III - Chapitre 11 : Tourner la page

Merci HarryStranger de m'avoir donné la solution Google Doc pour enlever l'italique. Mais Dieu que c'est chiant comme plateforme et Dieu que c'est chiant de devoir passer par là pour enlever l'italique ! 

Well, again je suis occupée demain et ce WE donc vous avez le chapitre un peu en avance ! Lucky you ! 

Bonne lecture et Keur sur vous <3 

*** 

Il n'est pas toujours nécessaire de tourner la page. Il faut juste de temps en temps changer de livre. 

- Amor Abbassi 

*** 

Chapitre 11 : Tourner la page.

-A ton tour de brûler ?

Remus Lupin semblait ulcéré. Nous étions assis dans le salon des jumeaux Weasley pendant que le reste de la troupe – Simon y compris, j'y avais veillé – était dans la boutique à aider les garçons pour ranger la réserve. Nous y avions mis un désordre sans nom après avoir fait une nouvelle partie de « cache-cache ». J'avais profité de la déserte de l'étage pour raconter l'événement à mon ancien professeur. Pendant les récits, j'avais senti mes mains trembler, exactement comme lorsque j'avais retrouvé les mots de sang sur les murs de mon église.

-On a dû oublietter notre épicière et quelques voisins qui avait vu l'incendie, ajoutai-je d'une voix morte. On pense que c'était une illusion pour attirer notre attention ...

-Sans doute ... Etonnant qu'ils ne l'aient pas vraiment brûlé, normalement les Mangemorts ne rechignent pas à la destruction ...

Mon cœur s'arrêta de battre dans ma poitrine. Les mots et le combat avaient déjà été bien assez éprouvants, alors qu'est-ce que cela aurait été si l'église avait réellement été réduite en cendre ... La suite l'avait été tout autant : George s'était chargé de faire partir les Selwyn alors que ma mère et mon grand-père semblaient prête à leur sauter à la gorge, consciente que leur fils était responsable de leur frayeur. J'ignorais encore par quel miracle j'avais pu retenir Miro – enfin, si : Jaga, toujours elle, l'ange de la famille restée isolée sur la côte et qu'il était parti rejoindre. Mais en rentrant, une autre crise s'était engagée : les Selwyn étaient partis, mais Rose avait vraisemblablement empêché Simon de nous suivre. Il n'en avait pas fallu plus pour que la colère qui bouillonnait en lui depuis que je lui avais parlé de Lysandra explose. Rien n'était réglé et tout avait sombré dans le chaos.

Lupin paraissait songeur. Les rides qui creusaient son visage le vieillissait encore plus et des cernes violettes assombrissait ses yeux.

-Mais je suppose que le message était plus important ... Si je ne m'abuse, ce n'est pas la première fois que tu reçois ce message, non ?

-Non ... « A ton tour de brûler » ... Mais c'était en sixième année, ce n'était pas Selwyn, c'était ...

Le nom s'étouffa dans ma gorge et je jetai un regard horrifié à Lupin qui haussa les sourcils face à mon émoi. Mes mains se crispèrent sur mes genoux en un geste compulsif.

-Kamila.

-La fille que tu es allée voir à Cracovie ? se souvint Lupin, surpris. Comment ça ?

J'entrepris alors de lui expliquer la longue affaire de ma sixième année, entre les messages et les allusions au 5 novembre et la responsabilité de Kamila qui avait été jusqu'à menacer de me tuer. Arrivé à ce stade du récit, un sourire étrange frémit sur les lèvres de Lupin. Il se leva pour s'approcher de la petite cuisinière des jumeaux et fit siffler la bouilloire d'un coup de baguette.

-Ah, j'ai entendu parler de cette histoire, oui ...

-Ah ... Dumbledore vous a raconté ?

Les lèvres de Lupin se tordirent et il parut hésiter. Pour se laisser le temps de la réflexion, il prit deux tasses dans lequel il plaça deux sachets de thé. Je n'eus pas le temps de lui apprendre qu'en réalité, je détestais ça qu'il reprenait la parole :

-Non. Non, à dire vrai ... Je pense que tu mérites de savoir ... C'est Sirius qui me l'a dit.

J'en fus si déconcertée que je le laissai mettre la tasse fumante entre les mains sans que je ne proteste.

-Sirius ? Sirius Black, c'est de lui dont vous parlez ?

-C'est une histoire compliquée, soupira Lupin en s'installant à côté de moi dans le fauteuil. Tu dois avoir lu quelque part dans La Gazette que Sirius Black est innocent de tous les crimes dont on l'a accusé depuis quinze ans ?

J'avais effectivement entendu cette rumeur cet été et elle m'avait révoltée autant qu'elle m'avait rendue honteuse. L'ensemble de la communauté sorcière s'était retrouvée confronté à son image de tribunal populaire et arbitraire qui ne pourrait jamais se suppléer à une véritable cour de justice.

Mais en quoi cela avait-il un lien avec Kamila ?

Lupin parut lire ma question sur mon visage marqué d'une expression perplexe car une étincelle de malice brilla dans son regard ambré.

-Et ça t'intéresserait peut-être de savoir de Sirius ... était un animagus ?

-Les sorciers qui peuvent se transformer en animaux ? Comme McGona ... le professeur McGonagall ?

-Inutile de te reprendre, Victoria, je te rappelle que nous ne sommes plus à Poudlard. Mais oui, comme le professeur McGonagall. C'est grâce à cette forme d'animagus qu'il a pu s'échapper d'Azkaban – les Détraqueurs ressentaient moins sa présence et il était assez maigre pour passer à travers les barreaux ... De là, il s'est caché et il a rejoint dès l'année dernière l'Ordre du phénix.

Il fit tourner le thé dans sa tasse, lorgnant le liquide brun d'un regard presque sceptique, comme s'il se répugnait à y tremper les lèvres. Il finit par lever le regard vers moi et me gratifier d'un pauvre sourire.

-Et alors qu'on commençait à parler recrutement, il a tiqué sur ton nom. C'est alors qu'il m'a parlé de ce jour où il est venu à Poudlard pour la troisième épreuve du Tournoi – il était le parrain de Harry, il voulait avoir un œil sur lui ...

-Il était ... (Je fronçai les sourcils, réfléchis une seconde mais jugeai que je préférais avoir le fin mot de l'histoire). Non, pardon, continuez.

