III - Chapitre 20 : Saisir l'essentiel

LADIES, GENTLEMEN AND NON-BINARY PEOPLE 

Plusieurs choses avant ce chapitre (oui je vous vois frétiller d'ici, je sais que vous aller passer mon intro juste pour sauter sur le chapitre et vérifier SI C'EST BIEN LUI) 

Mais je vais faire mon intro quand même parce que j'aime parler. 

La réécriture de Lucy avance et elle avance plutôt bien ! Je prends un plaisir fou à faire des rajouts qui ne sont là que pour vous faire fangirler, c'est si drôle. Par contre je coupe presque systématiquement mes chapitres en deux : ça va en faire une fanfiction interminable. 

(Pitiéééé me dites pas "mais y'aura plus Scorpiiius" ahah ! Quand vous verrez ce que Anna en fera, vous ne regretterez pas !) 

Secondement : Après trois années de bons et loyaux service, je raccroche mon travail d'assistante d'éducation (surveillante pour les incultes). Pour les collégiens qui sont dans l'assemblée : je sais que nous ne sommes qu'une ombre qui tamponnent vos absences, vous crient dessus pour vous ranger (MON DIEU RANGEZ VOUS AYEZ PITIE DE MA VOIX) et qui vous menacent de vous envoyer chez la CPE. Mais croyez-moi bien que mon petit coeur s'est brisé lorsque j'ai réalisé que c'était la dernière fois que je voyais la bouille de certains de mes élèves - OK, il se peut qu'il y ait eu des larmes. Ils m'ont apporté et j'espère leur avoir tout autant apporté. Je suis ravie d'avoir pu créer un lien avec eux, d'avoir été à la fois leur tortionnaire et leur confidente. 

Bref, cher.e.s collégien.ne.s, chérissez vos AE et rangez-vous dans la cours et taisez-vous en perme et immense Keur sur vous <3 

Après ce blablatage, je pense que vous avez mérité votre chapitre ! C'est parti ! 

***

L'essentiel est sans cesse menacé par l'insignifiant. 

- René Char 

*** 

Chapitre 20 : Saisir l'essentiel.

J'étais restée la nuit chez les Bones. George l'avait exigé après être revenu et m'avoir vu sanglotant dans les bras d'un Simon complétement désemparé. Mais cette fois, j'avais dormi dans la chambre vide de Susan, au premier étage de la maison quand Simon dormait sous les combles, ma table de nuit couverte de chocolat en toutes sortes. La seule fois où, alors que les cauchemars m'avaient assailli, j'avais ouvert la porte, prête à grimper les deux étages qui me séparaient de lui, j'avais aperçu la lueur chaude de la chambre de George et Rose qui brillait dans le couloir. De quoi me faire rabattre aussitôt le battant et m'y adosser, le souffle court, la tête pleine d'émotion contradictoires.

Je n'avais pas dormi de la nuit. Tout tournait en boucle dans ma tête. Les images que les Détraqueurs avaient fait remonter à la surface, les cris des passants qui ployaient sous le désespoir et quelque part entre tout ça, la raison initiale qui m'avait amenée à Londres, seule, sous la pluie. Mes doigts s'étaient crispés sur les lames de parquet.

« Il pompe énormément de ton attention, de ton énergie ... et de ton amour ».

C'étaient les mots qui m'avaient maintenue éveillée, les yeux grands ouverts sur la fenêtre et la lune laiteuse qui se découpait dans l'obscurité.

Quand je me réveillais le lendemain, elle ouvrait sur une toile de rose et d'orange traversée par de minces panaches blancs. La lune avait été réduit à un spectre translucide que chassait la lumière solaire. Je me frottai les yeux, à moitié endormie. La chambre de Susan baignée dans cette chaude atmosphère soulignée par les couleurs jaunes pastel de la pièce – sans doute un rappel à la maison Poufsouffle. Je pressai ma joue contre l'oreiller et effleurai du bout de l'index la boite à musique qui décorait l'autre table de nuit, un coffre rectangulaire de bois vernie usé par les années. Ma gorge se serra. Susan me manquait.

Pour ne pas sombrer dans la morosité, je me forçai à me redresser en engloutis un morceau de chocolat. L'amertume qui se diffusa dans ma bouche réveilla mes sens et me permit de réellement émerger du sommeil. A la lumière chatoyante et bienveillante du jour, la scène de la vieille ressemblait à un mauvais rêve. Je pris le temps de m'imprégner de la chaleur des rayons sur ma peau et de la vision apaisante de la campagne qui se réveillait lentement avant de prendre mon courage à deux mains et d'enfin sortir de la pièce. La porte de George et Rose était toujours entrouverte, mais la lumière était éteinte. Je me dirigeais à pas de chat vers le grand escalier, mes chaussures dans une main et ma cape dans l'autre. J'étais prête à faire à laisser un mot et à faire ce que je faisais le mieux : fuir.

Mais comme chaque fois, Simon Bones contraria mes plans. Je le découvris allongé dans le sofa, vêtu du même pull délavé que la veille, les cheveux en batailles dont quelques mèches tombaient devant ses yeux. Il lisait un livre à la couverture rigide, si lourd qu'il était obligé de le caller contre ses cuisses repliées, et soutenait sa tête de son poings serré. Je m'immobilisai à quelques marches de la fin, tétanisée – exactement comme lui la veille. Le tapis avait rendu mes pas sourds et il n'avait pas bronché à mon arrivée. Ses sourcils s'étaient froncés, mais la contrariété semblait plus venir de son livre que de moi.

Je ne sus pourquoi je restais là, à le contempler, à observer comme la lumière pâle faisait ressortir le cuivre dans ses cheveux rendus châtains par l'hiver. Comment ses lèvres se tordaient dès qu'il lisait un passage complexe. Comment ses longs doigts jouaient avec le coin de la page, impatients de la tourner et de découvrir d'autres univers. Chaque mimique, chaque geste, chaque changement de respiration sonnait en moi, faisait sens. J'interprétai si bien son langage corporel que je parvenais presque à lire dans son esprit. Et pourtant, quelque chose avait changé. J'avais l'impression de le contempler pour la première fois. Mon cœur se mit à cogner fort contre ma cage thoracique et je me stabilisai en agrippant la rambarde d'ébène de l'escalier.

« Ce n'est pas normal de se mettre dans des états pareils pour quelqu'un qu'on n'aime pas ».

Miles avait raison. Ce n'était pas normal.

Je pris conscience qu'il y avait bien cinq minutes que je le fixai, sans bouger, sans parler, figée sur les marches comme une statue de sel. Si jamais il me prenait sur le fait ... Mes joues s'embrasèrent à l'idée et je dévalai bruyamment le restant des marches. Simon braqua aussitôt son regard vert sur moi.

-Ah. Salut.

Le salut était raide et dépourvu du moindre sourire. Ses mains s'étaient crispées sur son grimoire et il paraissait hésiter. Je me souvins dans quel état il m'avait laissé hier soir, en plus doute et désespoir. Il devait être difficile pour lui d'imaginer dans quel état je serais une fois réveillée alors je décidai de le rassurer :

-Ça va mieux.

