II - Chapitre 4 : La dernière rentrée


BONJOUUUUR 

Alors pour ceux qui lisent L&J, pas trop triste que ce soit fini? Comment il était ce dernier chapitre? Moi je l'ai trouvé ouf, leur mort a été un crève-coeur ! 

Sinon, chapitre 4 de la seconde partie ! On retourne à Poudlard, cette fois ! J'espère que ça vous plaira, bonne lecture ! 


Chapitre 4 : La dernière rentrée.

-Non mais je rêve ! Donc en fait dès que j'arrive, vous vous en allez ? Mais quel genre d'amis vous êtes ?

Chloé me contemplait, estomaquée. Elle portait un vieux short et un tee-shirt de l'équipe de football d'Angleterre floqué « Alan Shearer », et ses cheveux bruns s'agitaient furieusement autour de son visage. Du fait de sa présence, j'étais forcée d'extirper manuellement ma malle de chez moi, et il fallait dire qu'elle ne faisait pas preuve d'un zèle excessif pour m'aider. Elle se contentait de gesticuler autour de moi, comme montée sur des ressorts.

-Mais je n'y peux rien si je suis rentrée hier soir ! Après le stage de foot, mes parents ont voulu aller en vacance à Brighton, j'ai de la famille là-bas ... Je suis désolée ! Mais tu ne peux pas partir maintenant !

-Si, je le peux, rétorquai-je en réprimant un certain agacement. J'ai dit au revoir à mes parents, laissé un message furieux sur le répondeur de mon frère, et j'ai passé toute la matinée à ranger ces foutues malles. Alors crois-moi, je vais y aller.

-Nooon ! (Elle se jeta sur moi pour m'étreindre grossièrement) Tu ne peux pas, sérieux !

-Chloé pour l'amour du ciel ! J'ai un train dans une heure, je dois y aller !

-D'accord, céda-t-elle en me lâchant. Je suis juste déçue, on ne s'est quasiment pas vu cette année... Le groupe tombe en lambeau. Et comme je pars à l'université à la rentrée, je ne sais pas comment ça se passera ...

Adoucie par ses yeux de chien battu, je posai ma malle pour la prendre dans mes bras. Cholé avait un an de plus que moi, et était également en partance en Bristol pour poursuivre ses études. Elle commençait dans une semaine, et elle était rentrée complètement paniquée par la perspective. Elle était restée toute la soirée chez moi au bord des larmes, affolée par l'idée de quitter son village natal. Et maintenant que c'était Simon, Susan et moi qui partions, son angoisse augmentait.

-On revient à noël, promis-je en m'écartant. Et cette fois c'est sûr. Et tu ferais bien de te dépêcher, je pensais que ta mère avait besoin de toi pour faire les cartons ?

-Ça me déprime, marmonna-t-elle avant de hausser les épaules. Mais oui, je vais devoir y aller. Alors ... amuse-toi bien, pour ta dernière année de lycée.

-Et toi bonne rentrée à l'université.

Nous échangeâmes un dernier sourire avant qu'elle s'éloigne vers chez elle, les mains enfoncées dans ses poches de short et les épaules affaissées. Quant à moi, empêtrée avec ma grosse malle, et mes diverses sacs, je me dépêchai d'aller jusqu'à la maison des Bones. George m'attendait assis sur les marches du porche, et se précipita vers moi pour me décharger.

-Tu aurais dû les faire léviter ...

-Je ne pouvais pas, j'étais avec Chloé, haletai-je, essoufflée. Merci.

-De rien. Viens, rentre, Simon et Susan n'ont pas fini.

C'était un chaos indescriptible à l'étage de la famille Bones : Simon n'avait jamais appris à user des sortilèges ménagers car « magiquement, c'était pauvre » et je dus moi-même faire sa valise pour aller plus vite. Susan quant à elle, avait perdu son livre de métamorphose dans lequel elle avait glissé son devoir, et avait fouillé toute sa chambre avant que son frère ne daigne le faire apparaître. Il était dix heures trente quand nous transplanâmes enfin aux abords de la gare King's Cross. Nous avions pris de temps de revêtir nos uniformes et George avait fièrement épinglé l'insigne de préfet-en-chef sur la poitrine de Simon. Si les rapports restaient étrangement cordiaux entre le père et le fils, l'annonce de la nouvelle fonction de Simon avait adouci l'humeur de George, qui souriait en nous emmenant jusqu'à la barrière qui dissimulait la voie 9¾. Je vérifiai qu'aucun moldu ne regardait dans ma direction, avant de poser ma main sur le mur de brique entre les voies 9 et 10. Sans que j'en aie conscience, je passai à travers pour me retrouver devant le Poudlard Express, cette locomotive écarlate que nous retrouvions chaque année. L'effervescence qui régnait sur le quai était typique des jours de rentrée, comme les cris des élèves qui retrouvaient leurs amis et les plaintes des parents qui laissaient partir leurs enfants. Cette atmosphère d'euphorie me fit doucement sourire, et je suivis George et Susan le long de la locomotive rouge. La jeune fille enlaça longuement son père, et George embrassa Simon sur le sommet du crâne, mais celui-ci s'écarta si vite et si souplement que son père dut donner un baiser dans le vide. L'air passablement mortifié, George se tourna vers moi, et eut un sourire penaud.

-Bon. On se revoit aux vacances ma grande ?

-Oui pas de problème, assurai-je avec un sourire. Salut.

Mais avant de me laisser partir, il me prit dans ses bras pour me souffler à l'oreille :

-Prends soin de toi. Et d'eux.

-Promis.

Avec un dernier sourire, George me tapota l'épaule et j'empoignai ma malle pour grimper dans le train. Quelques mètres plus loin, Susan avait déjà retrouvé son amie Hannah Abott, mais Simon m'attendait près de la porte que j'avais atteinte.

-J'ai repéré un compartiment vide, m'apprit-t-il en désignant le couloir derrière moi.

-Oui et l'avantage de ça c'est qu'on pourra virer qui on veut, fis-je remarquer en pointant l'insigne qui brillait sur sa poitrine.

-Oh ce serait de l'abus de pouvoir. Où est le tien ?

Je le gratifiai d'un sourire innocent qui ne le trompa pas. Avec un regard désabusé, il tendit la main, et j'exfiltrai mon insigne de Capitaine de ma poche à contrecœur. Simon le prit de mes mains et l'épingla sur son uniforme. Je le laissai faire, confuse.

-Tu dois le mettre, me conseilla Simon avec douceur. Il est à toi, maintenant. Tu dois t'y habituer.

-C'est ridicule ...