-Toujours est-il qu'il est venu à Poudlard sous sa forme d'animagus. Animagus qui prenait l'apparence ...

-... D'un chien, compris-je alors, soufflée. Ça alors ...

Les lèvres de Lupin s'étendirent en un sourire ému.

-Sirius ... Sirius ne pouvait pas rester immobile face au danger. C'était une véritable tête brûlée. Dumbledore – qui bien sûr, était au courant de tout – lui avait ordonné de rester dans le jardin de Hagrid, mais il a entendu ce qui se passait, qu'une fille menaçait de te tuer ... Evidemment qu'il a tout de suite accouru, c'est bien le genre de Sirius de jouer aux princes sauveurs. (Il posa une main sur mon épaule). Il a dit que tu avais parfaitement réagi, ce soir-là. Beaucoup auraient été trop paralysés pour se libérer, se seraient enfuie une fois cela fait ... Mais toi, tu as fait tout ce qu'il fallait. Il avait hâte de te rencontrer pour de vrai et de te raconter ...

La voix de Lupin se brisa et sa main glissa de mon épaule pour se souder de nouveau à la tasse – et je finis par comprendre qu'il avait plus besoin de sa chaleur qu'autre chose. Le récit avait creusé un creux en moi. Le chien qui m'avait sauvé face à Kamila avait toujours été un véritable mystère que j'avais toujours mis sous le compte d'une simple chance. Ce n'était pas le cas. C'était le résultat de la volonté et du courage d'un homme que j'avais toujours méprisé pour son appartenance au cercle de Voldemort ... pour avoir tué treize moldus et effrayé la petite sorcière que j'étais en cinquième année ...

-C'était mon ami, à Poudlard, m'avoua Lupin alors à mi-voix, comme pour justifier sa soudaine faiblesse. Un ami très proche ... Lui, moi, Peter, et James Potter, le père de Harry ... Nous étions inséparables. Ne t'en veux pas de l'avoir cru coupable, je l'ai cru aussi ... Pendant douze longues années ... jusqu'à qu'il m'apporte la preuve irréfutable que j'avais tort. Peter qu'il était censé avoir tué, n'était pas mort mais se cachait dans la peau d'un rat depuis douze ans. Merlin quel choc ça a été ...

Je le contemplai avec l'impression que le vernis du professeur s'écaillait enfin pour que je puisse apercevoir l'homme. Et la première facette que je découvrais, c'était celle d'un ami en deuil.

-Comment est-il mort ? m'enquis-je sans pouvoir m'en empêcher, la gorge fermée.

-Au département des Mystères. En voulant sauver Harry ... Bellatrix Lestrange, sa cousine – une gloire personnelle pour elle.

-Je suis désolée ...

Je l'étais d'autant plus que la peine de Lupin était un douloureux échos de la mienne. Quelque part au fond de moi persistait une Victoria qui portait encore le deuil de Cédric. Mon ancien professeur fit un vague geste de la main.

-Ne le sois pas, ce n'est rien. Ce n'est pas le premier ami que je perds Victoria. Je ne dis pas qu'on s'habitue à la douleur ... mais on apprend à la gérer. Je voulais juste que tu sois au courant parce que ... Sirius voulait que tu le sois.

-Je vois. Merci.

Les syllabes répandirent un goût de cendre dans ma bouche. « Merci » ne me semblait pas être le mot le plus adéquat pour la situation présente mais je n'en voyais pas de meilleur. Lupin ne parut pas m'en tenir rigueur et m'adressa un nouveau sourire rassurant avant qu'une expression soucieuse ne vienne assombrir son visage.

-Mais revenons à ce qu'il s'est passé avant-hier ... C'est un véritable avertissement de la part de Nestor Selwyn, Victoria ... Tu penses qu'il a des liens avec Kamila, s'il a utilisé les messages qu'elle n'avait envoyé ?

-Je ne vois pas comment, à part si c'est Kamila qui aurait elle-même donnée l'information ...

L'idée me mettait réellement mal à l'aise. Je ne faisais pas une entière confiance à Kamila – comment faire confiance à une personne qui avait tenté de me tuer ? – mais j'avais été naïvement certaine en revenant de Cracovie qu'elle ne chercherait plus à me nuire personnellement. Et si je m'étais lourdement trompée ?

-Je vais envoyer une lettre à Viktor, décidai-je après quelques secondes. Il a gardé un lien avec elle, ne serait-ce que pour la surveiller ...

-Sois subtile dans ta lettre, voire code-la, me conseilla Lupin en hochant la tête. Mais effectivement, il serait bon de vérifier que l'une de nos alliées à l'étranger n'aie pas de lien avec nos ennemis ...

Je passai une main dans mes cheveux, tiraillée. Un autre détail venait de revenir à mon esprit, un détail fugace mais qui ne cessait de me hanter depuis deux jours, presque autant que les lettres rouge sang sur les pierres de mon église.

-Mais il y a autre chose ... Pas simplement Kamila ... La mère de Nestor, Thalia. Quand l'épicière est venue nous annoncer pour l'église ... Pro ... Remus, je vous jure qu'elle a souri. Comme si elle savait.

-Ah, laissa échapper Lupin avec un froncement de sourcil. Ça, c'est plus inquiétant ... La famille Selwyn est considérée comme neutre, malgré sa puissance financière et si Thalia devait faire basculer cela ...

-C'est la cousine de Lucius Malefoy, me souvins-je distraitement. Ça peut jouer ?

-Bien sûr, si elle avait encore des contacts avec Lucius ... Elle ne doit pas être ravie, cette femme : au moment où son cousin est envoyé à Azkaban, son fils se rend coupable d'agression envers un moldus et suit vers les Mangemorts ...

-Son père n'y croie pas. Pour lui, Nestor est simplement en fuite. Il n'a pas rejoint les Mangemorts ...

Lupin réfléchit longuement à la supposition. Sa tasse de thé refroidissait entre ses doigts et je me rendis compte que la mienne avait perdu sa chaleur depuis longtemps. Je n'avais même pas eu la politesse d'y tremper les lèvres.

