu je le sais ... Mais j'ai beau retourné le problème dans tous les sens et ...

-Oh, la, Vic', me coupa Emily en prenant ma main. Détends-toi, respire.

J'obéis et inspirai profondément. En relâchant mon souffle et en sentant mes muscles se détendre, je sentis les larmes qui avaient commencé à piquer mes yeux et qu'Emily avait dû percevoir. Je me tamponnai le coin de l'œil de ma manche. Seigneur, j'étais au bord de la crise de nerf ...

-Je suis désolée ...

-Ne t'excuse pas. Ça ... ça a l'air grave, là, Vic'. Te mettre dans un état pareil ... Enfin ... Simon, toi ... Bon sang, ça a l'air vrai.

J'essuyai un petit rire et la lorgnai avec un sourire timide. Elle était abasourdie parce qu'elle découvrait, par ces sentiments qui devenaient plus qu'une hypothèse, plus qu'un spectre que j'avais fui pendant des semaines. Elle baissa le regard sur nos mains entrelacées et finit par annoncer résolument :

-Bon. On va dénouer ça ensemble – c'est pour ça que tu es venue, non ? Le tout n'est pas de voir ça comme un problème. Ce n'est pas un problème, c'est juste ... une vilaine pelote de laine qu'il faut filer.

-Tu t'y connais en tricot, toi ?

-La ferme, Victoria. Laisse-moi réfléchir à tout ce que tu m'as dit.

Elle lâcha ma main pour masser ses tempes, dans un geste plus théâtral que nécessaire. De la même manière, elle inspira et expira plusieurs fois et quand elle rouvrit les yeux, elle exigea que je lui raconte tous les éléments qui m'avaient amené à ma conclusion. Docilement, je lui rapporté presque tous : les gestes de tendresses qui me paraissaient de plus en plus naturel tout en ayant conscience de l'anormalité de la chose, le fait que j'étais capable de beaucoup trop pour Simon, y compris de me perdre, comme c'était lui et son souvenir qui m'avait fait tenir face aux Détraqueurs. Ce dernier fait força Emily à masquer sa stupeur derrière sa main et elle resta plusieurs secondes silencieuses avant de lâcher :

-D'accord. Ça, ce n'est pas rien. Tu ne peux pas mentir face à ce genre de situation. Si c'est Simon qui t'a fait tenir ... Bon sang ...

Elle secoua la tête, l'air toujours interdit.

-J'avais conscience que vous vous êtes rapprochés ... Que vous vous aimiez beaucoup, c'est sûr – et si tu veux savoir, c'était plus évident du côté de Simon. Toi, je n'ai jamais su trop dire. Peut-être que le fait que tu sois avec Miles brouillait les pistes ...

-Ça a brouillé les pistes en moi aussi ...

Emily se dandina sur sa chaise, brusquement mal à l'aise.

-Pourquoi ? Tu penses que ... ça fait plus d'un an que tu es amoureuse de Simon ?

-Non !

Le cri s'envola spontanément de ma bouche et me rassura presque : c'était la vérité qui s'écriait ainsi, le mensonge avait besoin de plus de temps. Comme pour le prouver, les arguments me vinrent assez vite pour que je puisse enchérir :

-Bon, évidemment que j'ai des sentiments assez forts pour Simon depuis l'année dernière – depuis toute ma vie si on veut généraliser, même si au début ça se bornait à ce que je suis arrache les cheveux. Disons que petit à petit, les sentiments forts se sont déployés et ont pris d'autres colorations, d'autres significations ... Ce n'était plus seulement des sentiments négatifs, ça s'est ... équilibré. Naturellement.

-C'est ce que j'ai remarqué aussi, admit Emily en penchant la tête. Que ça s'était équilibré. Mais de là ... Oh la la, Vic', tu chamboules toutes les perceptions là ! C'est le ciel qui me tombe sur la tête !

-A qui le dis-tu ...

Je tripotai le bracelet au petit soleil de Cédric et la breloque dorée capta un éclat de lumière qui se réfracta sur ma peau. Simon adorait jouer avec, chaque fois qu'il tenait ma main dans la sienne. Je fis jouer le rayon doré sur ma paume, la gorge serrée. C'étaient des détails. Des détails qui me grignotaient l'existence.

-Ça te semble bizarre ? demandai-je à Emily à mi-voix. Je veux dire, ça n'a pas de sens pour toi ?