-Kenneth et Judy n'avaient pas l'air de trouver ça ridicule. Voilà. (il s'écarta pour admirer le résultat). Il te va bien, en plus.

-C'est ça, marmonnai-je en lorgnant ma poitrine où l'insigne aux couleurs de Poufsouffles brillait. Bon, allez, il est où ton compartiment ?

Simon eut un petit sourire, et me guida vers une cabine effectivement vide où nous rangeâmes nos malles et nos affaires. Onze heures s'approchaient et les élèves commençaient à se masser aux fenêtres pour faire leurs adieux à leurs parents. Simon avait collé son front à la fenêtre, et je voyais très clairement son regard vagabonder vers l'endroit où son père se tenait, faisant de grands signes à Susan. Je tentai de trouver quelque chose à dire, mais avant que je ne puisse formuler une pensée correcte, la porte du comportement s'ouvrit sur nulle autre qu'Emily Fawley.

-Salut vous deux ! s'exclama-t-elle d'un ton guilleret.

Je fus presque choquée par l'immense sourire qui fendait le visage d'Emily. Je l'avais quittée presque moribonde à bord de ce même Poudlard Express. Elle abordait à présent une toute autre figure : les cernes avaient disparues de sa peau pâle et ses yeux azurs pétillaient. Elle avait glissé ses lunettes à épaisse monture dans ses cheveux blonds. Et surtout, un bel insigne semblable à celui de Simon brillait sur sa poitrine. Elle poussa un petit cri en pointant son nouveau compatriote.

-Je savais que ce serait toi ! s'enthousiasma-t-elle. Qui d'autre ? On va faire une équipe d'enfer !

-Salut, Em', lança Simon en levant mollement une main.

-Coucou, ajoutai-je avec un sourire. Et félicitation, cet insigne te va à ravir !

-N'est-ce pas, enchérit-t-elle, rayonnante. Oh Simon, on devrait y aller, les autres préfets vont nous attendre.

-Hein ?

Emily poussa un profond soupir, et sortit sa baguette pour faire léviter ses bagages dans le rangement prévu à cet effet.

-Tu n'as pas lu la lettre de Dumbledore ? On est préfet-en-chefs, Simon, on doit aller dans le compartiment réservé aux préfets pour former les bébés-nous.

-Mais je suis préfet que depuis vingt-quatre heures ! protesta Simon. Comment veux-tu que je leur apprenne quoique ce soit ?

-Tu me laisseras parler, le rassura Emily, avant d'ébouriffer mes cheveux. Et toi Vic', quoi de neuf ? Miles va bien ? Oh mon dieu après j'aurais des choses à vous raconter, après !

-Vous m'abandonnez ? conclus-je alors qu'elle se dirigeait vers la sortie.

J'étais habituée depuis deux ans à ce qu'Emily fasse une partie du trajet loin de nous. Cela dit, je n'avais plus passé le moindre trajet seule depuis ma troisième année, où Cédric était venu m'arracher à un compartiment empli de première année pour m'obliger à m'asseoir avec Emily, qui me détestait à l'époque. Pas le trajet le plus agréable, mais Cédric avait amplement compensé. Mais aujourd'hui, il n'y avait plus de Cédric.

Simon paraissait songer exactement la même chose en me regardant. Je le vis hésiter à suivre Emily, et j'eus un sourire rassurant.

-Mais ça va aller, je vais aller embêter les autres en attendant. Allez traumatiser les bébés-vous. Et si vous croisez Warrington, n'hésitez pas à ouvrir votre compteur d'heures de colle.

-D'accord, céda Simon en se levant. On revient vite.

-A toute à l'heure ! enchérit joyeusement Emily

Après un dernier regard inquiet de Simon à mon égard, elle referma la porte sur eux, plongeant le compartiment dans la solitude si on exceptait ma présence. Je soupirais en laissant aller mon front contre la fenêtre. La fraicheur du verre contre ma peau me fit beaucoup de bien, et apaisa quelque peu mon esprit. Pour tromper l'agitation, je fouillai le quai du regard. George était encore là, et je vis la famille Weasley également, accompagnée d'un chien qui m'évoqua vaguement celui qui m'avait sauvé de Kamila Tokarsky l'an dernier. Et non loin, à ma grande stupeur se tenaient mes deux derniers professeurs de Défense contre les Forces du Mal, Remus Lupin et Alastor Maugrey. Mon cœur sauta un battement lorsque le regard de Lupin effleura le mien. Je ne l'avais pas vu depuis son départ précipité deux ans auparavant, après qu'il fut ébruité qu'il était un loup garou. Sa démission m'avait attristé, car il avait été l'un des meilleurs professeur que j'avais pu avoir à Poudlard. Timidement, j'agitai la main, et mon cœur bondit de joie lorsqu'il me répondit avec un sourire chaleureux. Ce fut l'instant que choisit le Poudlard Express pour s'ébranler, et je vis Lupin, les Weasley et George s'éloigner jusqu'à ne devenir qu'un point baigné dans les panaches de fumée. Le cœur serré, je me laissai aller contre ma banquette.

J'avais beau m'y attendre à la difficulté, ça n'atténuait en rien la douleur qui pulsait sourdement dans ma poitrine.

La porte coulissa à nouveau, et je relevai la tête, m'attendant presque à voir Cédric surgir du couloir pour m'arracher à ce compartiment vide. Ce n'était pas Cédric qui se découpait dans l'encadrement de la porte, mais un visage connu qui fit naitre un sourire sur mes lèvres.

-Miles ?

-Moi-même en personne, s'amusa-t-il en écartant les bras d'un air théâtral. J'ai tant changé en un mois pour que tu ne sois pas sûre ?

Non, il n'avait pas changé. Il avait peut-être pris quelques centimètres mais sa croissance était moins choquante que celle de Simon. Ses cheveux bruns et soyeux étaient soigneusement coiffés et il avait lui aussi déjà revêtu son uniforme de Poudlard – y compris sa cravate aux couleurs de Serpentard. Il ouvrit les bras, et avec un sourire je me levai pour effleurer ses lèvres d'un baiser. Nous sortions ensemble depuis quelques mois, et si la mort de Cédric avait pu ébranler notre relation, nous nous efforcions de faire face, et je fus presque satisfaite de devoir me battre contre la liquéfaction lorsque mes lèvres entrèrent en contact avec les siennes. Je me raccrochai à sa nuque, m'efforçant de savourer l'instant. L'avantage de Poudlard était que j'allais à présent pouvoir vivre ma relation avec lui sans la cacher à quiconque.