-Ce serait surprenant, de ce que tu nous as raconté ce garçon semble promis à un avenir de Mangemort, même s'il faut encore qu'il fasse ses preuves, jugea Lupin. Et si tu es presque sûre d'avoir reconnu sa voix ... Partons du principe qu'il a rejoint Voldemort mais qu'il ait encore des contacts avec sa mère : elle aurait parfaitement pu le mettre au courant de cette rencontre avec tes parents. Une occasion idéale pour se rappeler à ton bon souvenir. Au tien ... mais aussi à celui de son père. Les Mangemorts ne sont pas heureux de savoir les Selwyn neutres. La place d'une grande famille de Sang-Pur est derrière Voldemort. En un sens, Julius Selwyn est aussi menacé que tu ne l'es dans ce message. L'un des « ennemis de l'héritier ».

Ma trachée fut compressée par l'angoisse. Voilà qui doublait la pression faite sur ma famille ... puisque mon frère sortait avec l'héritière Selwyn, famille disputée par les deux camps et dont la puissance financière était un enjeu stratégique. Seigneur Alex, tu as parfaitement choisi ta moitié ... Je posai lentement la tasse sur la table basse. J'avais trop peur que mes mains tremblantes ne la fassent tomber.

-Qu'est-ce que je peux faire ... ?

-Rien de plus que tu ne fais déjà, Victoria, m'assura Lupin avec douceur. Protéger la maison de tes parents, le système d'entraide avec les Bones, c'est déjà très bien. Il faudra que vous redoubliez de prudence – ne sors pas seule et utilise le plus que possible le réseau de cheminée. De notre côté, on va surveiller particulièrement Thalia Selwyn et on te tiendra au courant des évolutions.

Je clignai les yeux, surprise. Ce n'était absolument pas le sens de ma question.

-Remus, je voulais demander ce que je pouvais faire pour l'Ordre. Parce que jusqu'à preuve du contraire, le meilleur moyen pour moi de mettre fin à ce cauchemar pour ma famille, c'est de détruire Voldemort.

Lupin haussa les sourcils en entendant le nom franchir mes lèvres – ou en comprenant réellement ce que je voulais savoir. Il lâcha à son tour sa tasse de thé.

-Les entretiens devraient arriver la semaine prochaine, admit-t-il d'un ton prudent. Ils auront lieu avec des membres de l'Ordre en qui nous avons une immense confiance et qui sauront voir clair en vous ... Mais vous ne serez peut-être pas sur des missions importantes – et tu ne seras certainement pas sur celles qui concernent les Selwyn ...

-Je m'en fiche. Je veux juste ... juste faire quelque chose. N'importe quoi, tout ce que vous jugerez utile. Je veux en finir avec ça ... Oh, je sais que ça va sans doute prendre des années, ajoutai-je en remarquant le sourire triste qu'abordait Lupin. Mais ... autant le faire maintenant que j'en ai encore la foi.

-Je comprends parfaitement, assura-t-il avant que son regard ne glisse sur ma tasse de thé froid abandonnée sur la table. Tu ne le bois pas ?

Mes joues s'empourprèrent et je dus avouer du bout des lèvres en réalité, je n'avais jamais le thé. Lupin me considéra quelques secondes avant de me déconcerter en éclatant de rire. Il prit nos deux tasses, toujours secoué par l'hilarité.

-Moi non plus ! Et si je vous faisais deux tasses de chocolat chaud, plutôt ? J'ai l'impression que ça nous ira mieux à tous les deux !

***

J'avais répété ma conversation à Simon, puis à mes parents qui avaient été secoués par ces mots que nous avions eu peine à effacer. Et pire que tout, Miro semblait prêt à emménager chez nous pour veiller quotidiennement sur mes parents – et la perspective ne les enchantaient pas. La sécurité, oui, mais pas à n'importe quel prix.

-Je pourrais venir, moi, proposa Melania.

Nous venions de transplaner dans le jardin des Bones – depuis ma maison car à présent même les plus courts trajets étaient effrayants – toutes de capes vêtues. Je devais me rendre au Ministère pour déposer des papiers au Département des Jeux et Sports Magiques et Melania avait décidé de m'accompagner pour pouvoir parler avec son frère qui travaillait au Département de la Coopération Magique Internationale. Comme Octavia, songeai-je en réprimant mon sourire.

-Alex et moi, on pourrait réemménager chez tes parents. Comme ça il y aurait deux sorcières à la maison ...

-Alex ne retournera jamais chez mes parents, contrai-je en gravissant le perron de la belle maison victorienne. Et vous ne vivez même pas ensemble ...

Melania eut l'air embarrassé. Depuis la rencontre qui s'était soldée par un semi-échec, elle paraissait s'en vouloir. Après tout, c'était son propre frère jumeau qui menaçait notre famille.

-A dire vrai, on y songe. Il se pourrait même qu'on l'ait décidé ...

-Ah, lâchai-je, à moitié surprise par la nouvelle. Et bien ... félicitations, je suppose.

Les lèvres de Melania se retroussèrent en un sourire heureux, signe que la décision n'était pas simplement dû à la prudence, mais surtout à leur relation qui continuait de s'épanouir. C'était rassurant de voir leur amour résister à tout cela.

J'ouvris la porte arrière qui menait au cellier et Bones et fus surprise d'y voir George, visiblement occupé à compter l'impressionnante collection de bouteille d'hydromel dont certaine prenait la poussière. Melania, qui découvrait cette partie de la maison, ouvrit de grands yeux surpris.

-Wha, ça c'est de la cave ...

Un sourire fit frémir la barbe de George.

-Collection personnelle de mon grand-père. Il aimait les bonnes choses ... En quoi je peux vous aider ?

-On aurait besoin d'utiliser la cheminée pour aller au Ministère, expliquai-je en retirant le chapeau de sorcière que j'avais consenti à passer.

-Ah. Attends ...

George abandonna ses bouteilles pour entrouvrir la porte du cellier et tendre l'oreille. Melania et moi échangeâmes un regard perplexe alors que le père de Simon ouvrait plus grand la porte et passait sa tête dans la cuisine.

-Hum ... Il me semble que la dispute s'est délocalisée à l'étage alors ... La voie est libre jusque la cheminée !

Mes entrailles se contractèrent et j'évitai soigneusement le regard de George. Je savais que Simon ne tiendrait pas longtemps pour demander des comptes à ses parents concernant Lysandra Grims, mais je ne me doutais pas que ça se solderait par des cris. Surtout pas avec Rose dont il était si proche ...

-On est désolée de vous déranger, s'excusa Melania, contrite.

-Vous ne me dérangez pas, mais dépêchez-vous. C'est ... une dispute privée.