Si je devais lire sur son beau visage, la réponse serait certainement « non ». Ses yeux restaient agrandis, comme si elle peinait à réaliser et malgré ses efforts pour rester sereine je percevais toujours des traces d'incrédulité. Et sans comprendre pourquoi, ça me mortifier. Emily s'appuya sur ses coudes pour s'avancer un peu et pencha la tête, l'air indécis.

-C'est bizarre ... Mais ce que je pense, ça n'a aucune sorte d'importance. L'important, c'est ce que toi tu ressens. Je pense que tu as dit l'essentiel : ce n'est pas normal, c'est trop intense, il est essentiel à ma vie ... Est-ce qu'il te fait du bien ? Parce que très clairement, si c'est comme les années précédentes et qu'il ne te fait que du mal, je te mets immédiatement un stop : ce sera toxique.

-Evidemment qu'il me fait du bien. Et même avant ... Cette façon de me défier tout le temps, ça a permis de faire ressortir une partie de moi que seul lui pouvait réveiller. Une partie plus confiante, vindicative ... Une partie qui s'exprime plus maintenant. (Je tripotai vaguement le verre que j'avais toujours devant moi). Elle a fait peur à Miles, cette partie-là de moi mais Simon a toujours cherché à la montrer au monde entier.

-Simon était prêt à tout pour prouver que tu es un petit démon, aussi. On était pareil sur ce point-là : ton petit côté victime ou martyr c'était ... agaçant.

La remarque m'arracha un sourire et je me souvins des soupirs d'exaspération d'Emily à mon encontre dès que j'ouvrais la bouche dans nos premières années. Avec le recul, j'admettais que j'avais pu être agaçante, toujours craintive sans savoir à quel saint me vouer. Mais Simon avait su voir au-delà de cette couche. Il avait perçu ce que personne n'avait songé à remarquer et l'avait fait sortir pour me révéler à moi-même. Encore une preuve, s'il en fallait, qu'il me connaissait bien mieux que personne. Mieux que moi.

-Il n'avait pas tout à fait tort là-dessus ...

-Il te demandait toujours aussi quand est-ce que tu apprendras à tenir ta baguette par le bon bout ...

Ça avait été vrai jusqu'au début de la sixième année au moins – je me souvenais parfaitement avoir eu envie de lui sauter à la gorge après qu'Ulysse Selwyn m'avais cassé le nez. Mais là encore, ce qui attisait un manque de confiance en moi et en ma magie s'était arrêté pour équilibrer vers le soutien indéfectible. Je haussai les épaules.

-Ça reste Simon. Evidemment qu'on a été atroce l'un envers l'autre mais ... on a arrêté. A moitié. Il ne veut toujours pas me dire son deuxième prénom et ça me rend folle de rage.

-Parce que lui sait le tien ?

-Par cœur.

-Ah ...

Emily paraissait perplexe – sans doute était-ce un détail sans importance pour elle. Mais pour moi, ça signifiait tellement ... J'avais l'impression que c'était la dernière pièce du puzzle qu'était Simon, la pièce finale qui le ferait définitivement redevenir concret à mes yeux et non ce spectre qui restait opaque par intermittence, qui se solidifiait mais qui restait inatteignable. Le secret continuait de brouiller son identité à mes yeux. Et j'avais aussi consciente que ma frustration était révélatrice de mes sentiments : qui se mettait en colère pour des détails pareils ?

Les doigts parfaitement manucurés d'Emily frappèrent la table d'un geste impatient.

-Bon. Ultime teste, Victoria Bennett. Et sache que je prends sur moi parce que l'idée est très perturbante. L'amour, les sentiments, c'est bien. Mais il n'y a pas que ça quand on est amoureuse.

Je haussai les sourcils, interloquée et Emily se frappa le visage de la main.

-Bon sang, j'en reviens pas de devoir poser cette question mais ... Tu parlais de gestes tout à l'heure ... Est-ce que ça t'arrive d'avoir envie d'aller ... un petit peu plus loin ?

Je papillonnai des yeux et elle finit par lâcher du bout des lèvres :

-L'embrasser, Victoria.

-L'em ... Oh.

Mes joues s'embrasèrent mécaniquement et je me revis en un flash me pencher sur lui, ses tâches de rousseurs devenant chaque plus centimètre à la fois plus claires et plus floues, mes lèvres heurter le bas de sa joue et sentir la présence des siennes proches, beaucoup trop proches. Puis je revis son petit sourire lorsque je l'avais quitté devant la tapisserie. Je ne voyais que ça : son sourire, la façon dont ses lèvres l'esquissaient, se mouvaient, s'étiraient ... m'attiraient. Un gémissement s'échappa de ma bouche et donna sa réponse à Emily qui plaqua deux mains sur la sienne. Elle s'en leva de sa chaise, proprement catastrophée.