-Coucou, soufflai-je en m'écartant d'un cheveu.

-Coucou. Ça a été la fin des vacances ?

-Simon est majeur. J'ai juste eu le temps de teindre ses cheveux en turquoise avant que l'inévitable se produise.

-Triste histoire, commenta Miles en m'embrassant sur le nez. Il est où, d'ailleurs ?

-Dans le compartiment des préfets. Emily et lui sont préfets-en-chefs.

-Aah.

Le sourire tenu de Miles voulait tout dire, et il effleura doucement ma joue de son pouce. Le contact m'arracha un frisson, et je laissai mes mains glisser jusque les siennes.

-C'était prévisible. Et toi, tes vacances ? Cora est excitée d'entrer à Poudlard ? Je l'ai croisé au Chemin de Traverse.

-Oh, comme tu l'imagines, dit Miles en se laissant tomber sur la baquette. Elle a essayé de négocier un balai, mais comme elle est en première année ... Attends, qu'est-ce que c'est que ça ?

-Ça quoi ?

Il désigna ma poitrine du menton, un sourcil relevé. Je rougis en voyant ses yeux effleurer cette zone de mon corps, et portait une main sur mon cœur. Ce faisant, j'effleurai l'insigne que Simon avait accroché sur ma cape, ce qui donna un éclaircissement sur la question de Miles.

-Oh, ça ?

-Oui, ça, confirma Miles sans l'ombre d'un sourire. Tu es nommée Capitaine ?

Un sourire coupable d'étala sur mes lèvres. Le choc passée et malgré la gêne qui persistait, un soupçon de fierté s'était mis à poindre. Mes yeux effleurèrent la poitrine de Miles mécaniquement. Le Capitaine de Serpentard, Marcus Flint, avait quitté Poudlard deux ans auparavant, il aurait été logique que maintenant que le championnat reprenait un nouveau soit nommé. Mais visiblement, ce n'était pas Miles, malgré ses années lui aussi au poste de gardien.

-Oui, répondis-je en passant ma main dans mes cheveux. La nouvelle est tombée hier.

-Whao, laissa échapper Miles, un sourire relevant la commissure de ses lèvres. Et bien ... félicitation.

-Merci ...

Miles avait beau sourire, j'avais vu un éclat d'amertume traverser son regard avant qu'il ne m'embrasse.

-Et Serpentard ? osai-je demander.

-Je ne sais pas, mais je pense que ce sera Montague, du coup, évalua Miles en haussant les épaules. Warrington n'a pas une once d'intelligence, mais Montague est globalement apprécié du vestiaire ...

Contrairement à moi, parut-t-il sur le point d'ajouter, la bouche tordue par le dépit. Je serrai la main en guise de compensation. Miles était assez isolé chez les Serpentards et ne devait la paix qu'à son poste de gardien où il était indétrônable. Mais je devais moi-même admettre qu'il n'avait pas assez le respect du reste des joueurs pour devenir le Capitaine de l'équipe, quand bien même il était celui qui le méritait le plus. Je sentis Miles sombrer dans la morosité, alors je me dépêchai d'embrayer sur mes vacances pour la chasser, tentant d'avoir l'air enjoué, et exagérant le cri de Simon lorsqu'il avait découvert ses cheveux bleus pour le faire rire. Cela parut avoir un effet positif car lorsque la dame passa avec son chariot de confiserie une heure plus tard, il paraissait bien plus détendu et m'offrit même des chocogrenouilles. En allant aux toilettes du wagon je croisais Angelina et Alicia, les deux poursuiveuses de Gryffondor avec lesquelles je m'entendais bien. En revanche, je passai rapidement devant le compartiment de Cho Chang, la petite-amie de Cédric qui devait avoir passé un été aussi difficile que moi. J'avais toujours été très embarrassée en présence de Cho, mais depuis que Cédric était mort, c'était pire. Je ne savais tout bonnement pas avec quelles pincettes la prendre.

-Tu sais que tu vas devoir la croiser assez régulièrement ? me rappela Miles lorsque je lui parlais de ça en rentrant.

-Je sais ... Mais je laisserais Emily parler, je pense. Elle a l'air d'aller mieux, elle saura mieux que moi quoi lui dire.

-Moi j'ai croisé Potter en venant, ajouta-t-il avec un sourire moqueur. Il avait l'air tout paumé avec un gros, la petite Weasley et Lufoca Lovegood.

-Qui ça ?

-Une fille de Serdaigle, un peu bizarre. Genre, vraiment, je pense que son père est le directeur du Chicaneur, tu vois quel magazine c'est ?

Je hochai la tête, suspicieuse. J'avais déjà entendu parler du journal fantasque, Rose Bones s'en amusait beaucoup. Miles ricana.

-C'est drôle comme les fous se rassemblent entre eux, naturellement.

Je ne répondis pas sur le coup, certaine d'avoir mal entendu. Mais Miles avait toujours cet air vaguement amusé, et ne paraissait pas le moins du monde troublé : il lisait tranquillement notre nouveau manuel de Défense contre les Forces du mal, un léger sourire aux lèvres. Sentant sans doute mon regard sur lui, il leva les yeux et dressa un sourcil intrigué.

-Oui ?

-Rien, répondis-je avec lenteur. Simplement je ne crois pas que Potter ait pu réussir toutes les épreuves du Tournoi en étant « fou ».

-La folie rime souvent avec le génie, Vic'. Je ne nie pas qu'il a un certain talent, mais le plus grand de tous est d'attirer toute l'attention sur lui.

J'aurais voulu répondre, et défendre d'avantage Harry, mais j'eus un vague sourire et détournai mon regard pour le plonger vers la fenêtre. Le temps à l'extérieur était changeant : nous passions si vite de la lumière à l'obscurité que je ne savais plus où en donnait de la tête. Ça aussi je m'y étais attendu, dès le discourt de Dumbledore en fin d'année où il avait annoncé le retour de Voldemort : Miles n'y croyait pas. Ça s'était confirmé par la suite lorsque nous nous étions rejoins à Oxford, une journée parfaite si on exceptait l'unique trait d'esprit qu'il avait fait sur la vieillesse de Dumbledore « il doit devenir sénile, et revivre ses anciens jours », avait-t-il laissé échappé alors que nous étions allongés dans un parc. « Sinon il n'aurait pas tant de foi en annonçant son retour, tu ne crois pas ? ». Je n'avais rien répondu. Je m'étais figée, l'observant à la dérobée, espérant presque le voir éclater de rire. Je posais ma main sur mon ventre au sein duquel mes entrailles s'étaient nouées. Il va falloir faire avec, Vicky. Miles ne serait ni le premier, ni le dernier.