Son regard s'attarda plus particulièrement sur Melania. Elle n'était pas au courant des véritables origines de Simon et je doutais que George veuille que cette information atteigne la famille Selwyn. Alors je pris le bras de Melania, remerciai George, et me dépêchai de nous faufiler jusque l'impressionnante cheminée frappée des armoiries de Poufsouffle et si haute que Melania pouvait s'y glisser sans même courber l'échine. Elle prit une pincée de poudre émeraude et la jeta dans les cendres en articulant distinctement « Ministère de la Magie ! ». Je profitai que les flammes vertes l'enveloppent pour me tourner vers George, la mine penaude.

-Ça va aller ?

George haussa les épaules. Il paraissait résigné.

-Tu sais, c'est une dispute qui devait arriver. Mais par précaution ... ce serait peut-être bien que tu passes ce soir.

-Oh. Très bien ... A ce soir alors.

Sans attendre, j'entrais à mon tour dans la cheminée et me laissai engloutir par les flammes émeraudes. La poudre de cheminette était moins désagréable que le transplanage mais elle continuait de me rendre quelque peu claustrophobe et j'arrivai suffoquée dans une cheminée de pierre noire et luisantes, étourdie par un brouhaha incessant.

-Vic' !

Melania me prit fermement par le bras et m'extrait de la cheminée, au meilleur moment car elle s'embrasait de nouveau pour faire apparaître un homme roux à lunette qui se mit en marche sans attendre. J'observai l'immense espace immense, haut de plafond au pierres noires et brillantes qui reflètaient les lueurs des torches pâles. Les sorciers fourmillaient dans l'Atrium, se déplaçant sans même lever les yeux des parchemins qu'ils consultaient ou de leur destination. Au centre, des bâches violettes cachaient ce qui semblait être un chantier et d'où s'échappaient parfois des étincelles ou bruits métalliques.

-Règle numéro un, vite sortir de la cheminée, m'apprit Melania en me guidant dans la foule. Règle numéro deux, toujours être en mouvement. Règle numéro trois ... (Elle nous arrêta devant une cage d'ascenseur dorée). Accroche-toi.

Les grilles s'ouvrirent en un son de cloche clair mais perçant et ma claustrophobie réveillée par la cheminée monta en flèche lorsque je découvris la cage bondée de sorciers et sorcières. De plus l'ascenseur allait dans tous les sens possibles, si bien que je pris au mot la règle de Melania en m'accrochant à elle jusqu'à ce que la voix désincarnée annonce le département des Jeux et Sports Magiques. Melania m'accompagna jusqu'au bureau de la Fédération Anglaise de Quidditch déposer mon aptitude à jouer en équipe A en cas de blessure du gardien titulaire ou choix de l'entraîneur, puis ce fut le retour dans l'ascenseur infernal – dans lequel c'était carrément glisser un gobelin et quelques avions de papiers que Melania qualifia de « note de service » - jusqu'à ce que la voix désincarnée déclare :

-Niveau cinq, Département de le Coopération magique internationale, Organisation internationale du commerce magique, Bureau internationale des lois magiques, Confédération internationale des sorciers, section britannique.

Melania me prit de nouveau par le bras pour me faire sortir de de l'ascenseur et je poussai un immense soupir de soulagement. Il me donnait la nausée, entre son exigüité et une odeur étrange qui y persistait, comme si un troll y était passé.

-Je suis tellement heureuse de ne pas avoir choisi le Ministère ...

-Je suis tellement heureuse de l'avoir quitté aussi, crois-moi, assura Melania en me guidant dans le long couloir. Bon, Ulysse travaille dans la section du commerce magique, je vais aller y faire un saut ... Tu peux y aller si tu veux ...

-Non, je dois voir Octavia, je vais en profiter. Elle m'a donné les coordonnées de son bureau attends ...

Je vis les yeux de Melania étinceler pendant que je fouillais les poches de ma cape à la recherche de mon information.

-Octavia ? McLairds ?

Un sourire entendu s'étira sur mes lèvres. « J'ai même parlé de toi à ma sœur ... » avait soufflé Ulysse à Octavia lorsque je les avais surpris dans un couloir. Et je doutais que ce soit à sa petite sœur qu'il en ait parlé ...

Devant la curiosité manifeste de Melania de découvrir l'aimée de son frère, je consentis à la laisser m'accompagner jusqu'au bureau de la jeune fille, situé au bout d'un long couloir dans la section de la Confédération magique internationale. Sa porte était entrouverte et elle était seule, assise derrière son bureau, noyée sous une tonne de dossiers. Même affairée avec une tâche d'encre sur la joue, passant de parchemin en parchemin, elle gardait une certaine dignité. Je frappai discrètement à sa porte et en fus quitte pour un regard agacé.

-Bennett, soupira-t-elle en secouant la tête. Je suis contente de te voir – et très joli chapeau, au passage – mais comme tu vois, je n'ai pas le temps, si tu peux ...

-Ce n'est pas très poli, ça ...

Melania s'avança à son tour, les yeux pétillant d'amusement et Octavia se figea. Mais elle se reprit aussitôt pour la gratifier d'un charmant sourire, plus aimable encore que celui que lui servait sa future-belle-sœur. Seigneur, c'était donc à ça qu'elles s'étaient entrainées étant petites ? A sourire devant un miroir ?

-Melania, je suppose ?

-Exact. Je cherche le bureau de mon petit frère, Ulysse – quelle idiote, j'ai oublié de lui demander avant de venir ... Tu ne saurais pas, toi ?

Je me retins de lever les yeux au ciel devant l'étalage de tout son esprit tordu de Serpentard. Ça aurait pu être jouissif si Octavia avait réagi mais la jeune fille réagit comme d'habitude avec la plus grande courtoisie et se leva pour y conduire Melania. Il fallut que nous prenions un peu d'avance sur elle pour qu'elle me lâche d'un ton irrité :

-Alors ça Bennett, je m'en souviendrais.

-Et moi je retiendrais que pour Melania ce sont des sourires et pour moi ça se résume à un « dégage ».

-Je croule sous les dossiers ! On a un gros problème avec la France et l'Allemagne qui veulent cesser toute relation commerciale avec nous en raison « des événements » qui secouent l'Angleterre et le MACUSA songe même à fermer ses frontières ...

-Le quoi ?

Octavia poussa un grognement de frustration qui pouvait soit m'être adressé, soit adressé audit MACUSA et je renonçai à l'interroger plus. En revanche, j'entrepris d'extraire de ma besace plusieurs rouleaux de parchemins que je lui collais entre les bras.