Ses doigts se détendirent sur les pages et il m'adressa un faible sourire. Je restai quelques secondes devant l'escalier, résistant à l'envie de prendre mes jambes à mon cou. Mais une fuite engendrerait plus de question que de réponse alors que je me fis violence pour m'assoir sur le bras d'un fauteuil, dans une position assez précaire pour faciliter une échappatoire.

-Qu'est-ce que tu fais ici ?

-Parce que tu as dormi, toi ?

-Peu, admis-je.

Ne pas le regarder dans les yeux, ne pas le regarder dans les yeux. J'avais trop peur de ce que j'avais vu se refléter dans ses yeux, hier. De ce que j'avais lu lire de moi. On disait que les yeux étaient la fenêtre de l'âme, mais la vérité c'était que c'était la mienne que j'avais vu se refléter dans ceux de Simon. Celle que j'avais été à deux doigts de perdre, réalisai-je brusquement, glacée. Un silence épais s'installa entre nous, âpre, presque pesant. Je n'arrivais pas à déterminer si c'était la réalité, ou simplement la déformation de mon propre malaise. Simon lissa une page de son livre. Ses yeux ne bougeaient plus d'une ligne à l'autre : il avait cessé de lire. Mais le pli entre ses sourcils s'était accentué.

-Bon. Si ça va ... Tu vas enfin m'expliquer ce que tu faisais à Londres ?

Certainement pas, fut la réponse que me cria mon cœur, complétement paniqué. Il se mit d'ailleurs à battre comme un oiseau effrayé dans ma cage thoracique. Mais j'étais également grandement consciente du chaos que je risquais d'engendrer si j'osais ne pas lui répondre. Je gardais les yeux rivés sur ses doigts qui tapotaient le coin de la couverture d'un geste mécanique, à intervalle chaotiques. Il joue.

-Je devais parler à Miles.

Les lèvres de Simon se tordirent et je reconnus toute la réticence qui l'avait habité l'année dernière, chaque fois que j'avais souhaité évoquer ma relation avec lui et qu'il m'avait repoussé. Le seul fardeau qu'il n'ait pas voulu partager. Peut-être que cette retenue l'habitait encore et protégea d'un questionnement plus insistant.

-Ça ne pouvait pas attendre ... Je n'en sais rien, qu'il fasse clair ou que vous vous fixiez rendez-vous dans un endroit plus sûr ? Oh Vicky, râla-t-il lorsque je levai les yeux au ciel. Inverse les rôles, s'il te plait : comment tu aurais réagi si j'avais atterri chez toi après une attaque de Détraqueurs et qu'en plus j'avais été aussi imprudent que tu l'as été ?

-Je n'ai pas ...

Je ravalai mes mots au dernier moment. J'avais été imprudente, il ne servait à rien de le nier. Mon regard glissa vers la fenêtre, dans l'espoir d'y voir le hibou qui amènerait La Gazette. Peut-être que le journal me renseignerait sur leur sort ... Même s'il y avait peu d'espoir. Cinq Détraqueurs, moins d'une dizaine de moldu ... Je me laissai tomber dans le fauteuil, les jambes sur le bras et les pieds pendants dans le vide, épuisée, la gorge serrée. Je sentis les larmes me monter aux yeux, mécaniquement et pressai mes paumes contre mes yeux pour ne pas les laisser couler. Presque aussitôt, une main se referma sur mon épaule et je laissai échapper un son à mi-chemin entre le rire et le gémissement.

-Ecoute ...

Je localisai la voix de Simon un peu plus pas et devinai qu'il s'était accroupi auprès de moi. Je ne voulais pas savoir. Je ne voulais pas me retrouver dans la situation de la veille. La main de Simon caressa mon épaule avec douceur.

-Je me doute que c'était éprouvant ... Alors je ne vais pas m'énerver, je pense que tu as compris toute seule ... Mais Vicky ...

-Je sais. Je suis désolée ... Mais sérieusement qu'est-ce que tu voulais que je fasse ... ? Ils ne dont rien, absolument rien, pour protéger les moldus de nous ...

-Ce n'est pas complétement vrai. Il y quelques dispositifs de pris – crois-moi, le 10, Downing Street est aussi protégé que le Ministère lui-même ... Et il y a beaucoup d'association de défense des moldus qui lancent des sorts de protections, voire font des rondes dans les endroits à risques, Renata m'en a parlé la dernière fois. Elle les a vu faire pendant une mission.

J'écartai légèrement mon index du majeur pour pouvoir avoir un visuel sur l'escalier et m'assurer que Rose et George n'entendaient pas notre conversation. Elle était partie sur un sujet plus neutre, plus rationnel pour moi et je me remis à respirer plus librement. La main de Simon me parut soudainement moins lourde sur mon épaule.

-Mais ceux qui sont affectés par notre présence, comme au Ministère ... ils savent qu'il est régulièrement la cible d'attaque de Détraqueur, pourquoi ... ?

-Vicky, je ne dis pas que tout est parfait. Evidemment que la priorité de Scrimegeour se sont les sorciers et que concernant les moldus, l'important est que leur tête pensante le demeure. Evidemment que le commun des mortels n'est pas sa priorité. Evidemment aussi que c'est révoltant. Mais je pense qu'on en fait déjà assez pour exprimer notre révolte, non ?

Je laissai échapper un petit ricanement et baissai enfin les mains pour découvrir mon visage. Heureusement, j'avais réussi à refouler le gros des larmes.

-Depuis quand tu es devenu si sage ?

-Depuis que tu es devenue une véritable tête brûlée. Il faut bien garder l'équilibre.

J'essuyais un petit rire et ma main se perdit sur mon sternum. Mon cœur ne battait plus si fort et avait repris un rythme régulier alors que la situation me paraissait depuis en plus normale. Je daignai enfin baisser les yeux sur Simon. Il était effectivement accroupi près du fauteuil, pieds nus, son grimoire coincé entre ses jambes et sa poitrine. Un sourire amusé avait retroussé ses lèvres mais maintenant qu'il était proche je voyais les cernes sombres qui marquaient sa peau. Et malgré ma culpabilité, je me sentais ... Bien. Apaisée. En sécurité.

Alors pourquoi tous ses troubles ? Pourquoi toutes ses questions qui jaillissaient subitement ? Pourquoi toutes ses réactions qui étaient évidemment disproportionnées, seulement parce qu'il s'agissait de lui ? Pourquoi quand tout s'était effondré, il n'était resté que lui ? Pourquoi tout était normal sans l'être ?

Quelque part, j'avais conscience que la réponse se trouvait dans les paroles de Miles.

J'étais en train de songer que je fixai Simon depuis beaucoup trop longtemps quand des pas précipités se firent entendre à l'étage. Simon se redressa d'un bond et sa main glissa de mon épaule au coin du fauteuil. Je n'eus pas le temps de me sentir déçue que Rose apparaissait dans l'escalier, en robe de chambre, le visage déformé par la fureur et une lettre froissée dans sa main.