Il était en train de négocier la cession de ma carte de Chocogrenouille de Morgane, l'une de celles qui manquaient à sa collection, quand Simon et Emily réapparurent enfin. Celle-ci gonfla sa poitrine de fierté.

-Je me sens puissante, annonça-t-elle. Tout ces cinquièmes années qui nous fixaient en buvant de nos paroles ...

-Malefoy s'est trouvé enchanté de savoir qu'il pouvait distribuer les punitions comme il le voulait, ajouta Simon avec une pointe de sarcasme. Oh, salut Bletchley.

-Malefoy ? répéta Miles en se rembrunissant. Sérieusement ?

Simon haussa les épaules, et se laissa tomber contre la fenêtre.

-Ouais. Ce sont les directeurs de Maison qui proposent les noms à Dumbledore, c'est pour ça que je ne suis qu'à moitié surpris. La préfète je ne la connais – et je n'ai pas retenu son nom.

-Perkinson, nous apprit Emily avant de mordre dans une patacitrouille qu'elle m'avait volé. Chez nous c'est Ernie Macmillan – quelle surprise encore – et Hannah Abott. Goldstein et Patil chez Serdaigle et Gryffondor c'est cette fille, tu vois ? Hermione Granger. On l'avait croisé une fois dans la cuisine.

J'approuvai, ravie. Je n'avais que peu parlé à la meilleure amie de Harry Potter, mais du peu que je la connaissais elle me plaisait réellement.

-Et le garçon c'est le petit frère des Weasley, ajouta Simon, songeur. Je me demande pourquoi Dumbledore n'a pas nommé Potter, plutôt ...

-Tu te poses sérieusement la question ? se récria brusquement Emily en perdant son sourire. Avec tout ce qu'il raconte depuis l'année dernière, qui le nommerait préfet ?

Simon fixait Emily comme si celle-ci venait de la gifler. Et il parut encore plus désarçonné en entendant Miles enchérir :

-Potter a causé assez d'ennui, même Dumbledore le voit. J'ai bon espoir qu'il se désolidarise de ce que dit Potter, ça mettrait un terme avec cette guerre absurde avec le Ministère ...

-Vraiment ? lâcha Simon, déconcerté.

Miles crut à tord qu'il renchérissait sur ses propos et hocha vigoureusement la tête.

-Bien sûr Dumbledore vieillit, mais il n'est pas si sénile que pensent la plupart des gens, il faut prendre de la distance avec ce que La Gazette dit ... Le problème c'est sa foi absolue en Potter, je ne la comprends pas. Peut-être qu'il est attendri par le côté tragique de son histoire ?

-Ah, merci Bletchley ! soupira Emily avant de tendre un bras sur Simon. C'est ce que j'essaie de lui expliquer depuis tout à l'heure !

Simon dévisagea Emily, puis Miles, ne sachant visiblement quoi répondre. Discrètement, j'accrochai son regard en portant mes mains en prière au niveau de mon cœur, le suppliant silencieusement de ne pas faire de vague. Miles dressa un sourcil à l'adresse de Simon.

-Pourquoi ? Tu crois tout ce que dit Potter sur Tu-Sais-Qui ?

Le ton dubitatif de Miles ne parut pas plaire à Simon, dont les yeux flamboyèrent. Je pressai mes mains l'une contre l'autres, le cœur serré. Ce fut après avoir échangé un long regard torturé avec moi qu'il lâcha :

-On va dire que ... devant le manque de preuve, je réserve mon jugement.

Un sourire effleura mes lèvres lorsque je reconnus les mots de sa tante Amelia, et je levai discrètement le pouce. Emily ouvrit les bras, agacée.

-Justement, Simon, il n'y aucune preuve, et c'est ce qui rend le discourt de Dumbledore complétement incohérent ! Tu ne penses pas que si Tu-Sais-Qui était de retour, il y aurait des morts, des disparitions ? (Elle pointa un index sur moi). Tu crois que Victoria serait encore vivante si Tu-Sais-Qui était revenu ?

Non, Simon, ne dis pas ce que je pense que tu vas dire, tais-toi ...

-Ah oui, c'est vrai j'oubliais qu'il n'y avait eu aucun mort à déplorer depuis l'année dernière. Bonne nouvelle alors, Cédric compte nous rejoindre quand ?

Seigneur, il l'a dit.

Je couvris mes yeux de ma main, dépitée et n'osant pas croiser le regard choqué d'Emily. Les doigts de Miles serrèrent brusquement les miens.

-Très délicat, Bones, cingla-t-il en me jetant un petit regard.

-Laissez tomber, fit brusquement Simon.

Il se leva d'un bond, et sortit du compartiment en claquant la porte, qui rebondit sur le battant plusieurs fois avant de se fermer définitivement. Emily fixait l'endroit où il avait disparu, à la fois stupéfaite et furieuse. La main de Miles pressait tellement la mienne que c'en était douloureux.

-Ça va ? me souffla-t-il en écartant une mèche de mon visage.

-Mais quel con, jura Emily, la colère prenant le pas sur l'incrédulité. Qu'est-ce qu'il lui prend ? Comment il peut croire ... Cédric ... c'était le Tournoi, pas ... (elle leva le regard sur moi, les yeux plissés). Tu en penses quoi, Vic' ?

Je me mordis la lèvre inférieure, indécise. Bien sûr que j'étais d'accord avec Simon, et bien sûr que je me retenais d'hurler face à leur déni. Je l'avais prévu : Miles comme Emily écoutaient le Ministère. Mais je refusais de voir toute ma vie éclater à cause de ce désaccord. Ce n'était visiblement pas le cas de Simon.

-Que l'année va être très difficile.

***

-Tante Amy t'a dit de te calmer, Simon ! Il y aura bien pire, après !

Susan fixait son frère du coin de l'œil, visiblement révoltée. Je l'avais trouvée sur le quai de la gare de Pré-au-Lard, mais elle n'avait pas la moindre idée d'où pouvait bien être Simon. Nous l'avions retrouvé toute deux, valises – y compris les siennes – trainantes derrière nous, déjà assis à la table des Poufsouffles, le visage entre les mains. Je gratifiai son crâne d'une tape sèche.

-J'ai dû me trimballer tes bagages, tu te rends compte ?

-Tu aurais pu m'aider aussi ! râla Simon en levant les bras au ciel. Tu as entendu ce qu'ils disaient ?