-Tiens, de la lecture pour te détendre ce soir. Le premier, ce sont des notes sur les outils sociologiques et quels usages on pourrait en faire dans notre projet – je pense notamment à tout ce qui est travail autour de la société et de ses normes, ça pourrait donner un aspect plus scientifique au devoir. Le deuxième, c'est tout ce qui est exploitables dans ce qu'on avait fait l'année dernière et le dernier la liste des ouvrages que j'ai pu trouver chez les Bones, je vais commencer à lire ça cette semaine.

-Hé bien, souffla Octavia, radoucie. Tu n'as pas dormi ces derniers jours ?

Un sourire dépité retroussa mes lèvres et Octavia pâlit quelque peu. Elle pressa les rouleaux de parchemin contre sa poitrine et mordit sa lèvre inférieure.

-Ah ... Ulysse m'a raconté ce qu'il s'est passé ... ça va ?

-Je n'en sais rien. J'évite d'y penser alors je travaille ...

-Il n'y est pour rien, assura-t-elle, toujours à voix basse. Je t'assure, il était furieux quand je l'ai vu, il ...

-Ce n'est pas lui qui m'inquiète, Octavia.

La jeune fille me lança d'un regard peiné et l'espace d'un instant, elle parut tentée me gratifier d'une marque de sympathie. Mais elle y renonça et son regard alla se perdre dans les méandres du couloir devant nous. Son visage se figea et elle s'immobilisa si brusquement que Melania derrière elle faillit la percuter.

-Qu'est-ce qui se passe ?

-On ferait mieux de ...

La tentative de fuite d'Octavia était inutile. Je l'avais vu aussi.

Au bout du couloir, Miles patientait devant une porte, visiblement nerveux. Ses cheveux bruns étaient impeccablement coiffés mais contrairement à Poudlard vers l'arrière, et ça dégageait son visage aux traits volontaires. Une barbe de trois jours qu'il s'était refusé de laisser pousser à l'école assombrissait ses joues et sa lèvre et le rendait infiniment plus adulte. J'eus à peine le temps de me remettre du choc face à sa vision qu'une fille émergea du bureau devant lequel il attendait, logea sa main dans la sienne et l'embrassa tendrement sur les lèvres. Une fille aux cheveux blonds et au sourire mielleux que je reconnus parfaitement comme étant ...

-Gillian Fawley, lâcha Octavia, estomaquée. Bon sang, il a baissé en gamme ... D'accord elle est très jolie mais elle ne te vaut pas ...

-Oh, comprit Melania avant de poser une main douce sur mon bras. C'est Miles, c'est ça ?

Sonnée, je me contentai d'acquiescer d'un hochement de tête. J'étais incapable de définir ce que je ressentais. J'avais l'impression d'assister à la scène comme un fantôme, de n'être pas vraiment là, d'être invisible aux yeux du couple qui disparaissait à présent en sens inverse, babillant des mots auxquels j'étais sourde. La pression de Melania sur mon bras me ramena à la réalité.

-Victoria, ça va ?

Je n'en savais rien. C'était étrange comme sensation, à mi-chemin entre la nostalgie et le soulagement. Avec une pointe d'humiliation face à la personne qui m'avait remplacée dans son cœur. Soudainement, un besoin irrépressible gonfla dans ma poitrine, une envie qui était là, latente, depuis quelques semaines mais qui à présent devenait indispensable.

-Ça va ... il faut ... il faut juste que j'aille voir quelqu'un.

***

C'était une idée franchement stupide. Mais j'en avais besoin.

L'appartement se situait à l'étage d'une maison d'allure si ancienne que je fus persuadée que le complexe était magique, comme celui au sein duquel habitait Kamila à Gdansk. La propriétaire, une femme d'une quarantaine d'année, me posa une quinzaine de question avant de déterminer que je n'étais pas une Mangemort venue tuer ses locataires mais me suivait toujours d'un œil suspicieux alors que je montais dans le bel escalier de bois vernis.

Ce fut elle qui ouvrit et ses yeux bleus s'écarquillèrent lorsqu'elle me vit sur le bas de sa porte, en cape et en chapeau

-Vic' ?

-Salut Emily.

Elle me contempla, incrédule. Elle avait coupé ses cheveux blonds à l'épaule et ça lui donnait l'air plus âgé, plus femme que jeune fille, impression renforcée par les lunettes qu'elle avait enfoncé sur son nez.

-Qu'est-ce que tu fais ici... ?

La question aurait pu être vexante mais elle s'expliquait par le fait que ça faisait trois mois que nous étions sans nouvelles l'une de l'autre. J'aurais pu mentir, expliquer qu'elle me manquait et que je voulais prendre de ses nouvelles, mais ça n'aurait pas rendu justice à l'amitié qui nous liait depuis plusieurs années.

-J'ai vu Miles avec sa nouvelle copine ... Et ça m'a fait un choc. J'avais besoin d'en parler. Avec ma meilleure amie.

L'expression d'Emily s'adoucit et se teinta de nostalgie et de compassion. Un sourire triste s'étira sur ses lèvres.

-Tu viens avec des ragots et une conversation intime et tu espères que ça va m'attendrir ?

-Et si tu m'invites à entrer, je te dis même le nom de la copine. Tu vas halluciner.

-Et mince, tu me connais trop bien ... Allez, entre.

Elle s'effaça pour me laisser mettre un pied dans son bel appartement lumineux et spacieux. La porte donnait sur un agréable espace de vie réchauffé par un parquet et qui donnait sur une cuisine « à l'américaine » séparée du reste de la pièce par un bar. L'endroit était impeccable, les canapés en toile bleue rayonnaient et pas un grain de poussière ne salissait la table basse de bois ciré. C'était décoré avec goût et finesse et je souris en remarquant qu'Emily rangeait les rares objets qui semblaient trainer.

-Tu as bien agencé ça ...

-C'est Roger, en fait. Je te jure, c'est un de ces maniaques, il est pire que moi ...

Je dressai un sourcil qui arracha un sourire coupable à Emily. Je me souvenais que la plupart de nos disputes dans nos jeunes années avaient tenu à l'ordre dans notre chambre – et pourtant je n'étais pas particulièrement désordonnée. Nous nous installâmes l'une en face de l'autre sur le canapé, nous contemplant l'une l'autre, enfermée dans un silence lourd de non-dits. Maintenant que j'étais devant elle, des sentiments que j'avais tenté de refouler remontèrent à la surface – la frustration suite à l'année écoulée, la vexation de l'éloignement qu'elle nous avait imposé mais aussi le manque que ça avait occasionné. Un petit sourire flottait sur les lèvres d'Emily.