-Non !

-Si ...

-Mais non !

-Emily, intervint calmement Roger.

Emily tourna son regard écarquillé vers son petit-ami, avant de le reporter sur moi. Elle écarta les mains de son visage et fit plusieurs moulinets de ses bras, comme pour se détendre.

-OK. OK très bien. Euh ... non. Non, Vic', ça craint, en fait. Tu es amoureuse de Simon, ça craint !

-Je sais ...

-Parce que lui c'est un handicapé des sentiments ! Pire que lui ! (Elle désigna d'un grand geste Roger qui leva les yeux au ciel avec un gros soupir). Tu te souviens de comment il était avec Octavia ? Franchement c'était un miracle s'il la laissait tenir sa main !

Je lui tiens déjà la main, faillis-je rappeler de façon spontanée, avant de me souvenir de cette fois où il avait dénoué ses doigts des miens quand les regards s'étaient posés sur nous. Et puis c'était quoi cette réflexion ? Je me pris le visage entre les mains, l'esprit en ébullition. Et paradoxalement, j'avais l'impression que quelque chose se libérait en moi, que l'étau qui pressait ma gorge chaque fois que les souvenirs m'assaillaient se desserraient de mots en mots, d'aveu en aveu. J'étais en paix avec chaque son qui sortait de ma bouche et ça faisait monter la panique en moi.

-Qu'est-ce que je fais avec ça, maintenant ?

Emily écarta les mains en signe d'évidence.

-A ton avis, qu'est-ce qu'il y a à faire ? Qu'est-ce que tu as fait quand tu as commencé à ressentir des choses pour Miles ?

-Mais c'était totalement différent ! Miles, c'était rien, absolument rien, il ... ça n'a rien à voir, là ça brûle en moi, Emily, c'est horrible ! J'ai envie que ça parte, mais à la fois j'ai l'impression que cette flamme, elle me tient en vie, tu comprends ? Elle m'anime, elle fait partie de moi, même si ça attise tout, ça décuple tout !

Je posai mes deux mains à plat sur ma poitrine, comme si je pouvais la sentir à travers ma chair et ma peau. Les mots avaient fini par sonner en moi. Au début, Simon avait été la flamme fugace d'une allumette, brûlant les zones de moi qui méritaient de l'être pour me piquer dans mon orgueil. Puis l'allumette avait fini par enflammer une torche, brillante dans le noir comme un phare et éclairant mes pas. La torche avait embrasé le bois du feu de camp, réconfortant, familier comme Terre-en-Landes et les « Minus-toi-même » que nous nous étions jetés à la figure. Mais c'était à partir de là que tout avait dégénéré, que les flammes avaient atteint des parties de moi qui étaient inaccessible à l'allumette et avait commencé à tout brûler. Maintenant, elles m'enveloppaient toutes entières et j'ignorais comment sortir de l'incendie. J'ignorais même si j'en avais envie : comme je le disais à Emily, il me maintenait en vie. Il courrait dans mes veines, il faisait surchauffer mon cœur et rétracter mon estomac. Il faisait partie de moi. C'était Simon : il ferait toujours parti de moi, peu importe la place qu'il prenait.

-Je ne serais pas comment t'expliquer ça ... Miles, c'était ... des frémissements, de l'attachement ... Mais vers la fin, je me suis rendue compte que l'amour n'était jamais venu ... Là il est là. Directement. C'est assez violent à constater.

Emily paraissait sonnée par mes aveux, par la virulence de mon ton. Elle me fixa si longuement que ça en devint gênant et je compris qu'elle réalisait enfin mes mots et leurs implications. Elle en retomba sur sa chaise, abasourdie.

-Mille gorgones galopantes, tu es amoureuse de Simon Bones ...

-Emily ? Tu es d'une utilité proche du néant.

La constatation de Roger nous arracha à toutes les deux un petit rire qui permit à l'atmosphère de s'alléger. Le jeune homme finit par être frustrer de ne participer à la conversation que pour reprendre sa petite-amie et se leva pour s'octroyer le siège à côté du mien. Son visage respirait la bienveillance et la sollicitude, si bien que je me sentis à peine mal à l'aise de le voir entrer dans mes réflexions ainsi.

