III - Chapitre 15 : Le souper de Slughorn

HEY ! 

Comment vous allez? ça a été la reprise en distentiel?  Prêt.e.s pour la reprise du réel ? 

Je cherche si j'ai des choses à dire mais visiblement, non. Oh, j'ai sans doute un nouveau projet de fanfic' mais je vous en parlerais en temps opportun, pour l'instant c'est à l'état d'ébauche. 

Je rappelle pour celles et ceux qui le souhaitent que vous pouvez aller à la dernière section de mon guide pour écrire une fanfic' (et uniquement là s'il vous plait) me donner vos fanfictions préférées pour faire une petite liste ! N'hésitez pas par ailleurs à aller dire ce que vous avez pensé des fanfictions inscrites pour que le futur lecteur ait des avis ! 

Allez, chapitre ! Le seul pour l'instant où je me suis permise de dépasser 10 000 mais ... It's totally worth it. Bonne lecture ! 

***

La soirée, c'est cela : une suite de micro-événement qui promène les invités comme des mouches-zappeuse. 

- Fréderic Beigdeber

***

Chapitre 15 : Le souper de Slughorn

C'était officiel : le sommeil, c'était superflu.

Pour la première fois de ma vie, j'avais joué un match qui avait duré plus de cinq heures. A dire vrai, ce temps avait même été doublé. Encore une fois, Joana nous avait arraché la victoire à l'issue d'un match qui frôla la limite réglementaire qui aurait imposé un temps mort de deux heures. Vers la fin, j'étais si épuisée que j'avais fini par adopter la technique de Dalia qui consistait à réduire au maximum mes déplacements pour garder de l'énergie. J'encaissais un grand nombre de buts, mais l'entraîneuse ne m'en voulut pas : elle avait parfaitement conscience que c'était la première fois que j'affrontais de pareilles conditions.

Ça aurait pu s'arrêter là et j'aurais sombré dans le coma pendant les deux jours de repos que le président Grims nous accorda. Mais je n'eus le droit qu'à quelques heures de repos avant de rejoindre Tonks en faction devant la demeure des Yaxley dans le Sussex, en début de soirée. Nous avions observé les allés et venues du grand sorcier aux cheveux blonds et au sourire éternellement satisfait, noté les heures de ses sorties et pris des photos des personnes qui entraient, cachée à deux sous une cape d'invisibilité. Puis nous étions retournées au 12, Square Grimmaurd, pour punaiser les nouvelles photos et retrouver l'identité des personnes qui étaient entrées.

Le pire dans tout ça ? C'était qu'il n'y avait absolument rien de probant.

Malgré la fatigue que j'avais éprouvée la semaine après ce week-end tout, sauf reposant, j'avais été rassurée de mes performances, que ce soit en Quidditch qu'en filature. Tonks avait eu raison : le terrain avait dédramatisé mon appréhension. J'avais été impressionnée de me tenir sous la cape, mon appareil entre les mains, avec Tonks et ses yeux alertes prête à bondir au moindre danger. Mais ça s'était révélé tranquille, sans pression et j'étais retournée deux fois au QG dont une fois à un moment où Tonks était de garde à Poudlard pour rassembler les pièces du puzzle.

Comme son nom était sur la tapisserie des Black, j'avais profité de ma présence dans l'historique maison pour trouver des archives : j'avais fini par trouver un livre qui devait faire la moitié de mon poids mais qui donnait un portrait de tous les membres de la famille Black. Bien sûr, qui disait membre disait « portant le nom » et donc descendance masculine ... Le sexisme se retrouvait jusque dans les textes : ceux concernant les femmes étaient cours, se réduisaient à leur physique et à leurs qualités ou non d'épouses et de mères. Alors tout ce que je savais c'était que Lysandra Yaxley était une femme blonde, d'une grande beauté et qu'elle avait été une mère d'exception pour ses trois filles : Cedrella, Callidora et Charis. Mon regard avait glissé sur cette dernière. Son paragraphe précisait parfaitement qu'elle s'était mariée à un certain Caspar Croupton, et qu'elle avait passé sa vie à hausser le prestige de la maison de son mari en éduquant parfaitement ses trois enfants – et mon cœur avait fait un bond – Bartemius, Cassiopée et Lysandra. Elle s'était ainsi montrée digne du sang qui coulait dans ses veines ...

Les archives de la maison étaient plus nombreuses que j'avais cru et ce fut Lupin, qui avait habitait vraisemblablement de façon permanente ici, qui me tira de mes recherches à une heure avancée pour me forcer à rentrer chez moi. Mais j'avais réussi à emporter un bouquin sur les vingt-huit grandes familles de Sang-Pur – dont les Weasley, les Potter ou les Abbot – et j'avais pu ainsi me familiariser avec la famille Yaxley, naturellement encline à la pratique de la magie noire et dont l'un des membres avait tenté de faire venir Grindelwald en Angleterre. Puis je couplais cela avec les investigations de Tonks et je vis une note concernant la guerre précédente. Corban Yaxley était soupçonné d'avoir faire sauter une école primaire peuplée de petits sorciers ... Pas de survivant.

Alors après cette semaine où j'étais passée à côté de tout, y compris d'Halloween alors que Chloé était rentrée spécialement pour l'occasion, devoir observer ma mère et Melania qui vidait consciencieusement mon placard à la recherche d'une robe potable, ça me dépassait complétement.

-Tu n'aurais pas pu nous prévenir que tu avais cette soirée ? râla ma mère en jetant une robe d'été à fleur à terre. Par exemple, avant le soir même ? Celle-là ?

Elle montra à Melania la petite robe de velours noir que j'avais porté pour noël l'année dernière, mais la jeune femme secoua la tête.

-Non, les sorciers sont prudes, voir les épaules et les genoux d'une femme c'est inconcevable ... Ah, pourquoi pas celle-là ...

Avec horreur, je vis Melania extirper de mon placard la robe que j'avais portée au bal de noël en sixième année, bleue nuit avec les épaules découvertes mais qui avait pour mérite de couvrir mes jambes.

-Elle n'est pas un peu trop apprêtée ? protestai-je d'une petite voix.

-Non, elle est sobre je trouve ... Parfaite. Pourquoi, ça ne va pas ?

Non, ça n'allait pas. Cette robe, c'était une robe d'un soir, celle que j'avais été achetée avec Emily dans l'optique d'aller danser avec un garçon, Miles Bletchley, pour qui j'avais des sentiments inavoués. Cette robe avait une histoire et je refusais de la porter en allait au « souper » d'une pie voleuse avec Simon Bones.

Melania dut comprendre qu'elle n'arriverait pas à me convaincre car elle rangea la robe avec un soupir, sans insister davantage. Le problème, c'est que j'avais peu de tenues assez sophistiquées et prude pour ce genre de dîner. Ma mère finit par s'agacer et aller fouiller dans sa propre garde-robe pour trouver une robe d'un pourpre sombre qu'elle m'obligea à aller passer. La tenue fut une nouvelle fois la preuve que j'étais le portrait craché de ma mère : elle m'allait presque parfaitement. Une mousseline transparente couvrait mes épaules et ma poitrine et la jupe fluide s'arrêtait juste en dessous de mes genoux. Ma mère poussa un soupir de soulagement en me voyant émerger de la salle de bain après avoir pris soin de me maquiller et de me chausser de chaussures noires à petits talons.

-Parfait, je pense que je vais te la laisser celle-là, elle te va bien ...

-Maintenant approche, je vais m'occuper de tes cheveux, enchérit Melania avec un sourire machiavélique. Je te laisse le choix : chignon ou lissage ?

Avec mauvaise humeur, je m'installai sur ma chaise de bureau et la laissai dompter mes bouches en un chignon bas que je pouvais me permettre maintenant que mes cheveux chatouillaient mes omoplates. Elle structura des boucles plus courtes pour qu'elles encadrent mon visage avant d'ouvrir ma boite à bijou.

-Tu ne veux pas mettre un autre collier ? Je n'ai rien contre ta médaille et ton étoile mais ...

-Non, refusai-je immédiatement.

Ma mère m'adressa un petit sourire fier – elle aussi refusait de mettre un autre bijou que sa médaille représentant la Vierge. Melania abdiqua et sélectionna mes petits anneaux que ma tante Beata m'avait offert deux années auparavant. Je les passai avant de me lever et de me désigner, un brin impatiente :

-C'est bon, je suis prête pour la bonne société sorcière ? Ça va Mel, c'est juste un souper chez Slughorn ...

-Justement, je pense que tu as parfaitement compris qui était Slughorn. Et malgré tout, c'est un homme qui apporte de l'importance à l'apparence. Vous avez des ananas confis ?