-Simon, je peux savoir pourquoi Lysandra Grims me propose que l'on passe noël chez elle ?!

-Peut-être parce qu'elle m'a demandé ce qu'on faisait à noël et que j'ai répondu qu'on le fêtait en famille, répondit Simon avec un flegme qui m'impressionna.

Rose plissa des yeux et son regard passa brièvement sur moi. Je me fis toute petite dans le fauteuil. J'avais permis le lien entre Lysandra et Simon ; Rose devait l'avoir compris et m'en tenir pour responsable.

-Tu veux passer noël avec cette femme ?

-Cette femme, c'est ma tante, rétorqua Simon.

-Ta tante ?! Elle est absente de ta vie depuis quinze ans ! Elle a quitté l'Angleterre, Simon, elle t'a laissé derrière ! Elle ne mérite pas ...

-Si elle était absence, c'est que personne ne lui a laissé de place, ni toi, ni moi ! Mais maintenant je suis prêt à le faire alors est-ce que, s'il te plait, tu pourrais me soutenir ? Ou c'est trop demander ?

La mâchoire de Rose contracta et son poing se serra sur la lettre qui émit un froissement d'agonie. Elle riva un regard déchiré sur son fils d'adoption, l'enfant qu'elle avait sorti du placard et élevé en lieu et place de Cassiopée Bones. Seigneur que ça devait être douloureux de voir une autre femme, une autre Cassiopée, débarquer dans la vie de cet enfant à qui elle avait tout donné et qui menaçait de le lui arracher.

Pire, Lysandra, c'était la vérité qui jaillissait. Et cela devait l'ébranler dans son identité de mère.

George apparut silencieusement derrière sa femme et lui prit délicatement la lettre. Il la défroissa et lut les mots qu'elle contenait d'un air impassible.

-Chez elle, c'est peut-être prématuré, évalua-t-il calmement. Mais ce ne serait pas une mauvaise idée de les inviter chez nous ...

-Tu n'y penses pas ! s'écria Rose, incrédule. Lysandra ... ici ...

-Si Simon a décidé de leur faire une place dans sa vie, il va bien falloir qu'on leur en fasse une dans la nôtre, rétorqua-t-il avec une certaine sévérité. C'est à lui de décider.

Le regard du couple tomba sur leur fils, qui pâlit sous ses tâches de rousseurs. Il croisa les bras sur sa poitrine, comme pour se protéger de la responsabilité qui tombait sur ses épaules.

-Je ne suis pas le seul dans cette famille, protesta-t-il. Alors ... Si Susan et Caroline le sont, disons que je le suis.

-Elles ne cracheront pas sur un cadeau en plus, plaisanta George, visiblement soulagé.

-Elles n'ont plus dix ans !

-Simon non plus, arrête de le materner.

Rose ouvrit la bouche, puis la referma, visiblement outrée. Elle descendit les dernières marches et Simon s'assit sur le bras de mon fauteuil avec un soupir. Mes joues s'échauffèrent quand son bras effleura mon épaule et l'intensité redoubla lorsque je perçus le regard de George sur moi, songeur. Je mis une main sur mon visage et feignis de le frotter pour en cacher la rougeur.

-Si tu préfères, on pourrait faire une fête dans un cadre plus ... global, proposa George sans me quitter du regard.

-C'est ce à quoi je réfléchissais, avoua Simon.

-A quoi ? demandai-je, perplexe.

-A vous inviter vous, me répondit George avec un petit sourire. Venez chez nous à noël. Comme ça, ça évitera à Rose et Lysandra devoir trop se parler.

-Ah, ah, laissa sombrement échapper sa femme en planta sur lui un œil noir.

Elle prit une gorgée du thé qu'elle venait de se faire. Malgré son scepticisme, elle paraissait réellement réfléchir à la proposition de George.

-Marian avec Lysandra ... J'aimerais bien voir ça, tiens.

La question méritait d'être posée connaissant le caractère volcanique des deux femmes. Mon regard passa de George à Rose avant que je ne me torde le cou pour consulter Simon du regard. Mon cœur manqua un battement lorsque ses yeux se baissèrent sur moi.

-Euh ... (Je toussai pour reprendre constance et faire passer la sensation étrange dans ma gorge). On le fête avec mes grands-parents mais ...

-Ah Miro, se souvint Rose et cette fois un sourire retroussa ses lèvres. Encore mieux, amène-le !

-Rose ..., soupira George.

Sa femme le gratifia d'un sourire inquiétant, cynique sur son beau visage. En une seconde, je me souvins que Rose était une puissante sorcière, une femme de tête – digne du nom des Bones. Elle s'enfonça dans sa chaise et dressa un sourire provocateur.

-Si tu as tes invités, j'ai les miens !

-Maman, râla Simon.

Il fit un geste vague de la main et effleura mon épaule. Mon ventre se contracta immédiatement et je levai très soudainement, d'un bond. Simon me jeta un regard surpris.

-Ça va ?

Vic', ne rougis pas ce n'est pas le moment ! Je doutais que mes joues aient obéies à cette injonction mais je me forçai à sourire pour faire illusion.

-Oui, oui. Je dois juste rentrer chez moi, mes parents vont s'inquiéter ...

-On les a prévenus, hier soir, m'assura George. Je leur ai expliqué, normalement ils ne te poseront pas trop de question ... Je pense qu'il vaut mieux que tu te reposes.

Une vague de reconnaissance monta dans ma poitrine et je remerciai George d'un sourire timide. Effectivement, je doutais être capable de supporter l'inquiétude et les questions de mes parents alors que je sentais encore les stigmates des griffes que le désespoir avait resserré sur mon cœur. Je saluai la famille d'un vague geste de la main et pris soin de tourner le dos à Simon. Mais visiblement, ce n'était pas assez car je venais à peine d'ouvrir la porte que j'entendis :

-Vicky, attends !

Je me tournai à peine vers Simon qui venait de me suivre brusquement dans le vestibule. Il s'accouda à l'encadrement de la porte. Il avait toujours son grimoire sous le bras et son front était barré d'une ride soucieuse qui fit remonter mon cœur dans ma gorge.

-Tu veux que je vienne avec toi ?

La proposition me prit au dépourvu, si bien que j'eus un mouvement de recul qui fit se hausser les sourcils de Simon. Mon cœur s'était mis à battre comme celui d'un oiseau terrifié.

-Non ... merci, ça va aller ...

-Tu es sûre ? Avec ce qui s'est passé hier ... Vicky, il ne faut pas rester seule avec ses images.

Les images en question hantèrent l'espace d'un instant mon esprit. Son regard était si grave que je me demandais ce qu'il pouvait bien voir et entendre à l'approche d'un Détraqueur – à quel point il pouvait comprendre. Il avait raison : je ne voulais fermer les yeux et me retrouver face à des cauchemars. Cela me troubla assez pour que je songe vaguement à accepter, avant d'effleurer son regard et que mon cœur ne manque un battement.

Mais pas maintenant. Maintenant il était devenu une image de plus qui me hantait. Et c'était insupportable.

-Simon, j'ai juste besoin ... de faire le point.