-Ecoute, tu m'as aidé pour Emily alors, laisse-moi te rendre la pareille. Avec une première constatation : tu te prends trop la tête.

-J'ai l'impression d'avoir déjà entendu ça ..., dis-je avec l'ombre d'un sourire amusé.

-Alors écoute-nous, rétorqua Roger en me gratifiant d'une pichenette sur la tempe. Et écoute Emily. Qu'est-ce que tu as fait avec Miles ?

-Ce n'est pas ...

-Les sentiments sont différents, j'ai bien compris, mais la finalité restera la même. Et la finalité, c'est de te mettre en couple avec Simon.

-Je vais vomir.

Roger darda un regard noir sur Emily, qui avait agrippé son verre comme si elle s'apprêtait à dégurgiter dedans. Mais la vérité, c'était que ses mots avaient réveillé une légère nausée en moi et ma tête se mit à tourner. J'étais tellement obnubilée par ce qui se jouait en moi que j'en avais oublié ce qui se passaient quand deux personnes s'aimaient. Et ça éveillait maintenant un autre problème que j'avais refusé d'aborder.

J'ignorais totalement, mais alors totalement, ce qu'il en était du côté de Simon.

-Pour ça, il faut qu'on soit sur la même longueur d'onde, non ? couinai-je.

-Vous l'êtes.

-Hein ? lança Emily, incrédule. Comment ça, ils le sont ? Qu'est-ce que t'en sais, monsieur-j'ai-un-rencard-avec-Cho-Chang-le-jour-de-la-Saint-Valentin ?

-Et elle m'en veut encore pour ça, soupira Roger, dépité. Mais ce que je veux dire, c'est que de ce que j'ai observé quand on était à Poudlard, c'était bien plus évident du côté de Simon. C'est chez Victoria qu'on ne savait pas dire.

-On ? répétai-je, de plus en plus suspicieuse. Qui ça, « on » ?

Roger parut soudainement penaud et se trouva une passion soudaine pour la contemplation de ses ongles – propre et coupé à raz, au bout de doigts noué de grosses articulations. Et même s'il était considéré comme un beau garçon, j'admettais que ses mains étaient moins belles que celle de Simon. Victoria bon sang !

-Il se peut ... Que ... Miles soit venu me voir l'année dernière pour se plaindre de toi. Et de Simon. Surtout de Simon.

-Quoi ?

-Attends, ça parle de ça les garçons ? s'étonna Emily. Tu parles de ça ?

-J'étais le plus proche de sa situation, expliqua Roger en haussant les épaules. Simon était ton meilleur ami ... Il me demandait si je prenais bien votre amitié. Pour moi, il n'y avait aucun problème, c'était très clair. En quelque sorte, j'avais l'impression que tu le prenais pour ton jumeau – ou ton petit frère.

Un sourire attendri s'étendit sur les lèvres d'Emily et son regard se fit nostalgique. Roger pointa alors son index aux articulations noueuse sur moi.

-Avec toi, en revanche, je ne le trouvais pas clair – et Miles non plus, si tu veux savoir. Il est devenu vraiment proche de toi. Au début, j'ai cru qu'il voulait remplacer Cédric – avec le côté protecteur, faire attention à petite Victoria née-moldue au moment où méchant Tu-Sais-Qui revenait ... Puis même là, il n'y avait pas de comparaison. Peut-être que tu ne voyais pas son regard, Vic', mais moi je l'ai vu. Et crois-moi, ce n'était pas celui de Cédric.

De nouveau, je m'empourprai – assez pour me demander d'où mon corps pompait tout ce sang qui me montait aux joues.

-Tu ... Tu crois que ... il ...

-Je ne peux pas t'affirmer à cent pourcent, me prévint Roger avec prudence. Mais je pense que ce n'était pas que de l'amitié. On n'insulte pas Ombrage par amitié.

-J'avais oublié ça, murmura Emily, saisie. Quand tu as été agressée par les Serpentard ... Il a été si violent, j'ai cru ... Je ne l'avais jamais vu comme ça.

Elle me lança un regard étrange, comme si elle me voyait pour la première fois. Elle passa une main troublée dans ses cheveux blonds et se ressaisit pour dire :

-Bon ... Malheureusement, ça ne change rien au fait que Simon est un handicapé des sentiments – et pire que tout, des relations. Si ça se trouve, il ne s'est pas rendu compte que ce n'était pas normal, son comportement.