-Non ! On y va juste pour soutenir Susan, pas pour graisser la patte de ce morse !

-Victoria !

-Pardon, maman ...

Elle me jeta un regard réprobateur avant de secouer la tête et de descendre. Melania et moi la suivîmes dans la cage d'escalier et je dus m'agripper à son épaule pour ne pas tomber – ciel que je détestais porter des talons ... Les quelques centimètres et l'élégance qu'ils me conféraient ne compensait pas leur inconfort.

En bas, mon père, Alexandre et Simon nous discutaient à la table de la cuisine. Ma mère poussa une exclamation surprise et se précipita vers Simon pour lisser les pans du veston noir qu'il portait, visiblement impressionnée.

-Monsieur Bones, hé bien ! Depuis quand tu as grandi pour devenir un jeune homme ? Je me souviens d'un temps pas si lointain où tu étais plus petit encore que Victoria, pas vrai Edward ?

Mon père eut un sourire attendri et qui se teinta de nostalgie quand il se posa sur moi. Je me détournai, gênée et observai plutôt Simon. Ce n'était pas le même ensemble qu'au bal de noël deux ans plus tôt – il fallait dire qu'il avait pris quelques centimètres depuis. J'ignorais si c'était la coupe ou la matière, mais l'effet était plus convainquant : il avait moins l'air d'un gringalet déguisé en homme. Il esquissa un sourire gêné face à l'éclat de ma mère.

-Vous exagérez ...

-C'est faux, je suis témoin, rétorqua Alexandre avec un sourire goguenard. Jusqu'au moins votre entrée à l'école des sorciers, vous faisiez la même ...

Mon père lui donna un discret coup de coude pour le faire taire mais seul le regard perçant de Melania y parvint et Alexandre se plongea dans le verre de bière qu'il s'était servi. Mon père pivota alors vers moi avec un sourire teinté de nostalgie.

-Mais c'est que je reconnais cette robe ... Tu es aussi belle que ta mère dedans.

-En même temps, je suis désolée Edward, mais Victoria tient tout de moi.

-Bon, on va y aller, annonçai-je pour couper court à la séance de compliment que je trouvais plus gênante qu'autre chose. Bones ?

-Tu veux rire ? Ça fait une demi-heure que je t'attends !

Je levai les yeux au ciel avant de reprendre ma cape et mon écharpe. Malgré le froid qui commençait à s'installer en ce mois de novembre, je renonçais à porter un bonnet pour ne pas ruiner la coiffure de Melania. Alexandre me suivit et me lança un regard ennuyé.

-J'en reviens pas que vous partiez un cinq novembre ... On va faire un feu de joie sur Market Square ... Le maire a même organisé un vrai feu d'artifice cette année ...

-Peut-être qu'on sera de retour assez tôt pour voir ça, éludai-je rapidement sans le regarder. Mais ... Merci d'être venu ce soir.

Alexandre eut un léger sourire. A l'approche de cette date synonyme de sinistre anniversaire, j'avais réussi à convaincre mon frère de venir passer la soirée et la nuit chez mes parents avec Melania, au cas où Nestor voudrait tenter une sortie ... Je savais que mes grands-parents devaient arriver aussi pour que la sécurité soit maximale autour de mes parents.

Pourtant, ce fut difficile de ne passer le pas de la porte, même quand Simon me rappela que nous étions en retard. Je finis par me laisser entrainer au moment où Miro garait sa voiture dans l'allée du garage. J'eus le temps de leur faire un signe de la main avant de transplaner sur le chemin qui reliait Pré-au-Lard à Poudlard. Le blizzard d'Ecosse me frappa de plein fouet et je resserrais ma cape sur moi, brusquement frigorifiée. Simon se rapprocha de moi, l'air satisfait.

-Attends, j'ai prévu le coup ... Voilà !

Il sortit de l'intérieur de sa cape un bocal dans lequel brûlait des flammes bleues et oranges et qui diffusait une chaleur bienfaisante. Il fallut avancer épaule contre épaule pour en profiter tout deux mais j'étais si figée par le froid que ça n'avait aucune importance. Même la vue rassurante du château hérissé de pointe et de ses fenêtres flamboyantes qui se reflétaient dans la surface gelée du Lac Noir ne suffit pas me réchauffer.

-Bon, maintenant qu'on est entre nous, souffla-t-il alors qu'on approchait des grilles gardées par deux sangliers ailés. Avoue. Tu as accepté juste pour éviter une fête la Nuit de Guy Fawkes ?

-Tu as tout compris, je préfère une fête guindée et gênantes aux feux d'artifices de Terre-en-Landes ...

-Bah honnêtement, je me le demande. En tout cas, c'est l'excuse que je sortirais à Susan quand elle voudra me tordre le cou.

Un sourire tremblant effleura mes lèvres.

-Vas-y, je t'autorise.

-Vicky ...

Je poussai un soupir qui se transforma immédiatement en un panache de brume blanche qui se dispersa dans l'air glacial d'Ecosse. Je rajustai mon écharpe sur mon nez en tentant de rassembler mes mots sans chercher à lutter. Dans la situation inverse, j'avais conscience que j'attendrais une réponse de lui.

-Je n'irais pas jusqu'à dire que ça m'arrange. Je dis juste que j'avais l'intention de m'enfermer dans ma chambre pour regarder Robin des bois en dessin animé et me gaver de chocolat.

-Pourquoi on n'a pas fait ça, alors ?

Je fus rassurée de voir que Simon préférait en plaisanter plutôt qu'aller au fond du malaise. Evidemment que maintenant, la vue même d'un feu d'artifice amenait à moi de mauvais souvenir. Je n'étais même pas sûre d'apprécier la chaleur d'un feu de joie consumant l'effigie de Guy Fawkes. Ça faisait six ans que j'évitai même de m'approcher de la flamme d'une bougie. La panique qui m'avait pris le soir de la rencontre avec les Selwyn, où celui que j'avais pris pour Nestor nous avait inondé de flamme, me reprit à la gorge. Heureusement que celles de Simon étaient enfermées dans un bocal.

Les grilles ne s'ouvrirent pas devant nous, au contraire. Derrière, deux personnes nous attendaient à la lueur d'une lanterne : une silhouette immense qui en cachait presque une plus petite et plus replète. Même le froid de novembre ne pouvait pas geler le sourire qui fendait ce visage.

-Professeur Chourave ! m'écriai-je, ravie.

Mon ancienne directrice de Maison se fendit d'une petite révérence rendue difficile par sa lourde cape doublée de fourrure. Par-dessus elle, Hagrid faisait cliqueter un immense trousseau de clef, les paupières plissées, un parapluie rose sous le bras. Chourave sortit sa baguette et la pointa sur nous.

-Bon, soyons sérieux, Bennett, lança-t-elle malgré le sourire qui persistait sur ses lèvres. Comment Bones et vous avez ruiné l'une de mes plantations de mandragore lors de votre quatrième année ?

-Professeur c'est de sa faute, elle a voulu m'attaquer avec une truelle ! se défendit immédiatement Simon.

-Mais c'est toi qui as renversé le fertilisant sur les plants, ris-je en me souvenant de la scène. Ça les a cramés presque immédiatement !

-Presque mot pour mot que ce que vous m'avez dit il y a quatre ans ! s'amusa Chourave en reculant d'un pas. Allez, entrez, entrez ! Ah, je vous jure quand Horace m'a dit que vous veniez ... Alors Hagrid, cette clef ?

Il fallut quelques secondes encore à Hagrid pour trouver la clef du portail puis Chourave nous inspecta pour vérifier que nous n'apportions aucun objet interdit. Elle nous emmena ensuite sur le chemin qui menait au château, toute joyeuse et enfin, mon sang se réchauffa quelque peu. J'avais espéré revoir la meilleure professeure que j'avais eu dans ma scolarité, mais je ne m'étais pas attendue à ce qu'elle nous attendre devant les grilles du château.

-Ah, Bones et Bennett ! Je peux dire Victoria et Simon, maintenant que vous n'êtes plus mes élèves ? Comment allez-vous ?

-Bien, professeur, assura Simon en souriant. Et vous ? Vous ne vous ennuyez pas sans nous ?

Chourave pouffa.

-A quel moment ? Avec cette maudite guerre qui redémarre, on doit avoir les yeux partout ! C'est presque pire qu'à la première, cette fois on a l'impression que l'école est déjà infestée ...

-Katie ? devinai-je.