Au moment où je prononçais cette phrase, je me rendis compte d'à quel point elle était vraie. Il y avait quelques semaines que j'avais consciente d'être troublée et que les troubles concernaient Simon, mais j'avais décidé de faire l'autruche pour garder un semblant normalité dans ma vie.

Sauf que ce n'était pas normal. Pas normal de se mettre dans des états pareils pour quelqu'un qu'on n'aime pas. Mais devant son regard de plus en plus circonspect, je me forçai à sourire.

-Et de dormir. Tu ne serais pas très utile.

Simon pinça des lèvres et m'observa un instant, l'air moitié blessé, moitié mortifié. Son pied frappa deux ou trois fois l'embrassure de la porte et il finit par river son regard dans le jardin.

-Je n'en sais rien, lâcha-t-il du bout des lèvres. Toi tu l'as été ...

Mes joues s'empourprèrent violemment quand je me souvins de toutes ses fois où je l'avais en effet accompagné dormir – juste pour être certaine qu'il dormirait. Et quand bien même j'étais touchée par ce besoin qu'il avait d'être là pour moi comme je l'avais été pour lui, la proposition ne faisait que remuer tout le marasme de sentiment dont j'essayais de m'extirper.

Et lui ? Il trouve ça normal ?

-Simon, ça va aller, je t'assure. Je viens te voir ce soir, d'accord ?

Il paraissait toujours dubitatif et un instant je craignis qu'il n'impose sa présence mais je ne lui en laissais pas le temps : sans réfléchir, je m'approchai de lui et effleurai sa joue d'un baiser bref, mais qui le tendit immédiatement comme il fit s'emballer mon rythme cardiaque.

-Merci pour hier. J'avais besoin qu'on me remette les idées en place ...

Je ne pris pas le temps d'analyser sa réaction ou même de le laisser répondre, je fis volte-face et m'enfuit le long de l'allée qui donnait sur la route principale de Terre-en-Landes. Réprimant les envies folles de me mettre à courir ou de jeter un regard en arrière, je mis une main sur ma poitrine où mon cœur s'était mis à battre à un rythme erratique.

Et derrière moi, je n'entendis la porte se fermer que lorsque je tournais à un virage qui rendait le contact visuel impossible.

***

Mes parents ne paraissaient pas opposer à l'idée d'un noël chez les Bones. Ma mère en particulier s'était fendu d'un sourire soulagé et m'avait avoué à demi-mots que cela permettrait à mon père et au sien de ne pas avoir à discuter ensemble. La situation demeurait tendue entre l'ancien prodige de Durmstrang et le pasteur. En revanche, mon père s'était immédiatement inquiété de mon état dès que j'eus posté un orteil chez moi. George les avait prévenus de l'attaque et j'étais arrivée toujours pâle et hébétée, assez affectée pour que je demande à ne pas assister à la séance d'entrainement prévue le mercredi. J'avais donc eu le droit à une note venant du président lui-même, pleine de mordant, qui se finissait par un « Bon rétablissement et j'espère vous voir pour les fêtes ! »

Le hibou porteur du message était apparu dans la fenêtre de la cuisine, arrachant un cri de surprise à ma mère. Mais une fois l'oiseau posé en équilibre sur l'une des chaises, elle s'était mise à le caresser, d'abord d'une main tremblante puis avec de plus en plus de conviction. C'était un magnifique hibou grand-duc aux plumes mouchetée et au port royal.

-Il est beau ...

-Il est trop grand, jugeai-je en fronçant du nez. Tu imagines la cage qu'il faudrait pour un tel oiseau ?

-Oh, les pauvres, vous les mettez en cage ... ?

-Hé ! Il y a un an à peine, tu ne voulais pas de hibou dans cette maison !

Ma mère me gratifia d'un sourire malicieux et je levai les yeux au ciel. C'était le mercredi soir, deux jours après l'attaque. Je n'avais pas quitté la maison et avait profité de ces jours de repos pour me recentrer sur moi et y voir plus clair dans tout le marasme de sentiment qu'avait révélé Miles et les Détraqueurs. Mon cœur se serra quand j'y repensais. La Gazette avait brièvement fait mention de trois moldus qui avaient perdus leur âme, sans détailler leurs identités. C'était pour le mieux, avais-je tenté de me convaincre, au bord des larmes. Ces gens avaient déjà un visage : s'ils avaient eu une identité, j'aurais plus cruellement encore ressenti leur perte. Et mon impuissance.

Mais ce que ça prouvait surtout, c'était l'indifférence des sorciers concernant les moldus. Peut-être pas l'ensemble, mais une majorité silencieuse continuait de penser que seules leurs vies comptaient dans cette guerre. Cela avait ravivé mon sentiment de révolte qui expliquait que je me sois particulièrement investie dans mon projet avec Octavia. Les parchemins qui en découlaient jonchaient à présent mon bureau, ma table de nuit et ma commode, si bien que je ne pouvais travailler que sur mon lit.

Ma mère parut me sentir songeuse car sa main quitta le hibou pour venir se poser sur mon épaule.

-Ça va ma chérie ?

-Oui, la rassurai-je en m'efforçant de sourire. Ne t'en fait pas, ça va mieux ...

Une moue dubitative déforma sa lèvre. Elle jeta un coup d'œil à la porte vitrée qui nous séparait du salon et poursuivit :

-Tu es sûre ? Je te sens ... éteinte, depuis quelques jours. Tu n'es pas avec nous. Alors je me doute que c'est à cause de ce qui s'est passé mais ...

-Ça va.

Ma voix était plus ferme et les lèvres de ma mère se pincèrent. Vexée par mon ton péremptoire, elle se détourna de moi et de l'oiseau et fouilla dans les cartons de décoration de noël que mon père et moi venions de descendre du grenier. Il y avait une éternité – sept ans – que je n'avais pas participé à la décoration de la maison et cela m'avait sorti de ma bulle de réflexion et de morosité. C'était peut-être pour cela que j'étais si froide face à la volonté de ma mère de me faire parler. C'était la première fois que j'étais de réelle bonne humeur depuis deux jours et je ne voulais pas renoncer à ça. D'autant que je n'acceptais pas cette insistance venant d'elle. Nous n'avions jamais eu une relation mère-fille complice, confidente. Même petite, avant d'avoir conscience que j'étais une sorcière, j'avais toujours été plus proche de mon père. Je lui ressemblais plus et inconsciemment, je prenais le parti d'Alexandre contre elle. Alors faire des confidences, parler de mon intimité et de manière générale m'ouvrir par ma mère était un mécanisme qui avait été rouillé depuis trop longtemps pour qu'il me paraisse instinctif et naturel.

La porte claqua, annonçant l'arrivée de Melania et Alexandre qui venaient dîner – et aider à décorer le sapin. Mon frère ne pouvait résister à l'idée de retomber en enfance malgré ses vingt-deux ans. Ma mère se précipita dans le salon et je profitai de son absence pour attacher ma réponse à Leonidas Grims. Cela fait, j'ouvris la fenêtre et le hibou s'élança dans le crépuscule, ses deux grandes ailes déployées de chaque côté de son corps. Je l'observai s'élever de plus en plus haut dans les cieux jusqu'à ce que j'entende la porte de la cuisine s'ouvrir. Melania se tenait dans l'encadrement, un carton d'où dépassait des guirlandes callé contre la hanche et un immense sourire aux lèvres.