-Mais tout Poudlard pense comme ça, Sim' ! plaida Susan, agacée. J'ai croisé des gens dans le train qui me répétaient que Harry était fou, et que Cédric était mort dans un tragique accident dans le labyrinthe ! Ce sont les faits, Simon ! Moi non plus ça ne me plait pas, mais c'est comme ça, il va falloir prendre sur toi !

-Tu es préfet-en-chef, rappelai-je en posant une main sur son épaule. Tu as des responsabilités envers l'école, et envers ta famille. L'année sera bien assez difficile pour que tu ne te rajoutes le mépris de tout Poudlard.

Simon grogna contre son poing, mais il parut s'adoucir car il se redressa. Susan m'adressa un « merci » silencieux et s'assit en face de lui pour prendre sa main. Ce fut ce contact qui détendit visiblement Simon.

-Désolé, souffla-t-il en passant son pouce sur le dos de sa main. Désolé, c'est juste ...

-C'est difficile pour tout le monde, Bones, rappelai-je durement. Pourtant Susie a raison, il va falloir prendre sur nous.

-Et tu t'excuses à Emily, enchérit Susan. Tu vas passer beaucoup de temps avec elle, cette année, alors ne te mets pas mal avec elle dès la rentrée.

Simon acquiesça mollement, et se frotta l'œil du dos de la main. Je tapotai son épaule, soulagée. La Grande Salle commençait à se remplir doucement, et maintenant que Simon était calmé mon regard se porta sur la table des professeurs. Comme j'avais pu le remarquer à la sortie du train, Hagrid était absent, et cela me peinait : je m'étais une joie de retrouver le Garde-chasse de Poudlard. Il avait été remplacé par une femme revêche qui traversa la Grande Salle les sourcils froncés. Dumbledore était vêtu d'une robe de sorcier pourpre cousue s'étoile argenté et était en discussion polie avec la femme à côté de lui. Je donnai un coup de coude à Simon.

-C'est elle Dolores Ombrage ?

-Il semblerait, c'est la seule je ne connais pas, éluda Simon en haussant les épaules. J'ai lu les premiers chapitres du livre qu'elle nous a fait acheté : c'est confirmé, on va s'emmerder.

-Vous croyez qu'elle a repeint la salle en rose ? s'amusa Susan en observant le nœud poudré que la femme avait glissé dans ses cheveux.

C'était probable. La femme trapue qui se penchait sur Dumbledore avec un sourire minaudant était vêtue de rose de pied en cape, et sa façon de mettre ce nœud dans les cheveux à la manière d'une petite fille alors qu'elle semblait avoir dépassé la cinquantaine était déstabilisante.

-On dirait un crapaud, commentai-je distraitement.

-Notre nouveau professeur ?

Emily venait d'apparaître et s'assit à côté de moi en prenant soin de ne pas regarder Simon. Je me retrouvai entre les deux avec un certain embarras, et Susan m'adressa un sourire penaud.

-Mon père a travaillé avec elle, poursuivit Emily d'un ton neutre. Une femme très professionnelle selon lui. J'espère qu'elle sera meilleure que les précédant.

-Lupin était le meilleur, répliquai-je, les yeux toujours rivés sur la nouvelle venue. Et de loin.

Emily haussa les épaules de façon élusive, et se trouva soudainement fascinée par la contemplation de ses ongles. Je donnai un coup de pied sec à Simon, qui grimaça.

-Em', je suis désolé pour tout à l'heure, s'excusa-t-il néanmoins, avec une contrition relative.

Emily inspira profondément et expira par les narines, l'air excédée. Cette fois ce fut à elle que je flanquai un coup de pied. Elle me jeta un regard noir avant de lâcher :

-Très bien, ça va pour cette fois.

Les yeux de Simon roulèrent dans leurs orbites, mais avant qu'il ne puisse répliquer Erwin Summers et les jumelles s'assirent devant nous, nous adressant des sourires radieux. Enfin, sauf Renata, qui se contenta d'un hochement de tête et qui une fois assise se plongea dans un épais grimoire. J'accrochai son regard, et elle m'accorda l'un de ses rares sourire.

-On a croisé les premières années, j'ai l'impression qu'ils sont de plus en plus petits ! s'exclama Erwin, un garçon très pâle avec une houp de cheveux d'un blonds citron.

-Je te rassure, tu étais aussi petit qu'eux il y a six ans, se moqua Mathilda, sa petite-amie.

-Et il y a ceux qui n'ont pas grandi depuis, lança Simon en balança son pouce de mon côté, en réponse de quoi je tirai la langue.

-Whao, Simon, t'es préfet-en-chef ?

Un sourire embarrassé fleurit sur les lèvres de Simon et Mathilda battit des mains, un immense sourire aux lèvres. Elle coinça l'une de ses mèches d'un châtain brillant derrière son oreille.

-Et Emily, ce n'est pas surprenant. J'ai vu qu'Ernie et Hannah étaient les nouveaux préfets ...

-Et ils vont pouvoir faire tout le sale boulot, se réjouit Emily. Genre s'occuper des premières années, par exemple ... Oh les voilà ...

Effectivement, les portes de la Grande Salle s'ouvrirent sur la directrice-adjointe de l'école, Minerva McGonagall. C'était une grande sorcière stricte coiffée d'un chignon serré et d'un chapeau émeraude qui soulignait la couleur de son regard. Elle était suivie d'une file distendue d'élève de petite taille, certain l'air craintif, l'autre ébahi. Dans la file, je reconnus Isabel MacDougal, la petite sorcière de Terre-en-Lande, qui nous adressa un vif signe de main, et Cora Bletchley qui avait pris fièrement la tête de la file. Le Choixpeau avait été installé entre temps, et quand les premières années s'alignèrent devant lui, il entonna la plus longue et la plus significative chanson que je n'avais jamais entendu depuis que j'étais à Poudlard. J'échangeai tout le long des regards avec Simon et Susan, les sourcils froncés.

Une chanson emplie de message de solidarité. Se resserrer les uns sur les autres. Pas de doute, c'était une mise en garde.

Lorsque le Choixpeau s'immobilisa, des applaudissements polis se firent entendre, mais cette fois mêlés de quelques murmures perplexes.

-Par les chaussettes de Merlin que c'était long ! soupira Erwin en étouffant un bâillement. Il est fou de faire trainer comme ça alors que je meurs de faim ...

-Ne t'inquiète pas, les plats arrivent, le rassura Mathilda en tapotant sa main.

-« La bonne Poufsouffle prenait ceux qui restaient » ? répéta Susan, indignée. Sérieusement ? Pour qui il nous prend, une poubelle ?

-Celle de l'équité et de la justice, il y a pire comme poubelle, la rassura-je avec un sourire. Et puis laisse les dire, nous on sait ce qu'on vaut.