Je lorgnai vaguement Hagrid, qui s'en retournait vers sa cabane déjà couverte de neige. J'avais vécu tant de chose derrière cette cabane ... Je parvenais presque à imaginer Sirius Black, sous son apparence de chien, attendre entre les citrouilles du jardin et entendre les échos de ma voix et de celle de Kamila. Le stade de Quidditch était dissimulé par la pénombre mais je distinguais la nappe de brume qui caressait la neige étincelante qui couvrait la pelouse. Je dévorais les lieux du regard, heureuse de retrouver les vieilles pierres du château et cela finit par me jouer un tour : je glissai devant une plaque de verglas. Je valsai avec un cri étranglé et Chourave et Simon me rattrapèrent chacun un bras pour éviter que je ne m'écrase sur le sol. Je m'accrochai à lui pour me redresser, trop confuse pour l'empêcher d'éclater de rire.

-Faites attention, ça glisse, ici, prévint – un peu trop tard – Chourave. Surtout devant la porte, c'est une horreur, Minerva a failli se casser une hanche hier ...

Sa prévention ne fut pas démentie : quelques mètres plus loin, ce fut Simon qui dérapa et se rattrapa à mes épaules pour ne pas tomber et mon rire qui emplit l'espace. Mais dès lors, l'une de ses mains resta accrochée à mon bras, soit pour garder l'équilibre, soit pour être certain que si chute il y avait, il m'entrainerait avec lui.

Chourave profita de la longue traversée du parc pour nous noyer sous les questions : les Tornades, l'IRIS, nos vies hors des murs rassurants de Poudlard. Personne ne chuta et je poussais un soupir de soulagement en passant les imposantes portes de chêne du château. La chaleur bienfaisante m'enveloppa immédiatement et je pus arracher l'échappe de mon visage et qui m'empêchait de respirer. Toute guillerette, Chourave nous guida jusqu'à l'escalier qui descendait au sous-sol. Il était dix-huit heures trente : certains élèves revenaient de la bibliothèque ou se rendaient dans leur club. Dans le Hall, certains attendaient que les portes de la Grande Salle s'ouvre pour prendre leur repas. Avec un pincement au cœur, je vis Hannah Abbot émerger d'un couloir, suivie d'Ernie MacMillan. La pauvre jeune fille avait le regard éteint malgré le sourire qu'elle servait à son ami. Chourave suivit mon regard et son visage s'assombrit.

-Ah ... Vous êtes au courant ? Pauvre Hannah, ça a été un crève-cœur de devoir lui apprendre ça ... Même ici, on n'est pas exempté de mauvaises nouvelles ...

Elle secoua la tête d'un air résigné qui me fendit le cœur et préféra laisser couler. Elle nous accompagna plutôt jusqu'au bureau du professeur Slughorn, dans les entrailles du château. Je jetai un regard mélancolique au couloir qui menait à la Salle Commune des Poufsouffle avant de me concentrer sur la route. Un sourire retroussa mes lèvres quand je vis que Susan était déjà là, à faire les cents pas devant la porte, entortillant une mèche de cheveux auburn autour de son doigt. Elle portait une robe noire cintrée à la taille et aux manches longues et amples et avait attaché ses cheveux en une queue de cheval qui dégageait son visage. Elle dût nous entendre arriver car elle pivota, aussi vive qu'un chat. Ses yeux se plissèrent.

-Vous avez failli être en retard. Il ne manquerait plus que ça ...

-Oh, Bones, la rabroua Chourave avant que Simon ne puisse ouvrir la bouche. Soyez mignonne, et essayez de passer une bonne soirée !

Susan haussa les sourcils et je jetai un coup d'œil à mon ancienne professeure, encore vêtue d'une cape qui avait fait son temps, les cheveux ébouriffés par le vent et ses ongles encore noirs de ses dernières plantations. Elle parut sentir mon examen car un sourire presque machiavélique s'étira sur ses lèvres.

-Je ne suis pas une mondaine, moi. Force est d'admettre que vous présentez mieux. Allez donc, et portez haut les couleurs de Poufsouffle !

Sans attendre, elle frappa quelques coups au battant et s'en fut en sifflotant dans le couloir. Nous la suivîmes du regard, estomaqués, avant que la porte ne s'ouvre à la volée, déversant ainsi sur nous la chaleur moite de l'intérieur et les effluves de rotissures et petits-fours. Notre regard se posa sur le professeur Slughorn, dont l'épaisse corpulence bloquait l'entrée.

-Vous voilà ! se réjouit-il en nous reconnaissant. Entrez, entrez ! Puis-je prendre vos capes ?

Il sortit sa baguette et je sentis ma cape glisser seule de mes épaules et mon écharpe se dénouer de mon cou. Le tout s'accrochèrent à un cintre venu de nulle part qui s'effaça aussitôt chargé. Je plissai les yeux, légèrement contrariée. Ce n'était pas une manière de faire que j'appréciais.

-Bonjour professeur, entonna plus courtoisement Susan avec un sourire poli.

-Ma chère Susan vous êtes absolument ravissante ! s'extasia Slughorn en s'écartant d'un pas pour nous laisser entrer. Aussi belle que votre mère au même âge – comment va cette chère Rose ?

Les lèvres de Susan se pincèrent. Depuis quelques semaines, Rose reprenait aléatoirement le travail et oscillait entre protectionnisme envers ses enfants et périodes de léthargie. Je la laissai répondre et observai le bureau, vaguement intriguée. Il était impossible qu'il n'ait pas été agrandi magiquement tant l'espace était volumineux comparément à celui de Chourave que j'avais visité plusieurs fois. De vastes tentures émeraudes, cramoisies et dorés avaient été dressée au plafond et donnait à la pièce un aspect de tente. Au centre, une immense table drapée d'une magnifique nappe d'un blanc nacré bordé d'argent offrait aux convives une multitudes d'amuses bouches. Certains plateaux semblaient voler dans la pièce avant que je ne comprenne qu'en réalité, c'étaient des elfes de maison qui les portaient à bout de bras pour nous servir en coupe d'un liquide ambrée. Je fronçai les sourcils et cherchai Hermione Granger dans la foule déjà dense. Des élèves, bien sûr dont je reconnaissais vaguement les visages sans connaître les noms mais aussi quelques personnes plus âgées. Assise dans un fauteuil richement décoré avec devant elle quelques admirateurs, je reconnus immédiatement Gwenog Jones, la capitaine des Harpies de Holyhead. Elle paraissait moins féroce que sur les photos que j'avais vu d'elle dans les chroniques sport de La Gazette : sa robe longue et fuselée épousait à merveille son corps gracieux et musclé et le sourire qu'elle servait à chacun adoucissait son visage aux traits un peu bruts, comme grossièrement taillé. Ce fut en observant ses admirateurs que je trouvais enfin Hermione, un peu en retrait et qui posait sur chaque elfe qui passait à côté d'elle un regard peiné et révolté. Laissant Susan et Simon à Slughorn et ses interrogations sur la famille Bones, je le glissai dans la foule pour rejoindre la jeune fille. Elle poussa un immense soupir de soulagement quand elle m'aperçut.

-Oh la la, tu es là ! Susan aussi ?

-Et carrément Simon, on se déplace en gang, plaisantai-je en la rejoignant. Tu peux me briefer ?

Hermione eut un sourire tenu et eut la gentillesse de me nommer tous les élèves qui avaient été invités à cette fête. Cormac McLaggen, un garçon costaud de Gryffondor qui rêvait d'une carrière de Quidditch mais qui n'avait définitivement pas la tête sur les épaules. Blaise Zabini, un Serpentard imbu de sa personne dont la mère était à la tête d'une immense fortune. Thomas Bradley, de Serdaigle et qui s'était distingué notamment en Quidditch. J'écoutais Hermione me donner des indications sur tous, pourquoi ils étaient là – talents ou famille prestigieuses. Beaucoup de Gryffondor et de Serpentard, quelques Serdaigle ... Mais je compris rapidement que Susan était la seule représentante de Poufsouffle. Quand je le fis remarquer à Hermione, elle se fendit d'un sourire triste.

-Ce n'est pas faux. Et encore, c'est la première fois que Susan vient ... Je crois qu'il y en aurait plus si votre génération avait encore été là, Simon par exemple, c'est parfaitement un profil qui pourrait l'intéresser ...

-Tu m'étonnes que Chourave voulait qu'on vienne, commentai-je en me souvenant de la dernière phrase prononcée par mon ancienne professeure. On n'est pas très représenté ... Peut-être qu'il a des préjugés sur nous.

-Evidemment qu'il a des préjugés, affirma Hermione d'un ton plus vindicatif. Quand il me parle, on le sent toujours surpris qu'une née-moldue puisse être aussi bonne élève que moi ... Alors il n'est pas méchant, il ne partage pas du tout les idéaux des Mangemorts ... mais ...

-... une née-moldue qui réussit, ça reste surprenant, achevai-je, comprenant parfaitement son malaise. Alors que ça ne le serait pas pour un autre ...