-C'est ce que je pense, abondai-je et mon cœur se serra à l'idée. Je pense justement que pour lui c'est normal. Rien n'indique qu'il veuille ... qu'on aille plus loin. (Je poussai un gémissement en me prenant la tête dans une main). Je ne suis même pas sûre moi de vouloir aller plus loin ... J'ai déjà l'impression avec tout ça je vais exploser ...

-Raison de plus pour apaiser les choses, renchérit Roger en hochant la tête. Regarde : Emily et moi on a fini par parler et nous voilà !

Ils se sourirent tous les deux avec tant de bonheur que ça creusa en moi une certitude : si relation il devait y avoir, je ne voulais pas leur ressembler. Je détournai le regard pour le poser sur les mains de Roger et presque aussitôt, les doigts fins de Simon se superposèrent. Je tentai de ramener à ma mémoire des souvenirs, des gestes qu'il aurait pu avoir envers moi qui signifieraient quelques choses. Machinalement, ma main remonta sur ma nuque où les doigts de Simon s'étaient enfoncés après l'attaque des Détraqueurs. « Je te jure que si tu oses m'abandonner pour aller jouer à l'héroïne, je me ferais un plaisir d'aller cracher sur ta tombe ».

Je ne veux pas que tu meures, Vicky.

Vu sous un autre prisme, les mots revêtaient trop d'intensité. Est-ce qu'il en avait conscience ? Avait-il pris conscience de ce qu'on ressentait pour décrocher de pareilles tirades ? Avait-il mis un mot dessus ? Etait-ce le même que le mien ? Je mis une main sur mon front, tiraillée et épuisée à l'avance des nouvelles paniques qui allaient me gagner. Je n'allais plus pouvoir sereinement apprécier les gestes de Simon. Je savais à partir de maintenant que je me demanderais toujours ce qu'il y aurait derrière, s'ils étaient gratuits ou s'il y avait une attention. Ça allait me rendre folle.

Roger parut percevoir mon trouble parce qu'il frictionna mon dos.

-Vic', tu as fait le plus dur je pense. Admettre qu'on ressent quelque chose, ce n'est pas rien ... ça m'a pris un an, j'ai fait souffrir Emily ... Bref, ça cause pas mal de drama. Alors maintenant que c'est évident pour toi, ne te prends pas la tête.

-C'est ... c'est juste ... je ne veux pas le perdre non plus.

-Tu ne le perdras pas, assura Emily avec une pointe de gravité. Vic', Roger a raison ... Il tient à toi. Plus qu'à n'importe qui d'autre, ça crève les yeux. Même si tu lui parles, je suis sûre et certaines qu'il ne prendra pas le risque de te perdre. Il a trop besoin de toi. Tu sais combien de fois il m'a dit « Tu as vu Victoria ? » l'année dernière ? Et maintenant que j'y pense, il faisait toujours une drôle de tête chaque fois que je répondais « Elle est avec Miles ».

-Miles ... Oh la la ... (Je pivotai vers Roger, épouvantée). Mon Dieu, j'ai vraiment été horrible ?

-Disons que c'était évident que ... Tu faisais très attention à Simon. Miles voulait t'en parler, mais je l'en ai dissuadé. Ça allait finir sur un choix et j'étais certain que tu ne le choisirais pas. Je pense que ça l'a pas mal blessé.

Je pris une grande inspiration pour refouler la culpabilité qui m'assaillait. Roger avait raison. J'aurais choisi Simon. Sans hésiter. Et je comprenais parfaitement comment cela pouvait heurter Miles, remettre en cause notre couple, redessiner notre relation. Son amertume me parut alors légitime, comme tout ce qu'il m'avait craché à la figure sous la pluie. Il allait falloir que je m'excuse. Il n'avait fait que me dire une vérité que je n'avais pas entendre. Et que je le veuille ou non, sa lucidité nous avait sauvé des Détraqueurs. Je l'avais remercié en lui hurlant dessus. Décidemment, en plus d'être une mauvaise petite-amie, j'étais une très mauvaise ex-petit-amie.

-Oh la la ...

-Tu sais, tu n'as pas à prendre de décision maintenant, me fit remarquer Emily. Prends quelques jours pour assimiler, et essaie ... d'en savoir plus sur Simon. Sur ce qu'il en est, comment il vous voie ... Et quand tu se sentiras prête, tu lui parles.

-Je lui parles ?

Il y avait la moitié d'un cri d'horreur dans mes mots et Emily esquissa un sourire amusé.