Susan sourit à son tour, et applaudit passivement le premier élève envoyé à Gryffondor. Cora était la seconde appelée, et après que le Choixpeau soit resté près d'une minute sur sa tête, elle fut envoyée à sa plus grande surprise à Serdaigle. Je la vis jeter un regard déboussolé à son frère et sa sœur assis à la table des Serpentards, avant de rejoindre la nouvelle préfète Padma Patil qui l'accueillit avec un grand sourire. Mathilda m'adressa un sourire.

-Et tu es toujours avec Miles, Victoria ? Ça se passe bien ?

-Ça va, répondis-je en lorgnant Miles, qui était allé s'accroupir aux côtés de sa sœur pour la rassurer.

-Et félicitation, au fait.

Cette voix là émanait de Renata. Elle avait quitté son livre des yeux pour me fixer avec un léger sourire. Devant mon incompréhension, son regard passa brièvement sur ma poitrine, et je me sentis rougir car les yeux de Mathilda s'y portèrent aussi. Elle étouffa un petit cri.

-Par Merlin, je n'avais pas vu, oui ! Félicitation !

-Capitaine, ajouta Erwin en levant son verre. Cédric n'aurait pas souhaité mieux.

-Capitaine ? répéta Emily en me dévisageant. Pourquoi je ne suis au courant que maintenant ?!

-Ce n'est pas comme si son insigne était accroché sur son uniforme, marmonna Simon entre ses dents.

Je n'étais pas sûre qu'Emily ait entendu, mais pour pallier à toute autre remarque j'écrasai son pied sous mon talon. Mon amie m'agrippa par les épaules, les yeux brillants.

-Mais c'est super, Vic' ! Capitaine, tu ne pouvais pas rêver mieux ! Surtout si derrière tu veux entrer chez les Vautours ...

-Em' ...

- ... Ou chez n'importe quelle équipe d'Angleterre. En étant Capitaine tu augmentes tes chances, c'est fantastique, non ?

J'entendais dans son ton exagérément enjoué qu'elle se forçait à être heureuse pour moi, et ce fut ce que je décidais de retenir. Il ne servait à rien d'agiter sans cesse le spectre de Cédric devant notre nez.

-Ça m'ouvrira peut-être des portes, c'est sûr. Et toi, au fait ? Tu devais nous raconter plein de choses, dans le train ...

-Ce soir, me souffla-t-elle sur le ton de la confidence.

-Vic', c'est Isabel ! m'indiqua Susan en pointant la jeune fille qui s'était assise sur le tabouret.

Isabel était trop jeune pour avoir passé son enfance avec nous, mais elle faisait partie des enfants qui m'avait détroussée de toute les friandises cet été, et était venue plusieurs fois m'interrogée sur Poudlard au cours des dernières semaines. Son visage de poupée disparu presque complétement sous le Choixpeau et ne laissa visible que son nez pointu et une partie de sa queue de cheveux noirs.

-Serdaigle ! annonça le Choixpeau.

Simon, Susan et moi applaudîmes avec la table des aigles, alors qu'Isabel, rayonnante, rejoignait Cora Bletchley. La sœur de Miles paraissait moins troublée et applaudissait avec les autres.

-Au fait, Emily, lança Hannah Abott, qui mangeait non loin avec Ernie Macmillan. Les premières années, on leur explique pour la Coupe des Quatre Maisons ou on laisse les professeurs s'en charger ?

-Expliquez-leur, il faut les motiver ! Ça fait des années que Poufsouffle n'a pas gagné la Coupe des Quatre Maisons ... Simon, il va falloir que tu sois brillant cette année.

-Je le suis tous les ans.

-Et Vic', je compte sur toi alors pour le Quidditch.

-Emily, l'interrompis-je en posant une main sur son bras. Ça va bien se passer. Et Simon, active le mode « modestie ».

-La modestie c'est surfait, répliqua-t-il en haussant les épaules. Je suis brillant, je ne vais pas m'en excuser, je vais m'en servir. Ce sera plus utile, et moins hypocrite.

-Et tu oses demander pourquoi je te frappe tout le temps ...

Je levai les yeux au ciel alors que notre tablée s'esclaffait devant la joute. Même le moine Gras, le fantôme de notre Maison, nous gratifia d'une œillade amusée, et presque mélancolique. Sa main spectrale traversa mon épaule, comme pour la tapoter, et une sensation glacée s'éprit de ma chair et de ma peau. Les premières années installés non loin nous observaient, intrigués. En les voyant reluquer l'insigne sur nos poitrines, écouter nos conversations les yeux ouverts grands comme des Gallions, et rire à chacune de nos piques, je compris une chose : nous étions les grands. Le plus haut grade de Poudlard, la septième année. Une sensation que je n'avais pas prévue s'infiltra insidieusement en moi, alors que j'entendais le Choixpeau envoyer la dernière élève, Rose Zeller, à Poufsouffle. J'applaudis avec les autres, ayant conscience que c'était la dernière fois que ça m'arriverait.

C'était mon dernier banquet de rentrée.

Ma dernière année à Poudlard était lancée.

***

-On est d'accord, cette femme va être l'espionne de Fudge ?

Simon soupira, et tripota les boutons de sa guitare avant d'en arracher quelques notes. Visiblement ce n'était satisfaisant car il resserra d'un quart de tour.

-J'avoue que je n'ai écouté que des brides de son discourt, je n'ai rarement entendu quelque chose de si ennuyeux. Je ne m'attends pas à passer des cours de Défense contre les Forces du Mal palpitants. C'est à en regretter l'imposteur de Maugrey.

-N'exagère pas, non plus. Je préfère m'ennuyer que subir l'Imperium.

-Toi au moins tu arrivais à y résister.

Je haussai passivement les épaules. Dolores Ombrage, notre nouvelle professeur de Défense contre les Forces du mal, nous avait adressé un discourt d'un ennui certain – Erwin s'était endormi la bouche ouverte sur son poing, et Susan en avait profité pour parler avec Hannah. Mais quelques morceaux de phrases avaient franchi le voile de la torpeur qui s'était installée dans mon esprit pour m'alerter. Son discourt avait sonné comme une sorte de contre-avertissement par rapport à celui dont nous avait prodigué le Choixpeau.

-Ce n'est pas Dumbledore qui l'a choisie, c'est le Ministère qui nous l'a imposé, insistai-je en me rappelant du décret dont nous avait parlé Amelia Bones. On a les ASPIC en fin d'année, est-ce qu'au moins elle est compétente ?