-Voilà. Alors ça ne me surprend pas qu'il pense naturellement que les Poufsouffle n'ont pas ... l'ambition nécessaire pour répondre à ses critères d'excellence ... Oh, Anthony, qu'est-ce que tu fais là ?

Je pivotai pour voir Anthony Goldestin émerger de la foule, séduisant dans son costume bleu marine qui mettait en valeur son regard. Je haussai les sourcils et tentai d'accrocher le regard de Susan, toujours coincée avec Slughorn. Elle parfaitement remarqué la présence d'Anthony et ses joues s'étaient brusquement embrasées – et j'étais persuadée que ça n'avait absolument rien à voir avec la chaleur de la pièce. Je réprimai le sourire amusé qui me venait aux lèvres et écoutait plutôt la réponse d'Anthony à Hermione :

-... dernier cours, il a découvert que ma mère travaillait au Mangemagot, dans la commission de la sécurité – elle est sacrément sollicitée, ces temps-ci ! Alors il m'a invité et je me suis dit pourquoi pas ? Il parait que l'historien Herbert Belleplume sera là ...

-Oui, il est là-bas, confirma Hermione en désignant un homme sec au visage en larme de couteau qui observait la foule d'un œil critique. Pour l'instant, il n'a parlé qu'à Slughorn et Gwenog Jones ...

-Gwenog Jones ? (Le regard pétillant d'Anthony se posa sur moi). C'est pour ça que tu es venue, Bennett ? Tu es pro maintenant toi, non ?

-Semi-pro, rectifiai-je avec un sourire. Je suis à la réserve des ...

-A quel poste ?

La voix grave et trainante émanait d'un grand garçon qui arriva derrière Hermione, une coupe d'hydromel à la main et un sourire confiant accroché aux lèvres. La jeune fille tenta de s'écarter mais il avait passé un bras autour de ses épaules sans même obtenir son approbation.

-Ça va Granger ? Je ne t'avais pas encore vue, tu es splendide !

-Merci Cormac, répondit Hermione d'un ton pincé en se dégageant. Tu as fini avec Gwenog Jones ?

-Oui, mais je retournerais la voir. Elle a dit que j'avais la carrure parfaite pour un gardien et qu'elle connaissait des recruteurs qui seraient ravis de voir mes talents ... (Ses yeux se posèrent sur moi et jugèrent ma petite silhouette). Alors, quel poste ? Attrapeuse ?

-Espèce de blaireau, lâcha Anthony, visiblement surpris. Elle était capitaine de Poufsouffle l'année dernière, tu ne te souviens pas ? Pour quelqu'un qui s'intéresse au Quidditch ...

-Je m'intéresse au vrai Quidditch, moi, rétorqua McLaggen, l'air piqué dans orgueil. Pas à celui de gamin qu'on joue à Poudlard ...

-Il y a un bon niveau à Poudlard, protestai-je. Sinon les recruteurs ne viendraient pas chercher là ... Tu joues dans quelle équipe, toi ?

La question était cruelle car je connaissais la réponse : aucune. J'avais compris en deux mots qu'il s'agissait du gardien qui s'était fait battre par Ron dont Hermione m'avait parlé à Pré-au-Lard. Je ne pouvais que donner raison à Gwenog Jones : il avait le profil parfait du gardien. Grand, athlétique, ses mouvements étaient souples et ses gestes assurés. Mais les quelques mots qu'il avait prononcé en ma présence et le regard critique qu'il avait sur ma silhouette me le rendait antipathique.

Le visage de McLaggen se figea comme s'il avait dû mordre dans un citron et Hermione cacha son sourire satisfait dans son verre.

-Potter a préféré prendre son meilleur ami que moi.

-C'est drôle, j'ai pourtant entendu que Ron Weasley avait fait de très bons essais, mentis-je avec un sourire innocent. Et son match contre Serdaigle l'année dernière était remarquable ...

-Ne m'en parle pas, grommela Anthony.

McLaggen jeta un regard hargneux à Anthony, qui à son tour se noya dans sa coupe pour éviter de se mettre à rire.

-On verra au premier match ... C'est la semaine prochaine, je crois. De toute façon, ne pas être dans l'équipe ça me laisse le temps de m'entraîner pour les essais en club à la fin de l'année ... (Il me lorgna vaguement). Il manque un gardien dans ton équipe ?

-C'est moi la gardienne.

-Oh ! Canon de Chudley ?

-Tornades de Tutshill, rectifia une voix derrière moi.

Elle fut accompagnée d'un verre qui me fut tendu et je refermai mes doigts dessus avec automatisme en gratifiant Simon d'un petit sourire. Parfait, la prochaine fois que McLaggen me reluquerait avec incrédulité en se demandant ouvertement comment une crevette comme moi pouvait être la gardienne de réserve d'un club aussi prestigieux, j'aurais quelque chose à lui jeter au visage.

-Mais peut-être que d'ici à ce que tu postules, Vic' sera passée professionnelle, ajouta Susan avec un grand sourire. Alors tu pourras tenter ta chance à la réserve ...

McLaggen parut vite comprendre qu'il n'aurait pas le dernier mot et se contenta d'un vif hochement de tête avant de marmonner qu'il allait au buffet. Dès qu'il fut englouti par la foule, Hermione laissa libre cours à sa satisfaction en laissant échapper un immense sourire.

-Alors là, vous trois, merci ! Il fait véritablement son petit prince dans les soirées, c'est insupportable !

-Je crois son oncle est le sous-secrétaire d'état de Scrimegeour, quelque chose comme ça, nous éclaira Anthony avec une grimace.

-Comme Ombrage, tiens donc, souffla Susan en esquissant un timide sourire. J'espère que lui on l'aura pas en prof ...

-Vous vous êtes échappés ? m'enquis-je à l'adresse de Simon.

Son regard s'était porté sur la foule et je compris vite que c'était pour ne pas épier Susan et Anthony qui avaient entamé tous deux une discussion. Ses yeux sautèrent d'un élève à un autre. Il y avait peu de majeur, regrettai-je en passant en revue tous les noms que Hermione m'avait donné. Elle, Susan, McLaggen ... Peut-être le garçon que Slughorn accueillait à présent d'un tonitruant « Peter, mon garçon ! » ?

-D'ailleurs, c'est fourbe de ta part de nous avoir abandonné, me lança Simon d'un ton tranquille.

-Hé ! Je voulais commencer le repérage ! Du coup, pas McLaggen.

Je désignai le garçon du regard et Simon esquissa un léger sourire, identique à celui que j'avais effleuré lorsqu'il l'avait corrigé sur mon club. Un sourire entre fierté et satisfaction qui me fit détourner le regard, un peu gênée, les joues rosies. Ce faisant, mon regard tomba de nouveau sur Slughorn qui accueillait d'autres invités avec des manières ampoulées dignes d'Ernie McMillan. Il s'agissait d'un couple mûr, visiblement invités exceptionnels comme l'étaient Herbert Belleplume ou Gwenog Jones. L'homme était grand, élégant, les traits à peine marqués par la soixantaine et la femme semblait d'une dizaine d'année plus jeune, les cheveux d'un noir de jais délicatement relevé sur sa nuque. Puis les yeux de l'homme se promenèrent sur la foule et j'en recrachai la gorgée d'hydromel que je venais de boire.

C'était Leonidas Grims.

-Oh, oh.

-Quoi ? s'enquit Simon.

Il était en face de moi et tournait le dos au couple qui souriait toujours chaleureusement à Slughorn. La femme venait de dégageait une mèche de cheveux qui barrait son front et je pus alors observer le beau visage de Lysandra Grims, son nez droit, ses traits fins et harmonieux, ses lèvres fines relevées par un sourire ... La couleur de cheveux ne suffisait pas à cacher l'évidence : elle était Cassiopée Bones, en plus belle et plus âgée.

-Oh, non ...

-Quoi ? répéta Simon, visiblement exaspéré par mon mutisme. Qu'est-ce qu'il se passe ?

Il voulut se retourner pour observer ce qui me troublait ainsi, mais je fus assez réactive pour agripper sa cravate. Je l'étranglais au passage mais cela l'empêcha de se retourner et détourna son attention sur moi.

-Bennett, je vais te tuer !

-Bah tiens, lâchai-je par automatisme, les doigts toujours fermement accrochés à sa cravate. Simon, tu ... en étais où dans tes réflexions sur ta tante ?

Il fronça les sourcils, entre agacement perplexité et massa sa nuque endolorie. Puis mon manque de subtilité dans la question alluma une lueur de compréhension dans ses yeux verts et je le vis perdre ses couleurs. Dans l'horreur, il en oublia même de se dégager.