-Alors, tu viens nous aider ? Alexandre frétille déjà !

Son enthousiasme finit par me contaminer et je la suivis dans le salon. Mon père avait installé le sapin dans un coin de la maison et il se retrouvait entre l'antique buffet de mon arrière-grand-mère que ma mère rêvait de pouvoir jeter et la télé. Alexandre n'avait pas attendu qu'il achève de le caller pour commencer à placer la lumière et Melania enroula gaiement une guirlande autour de son cou.

-Je n'ai jamais l'occasion de le faire chez moi, c'est toujours notre elfe de maison qui s'en occupe !

-Et l'un de mes enfants athées a-t-il songé à descendre la crèche ? s'enquit mon père, toujours occupé à stabiliser le sapin.

-Non, heureusement que tu as une femme croyante, rétorqua ma mère.

Elle était d'ailleurs occupée à la dresser sur le coffre dans lequel nous rangions tous nos albums photos. Les pièces étaient vieilles. La peinture s'écaillait et Alexandre avait cassé Joseph quand nous étions petits. Mon père l'avait mal recollé et sa tête était tordue. Il y avait des années que ma mère voulait en acheter un neuf, mais mon père était réticent : encore une fois, il s'agissait d'un héritage familial. Ses gestes étaient peu soigneux, et mon père nous abandonna pour éviter qu'elle ne casse une nouvelle figurine. Alexandre accrochait déjà des boules et je lui mis une tape sèche sur la main.

-Les guirlandes d'abord, enfin !

-Ça fait sept ans que tu n'es plus là et tu veux m'apprendre à faire un sapin ?

-Alex, soupira Melania.

Elle me donna raison en retournant la boite à guirlande sur la tête de mon frère, faisant de lui un véritable sapin vivant et brillant de mille feux. J'éclatai de rire lorsqu'elle noua élégamment la plus touffue et la plus criarde d'entre elle autour de son front. Mon hilarité effaça les dernières traces de brumes glaciales que les Détraqueurs avaient pu laisser et je me perchai sur une chaise pour disposer les guirlandes. Melania était grande et n'avait pas besoin de cela, mais ni elle, ni moi, ne sortions la baguette. Cette fois, c'était à la moldue.

-Tiens, tu l'accroches ?

Alexandre me tendit une décoration particulière, la silhouette d'une danseuse classique dont le tutu de tulle blanche m'avait toujours fasciné petite. Je le saisis et effleurai l'étouffe avec l'impression de redevenir la petite fille de l'époque. Je baissai les yeux sur Alexandre, touchée et il me gratifia d'un sourire complice avant que je ne l'accroche bien en évidence. Melania prit ma main pour se hisser avec moi sur la chaise et pouvoir accrocher l'étoile.

-Au fait, me souffla-t-elle. Mon frère a fouillé les comptes de la fondation et même les comptes familiaux ... Et figure-toi qu'on a découvert que ma mère a un compte en son propre.

La révélation me fit vaciller et ce fut mon frère qui me stabilisa en m'attrapant par les hanches. Je le remerciai avant d'ouvrir de grands yeux sur Melania.

-Vraiment ?

-Oui. On suppose que c'est sa dot, en fait et que mon père lui a laissé libre accès. Après, difficile de dire ce qu'elle en fait ... mais beaucoup d'argent en sort, c'est certain. Alors que l'année dernière encore, il était plein, intact.

Un pli soucieux apparut au coin de sa lèvre et elle échangea un regard sombre avec Alexandre. La main de mon frère s'était crispée sur mon dos.

-Evidemment qu'on peut en déduire que ces sorties d'argent ont un rapport avec Nestor, voire avec les Mangemorts. Ulysse va essayer de voir où elles vont, ça nous aidera.

-D'accord ... d'accord, merci Mel.

-De rien. Au fait ... (Son regard s'adoucit) Tu t'es remise de l'attaque, ça va ?

-Mieux ...

-Tu n'aurais rien pu faire de plus, Vic' ...

-Je sais. Vous pouvez arrêter de me le rappeler ? C'est frustrant.

Alexandre eut un ricanement amer et s'éloigna de nous.

-Au moins maintenant tu sais que c'est ...

Melania et moi nous accordâmes pour baisser un regard peu amène sur lui. Il était évident qu'Alexandre restait frustrer par sa condition de moldu. Mais l'attaque des Détraqueurs m'avait rappelé une chose terriblement injuste mais flagrante : les moldus étaient impuissant et démunis contre la magie. Ils ne pouvaient pas lutter. Et Alexandre, malgré toute sa bonne volonté, ne pourrait jamais lutter si un sorcier se présentait devant notre porte. Enervée contre son insinuation, je sautai à bas de la chaise et me retranchai dans un carton de décoration. J'entendis Melania soupirer :

-Victoria ...

-Quoi ?

J'en avais assez des piques d'Alexandre. J'avais fait une bêtise que je pensais avoir amplement payer sur ce toit : je n'y pouvais rien si ça continuait de le hanter. J'émergeai du carton pour voir Melania fusiller mon frère du regard – ce qu'il lui rendait bien. Ce fut à son tour de lâcher de but en blanc :

-Quoi ? Parfois j'ai l'impression que vous ne vous rendez pas compte de ce que c'est ...

-Bien sûr qu'on s'en rend compte, rétorqua Melania. Et je ne sais pas si tu as remarqué mais on essaie d'atténuer ça ! Je n'arrête pas de tout t'expliquer, tout ce qui se passet et on t'a associé à nos plans, on te dit tout ! Je ne sais pas ce que tu attends de plus de nous, Alex !

-Ce n'est pas de toi qu'il attend quelque chose, maugréai-je.

Je m'étais assise en tailleur, le carton sur mes jambes, incapable de lever les yeux sur le couple. J'entendis simplement Melania redescendre de la chaise pour poser une main sur l'épaule d'Alexandre. Il se dégagea.

-Et qu'est-ce que ça veut dire, Tory ?

Mes lèvres se tordirent et je coulai un regard vers mes parents. Ma mère avait disparu mais mon père nous lorgnait du coin de l'œil depuis que nos voix s'étaient haussées. Sans lever les yeux, je fouillai dans les décorations, sans savoir ce que je cherchais.

-Que j'ai l'impression que tu continues de m'en vouloir et que ça commence à devenir pesant ...

-Evidemment que je t'en veux toujours.

-Alex !

Mon père s'était redressé, délaissant enfin la crèche et Alexandre leva les yeux au ciel.

-Oui papa, je sais j'ai tort. Tu m'as appris à pardonner parce que nous croyons en un dieu de miséricorde et de pardon, que je ne suis personne pour la juger et que si erreur il y avait à juger, l'autorité légitime le fera un jour ! Tu vois, j'ai bien retenu tes leçons, mais je suis incapable d'oublier que ma sœur m'a menti et m'a manipulé pour détruire mon couple !