-Si c'est ça qui t'inquiète, je t'aiderais, promit Simon. Ce n'est pas compliqué de trouver le programme, on pourra apprendre par nous-même.

-C'est la vie à Poudlard dont je m'inquiète, admis-je, incertaine. Si Fudge a fait passé un décret pour faire entrer sa sous-secrétaire d'état ici, il ne pourrait pas ... je ne sais pas, en créer d'autres pour lui donner plus de poids et reprendre Poudlard à Dumbledore ? Après tout, l'école c'est tout ce qui lui reste après la purge de cet été.

Simon m'adressa un long regard qui ne me regardait pas, comme si j'étais un tableau sur lequel s'étalaient toute ses pensées. Ses doigts tripotèrent nerveusement les cordes de sa guitare, lui arrachant des plaintes dissonantes.

-Effrayante perspective ..., admit-t-il du bout des lèvres. La présence de Dumbledore est l'une des choses qui font de Poudlard le lieu le plus sûr au monde. Mais on n'en est pas là, Fudge ne reprendra pas Poudlard à Dumbledore si facilement. Je ne vois pas Dumbledore nous abandonner sans se battre.

-On n'y est pas, relativisai-je néanmoins. Peut-être qu'elle va nous surprendre.

Simon haussa un sourcil dubitatif. J'avouai que malgré mon optimisme feint, je n'avais pas été plus séduit que lui par Dolores Ombrage. Son style de petite fille m'avait dégoûté, sa façon de s'adresser à nous comme à un enfant m'avait vexé, et l'éclat froid dans son regard m'avait glacé. Je consultai ma montre. Il était près de vingt-deux heures passées, et la Salle Commune de Poufsouffle était presque vide. Au dessus de l'âtre, Helga Poufsouffle dormait, appuyé contre son cadre et son châle couvrant ses épaules telles une couverture. Quelques braises mourraient dans la cheminé et un quatrième année esseulé se dépêchait de finir ses devoir de vacance sur une table. Je me levai en étouffant un bâillement et ébouriffai les épis de Simon.

-Allez crevette, va te coucher. Une grosse journée nous attend demain.

-Notre dernière rentrée, songea Simon avec un fin sourire. Tu te rends compte que l'année prochaine le premier septembre, on aura dans doute des boulots ou quoi ?

-Non, je ne me rends pas compte. Bonne nuit, Sim'.

-Salut.

Je me dirigeai vers mon dortoir, avec la désagréable impression que Simon n'irait pas dormir de ci-tôt. Je me retournai pour le voir empoigner sa guitare et jouer quelques notes douces, le regard perdu dans les braises.

-Tu veux dormir avec nous ? proposai-je avec douceur.

Un sourire amer retroussa les lèvres de Simon. Ses doigts ne cessèrent pas de caresser les cordes quand il répondit :

-Ne t'en fais pas, je vais aller me coucher. Je ne vais pas dormir toute l'année dans votre dortoir. Va dormir, tu as une sale tête.

-Je te remercie.

A contrecœur, je l'abandonnai sur le canapé, les notes de sa guitare mourant avec les braises de l'âtre. Dans le couloir où se déclinaient les sept portes qui menaient aux dortoirs, Hannah Abbott consolait une première année, qui pleurait toute les larmes de son petit corps, la tête cachée entre ses bras. Lorsqu'elle me vit, la nouvelle préfète me fit signe de la rejoindre.

-Hey, Sophie je te présente Victoria, lança-t-elle à voix basse à l'adresse de la première année. Elle est en septième année, et elle aussi, ses parents ne sont pas des sorciers ...

En un éclair, je compris l'angoisse que pouvait ressentir la petite Sophie. Touchée, je m'accroupis face à elle, et elle m'observa entre ses doigts écartés, les yeux brillants de larme.

-C'est vrai ? hoqueta-t-elle.

-Oui, c'est vrai, soufflai-je avec un sourire rassurant. Mon père est Pasteur, et ma mère travaille pour une entreprise pharmaceutique.

-La mienne est professeur d'Histoire dans le collège où j'aurais dû aller, raconta Sophie, les larmes dévalant ses joues. Elle était tellement contente à l'idée qu'elle allait peut-être m'avoir en classe, et maintenant ...

-Elle sera fière de toi, lui assura Hannah en caressant son bras. Tu n'es peut-être pas dans son école, mais tu es dans la meilleure école de magie au monde. Et regarde Victoria : c'est une née-moldue et elle a survécu six ans à Poudlard !

J'acquiesçai avec un sourire, taisant bien sûr que ça avait été un peu plus difficile que ne l'avait dépeint Hannah. Un petit rire étranglé secoua Sophie.

-C'est juste que ... je ne connais rien, c'est ... tout est bizarre pour moi ici ...

-Je vais te dire un secret : même pour les enfants de sorcier, c'est bizarre, lui appris-je sur le ton de la confidence. Poudlard recèle des secrets de magie que personne n'a jamais vu chez lui. Le plafond magique, les créatures, les armures et les fantômes ... Mais c'est à ça que sert une école, non ? A apprendre des choses. A nous construire en tant que sorcier et que personne. Ne t'en fais pas, je t'assure : en matière de magie, tu en sais autant que n'importe qui. Tu ne pars avec aucun handicap.

-Et de toute manière si tu as la moindre question, tu peux venir me voir, assura Hannah. Dans ma chambre, pendant les repas, pas de problème je serais disponible. Comme Ernie et les deux préfets-en-chefs, ils sont très gentils. Et même Victoria !

Je souris en opinant du chef. Sophie parut rassurée : les larmes commencèrent à se tarir, et quelques cajoleries plus tard elle accepta de retourner dans sa chambre. Hannah ferma la porte ronde de bois vernie derrière elle, et se laissa aller contre le battant avec un soupir.

-Merci beaucoup, tu tombais à pic. Je ne savais plus comment la calmer ...

-A ton service, préfète, dis-je avec un salut militaire. Bonne nuit !

Hannah m'adressa un sourire fatigué et rentra à son tour dans sa chambre. Je posais à mon tour ma main sur la ronde poignée de cuivre qui m'était désormais familière et la roulai sur le côté pour découvrir ma chambre. Mes bagages avaient été installés au pied de mon lit, et Emily lisait un magasine assise en tailleur sur le sien, en pyjama. Elle me jeta un regard par dessus ses lunettes.

-Simon est partit se coucher ?

-Pas encore, mais il dit qu'il le fera.

Elle soupira profondément et referma son magasine d'un coup sec.

-Espérons, il est déjà assez irritable, s'il est fatigué ce sera encore pire ...