-Non ? Tu te fous de moi ?

-Ils viennent d'arriver. Mon président et elle.

-Tu te fous de moi ...

-Ne panique pas, Simon. Non ! (J'agrippai fermement ses épaules pour couper le mouvement qu'il venait d'amorcer pour se retourner). Non, intègre d'abord, tu la regarderas après !

Simon blêmit encore d'une teinte et je le sentis se raidir complètement. Mécaniquement, sa main alla couvrir la mienne, celle qui tenait encore sa cravate et me l'écrasa totalement. Je pouvais presque voir les souvenirs affleurer par flash dans son esprit.

-Elle lui ressemble, murmura-t-il, presque pour lui-même. C'est ça ?

J'acquiesçai, incapable de lui répondre. Mon regard glissa de nouveau sur Leonidas et Lysandra, qui s'étaient à présent approchés du buffet – et de nous. La tension qui habitait Simon et la pression qu'il exerçait sur ma main prouvait parfaitement qu'il n'était pas parfaitement prêt à se retrouver devant la copie de sa mère, aussi réussis-je à dénouer mes doigts de sa cravate, le prendre par la main et l'entrainer dans un espace plus reculé de la pièce – loin du couple. Il se laissa faire, un peu sonné par la nouvelle et ne réagit pas au regard étonné que Susan nous adressa quand nous passâmes devant elle. Je finis par trouver une fenêtre que j'ouvris immédiatement d'une main. L'air frai parut détendre Simon, qui se laissa aller contre le mur, le souffle court.

-Désolé ... C'est juste ...

-Je sais, le coupai-je avec douceur. Prends ton temps ...

Simon hocha mollement la tête et se passa une main sur le visage. L'autre tenait toujours la mienne, comme un point d'ancrage. J'embrassai la fête du regard et fus soulagée de constater que Leonidas et Lysandra n'étaient plus dans notre champ de vision, mais que j'aurais le temps de les voir se rapprocher.

Seigneur, il ne manquait plus que ça ... Qu'est-ce qu'ils faisaient ici ? Lysandra, forte de son nom de famille, avait-elle été dans sa jeunesse l'une des chouchous de Slughorn ? Leonidas avait-il entendu parler de la présence de Gwenog Jones et voulait profiter de la fête pour l'approcher ? Ou – et mon sang ne fit qu'un tour à l'idée – Slughorn avait-il orchestré cela dans l'espoir de réunir la tante et le neveu et d'en récolter les lauriers ? Je toisai le vieux morse qui semblait chercher quelqu'un dans la foule et mon impression fut renforcée. Tout ce que j'espérais, c'était que Lysandra elle-même n'y était pour rien dans cette machination.

-Ils sont loin ?

La voix de Simon était relativement calme, le ton posé malgré les accents d'émotions qui perçaient. Je le contemplai, prostré contre le mur, le regard fermement ancré sur la fenêtre qui donnait sur le parc, quelques mèches blondes agitées par la brise glaciale. L'espace d'un instant, l'image se fendilla et je le revis sur le pont, sanglotant à se déchirer la gorge alors que son histoire se révélait enfin. Le souvenir me troubla assez pour que mes doigts se portent seul sur son épaule pour se crisper dessus.

-Oui, pour l'instant. (Je m'interrompis quelques secondes avant de proposer doucement : ) Tu veux qu'on s'en aille ?

-Quoi ?

-Maintenant. Simon, c'est évident que tu dois rencontrer ta tante, tu l'as toi-même admis. Mais ça ne sert à rien de le faire si tu n'es pas prêt. Alors si tu ne l'es pas, on s'en va tout de suite. De toute manière, on ne sera pas très utile à l'Ordre, je n'ai qu'un nom en tête et ils doivent déjà l'avoir sur leurs listes.

-Tu n'as pas vu tout le monde, me rappela Simon avec l'ombre d'un sourire.

-On s'en fiche.

Mon cœur manqua un battement alors que les mots franchissaient mes lèvres. Les échos de la conversation que nous avions eue au 12, Square Grimmaurd, me revint à l'esprit.

« C'est sans doute la première et la dernière mission que je vous laisserais faire ensemble.

-Pourquoi ?!

-Je suppose que c'est pour la même raison qu'on ne me laissera pas faire de mission avec George. Vous feriez capoter une mission pour vous sauver l'un l'autre. »

Bon sang, ils avaient vu juste. Si j'étais capable de ne pas assurer mon rang juste pour éviter à Simon de s'effondrer, juste pour ne pas le voir pleurer, qu'est-ce que ce serait le jour où sa vie serait en danger ?

Mes doigts s'arrachèrent à son épaule et je passai ma tête à la fenêtre pour respirer une bouffée d'air frai avec l'impression de soudainement étouffer. La nuit était claire et la lune basse se reflétait spectralement dans la surface gelée du Lac Noir. Je puisai dans cette vision réconfortante pour reprendre le contrôle de mes nerfs.

-C'est comme tu veux toi, conclus-je sans le regarder. A toi de voir si tu es prêt ou non.

Je vis du coin de l'œil le regard de Simon s'attarder sur moi, de nos mains toujours enlacées jusque mon visage, comme s'il pouvait lire la réponse dessus. J'aurais voulu la lui donner. Après tout, j'étais presque devenue son guide dans la guérison de ce traumatisme, depuis ce moment sur ce pont dont j'apercevais un morceau à travers la fenêtre. Je l'avais forcé à regarder la vérité en face, à admettre verbalement qui était ses parents, chaque fois que c'était possible ... Mais justement, peut-être avais-je un brin trop forcé. La démarche devait venir de lui et de lui seul. Comme moi avec Miles, réalisai-je alors. Je me souvenais parfaitement avoir cherché à avoir l'avis de Simon sur la question, dès les premiers doutes et je me souvenais surtout de la façon dont il avait esquivé, jusqu'à ne pas affronter mon regard, pour ne pas interférer dans mon jugement. Me laisser faire le chemin seule.

-Non. Non, on reste.

J'étais si profondément plongée dans mes réflexions que j'en sursautai. Mon regard s'arracha à ma contemplation pour se river sur Simon. Il me fixait toujours, songeur, tiraillé, comme si une partie de lui était encore en désaccord total avec les mots qu'il avait prononcé. Pourtant en croisant mon regard, son visage se fit déterminé et il hocha la tête.

-Oui, on va faire ça. Ça ne sert à rien de trainer ça plus longtemps ...

-Tu es sûr ?

-Non, alors ne me pose plus la question. Sinon je vais perdre le peu de courage que j'ai réussi à assembler et me défiler.

J'essuyai un rire tremblant pendant qu'il se penchait un peu en avant, l'air écrasé par la décision qu'il venait de prendre. Sans pouvoir m'en empêcher, je portai la main à ses cheveux que la brise avait ébouriffé et caressai ses mèches soyeuses.

-Je suis fière de toi, Simon prénom-ridicule Bones.

Un faible sourire retroussa ses lèvres et il se redressa enfin en s'arrachant au mur, comme pour être digne de cette fierté. Rassurée de le voir reprendre contenance, je risquai un regard sur la foule où venait justement d'apparaître Leonidas Grims, seul, une coupe d'hydromel à la main.

-Ecoute, lançai-je à Simon sans lâcher mon président du regard. Va voir Susan, explique-lui ce qui se passe ... Moi je vais aller parler à Grims pour qu'il prépare sa femme. Ça te va ?

Simon hocha la tête et son regard tomba sur nos mains toujours enlacées. Son sourire se fit presque timide.

-Tu dois nécessairement récupérer ta main pour faire ça ?

-Je ne vais pas me désartibuler pour tes beaux yeux, Bones, m'esclaffai-je en tirant dessus. Allez, j'ai foi en toi.

De nouveau, il se laissa faire et nos doigts se dénouèrent naturellement au contact de la foule. Simon me dépassa pour se poster derrière Susan et lui chuchoter quelques mots à l'oreille. Ses yeux s'écarquillèrent et elle n'hésita pas à abandonner Anthony pour s'isoler avec son frère, ahurie. Satisfaite de voir Simon gérer la situation avec calme, je me concentrais sur Leonidas Grims, occupé à détailler les petits-fours mis à sa disposition. Je fus un instant intimidée face au charisme de l'homme et son sourire naturel et fort heureusement, ce fut lui qui m'aperçut en premier. Ses sourcils se dressèrent.

-Victoria ! Par Morgane si je m'attendais à vous voir ici ...

-Et moi donc, monsieur le président, entonnai-je avec un sourire.

-Oui, Horace Slughorn a toujours apprécié ma femme – ce dont je ne le blâme pas, ajouta-t-il avec un éclat de rire. Il nous a invité et Lysa n'a pas résisté au plaisir de revoir Poudlard ... Beau château, mais je ne ferais jamais d'infidélité à Ilvermorny.