-Mais parce que tu es le seul auquel elle a menti, tu crois ?

Je n'avais même pas eu le temps de réfléchir à une réponse et de me rendre à quel point j'étais blessée par le ton acerbe d'Alexandre que le constat calme de mon père me meurtrissait davantage. Mon frère fronça les sourcils et mon père poursuivit :

-Je rappelle tout de même que nous n'étions pas plus au courant que toi. Comme nous n'étions pas au courant de la menace qui pesait sur notre famille : des sorciers auraient pu débarquer et nous tuer sans que nous ne comprenions la raison. Ajoute à cela la nature de ton grand-père qu'elle connaissait, ainsi que ses actes et qu'elle a choisi de dissimuler à ta mère. Tu n'es pas le seul à qui on ait menti et qu'on ait manipulé, Alexandre.

La mâchoire de mon frère se contracta mais il ne baissa pas le regard face à un Edward Bennett imperturbable.

-Pourtant, oui, il nous faut passer outre, asséna-t-il avec une certaine sévérité. Parce qu'il faut aller de l'avant. Parce que nous sommes un peu coupables de ses mensonges – nous n'avons pas écouté Victoria comme il le fallait ...

-Vous ne l'avez pas écouté, moi je l'ai fait ! Je l'ai écoutée, je l'ai soutenue et elle ...

-A essayé de te sauver, cracha Melania. Elle voulait te protéger tête de mule, intègre ça !

-Et peu importe, au final, renchérit mon père. Peu importe, parce que nous sommes une famille. C'est pour ça que nous décorons la maison ensemble, c'est pour ça que nous nous retrouvons toutes les semaines, c'est pour ça que nous sommes liés les uns aux autres. Peu importe les blessures qu'on s'inflige ou les épreuves qu'on traverse – et Dieu que tu as été une épreuve, Alexandre Miroslav Benedict Bennett. Et Dieu qu'il y a des épreuves qui nous attendent. Si tu continues de te laisser ronger par le poison, tu t'affaibliras. Tu nous affaibliras. Nous avons besoin d'être soudé face à ce qui nous arrive, Alex. Alors, oui, je te demande de passer outre.

Alexandre paraissait moins agressif, malgré ses poings serrés et sa mâchoire contractée. Je ramenai le carton contre mon ventre, le cœur au bord des lèvres. La conversation, mes explications m'étaient totalement confisquées. C'était difficile d'être à la fois actrice et spectatrice mais j'avais l'impression le moindre mot qui sortiraient de mes lèvres envenimerait la situation. Saint-Edward était la personne toute disposée à apaiser les choses, même si ses mots plantaient des piques glacés dans mon ventre.

-Si c'était si simple ...

-Arrête de te regarder, Alexandre. Regarde un peu les autres, regarde leurs peines et leur douleur. Tu te concentras un peu moins sur la tienne après ça et elle se calmera d'elle-même.

Sans laisser le temps à mon frère de répondre, il s'en fut dans la cuisine, nous laissant tous les trois silencieux et penauds. Le regard d'Alexandre s'était baissé sur mon carton, pour avoir un visuel sur moi sans réellement me regarder. Comprenant que personne n'avait le cœur à prendre la parole, je finis par lâcher du bout des lèvres :

-Je suis désolée.

Cette fois, Alexandre me regarda. Il ne semblait plus si furieux, juste ... épuisé. Comme pour le prouver, il s'affala sur le tapis, à quelques centimètres de moi

-Moi aussi. Bon sang, je sais que je suis dur Tory mais ... ça l'était. Réellement.

-Ça l'est toujours pour moi, tu sais.

Alexandre soupira et passa une main dans ses cheveux bruns. J'avais toujours été fasciné par la façon dont nous nous ressemblions sans nous ressembler. Les cheveux bruns de maman, les yeux gris de papa ... Mais lui tenait plus des Bennett par le visage et des Liszka par le caractère quand moi c'était l'inverse. Nous avions été si proches petits ... Il avait raison, il m'avait toujours écouté. Il avait toujours été là pour me soutenir dans mon identité de sorcier et cela me manquait énormément.

Enfin j'avais toujours Simon. Mais à présent, même du côté de Simon je sentais les choses vaciller.

Mon cœur se mit à battre plus fort et je chassai son souvenir de mon esprit. Mon père avait raison : Alexandre était tellement concentré sur sa peine qu'il ne voyait pas celle des autres. Il ne comprenait pas que j'avais meurtri la famille entière. Il ne comprenait pas que je souffrais de la situation que j'avais créé. Mais en même temps, qui lui avais dit ? Il n'avait jamais été doué pour deviner. Ses lèvres se pincèrent et il me contempla longuement en silence. Je ne sus par quel miracle je réussis à soutenir ce regard. Il finit par soupirer et se relever.

-Peut-être que papa a raison. Il faut que je me reconcentre sur l'essentiel. (Il me tendit la main avec un sourire qui me semblait forcé, mais qui avait pour mérite d'être volontaire). Allez viens, Tory, on va décorer le sapin.

Je pris sa main avec un sourire désabusé et oubliant le carton sur mes genoux je ne redressai. Melania eut à peine le temps de crier son avertissement que les décorations s'écrasèrent sur le sol. Les boules explosèrent, la figurine d'un ange se brisa et tout le fracas attira mes parents, sans doute certain qu'Alexandre et moi en étions venus aux mains. Mais ils nous découvrirent pris d'un fou rire, courbé au-dessus des débris

Après tout. Quelle meilleure période que celle de noël pour retisser les liens ?

***

-Elle a un compte ? !

Tonks était aux anges face à cette information. Debout dans la cuisine du 12, Square Grimmaurd, elle jubilait. J'étais assise sur une chaise, le poing pressé contre ma joue pendant qu'elle parlait seule, agitant les mains avec frénésie :

-Mais si elle a un compte avec l'équivalent de sa dot – qui doit être sacrément énorme – elle peut parfaitement financer son fils et par suite les Mangemorts ! On l'a vue sortir de chez Yaxley, c'est forcément significatif ... Toi ! (Elle pointa un index négligé sur Bill Weasley). Tu peux vérifier ça à Gringrotts ?

L'homme haussa les sourcils, surpris d'être ainsi pris à parti. Il avait toutes les caractéristiques des Weasley : de longs cheveux roux attachés en catogan, des tâches de rousseurs sur son long nez. Mais il marquait son identité par un style affirmé symbolisé par cette dent de serpent qu'il portait à l'oreille. C'était quelqu'un que je voyais assez peu mais que j'appréciais pour son calme flegmatique. Il travaillait sur la grande table de bois massif et ses grimoires et parchemins la couvrait totalement. Mais pas seul. En face de lui, seuls les cheveux blonds en épis de Simon dépassaient d'un épais volume dans lequel il était plongé. Il prenait des notes à l'aveugle, sa plume virevoltant à la surface du parchemin. Je lorgnai sa main et ses longs doigts qui tenaient la plume, décrispés et complétement libéré. Simon était dans son élément. J'entendis à peine Bill répondre à Tonks :

-Je suis Briseur de sort, Tonks, je n'ai absolument accès aux comptes.