-Tes cheveux ont poussés ...

-Pas les tiens.

Elle essuya un petit rire et passa une main dans ses mèches lisses et soyeuses.

-J'avais envie de changement. De marquer un nouveau départ ...

Une ombre passant sur son visage et elle détourna le regard. La fenêtre du salon donnait sur un petit potager dans un jardin verdoyant qui profitait des derniers rayons de soleil de l'automne, car octobre avançait principalement dans la bruine. Un temps parfait pour jouer au Quidditch. -Bon, tu m'as promis le nom de la fille, ma rappela soudainement Emily, par soucis de craquer cette bulle de malaise dans laquelle nous étions enfermées. Avec quelle fille infiniment moins bien il a osé te remplacer ?

Mes lèvres se tordirent. Je supposais que le « infiniment moins bien » était une question de point de vue ...

-Gillian.

Les yeux d'Emily s'écarquillèrent sous le choc.

-Gillian ? Gillian ma cousine ? Gillian la glousseuse qui faisait signer son sac par Cédric avec son rouge à lèvre, cette Gillian-là ?

-Elle-même en personne.

-Oh la la ...

Emily ponctua sa remarque d'un grognement dédaigneux qui m'arracha un sourire. Je savais que les deux cousines ne s'étaient jamais entendues. Si dans leur enfance, Gillian avait semblé sans cesse demander l'approbation d'Emily, elle avait tenté par la suite de s'imposer comme sa rivale à Poudlard, forte du même nom de famille et de la même chevelure blonde comme les blés. Malheureusement, elle n'était qu'une pâle copie de sa cousine et était restée dans l'ombre de la véritable rivale d'Emily, Octavia. Et pour mon plus grand soulagement, l'indignation d'Emily semblait dissiper complétement le malaise :

-Gillian ! Mais comment on peut passer de toi à Gillian ? C'est une gourde, elle est superficielle au possible ! Tu es cent fois mieux qu'elle !

-Je n'en sais rien ... Elle est plutôt jolie.

La phrase me paraissait complétement puéril, à l'image de tout ce qui m'habitait à l'instant. Mais au final, c'était presque ce qui me faisait le plus mal : Miles m'avait remplacé par une vraie femme, avec des formes, un joli visage et qui pourtant était connue pour sa superficialité. Mon exact opposée, en un sens. Comme s'il avait cherché une fille qui avait tout ce que je n'avais pas et ça me renvoyait nécessaire à mes complexes de femme enfermée dans un corps qui aura éternellement les formes de celui d'une enfant, avec une absence totale de forme et un visage qu'on pouvait difficilement qualifier de beau.

Dieu que c'était puéril de s'inquiéter de ça, maintenant ... Mais alors que j'avais vu le charmant visage de Gillian sourire à Miles, c'était exactement ce qui m'avait habité.

Emily cligna des yeux, surprise.

-D'accord, elle est jolie, je ne vais pas lui enlever, mais toi aussi, rétorqua-t-elle immédiatement avec une certaine férocité. Arrête de te dévaloriser, Vic'. Tu te souviens comment on te regardait au bal de noël ?

-Mais ce n'était pas moi. Tu m'avais lissé les cheveux.

-Je sais, Simon m'en veut toujours. Mais laisse-moi te dire ce que tu n'as vraisemblablement pas pu entendre ce jour-là : beaucoup de gens t'ont trouvé très belle.

Parce que j'avais été couverte d'artifice, d'une jolie robe, d'un joli maquillage et d'une coiffure plus conforme aux critères de beauté. Mais je ne préférais rien répliquer à Emily concernant ce fait dont elle tirait une fierté personnelle. Satisfaite d'avoir réduit mes protestations au silence, elle poursuivit :

-Et quand même bien même, admettons, Gillian serait plus jolie que toi – ce qui se discute. Vic', on s'en fiche. Très clairement, il a perdu au change. Ce n'est pas toi qui devrais te sentir humiliée, mais lui.

Elle repoussa ses lunettes dans ses cheveux et enfin je vis le visage de mon amie sous l'adulte en devenir.

-Je comprends ce que tu ressens, c'est toujours une sensation étrange de voir son ex-copain refaire sa vie et on le prend toujours contre soi, mais il ne faut pas. A moins que ... tu aies des regrets ?

Je secouai vivement la tête. Non. Le regret, la jalousie : je ne ressentais rien de ça. Mon histoire avec Miles s'était essoufflée d'elle-même, la rupture avait fini par sonner comme une évidence. Est-ce que ça signifiait que j'avais réellement tourner la page ? Je l'ignorais. J'ignorais même ce que signifiait « tourner la page ».

-Non, pas du tout. Je ne sais pas, c'est juste. C'est idiot, non ? Il mérite d'être heureux, d'avoir quelqu'un qui l'aime mieux que je l'ai fait ... Mais Gillian Fawley ... En quatrième année, elle n'arrêtait pas de dire que mes cheveux étaient plus tentaculaires que le calamar géant !

Emily eut l'air vaguement embarrassé et je plissai les yeux, suspicieuse. A l'époque, nous n'étions pas en bon terme, et connaissant la volonté de Gillian de copier sa cousine, je me demandais soudainement si elle n'était pas à l'origine de la blague.

-Cela dit, c'était en quatrième année. On a tous grandi, Vic'. On a changé, on est devenu adulte. Et la Gillian adulte vaut toujours moins que la Victoria adulte, mais ... Je ne sais pas. Peut-être que Miles surcompense ? Effectivement, on peut se dire qu'il a cherché ton exact opposé, mais ça ne veut pas dire qu'elle est la fille idéale pour lui. Vraiment, ne le prends pas contre toi. Tu n'as pas de regret ? Très bien. Miles avance, à toi t'avancer aussi.

Je haussai les sourcils et sentis soudainement la conversation s'engager sur un autre pan. D'un coup de baguette, Emily fit voler un pichet de thé glacé et deux verres jusque nous et l'éclat malicieux dans ses prunelles me fit regretter d'être venue.

-Pitié, non, ne me demande pas si j'ai quelqu'un en vue ou quoi ...