Brusquement, il se figea et m'observa de nouveau, dédaignant le petit four qu'il avait porté jusque ses lèvres.

-Et vous, que faites-vous là ... ?

Mon regard entendu fut plus révélateur qu'une longue explication sur le hasard qui avait amené ma présence ici. Le visage de Leonidas se ferma et la main qui tenait le petit four se baissa.

-Oh. Il est ici ?

-Avec sa sœur, Susan. Elle est en sixième année ...

-Oui, je me souviens de Susan ... Bon sang, elle avait un an la dernière fois que ...

Ses yeux se promenèrent immédiatement sur la foule et il le repéra facilement, penché au dessus de Susan pendant qu'elle faisait de grands gestes indignés – sans doute soupçonnait-t-elle comme moi la culpabilité de Slughorn. Les épaules de Leonidas s'affaissèrent et il en posa la coupe qu'il avait toujours à la main.

-Bon sang ce qu'il ressemble à Edgar ...

Je haussai les sourcils. J'avais plutôt tendance à penser que Simon avait beaucoup pris de sa mère. Néanmoins, la remarque réveilla une crainte en moi, en échos de ce que Simon avait pu dire sur le quai quand Maugrey l'avait comparé à Cassiopée. Bon sang, il faisait enfin l'effort, il fallait que tout se passe bien ...

-Ecoutez, chuchotai-je précipitamment. Il est d'accord pour rester, pour voir Lysandra ...

-C'est vrai ?

-Oui ! Mais par pitié, ne le comparez pas avec ses parents ! Prenez le pour la personne qu'il est, pas pour le souvenir de Cassie et Edgar, il ne le supportera pas !

Leonidas reprit aussitôt son sérieux et hocha gravement la tête. Il me laissa parler de Simon, du traumatisme qu'il tentait toujours de surmonter et de l'effort qu'il venait de faire. Il promit de réfréner le feu de Lysandra et s'en fut rejoindre sa femme, toujours occupée à discuter avec Slughorn. Je le vis se pencher sur elle et son beau visage se figea. Aussitôt, ses yeux fouillèrent l'assistance et ses prunelles brillèrent lorsqu'elles se posèrent sur Simon. Puis, presque aussitôt, la tendresse fut replacée par une colère froide dans son regard et j'entendis distinctement son cri :

-Horace !

-Oh tient, ils ont servi le faisan, fit bruyamment remarquer le professeur en s'éclaircissant la gorge. Je vous laisse, nous devons dresser la table ...

Je pouffai face à Slughorn qui fuyait maladroitement la fureur manifeste de Lysandra Grims et m'en fus vers Simon et Susan. Ils s'étaient isolés près de la fenêtre toujours ouverte et je fus amusée de constater que depuis que j'étais partie, la coupe de Simon s'était entièrement vidée. J'en saisie une au passage pour la lui tendre.

-Fais quand même attention et n'oublie pas ce qu'Alex t'a dit : je pars peut-être vite mais tu tiens quand même moins bien que moi, plaisantai-je.

Le sourire de Simon dura la moitié d'une seconde puis son regard s'aimanta aussitôt vers un point derrière moi. J'y glissai un rapide coup d'œil pour voir Lysandra rendre à son neveu ce regard, entre tiraillement, espoir et douleur. Finalement, un fin sourire incertain teinté d'émotion se dessina sur les fines lèvres de Lysandra. Par souci de leur laisser cet échange intime, je me rapprochai de Susan, accoudée à la chambranle de la fenêtre.

-On est d'accord que c'est un coup de Slug ? me chuchota-t-elle.

-En tout cas, je ne suis pas sûre qu'il résiste à la colère de Lysandra.

-Alors j'espère qu'elle sera monumentale.

-Amen ma sœur.

Susan me décocha un regard complice et nous toquâmes nos coupes l'une contre l'autres. Lysandra avait pris le bras de son mari et avançait à présent vers nous avec une lenteur calculée, comme pour que Simon s'habitue à la voir s'approcher de lui. Susan frotta le bras de son frère, qui semblait soudainement avoir cessé de respirer.

-Ça va aller, tu as fait le plus dur ...

-Bon sang, elle lui ressemble si fort ... Je m'y attendais mais ...

-Rassure-toi, elle pense sans doute exactement la même chose.

Susan me fit taire d'un coup de coude mais je fus soulagée de voir un tremblant sourire se dessiner sur les lèvres de Simon. Cela suffit à lui faire reprendre contenance alors que Lysandra et Leonidas arrivaient enfin à notre hauteur, au bras l'un de l'autre. La main de la sœur de Cassiopée était si crispée sur sa coupe d'hydromel que je m'attendais presque à ce qu'elle la brise. Il y avait de la retenue dans son attitude, de la raideur marquée par un visage impassible, crispé. Pourtant, son émotion était traduite par ses beaux yeux d'un gris fumé, étincelants et qui dévoraient le visage de Simon. Un petit coup d'œil me permit de constater que Simon lui rendait ce regard, entre incertitude et émotion alors que tante et neveu se retrouvaient face à leurs fantômes. Autour d'eux, le temps et l'espace s'étaient effacés.

Lysandra porta la coupe soudée contre sa poitrine. Un éclair de lumière accrocha le diamant de sa bague passée à son annuaire et mon regard se posa sur ses longs doigts fins et fuselés. Simon avait les mêmes mains ...

-Bien, souffla-t-elle d'une voix rauque. Oh, Merlin ... (Elle lâcha son mari pour couvrir sa bouche de sa main). Bon, je ne vais pas pouvoir tenir ma promesse, mais c'est la seule fois, je te l'assure : c'est ... Mon Dieu, c'est incroyable comme tu leur ressembles ... A tous les deux ...

Susan et moi nous tournâmes d'un même mouvement – fort peu discret – vers Simon, attendant sa réaction en retenant notre souffle. Pourtant, nous ne paraissions plus exister pour lui : ses yeux étaient vrillés sur sa tante. Il était blême, impassible, tendu comme un arc mais dévorait la moindre partie du visage de Lysandra. Le son de sa voix parut briser quelque chose en lui et des larmes piquèrent ses yeux. Ma gorge se noua à cette image et Susan saisit mon bras en un geste compulsif. La tension était si palpable que l'annonce de Slughorn que le dîner allait être servi nous parvint à peine et notre bulle ne fut craquée que lorsque Simon ouvrit pour la première fois la bouche :

-Oui, je sais ...

C'était peu, c'était enroué par l'émotion mais cela craqua un barrage en moi : mes épaules s'affaissèrent et j'exhalai un soupir de soulagement qui m'attira l'œil amusé de Leonidas Grims. Encouragé par ces trois mots, mon président tendit une main à Simon. Il la contempla un instant avant que Susan ne se fende d'un coup de coude qui l'obligea à la saisir.

-Leonidas, je suppose que Victoria t'a parlé de moi, sourit-t-il en serrant sa main. Et je me permets de compléter les propos de ma femme en disant l'évidence : c'est fou ce que tu as grandi.

Je faillis me fendre d'un commentaire désobligeant concernant la taille modeste de Simon, provoqué par dix-huit ans d'un machinisme parfaitement huilée et m'autobaillonnai d'une gorgée d'hydromel. Mais visiblement, Simon avait bien senti ce que j'avais failli dire et plissa les yeux à mon adresse.

-Quelque chose à rajouter Vicky ?

-Oh bon sang, râla Susan en nous regardant avec de gros yeux. Maintenant, vous êtes sérieux ?

Oui, maintenant, compris-je en observant un sourire timide mais insensé qui s'étendait sur les lèvres de Simon. Surtout maintenant, maintenant qu'il avait besoin d'automatisme, de stabilité, de force. Et si je savais que Simon était mon pilier, j'avais de plus en plus consciente d'être le sien. Je souris à Susan.

-J'aurais l'air d'une gamine à dire que c'est lui qui a commencé, mais c'est le cas.

-Ce n'est pas être une gamine si c'est la vérité, fit gentiment remarquer Leonidas avant de me désigner face à sa femme. Mon amour, je t'ai présenté Victoria ? Et bien sûr tu reconnais ...

-Susan, confirma-t-elle en tendant une main élégante à la jeune fille. Aussi belle que Rose ...

Des traces de scepticisme tranchèrent sa voix et la pauvre Susan parut le prendre contre elle car son visage se renfrogna. Mais Simon perdit son sourire et ne se trompa sur la retenue de sa tante :

-Ça ... ça va fait combien de temps que vous cherchez à me voir ?