-Tu n'as personne à qui ... ?

-Seuls les Goblins ont accès aux comptes. Tu penses vraiment qu'ils feraient confiance aux sorciers ?

-Bon il va falloir qu'on trouve un autre moyen Victoria ... Victoria ?

-Hum ? (J'arrachai mes yeux des doigts de Simon et m'empourprai). Oui, oui ... Je crois qu'Ulysse va vérifier où vont les sommes d'argent.

-Est-ce que c'est vraiment une bonne idée de nous aider de ces gens ?

C'était Podmore, l'homme qui était en binôme avec George et qui avait été blessé dans l'attaque de l'entrepôt des contrebandiers. Il consultait silencieusement des plans de l'autre côté de la table, isolé devant sa tasse de thé que Bill lui avait gentiment préparée. Tonks fronça du nez en le contemplant.

-On prend les sources qu'on peut.

-Je ne me fierais pas à cette engeance à votre place, grogna Podmore avec une grimace. Les Sang-Purs, c'est solidaire. Tout ce qui leur importe, c'est leur rang. Là-dessus, Tu-Sais-Qui a plus de choses à proposer que nous.

-Ça fait plaisir, fit remarquer Bill en dressant un sourcil.

-Et ma mère est Sang-Pure, jamais elle ne prendrait le parti de Voldemort, persiffla Tonks.

Podmore haussa les épaules, l'air indifférent. Il repoussa sa tasse de thé encore pleine et rangea ses plans.

-Vous êtes des brebis galeuses, c'est tout. Bon, je vais voir le chef.

Il s'arracha du banc et monta les escaliers de pierre brutes qui menaient au rez-de-chaussée. Nous savions Maugrey présent, calfeutré dans l'ancien bureau du patriarche des Black. Il était brièvement passé et avait considéré notre groupe d'un air bougon. Son œil incisif s'était planté sur moi, assez pour que je me demande s'il avait eu vent de l'attaque dans laquelle j'étais prise. Tonks attendit que Podmore sorte pour pousser un grognement et Bill la toisa.

-Arrête. Il a du mal à se remettre d'Azkaban ...

Les yeux de Simon émergèrent du grimoire.

-Il a été à Azkaban ?

-Quelques mois. Mis sous Imperium pour forcer le Ministère, en plein cœur de la tourmente ... Et lui n'a pas bénéficier de la déserte des Détraqueurs, bien sûr.

-La situation là-bas reste inquiétante, mine de rien, avoua Tonks à mi-voix. Certains collègues font des rondes et on a recruté de vrais gardiens mais ... Si Tu-Sais-Qui y met toute ta force, est-ce que ça résistera ... ?

Je vis les jointures de Simon blanchir tant il crispait les doigts sur le grimoire et je vis un nom hanter ses iris. Ma gorge se ferma et sans réfléchir, je tentai d'intercepter son regard. Il le saisit, l'espace d'une seconde et il détendit sa prise pour tourner une page avec une négligence feinte. Ni Tonks, ni Bill ne prirent conscience de son trouble mais cessèrent de parler d'Azkaban. La jeune femme fulminait toujours et je profitai qu'elle soit plongée dans ses pensées pour me rapprocher de Simon. Dans l'élan, je me heurtai légèrement à lui, de façon superficielle mais qui suffit à emballer mon rythme cardiaque. Les mots balancés par Miles dansèrent dans mon esprit mais je les fis taire résolument. Il y avait plus urgent.

Fatiguée par ma nuit de veille, je m'allongeai à moitié sur la table, la joue appuyée contre mon bras, le visage tourné vers Simon. Il rivait toujours ses yeux sur les pages, mais un petit sourire s'était mis à ourler ses lèvres.

-Est-ce que tu vas arrêter de me regarder comme si j'allais disparaître ? chuchota-t-il.

-Je me demandais juste si ça allait.

Un tic nerveux agita le coin de ses lèvres.

-Je suis plongé dans un grimoire de magie noire issu d'un manoir glauque qui a appartenu à une famille qui clouait les têtes de leurs elfes de maison sur le mur. Franchement, je vais bien.

J'eus une moue dubitative qui le fit sourire. Je fis vaguement passer les pages jaunis sur mon pouce, à la fois fascinée et dégoûtée. J'avais oublié ce dans quoi Simon était obligé de se plonger : la compréhension de la magie noire. Je l'avais assez peu vu travailler là-dessus et je pensais qu'un un sens, c'était voulu. Il voulait que personne ne leur voit associé à de telles formes de magies. Bill et lui avaient sans doute espérer que Quartier Général vide jusqu'à ce que Tonks et moi débarquent après des heures de surveillance de l'allée des embrumes. Corban Yaxley y était retourné plusieurs fois, assez pour que Tonks soit persuadée que quelque chose s'y jouait. Et la façon dont Simon continuait de se cacher et de se taire derrière les livres en disait long sur son appréciation de l'activité.

Tonks s'était elle penchée sur l'épaule de Bill et lisait les parchemins qu'il consultait.

-Peut-être qu'on pourra vous demander des renseignements, si Yaxley est lié à Barjow et Beurk ...

-Ding te sera plus utile que nous, évalua Bill.

Les yeux de Tonks étincelèrent et elle attrapa son bras.

-Mais oui Ding ! C'est vrai que je pourrais lui demander de surveiller le marché des objets de magie noire et voir si ...

-Bon courage pour le trouver, cingla Bill. Il se cache depuis qu'il a dévalisé le QG ...

-Quoi ? sursautai-je.

-Mondingus, notre escroc domestique. Très utile parce qu'il connait tous les marchés parallèles, les petites bandes de délinquants ... Tout le monde souterrain de la communauté de sorcier. Mais il se met un peu à l'écart en ce moment ... (Il désigna d'un large geste de bras l'ensemble de la maison). Il a pillé le QG à la mort de Sirius, depuis il se cache de Maugrey et de Dumbledore ... il n'a pas pu résister à se faire un peu d'or.

-Bah ne t'inquiète que je vais le retrouver notre petit rouquin.

Elle eut alors l'air de se concentrer intensément, comme si elle tentait de rappeler un souvenir à sa mémoire. Mais rien ne parut venir car elle poussa un profond soupir de frustration et laissa aller sa tête entre ses bras, ses cheveux couleur souris épars sur la table. Bill lui tapota le bras.

-Détends-toi, ça va venir ...

Tonks eut l'ombre d'un sourire et le gratifia d'une bourrade.

-Arrête, ta fiancée va être jalouse.

-Elle a beaucoup de défaut, mais quand on est une personne comme elle on est jalouse de personne.