Un sourire triste s'étendit sur les lèvres d'Emily alors qu'elle versait le liquide brun dans les verres. La lueur dans ses yeux s'était ternie.

-Malheureusement, je crois que j'ai renoncé à ce droit ...

-Toi ? Renoncer à mettre ton nez dans la vie des autres, à nous harceler pour tout savoir de notre intimité ? Tu vas me faire croire ça ?

Emily poussa un profond soupir et soudainement, l'embarras revint, soufflant d'un coup la flamme vacillante de notre complicité qui avait recommencé à danser. Les trois mois sans un mots pesèrent de nouveau entre nous.

-Em' ...

-Non, arrête, me coupa-t-elle en levant une main. Vic', je sais que ... ça a dû vous paraître injuste, ce que j'ai fait. Couper les ponts, ne pas répondre à vos lettres – félicitations pour des ASPIC d'ailleurs ... Mais j'avais besoin de ça. Vraiment.

Ses mains se crispèrent sur son verre et elle prit une longue gorgée, comme pour se donner contenance. Je la considérai un instant, la gorge nouée.

-Em' ... Je sais ce qui s'est passé l'année dernière ça a été un coup rude ... mais je t'assure, je ne t'en veux pas ... Simon non plus – ou s'il ose dire quelque chose ...

-Ce n'est pas que le retour de Tu-Sais-Qui, Vic'. C'est un ensemble de chose ... Par exemple ... J'ai ... j'ai été refusé à la formation comme Langue-de-Plomb.

-Oh, Emily, soufflai-je, peinée. Je suis désolée ...

Elle haussa les épaules avec flegme, mais moi je lisais parfaitement le dépit dans ses yeux. C'était une élève brillante, promise à un grand avenir et le Département des Mystères avait toujours été son rêve.

-D'après mes parents, c'est moins dû à mes capacités qu'à la sélection, expliqua-t-elle avec une certaine amertume. Le Département est gouverné par de vieux sorciers de sexe masculins qui malgré toute leur bienveillance considère qu'une jeune sorcière n'a pas sa place dans leurs rangs. Alors je me suis trouvée un poste de potionniste à Ste-Mangoust en attendant de renforcer mon dossiers ... Mais c'était un nouvel échec pour moi.

Elle m'adressa un pauvre sourire.

-Alors te voir entrer dans le monde du Quidditch pro, ou alors Simon aller à l'IRIS... ça ne faisait que remuer le couteau dans la plaie. Je ne voulais pas m'imposer ça ...

-Mais on aura pu te soutenir aussi, Emily. Arrête de croire qu'on va juger ou se moquer de tes échecs ... Tu avais fait ça aussi en nous cachant ce qui s'était réellement passé avec Roger alors que c'était idiot ... On peut être là pour tout toi si tu nous laisses faire.

Je fronçai les sourcils en remarquant que le sourire d'Emily s'était fané au fur et à mesure de mes mots. Son regard s'était perdu dans son thé glacé qu'elle faisait lentement tourner dans son verre et elle semblait chercher ses mots.

-Vous êtes là l'un pour l'autre, c'est une évidence ..., murmura-t-elle. Mais pour moi...

-Qu'est-ce que tu racontes ?

Je me sentais vexée par l'allusion. Je me souvenais encore d'elle après la mort de Cédric, complétement hagarde, perdue, sans vitalité, au point que j'avais pu prendre en charge ses obligations de préfète et faire sa valise au moment de prendre le Poudlard Express. Je ne pensais pas ne pas avoir été présente pour elle dans les moments difficiles, bien au contraire. Le problème avec Emily avait surtout été de deviner ces moments, car elle dissimulait absolument toutes ses émotions, tous ses conflits intérieurs. Cédric avait un jour parfaitement résumé cela : elle était la plus bavarde d'entre nous ... mais surtout la plus secrète.

-Je t'aurais aidé, Emily, si j'avais su ce qui se passait dans ta vie, mais tu n'as jamais voulu rien nous dire ...

-Tu n'as pas attendu que Simon te dise pour l'aider.

-Ce n'est ...

-Vic', m'interrompit-t-elle avec lassitude. Arrête, je ne t'en veux pas. C'est normal, en un sens.

Je clignais des yeux, perplexe et elle poussa un nouveau soupir. Elle remit de nouveau ses lunettes sur son nez et le masque de l'adulte retomba sur son visage avec sa certitude et sa science-infuse.

-On a été naïf de croire que la mort de Cédric ne changerait rien entre nous, Victoria. Ça a tout changé. C'est lui qui nous maintenait lié les uns aux autres ... Simplement je n'avais pas prévu que ça explose comme ça.

Elle tapota son verre et je me rendis compte qu'elle fuyait très clairement mon regard. Mon cœur dévala ma poitrine.

-Tu as cru que ce serait moi qui serais laissée de côté, c'est ça ... ?

-C'est nul, admit-t-elle d'un ton désolé. Mais Simon et moi on était ami depuis la première année, c'était Cédric qui t'avait imposé dans le groupe et tu avais Miles ... La dynamique qui m'avait semblé évidente, c'est que tu te rapproches de lui et que tu t'éloignes de nous. Mais en revenant des vacances, je me suis rendue compte que c'était tout l'inverse qui était en train de se produire. C'était moi qui étais isolée.

-Mais ... c'est ... parce que ...

-Je croyais le Ministère ? Vraiment ? Il n'y avait que ça ?

Cette fois, elle avait planté son regard dans le mien. Ce n'était peut-être qu'un reflet dans ses lunettes, pourtant il me semblait que ses yeux s'était légèrement embué.

-Evidemment que ça a joué, mais ... Je ne sais pas. Très tôt dans l'année, même quand ça se passait bien ... je me suis sentie de trop. Vous vous êtes repliés l'un sur l'autre, au-delà du fait que simplement, vous croyiez tous les deux Harry et Dumbledore. Ça dépassait ça, Victoria. Vous vous êtes rapprochés ... et ça vous a éloigné de moi.

Je sentis ma bouche d'entrouvrir devant cette analyse que je n'avais pas vu venir. Constatant que j'étais rendue muette par ses arguments, Emily asséna son ultime tirade :

-J'espère que tu comprends ... On était un groupe merveilleux. Un quatuor magique. Mais on ne peut pas être un trio. Parce qu'il y aura toujours l'ombre de Cédric sur nous trois. Parce que c'est devenu gênant pour moi d'être avec Simon et toi. Et parce que tu dis m'avoir pardonné mais au fond tu te souviendras toute ta vie qu'au moment crucial, je n'ai pas eu confiance en toi et que j'ai bafoué la mémoire de notre meilleur ami pendant un an ...