-Oui, tu lui parles. Je vais ajouter un dernier truc : tu te souviens de ce blaireau ? (Elle balança son pouce du côté de Roger). Et de moi qui refusais de lui parler ? Et qui l'aie vu enchaîner copines sur copines ?

-On parle de Bones, rappela Roger en levant les yeux au ciel. Tu lui connais beaucoup de relation depuis Octavia ?

-Je ne sais pas, il nous a bien parlé de l'archiviste de l'IRIS la dernière fois ...

-Qui ça ?!

Je plaquai immédiatement ma main sur ma bouche, horrifiée par le cri révélateur qui venait de jaillir de mes lèvres. Roger et Emily échangèrent un regard entendu.

-Il ne t'a pas parlé d'Adrianne ? demanda Roger avec les prémisses d'un sourire malicieux sur les lèvres. Qui a un an de plus que nous et avec qui il a déjeuné la semaine juste avant ton match ?

Mon sang se glaça véritablement dans mes veines et mon regard alla d'Emily à Roger, à la fois sidéré et horripilé. Non, je ne me souvenais pas que Simon ait évoqué cette fille devant moi – ou alors je devais être occupée à autre chose. La fureur qui m'avait prise face au mystère de son deuxième prénom me reprit immédiatement, vite suivi d'un poison glacial qu'avait convoqué Emily à dessein : la jalousie.

-Il ne t'en a pas parlé, constata Emily, satisfaite. Et moi qui pensais qu'il te disait tout ... Dis-moi, chéri, pourquoi lui aurait-il caché qu'il a déjeuné avec Adrianne alors que nous, il nous en as parlé ? Avec sa gêne et mes techniques d'extorsion habituelles, certes ...

-On ne parle jamais de ça ..., tentai-je de justifier sans que cela n'apaise quoique ce soit.

-Peut-être, concéda Roger en penchant la tête. Mais personnellement quand il nous a parlé – oui gêné comme tout c'est vrai – j'ai eu l'impression qu'il ne voulait pas t'en parler. Alors soit il redoute ta réaction, soit il attend que ce soit plus sérieux pour t'en parler.

-Je vote pour la première, personnellement.

-Attendez, vous me dites tous les deux qu'il se peut que Simon ait des sentiments pour moi, puis vous me faites peur en me sortant votre Adrianne ? Vous vous foutez de moi ?

-D'accord, j'ai peut-être accentué la chose, avoua Emily. Je pense que selon lui, c'est tout bien tout honneur, il essaie de se faire une amie dans son environnement. Mais il n'empêche qu'il ne t'en a pas parlé – et ça signifie quelque chose. Tout comme ton indignation.

Mes yeux roulèrent dans leurs orbites mais je ne pus toujours pas éteindre la révolte en moi – contre le silence de Simon et contre l'objet de ce silence. Le feu faisait rage et brûlait toutes les parties de moi liées à la colère et au ressentiment et je me rendais compte en observant le sourire désabusé d'Emily et Roger que j'étais totalement transparente. Mon amie paraissait enfin réaliser mes aveux, leur implication et semblait presque soulagée d'avoir levé le voile sur moi. C'était notre complicité qui se renouait avec mes confidences et même si Roger s'était discrètement immiscé dedans. Elle claque énergiquement dans ses mains et pointa un index sur moi. Moins violent et accusateur, plus déterminé.

-Voilà le plan, Victoria Bennett. Maintenant que j'ai accepté l'idée, il est hors de question qu'on laisse ça en plan. Première phrase : observe un peu la réaction de Simon, prends sur toi. Deuxième phrase du plan : lui parler parce qu'il va falloir si tu ne veux pas qu'une Adrianne – ou une Cho, ou une Camilla – te passe devant. Parce que même si c'est Simon, c'est une possibilité. Tu veux prendre le risque ?

La réponse était criée sur mon visage. Non. Non, non, non et non. Emily m'adressa un sourire désabusé qui sonnait presque comme une victoire pour elle. Elle m'avait piégée. J'étais piégée. Piégée par l'évidence. 

*** 

C'est bon, vous êtes rassurés? Elle a enfin réalisé? 

Je sais qu'elle a mis un temps fou mais ça devait mettre un temps fou. Simon et Victoria ont une relations trop compliquée pour que ça se fasse d'un claquement de doigt. ça devait se faire sur la durée, par étape. 

Donc voilà, on avance quand même ! J'espère que ce chapitre vous aura plu ! 

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