Lysandra parut surprise par la question et échangea un regard avec son mari qui passa une main douce dans son dos, comme pour l'encourager. Alors elle serra sa coupe des deux mains et entonna d'une voix plus posée :

-Depuis un an. Je suis revenue des Etats-Unis dès qu'on a su pour la mort de Barty ... Et dès que les affaires ont été mises en place au début de l'été j'ai envoyé une lettre à Rose et George pour te ... rencontrer. Mais visiblement, ils estimaient que tu n'étais pas prêt, que l'été avait été éprouvant et c'est ... quelque chose que j'ai compris.

Leonidas leva les yeux au ciel et je devinai qu'en réalité, Lysandra avait sans doute rongé son frein tout l'été en fustigeant l'interdiction de George et Rose.

-Puis j'ai retenté à noël où cette fois c'est Amelia qui m'a répondu que les fêtes n'étaient pas propices à cela, qu'elle tenterait de venir te parler après mais visiblement ... ça n'a pas été le cas.

-Elle a essayé.

Je dévisageai Simon, surprise. Lui-même semblait frappé par la foudre, comme si le souvenir venait de lui revenir et le figeait totalement.

-Elle a essayé et ... (Il passa une main dans ses cheveux et détourna le regard). Je n'ai pas ... je n'ai pas voulu ...

-Ce n'est pas grave, intervint précipitamment Susan avec un regard appuyé sur Lysandra. Ce n'est pas grave...

-Non, ça ne l'est pas, assura-t-elle avec une lenteur qui laissait supposer que les murs de sa maison avaient néanmoins dû trembler pendant les vacances de noël dernier. Néanmoins, arrivé au printemps puis à l'été, j'estimais que ça commençait à le devenir. J'ai intercepté Amelia au Ministère, visité Rose et George chez vous à Terre-en-Landes, tous me disaient la même chose : j'allais ... te déstabiliser.

-Et ils avaient raison, rappela Leonidas à voix basse avant de se tourner vers Simon pour poursuivre : Cela dit, au printemps, ton onc... (Il me consulta du regard et je secouai frénétiquement la tête) ton père nous a laissé entendre qu'il commençait à avoir des motifs d'espoir qui nous ont fait espérer jusqu'à l'été. Puis à l'été ...

-... On vous a fermé la porte, acheva Simon. Ma mère, parce qu'elle n'aime pas les Croupton.

Lysandra tiqua, sans que je ne sache si c'était la mention de sa famille ou de Rose comme mère de Simon en lieu et place de sa sœur qui la dérange.

-Je ne la blâme pas, mon frère a été exécrable avec les Bones, admit-t-elle d'un ton pincé. Après les avoir ignorés pendant des années, il a tenté d'avoir ta garde quand son fils a été emprisonné, dans l'espoir de construire un véritable héritier à notre famille ... Il m'a même demandé d'intercéder en sa faveur ... Il en était hors de question, je suis contente que ... tes parents aient réussi à te maintenir loin de sa sphère d'influence. Néanmoins, je peux t'affirmer que je ne suis ni mon frère ... ni ma sœur.

Elle battit des cils mais aucunes larmes ne perlèrent à ses yeux. Malgré son émotion, elle gardait une voix égale et un visage impassible.

-Je te le promets. Et je n'ai vocation à être ni l'un ni l'autre. Et si Rose a peur que je sois une aristocrate forte de son nom et de son compte en banque, voire – qui sait ? – proche des idées de Vous-Savez-Qui, laisse-moi défaire quelques mythes. J'ai beau avoir du sang Black, je n'ai que du dégoût pour la magie noire, j'ai beau m'être appelée Croupton je n'ai rien de l'indifférence de Barty. Peut-être qu'un jour, j'aurais tout fait pour le nom que je porte, comme ma mère m'a appris à le faire. Mais je me suis rendue compte que le compte importait peu : seule importe ma famille. (Elle échangea un autre regard avec son mari, qui pressa son épaule en soutiens). Je ne vais pas m'imposer à toi, Simon. Je sais à quel point c'est difficile pour toi, quel effort ça te coûte d'être devant moi. (Elle effleura son propre visage avec un sourire triste). Je sais que j'ai l'air d'elle, mais je ne le suis pas. Mais puisqu'on parle de famille, laisse-moi te dire une vérité assez dérangeante : tu es la seule qui me reste ... Si tu es prêt à me faire une place dans ta vie ... Je serais heureuse de la prendre. Peu importe laquelle.

Elle acheva enfin sa tirade en glissant un petit regard sur Susan et moi, l'air de chercher notre approbation. Ce fut sans nous concerter que nous hochâmes la tête, et elle vrilla de nouveau son regard sur Simon. Si ses yeux étaient parfaitement secs malgré une émotion plus qu'évidence, son neveu ne parvenait visiblement pas à réprimer ses larmes. L'une d'entre elle roula le long de sa joue blême. Il l'essuya immédiatement d'un revers de manche et se contenta de hocher la tête. A cette approbation, le masque de Lysandra se fendilla et ses yeux se mouillèrent. Aussitôt, la scène se fit si intime que je me sentis incapable de rester, au risque de laisser éclater la boule chauffée à blanc dans ma gorge et de pleurer avec eux. J'échangeai un regard avec Leonidas, qui traduisit ça verbalement en prenant le bras de sa femme.

-Nous allons peut-être vous laisser un peu ... Je vais prévenir Horace de retarder le dîner – et il a intérêt à obtempérer. Victoria ? Et si nous en profitions vous et moi pour aller voir Gwenog ?

Je le suivis sans hésiter et me fis violence pour ne pas jeter un dernier coup d'œil à Simon. Leonidas me tendit galamment le bras et je le pris avec timidité, peu habituée à ses usages et à la stature de l'homme.

-Sachez-le, elle a été d'un calme remarquable, me chuchota-t-il en me guidant dans la pièce. Surtout sur Rose, je pensais qu'elle cracherait vraiment plus son venin que cela ...

-Elles se détestent vraiment ?

-Elles se jalousent, elles se méprisent ... Oui, elles se détestent on peut se le dire. Espérons qu'elles sauront faire la part des choses pour Simon. Le problème que j'ai, c'est que maintenant, Rose est devenue sa mère ...

-Elle est sa mère. Vous n'avez pas le droit de lui enlever ça.

Ma voix était rauque et lorsque je portai mes doigts au coin de mes yeux, je fus assez surprise d'y découvrir de l'humidité. Seigneur, cette histoire aurait ma peau ... Je m'efforçai de régulariser ma respiration et reprendre contenance à mesure qu'on s'approchait de Slughorn, qui parlait justement avec Gwenog Jones. Le professeur se fendit d'une mine rayonnante en nous voyant arriver.

-Alors ? Les retrouvailles se ... ?

-Mais qu'est-ce que vous aviez dans la tête ?

Je n'avais pas pu m'empêcher de lancer cette phrase, tout en ayant conscience que la « moi » normale ne se serait jamais permise de parler ainsi à l'hôte de la soirée, qui plus était professeur de Poudlard. J'ignorais si c'était l'alcool, ou la larme qui avait roulé sur la joue de Simon, mais la vue de ce morse court sur pâte et au ventre tendu sur un gilet richement décoré me mettait hors de moi.

-Mais enfin, miss Beckett ..., protesta Slughorn, visiblement outré.

-C'est Bennett, rectifia Leonidas d'un ton froid. Et je ne puis que l'approuver, jamais nous ne serions venus si nous avions su. Vous auriez dû le savoir, Horace. Maintenant, si vous pouviez retarder la mise à table ...

Slughorn faillit protester, mais le regard glacial de Leonidas lui fit ravaler tous ses arguments. Sans attendre, il se précipita vers les elfes qui avaient déjà fait disparaitre les petits-fours et les coupes d'hydromel au profit d'un immense faisan qui trônait au centre. Des convives commençaient déjà à s'assoir et je reconnus le fameux Herbert Belleplume, à qui Anthony et Hermione tentaient en vain de faire la conversation. Slughorn agita les bras d'un air théâtral :

-Avant de passer à table, je vous propose d'écouter ce cher Herbert, il revient d'un voyage passionnant aux Etats-Unis ...

-Ah, cet homme, il a le sens du spectacle, il faut le dire ...

L'éclat de rire qui suivit émanait d'une femme en robe rouge, grande et musclée au sourire très sûr.

-Gwenog ! la reconnut Leonidas en inclinant la tête. Ravi ...

-Monsieur Grims ... Au bras de sa jeune gardienne ... moi qui pensais que votre femme était jalouse.