Je restais un moment silencieuse, douchée par l'argumentaire qui constituait une réalité gênante que je n'avais pas su voir durant de longs mois. Cela dit, la conclusion me semblait trop radicale et je ne pouvais m'empêcher de me sentir blessée par l'avenir qu'elle proposait à notre relation.

-Alors c'est tout ? On ne peut pas être un trio alors on ne peut plus être amis ? Tout ce qu'on a vécu ensemble, tout ce qu'on a partagé ... on oublie ?

-Non ... non, Vic', je n'ai pas dit ça. Mais on ne peut plus être comme avant. On a été naïf de le penser l'année dernière.

Elle tripota son verre avant de coincer une mèche blonde derrière son oreille. Dieu que cette coiffure lui donnait l'air plus mature ...

-Mais peut-être que j'ai été trop radicale en coupant les ponts, concéda-t-elle après quelques secondes de réflexions.

-C'est bien de l'admettre. C'était blessant, Em' ...

-Je sais, je me doute bien et je suis désolée. Simplement, comme je te l'ai expliquée ... j'avais besoin de cette coupure. De me recentrer sur moi, sur ma vie et ce que je voulais en faire. C'est peut-être égoïste mais après tout ce qui s'est passé cette année, c'était une vraie nécessité.

La magnifique horloge de bois chaud et aux aiguilles d'or sonna l'heure d'un ton presque définitif. Le temps était écoulé. Je contemplai un moment Emily, quelque peu sonnée par tout ce qu'elle m'avait asséné. Mais cela avait au moins pour mérite d'avoir effacer le malaise d'avoir aperçu mon ex-petit-ami avec Gillian Fawley ... Gillian Fawley ...

Par acquis de conscience, je jetai un coup d'œil à l'heure. Après ce qui s'était passé au dîner avec les Selwyn, mes parents paniquerait si je rentrais tard ... Puis la mention de cette rencontre me renvoya à tout ce que j'avais caché à Emily toute cette année, par manque de confiance ou simplement par pudeur. Des choses que j'avais révélées à Simon, voire à Miles et qui montrait parfaitement, comme elle le disait, qu'un gouffre s'était ouvert entre nous cette année et qu'il n'était pas lié à la croyance ou non au retour de Voldemort. Et malgré tout, au moment où je m'étais sentie déboussolée, c'était vers elle que mon cœur m'avait poussé.

-Emily ... Je n'ai pas envie que tout s'arrête.

Les lèvres de mon amie se pincèrent et j'insistai :

-Franchement, ça ne te fait pas un tout petit peu plaisir de me voir ? Et de pouvoir cracher sur ta cousine avec moi ?

-Tu es bête, s'amusa-t-elle avec l'ombre d'un sourire. Et bien sûr, Vic', ça me fait plaisir, tu m'as manqué. Malgré tout, tu restes la meilleure amie que je n'ai jamais eu ... Mais il faut que tu comprennes que ce ne sera jamais comme avant.

-Mais j'ai l'autorisation d'à nouveau venir toquer à ta porte si j'en ai envie ?

Elle détourna le regard et je la fixai, blessée par cette fuite qui se poursuivait. J'étais venue jusque chez elle, je faisais l'effort de parler, de comprendre. Et malgré tout ce qu'elle disait, je n'avais pas la sensation d'avoir été injuste avec elle l'année dernière. Si son amitié avec Simon était demeurée intacte, c'était parce que j'avais été là pour faire la part des choses. Mes poings se serrèrent sur mes genoux et je me mis à réfléchir à ce que Cédric penserait de la situation présente, à quel point ça le déchirerait de voir notre groupe se déliter simplement parce qu'il n'était plus là ... La réflexion s'acheva sur une pensée qui n'avait jusqu'alors jamais effleurer mon esprit et ma poitrine s'étreignit.

-Em' ... La semaine prochaine, c'est l'anniversaire de Cédric.

Ses yeux s'écarquillèrent devant le brusque changement de sujet et je profitai de son mutisme ému pour considérer les contours d'un plan. Le 13 octobre, il aurait dix-neuf ans ... Je me levai lentement du canapé et ramassai la cape que j'avais posée sur le bras du fauteuil.

-On devrait aller le voir. Pour son anniversaire ...

-Vic' ...

-On ne lui a jamais vraiment dit adieu, Em'.

Ses yeux flamboyèrent quand son regard se braqua de nouveau sur moi.

-Bien sûr que je lui ai adieu, Vic'. Ce soir-là, devant le labyrinthe. Je te rappelle que c'est moi qui aie fermé ses yeux.

-Rien ne t'empêche de lui rendre hommage.

-Je ne peux pas !

-Mais pourquoi ?

-Parce que !

Cette fois, elle se leva d'un bond et partit se poster devant sa fenêtre. Le peuplier planté dans son jardin voyait ses feuilles rousses arrachées une à une par le vent et elle fit mine de les observer tomber une à une et rejoindre la terre.

-Réfléchis, Vic', chuchota-t-elle sans quitter le peuplier du regard. Tu penses vraiment qu'il voudrait de moi là-bas après ce que j'ai fait l'année dernière ?

Ma gorge se serra. Elle avait raison. Son obstination à croire le Ministère avait bafoué la mémoire de Cédric, elle avait renié les véritables raisons de sa mort. Peut-être que plus que Simon et moi, c'était face à lui qu'elle avait le plus honte. Mes doigts se resserrèrent sur le chapeau de sorcière et je le fis tourner entre mes doigts.

-Bien ... En tout cas ... Moi j'y serais. Simon sans doute aussi. Si tu veux donner une chance à notre amitié ... Tu sauras où et quand nous trouver. Mais Emily ... Lui, il n'aurait jamais voulu ça. Tu le sais.

Elle se tourna d'un quart de tour pour m'adresser un regard mouillé de larme qu'elle se refusait à laisser tomber. Nous nous fixâmes quelques secondes en silence, un silence beaucoup moins lourd maintenant que tout avait été dit, puis je sortis de la maison. En fermant la porte de l'appartement, j'espérais de tout cœur ne pas avoir mis un terme définitif à notre amitié. 

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