-Em', fis-je en grimpant sur son lit. On risque d'être tous à cran dans les premiers jours alors ... S'il te plait, évite les sujets qui fâchent, d'accord ?

-Mais ...

-On aura assez de problèmes cette année, rien qu'avec les ASPICs. Tu veux vraiment avoir à te battre contre Simon ? Je fais ça depuis que je suis petite, et je t'assure que c'est épuisant.

Un sourire amusé releva la commissure des lèvres d'Emily. Elle se laissa tomber sur le lit et leva les yeux vers les tentures moutardes qui couvraient les baldaquins et tombait en de lourds rideaux autour de nos matelas.

-Je sais. Et moi aussi je suis désolée d'avoir réagi comme ça c'est juste que ... (Elle passa une main sur son visage, pressant ses yeux de son pouce et son index) Par Merlin, je ne pensais pas que ce serait si dur ...

Le masque radieux qu'abordait Emily depuis le début de la journée sembla peu à peu se fendiller : dans la semi-pénombre du dortoir, je lui trouvais l'air fatigué et perdu. Ses yeux fixaient la tenture, mais elle donnait l'impression de contempler autre chose. Pour ne pas la laisser sombrer dans la morosité, je posai une main sur son bras.

-Tu n'avais pas des choses à me raconter ? demandai-je en tentant d'avoir l'air enjoué.

-Quoi ? se troubla-t-elle, désarçonnée. Ah oui ... je reparle à Roger.

Je tordis mes lèvres pour ne pas laisser échapper un sourire entendu qui aurait pu agacé Emily. Lors du retour du Poudlard Express l'été dernier, Roger Davies, le Capitaine de l'équipe de Serdaigle qui entamait lui aussi sa septième année d'étude, était venu parlé à Emily avant que le train n'arrive à quai. Déjà à ce moment, j'avais perçu l'humeur maussade d'Emily vacillée. Je savais peu de chose sur leur relation, simplement que Roger avait longtemps laissé espérer Emily avant de se détourner d'elle. A priori, la réconciliation était consommée.

-C'est bien. Vous vous êtes vu pendant les vacances ?

-Oui, avoua-t-elle avec un petit rire. Plusieurs fois. Et chaque fois il était adorable, même s'il sort en ce moment avec une fille plus âgée, qui vient de partir de Poudlard ... Mais avec la distance, je ne pense pas que ça va durer.

-Il n'était pas avec une fille de Serpentard ?

Emily haussa les épaules.

-C'est Roger, il a un cœur d'artichaut. Et je refuse d'être un numéro de plus sur sa liste. Mais ça me fait quand même du bien de lui parler, je pense que ... oui, je peux accepter qu'on soit amis.

J'eus un nouveau sourire, ravi celui-ci et serrai doucement sa main. C'était déjà une excellente nouvelle qu'Emily ait pu pacifié ses relations avec Roger : même si ça avait pu être tendus l'année dernière du fait de l'apparence volage du jeune homme, je savais qu'ils s'étaient toujours appréciés. Et j'étais presque persuadée que cette nouvelle pacification n'y était pas pour rien dans la nouvelle bonne humeur d'Emily. Celle-ci reprit contenance pour me jeter un regard malicieux par dessus ses lunettes.

-Et toi ? J'ai su que tu avais vu Miles au moins deux fois pendant les vacances ... C'est que ça a l'air de tourner, non ?

-Ça tourne, confirmai-je, assise sagement en tailleur. Normalement on aurait dû voir Alexandre mais ce petit con n'était pas trop disponible ces temps-ci.

Et j'avais une peur bleue de m'approcher de Bristol et de la demeure de mes grands-parents maternels, mais ça Emily continuait de l'ignorer. Je pinçai les lèvres. J'en cachais des choses à Emily, me rendis-je compte en faisant la liste dans ma tête. Les conversations risquaient d'être limitées ... Mais je ne pouvais pas lui parler de mon grand-père. J'avais déjà assez de mal à faire le point moi-même. Emily sourit et tapota mon genou.

-C'est bien. J'étais rassurée quand tu m'as dit que tu le voyais. Il faut que tu continues de vivre, et de vivre des choses avec Miles. Ça se passe bien quand même ?

-Très bien, assurai-je avec un sourire. Il est adorable, il fait attention à moi, et ... oui, tout va bien.

-Tout va bien ... à tout les niveaux ?

Le fin sourire d'Emily était mutin et emplit de sous-entendu. Je m'empourprai violement en comprenant de quel « niveau » elle parlait.

-Non mais ... enfin, Em', je rêve ... on est ensemble que depuis trois mois !

-Presque quatre, chantonna-t-elle de façon innocente. Un jour vous y penserez et c'est tout, je demandais si ... la réflexion était en route.

Je secouai obstinément la tête, les joues écarlates. J'étais à mille lieux des insinuations d'Emily. Ma relation avec Miles avait été grandement ébranlée par la mort de Cédric, durant notre deux rencontres cet été, ma préoccupation avait plutôt était de retrouver le naturel de nos gestes plutôt que de songer à aller ... plus loin. Emily observa ma gêne et elle éclata de rire.

-D'accord, on arrête ! Si tu veux on en parlera quand ce sera d'actualité ...

-Oh Seigneur, ayez pitié, gémis-je en m'écrasant sur son lit.

-Je t'apprendrais deux ou trois trucs.

-Emily !

Un nouveau rire s'échappa de sa gorge, un rire vif et joyeux qui, malgré mon embarras et la rougeur sur mes joues, m'atteint de plein fouet. Je m'esclaffai à mon tour, emportée par l'éclat d'Emily, sans savoir pourquoi ni comment c'était possible. Ce que je savais c'était que nous rions à gorge déployée, allongée dans son lit, comme si le son de l'hilarité pourrait déchirer la paroi de la bulle de tension dans laquelle nous étions plongée. Lorsque je me calmais, des larmes d'hilarité brillant dans mes yeux, Emily se tourna vers moi, et m'attrapa la main. Ses yeux étincelèrent lorsqu'elle lança :

-C'est notre dernière année ici, Victoria. Alors rendons la mémorable. 



Pour ceux qui sont déçus de la réaction de Miles et Emily concernant le retour de Voldemort : je pars du principe que l'immense majorité de Poudlard n'y crois pas, et déjà dans le groupe que Simon et Victoria suive Dumbledore c'est assez. Nous on a le prisme de Harry où tout est évident, mais pour le commun des mortels qui subit la propagande du Ministère, c'est loin d'être aussi évident !

Voilà j'espère que ça vous plait toujours ! 

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