L'air d'être fière de son allusion, elle but une nouvelle gorgée d'hydromel. Derrière nous, Herbert Belleplume entonnait un récit laconique sur les tendances isolationnistes des Etats-Unis au XVIe siècle et en entendant quelques arguments techniques, logiques mais dépourvu d'âmes, je m'interrogeais sur la volonté d'Octavia de s'aider de cet homme. Puis mon regard vagabonda vers Simon et sa tante, face à face prêts de la fenêtre ouverte. Susan s'était effacée et il semblait toujours sur la retenue : c'était surtout Lysandra qui parlait, à une distance respectable mais je fus rassurée de voir un bref sourire passé sur ses lèvres. J'étais si prise dans la contemplation que j'entendis à peine la conversation qui se poursuivait entre Leonidas et Gwenog.

-... d'essayer de me convaincre, je suis parfaitement satisfaite chez les Harpies, Grims. En revanche, vous nous avez piqué une gardienne. Ça ne se fait pas de marcher sur les plates-bandes des autres clubs ... Vous importez tellement d'étranger, laissez-nous les filles anglaises, par pitié.

Comprenant qu'elle faisait allusion à moi, je m'arrachai à la scène et me concentrai à nouveau sur eux. Gwenog m'adressa un sourire entendu, le regard pétillant. Contrairement à Cormac, elle ne me reluquait pas en comparant ma posture à mon poste et me regardait droit dans les yeux.

-Victoria Bennett, c'est ça ? Tu as osé refuser un poste de titulaire chez les Harpies ? Il faut du culot ...

-De la peur, plutôt, rectifiai-je avec un pauvre sourire. Je craignais la pression du monde professionnel, une place en A me semblait prématurée ...

-Oh, si ce n'est que ça, sembla être rassurée Gwenog avec une main sur le cœur. Parfait, rien n'est inéluctable, alors. On se revoit dans un an pour ton passage en professionnelle. Après tout, qui veut rester avec cette greluche de Josefa Ramirez quand on peut jouer avec moi ? Monsieur Grims ...

Avec un dernier clin d'œil moqueur à mon adresse, elle s'en fut s'installer à table, indifférente à la foule qui écoutait poliment Herbert Belleplume malgré sa monotonie digne de Binns. Je vis le regard suspicieux de Leonidas se glisser sur moi et ajoutai précipitamment :

-Mais je suis très bien chez les Tornades, je ne compte pas partir !

-J'aime mieux ça, s'amusa Leonidas avec satisfaction. Ça ne m'étonne pas que Gwenog tente de vous attirer, Victoria : les Harpies aiment les femmes de caractères. Comme les Bones, maintenant que j'y pense ...

Son regard se perdit de nouveau vers Lysandra et Simon. Il y avait toujours une distance, toujours un malaise, mais ils continuèrent de se parler jusqu'à ce que, l'heure avançant, Slughorn décrète le début du dîner. J'étais assise non-loin de Gwenog Jones, dont les signes de mains répétitifs à mon égard finirent par lui attirer le regard noir de Leonidas devant moi. Susan vint s'assoir à ma droite, suivie d'Hermione et d'Anthony. Slughorn arriva ensuite, flanqué de McLaggen qu'il couvrait d'éloge :

-Mais je ne doute pas que vous irez loin mon garçon, surtout si vous avez ne serait-ce que la moitié du talent de votre oncle ! Vous ai-je présenté le président des Tornades de Tutshill (Leonidas se figea à la mention de son nom et ne daigna pas regarder Slughorn quand il s'adressa à lui : ) Voyez, Cormac voudrait être gardien professionnel ...

-... Je n'ai pas de poste pour lui alors, cingla Leonidas. Ça pourra se discuter quand Victoria passera en professionnelle ...

-... Ou quand elle viendra chez nous, ajouta Gwenog avec aplomb et Leonidas leva les yeux au ciel. Et chez nous on ne prend pas d'homme, désolée. Non, en fait je ne suis pas désolée, c'est ce qui fait le charme de notre club ...

Devant les deux revers infligés et l'air ouvertement moqueur et sûre d'elle de la Harpie, McLaggen parut aussi furieux qu'Hermione coupablement satisfaite. J'étais en train d'observer un garçon majeur non loin d'elle mais du peu que j'entendais, c'était un virtuose de septième année en Arithmancie, quelqu'un d'assez effacé mais qui semblait obnubilé par son sujet. Pas un candidat pour l'Ordre ... Je sursautai quand une main se posa sur mon épaule : Simon venait de revenir et s'asseyait à présent à côté de moi. Sa respiration restait laborieuse mais il avait repris quelques couleurs et ses larmes s'étaient asséchés. Il daigna même sourire à Lysandra quand elle s'installa en face avec son mari. Elle paraissait beaucoup plus détendue et s'adressa à Susan :

-Tu es en sixième année c'est cela ? ça se passe bien ?

-Comment tu te sens ? m'enquis-je à voix basse.

Simon haussa les épaules. Ses doigts s'étaient remis à pianoter nerveusement sur la table, s'abaissant à un rythme particulier qui laissait supposer qu'il se remettait à jouer un air.

-Vidé, admit-t-il alors que Lysandra laissait échapper un sourire désabusé face au projet professionnel de Susan. Elle m'a pas mal parlé, pourquoi elle avait quitté l'Angleterre, qu'elle était désolée si j'avais l'impression qu'elle m'avait abandonné ... Mais moi si j'avais l'impression d'être incapable d'ouvrir la bouche.

-Il est donc là le secret ... On peut inviter Lysandra à vivre avec nous pour toujours ?

La pique arracha un sourire à Simon, plus spontanée et moins crispé. Il observa de nouveau sa tante, comme s'il ne savait toujours pas quoi en penser et je posai une main que j'espérais rassurante sur son genou.

-Simon, ce que tu as fait aujourd'hui c'était déjà énorme. Alors tu n'es pas obligé d'en faire plus : on finit ce dîner, et on va se gaver de chocolat en regardant Robin des bois. Tu réfléchiras posément à ce qui a été dit chez toi.

-C'est un plan ..., sourit Simon, visiblement soulagé. Je ne sais pas si j'aurais eu la force ... (Il se massa la tempe avec une grimace). On verra le reste une prochaine fois.

-Donc il y aura une prochaine fois ?

Le mouvement des doigts de Simon s'accéléra et je finis par reconnaître le rythme avec un sourire amusé : c'était justement l'introduction de Robin des bois. J'entendais presque les sifflements en écho du rythme.

-Elle a dit qu'elle avait une maison à Londres, finit par lâcher Simon du bout des lèvres. Que je pourrais y passer si j'ai envie ... Alors je ne sais pas si j'ai envie d'y aller tout de suite mais ... Elle, j'ai envie de la connaître plus.

Ma gorge se retrouva brusquement comprimée par l'émotion. De nouveau, l'image d'un Simon prostré sur le pont s'interposa avant de trembloter et de s'effacer. Je l'avais pris à bras-le-corps depuis ce jour, lui et son traumatisme mais jusque là, c'était la plus belle de mes victoires. La sienne, certes, mais je pouvais m'empêcher de me dire que si je n'avais pas été là pour enclencher le processus, personne ne l'aurait fait. Pour ce faire, il fallait faire mal à Simon et personne ne pouvait s'y résoudre. Moi, oui.

Parce qu'il n'y avait que de moi qu'il l'acceptait.

Sans pouvoir m'en empêcher, mes doigts glissèrent de son genou à sa main qui continuait de jouer et je la serrai. Simon leva sur moi un regard interloqué. Ses prunelles ne s'étaient même pas obscurcies : a la lueur des chandelles, elles restaient de ce vert mousse piqué de quelques teintes d'ambres et de noisette, la couleur que j'aimais, celle qui m'invoquait l'espoir et m'insuffler de la force. Pas l'émeraude qui me broyait la trachée.

Il dressa un sourcil, l'air de demander des explications et je pris brusquement conscience que je venais de lui prendre la main sans réelle raison apparente et que depuis, je restai silencieuse à le regarder. Mes joues s'échauffèrent quelques peu et je clignai des yeux pour m'éviter de me perdre dans les siens.

-Rien. Je suis fière de toi, Simon prénom-ridicule Bones. Vraiment.

C'était vrai. Mais quand Simon sourit, lâcha la main et détourna le regard, je sentis toute la chaleur se dissiper de mon corps et ne laisser qu'une étreinte glacée que même la fierté n'illuminait plus. 

*** 

Pour ceux qui s'étonnerait de ne pas voir Harry : il participe lui à la soirée à Noël. Là nous sommes en Novembre et Hermione évoque à un moment une soirée avec Gwenog Jones dans le tome 6 ! 

Je vous avoue que j'attends particulièrement vos réactions sur ce chapitre ! J'espère qu'il vous aura plu et à la semaine prochaine pour le bonus de Simon ! 

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