Tonks lui concéda la chose en penchant doucement la tête. Après la frustration, elle semblait vaguement mélancolique et contemplait Bill fouiller ses parchemins avec sérénité. Un regard assez long pour que je me demande si ce n'était pas elle qui n'était pas jalouse de la fameuse « fiancée ». La même réflexion semblait avoir traversé l'esprit de Simon car il s'était à nouveau retranché derrière le grimoire, le livre à la verticale comme un bouclier face à la scène tendre qui se jouait devant nous. Et l'idée amusante émergea dans mon esprit : lui et moi n'avions pas un comportement différent. Comment de personne auraient-elles eu envie d'ériger un bouclier pour se couper de nous ?

Mon cœur parut très brusquement me monter à la gorge et je pressai ma bouche contre mon bras pour ne pas laisser échapper un grognement de frustration. Je commençai à regretter de m'être rapproché de Simon, j'avais trop conscience de sa proximité, de son souffle régulier qui effleurait les pages jaunies du livre, de ses mouvements quand l'une d'entre elles froissaient. Mais je n'avais pas pu m'en empêcher : dès que j'avais vu le nom de Jugson effleurait la conversation, j'avais éprouvé le besoin d'être à ses côtés.

« Je serais derrière toi pour te soutenir si tu tombes, ou te retenir si tu t'envoles ». Te soutenir si tu tombes ... Bon sang, je ne voulais plus voir Simon tomber.

Je me souvenais d'avoir prononcé ces mots. Mais je me souvenais également d'avoir eu cette sensation étrange qu'ils m'étaient arrachés, comme appartenant à quelqu'un d'autre, à une profondeur cachée de moi-même.

Une profondeur qui éprouvait de l'amour pour Simon Bones.

Incapable de m'en empêcher, je pris une profonde et tremblante inspiration. Je fus presque certaine que Simon baissa les yeux sur moi, aussi fermai-je les yeux et feignis-je de dormir, la tête sur mon bras et le visage incliné vers lui. J'avais passé la nuit à veiller dans l'allée des embrumes, il n'oserait pas me réveiller. Mais en réalité, j'avais cette impression que ma tête et mon cœur étaient à deux doigts d'exploser.

J'avais tout remis à plat, pendant cette nuit d'insomnie et les jours suivants. Allongée dans mon lit, debout dans ma douche, en tailleur sur mon canapé ; partout, tout le temps, je ne cessais de songer à cette conversation absurde que j'avais eue avec Miles, à ses sentiments qu'il n'avait jamais voulu m'apprendre, à refaire dans ma tête le cheminement de ma relation avec Simon en remettant les choses dans l'ordre. Et en remettant les choses dans l'ordre, à plat, dans le calme, j'étais vite venue à la conclusion que Miles avait raison concernant mes sentiments sur Simon. C'était de l'amour, ni plus ni moins.

-Elle dort ? chuchota Bill.

-Je plaide coupable, avoua Tonks sur le même temps. Laisse-la se reposer un peu, elle n'a pas un match bientôt ?

-Dans deux semaines, contre les Catapultes.

Le fait que Simon connaisse si bien mon emploi du temps m'arracha un sourire que je cachai en appuyant ma bouche sur mon bras. Mon mouvement provoqua celui Simon : il posa une main sur ma tête, comme pour me tranquilliser. Et étrangement, ce fut le cas : le nœud dans mon estomac se desserra. La main de Simon s'attarda quelques peu et diffusai une chaleur rassurante. Cet apaisement me permit de reprendre le fil de mes pensées, des réflexions qui m'envahissaient depuis plusieurs semaines. Je m'étais souvenue du dîner de Slughorn, de ma culpabilité d'avoir totalement oublier la mission que nous aviez confié Lupin pour soutenir Simon face à Lysandra et au souvenir de Cassiopée. Et cette sensation m'avait mené à une autre, un autre souvenir aux Trois Balais et aux mots étranglés de Simon : « je ne veux pas que tu meures Vicky ». Cette simple phrase, simple comme tout et qui pourtant verbalisait que nos rapports avaient changé. Tout avait craqué en moi à cette phrase et j'avais laissé libre-court à la panique qui m'habitait à l'idée qu'il m'abandonne pour de la simple vengeance. Il y avait longtemps que je n'avais plus repensé aux larmes qui m'avaient assaillies en ce jour de Saint-Valentin : tout avait été noyé ensuite dans les révélations sur le pont puis dans les problèmes plus urgents – Miles, mes ASPIC, mon frère. Et à présent que j'y repensais, allongée sur ma table avec Simon à un souffle, sa main toujours posée sur le bas de la tête, tout me semblait trop intense. Ma peur presque panique à l'idée qu'il me laisse, mes mots, les larmes qui avaient coulées.

La main de Simon glissa jusque ma nuque et la chaleur apaisante s'effaça pour ne laisser qu'un frisson glacé. Le nœud réapparut, comme pour symboliser le fuit de mes réflexions : des sensations physiques bien trop fortes pour des gestes anodins. J'étais en train de songer à ouvrir les yeux, et aller me réfugier en haut quand je me retrouvai sous une chaleur réconfortante. Il fallut que j'hume et que la doublure en fourrure me chatouille la joue pour comprendre que Simon venait de me draper de sa cape. En plus de l'avoir à un souffle, son odeur constituait tout ma réalité dans un monde dénué de sens. Discrètement, je nichai mon nez au milieu de la fourrure. Bon sang, cette odeur, c'était chez moi. Ma gorge se serra et à côté j'entendis Simon tourner une page.

« J'ai toujours une réaction disproportionnée quand ça te concerne » avais-je jeté à Simon pour justifier ma colère quand j'avais cru qu'il m'avait caché Lysandra. C'était maintenant que je prenais les éléments avec recul, les uns derrière les autres, que je me rendais compte que ça ne justifiait rien. J'avais des réactions disproportionnées, c'était un fait. Simon Bones était capable de tout attiser en moi, le pire comme le meilleur et ça non plus ce n'était pas nouveau.

Non. Mais ce qui était nouveau, c'était cette impression que c'était tout, sauf normal.

J'avais fini par l'admettre, avec une sérénité qui m'avait surprise moi-même. Ce n'était rien. A dire vrai, la normalité était presque retrouvée si on changeait les paradigmes.

Miles avait raison, l'amour prenait plusieurs formes. Et Simon Bones était l'une d'entre elles. 

***

Rôh chipotez pas, on avance quand même non? 

POUR LE PROCHAIN CHAPITRE attention. J'ai un problème. Il y a un million d'année, j'ai écris ce chapitre que je trouvais fort bien (et qui m'avait largement fait retombé dans mes travers de longueur). 

ET PATATRA 

Fausse manip et je l'ai PERDU 

Bref, comme il était fort long, je n'ai pas eu la fois de le réécrire. Puis j'ai commencé La dernière page. Puis j'ai commencé à brainstormer la NextGen avec Anna. BREF toujours est-il qu'il n'est toujours pas réécris. 

Donc soit je trouve la foi (et je ferais tout pour la trouver) dans les deux semaines qui me sont imparties. Au pire, vous aurez deux chapitres de LDP de suite et le chapitre dans trois semaines. Je ferais de mon mieux ! Mais pas de panique, la suite est niquel ! 

VOILA bonnes vacances à tous.tes ! 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top