II - Chapitre 28 : Au carrefour de la vie
OK, j'adore copier mon texte et voir que Wattpad met tout en italique *craque ses doigts pour rectifier tout ça*
BONJOUR TOUT LE MONDE comme demain je fais de la route et que ce WE je serais occupée vous avez le chapitre un peu en avance ! Donc voilà, je pense que ça ne vous déplait pas ahah.
Bonne lecture !
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Aimer, ce n'est pas se regarder l'un l'autre. C'est regarder ensemble dans la même direction.
- Antoine de Saint-Exupéry
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Chapitre 28 : Au carrefour de la vie.
-Pucey à Urquhart, Urquhart qui lance à Warrington, il évite Shelby pour se présenter devant Cooper et ... (Lee Jordan poussa un grognement sonore). Il marque. Bon sang, ça avec Bennett, ce ne serait jamais passé.
Je pestai dans mon lit d'infirmerie, fulminante, alors que Montague quelques lits plus loin brandissait le poing en l'air. C'était le jour du match et Pomfresh nous avait laissé seuls pour superviser les possibles blessés pendant la rencontre. Smith avait redoublé d'effort, multipliant les séances pour préparer mon remplaçant, un garçon de troisième année, John Cooper, mais visiblement, ce n'avait pas été assez.
Mais, avec un plaisir coupable, j'avais pu constater que Miles était exactement dans la situation que j'avais prévue : en grande difficulté face à l'abandon de ses poursuiveurs. Malgré la faiblesse de Cooper aux buts, le score était serré et tournait souvent à l'avantage de Poufsouffle. Montague poussa un juron lorsqu'Evelyn marqua notre quinzième but.
-Bon sang, quand je ne suis pas là, ça craint ...
-Et moi donc, maugréai-je en me laissant aller contre mes oreillers.
La brûlure dans mon dos avait fini par cicatriser et je pouvais presque me déplacer sans gênes, à présent. Mais Pomfresh avait refusé que je me rende au stade avec mes amis, craignant que l'agitation de rouvre ma blessure et ne m'oblige à quelques jours d'infirmerie supplémentaire. J'avais obtempéré de bonne grâce : les ASPICs étaient dans trois semaines, je ne pouvais pas me permettre de faire durer la blessure. Simon aurait souhaité rester avec moi mais je l'avais forcé à sortir et à aller profiter du soleil et du spectacle. Je regrettais presque ma décision : cela m'aurait détendu de passer ma frustration sur lui.
-Et 170 à 140 pour Poufsouffle ! annonça joyeusement Lee Jordan. Quelle attaque de feu, les poursuiveurs sont survoltés !
A dire vrai, toute mon équipe l'était. Ils étaient venus me visiter après chaque entrainement et dix minutes étaient vouées à cracher sur les Serpentard, mes agresseurs comme Miles qui n'avait pas su jouer son rôle de Capitaine. Judy et Kenneth avaient voulu faire en sorte que Malefoy ne puisse pas participer à la rencontre, mais j'avais fermement refusé. S'ils s'attaquaient à un protégé d'Ombrage, l'équipe aurait été encore plus diminuée. S'ils devaient se venger, c'était sur le terrain. Alors quand j'entendais Lee Jordan s'extasier sur un coup de Judy ou sur un geste technique d'Evelyn, mon cœur se gonflait d'orgueil. Montague planta un regard noir sur moi.
-Tu vas voir qu'ils vont aller la gagner pour toi, maugréa-t-il en nouant ses doigts à l'arrière de sa nuque. En plus Jordan fait ta pub, là, donc c'est pas perdu pour les recruteurs.
Montague alternait entre moment d'absences et crises d'angoisse, mais le match semblait le sortir de sa léthargie. Peu de personne venaient le visiter et je le voyais parfois fixer ma table de chevet pleine de friandises et de nourriture que mes amis me ramenaient avec envie. Roger avait même poussé le vice à me ramener des fleurs et j'avais été rassurée de voir Emily exploser de rire en le voyant faire. Montague était étrangement courtois mais c'était un phénomène que je comprenais : nous étions les deux capitaines qui auraient dû se tenir sur le terrain pour se disputer la coupe. A lieu de cela, nous étions cloués à l'infirmerie, partageant notre frustration et notre exaltation.
Je haussai les épaules, le cœur serré. Je préférais ne pas me faire d'illusion concernant le recrutement. Il faudrait que je donne tout lors de mon essai pour les Tornades. Judy m'avait déjà proposé son balai en remplacement du mien pour pouvoir les passer, un brossdur 9 plus performant, mais j'avais peur de perdre mes repères avec un nouveau balai. Alors que je sombrais dans la morosité, la voix de Lee Jordan s'emballa :
-Malefoy a repéré le Vif d'Or ! Summerby est à l'autre bout du terrain, il le prend en chasse ... Mais attendais, je ne le vois pas il ... Oh c'est très vilain, ça, c'est vicieux ! Il est de l'autre côté ! Malefoy fait volte-face, mais c'est trop tard pour Summerby, oh le pauvre petit il est perdu par la feinte ... Malefoy à quelques centimètres et ...
La voix de Lee se perdit dans la grande clameur qui monta du stade. Je pris un oreiller pour le plaquer contre mon visage et laisser éclater ma frustration et ma rage dessus. L'espace d'un instant, j'avais cru à la victoire impossible ... Mais ce que j'avais craint depuis le début c'était produit : Aaron était beaucoup trop tendre face à Malefoy. Montague sauta sur ses pieds pour bondir en l'air, le poing dressé avec un cri victorieux et j'écartai l'oreiller de mon visage pour lui jeter à la figure.
-Un peu de décence, il y en a qui souffrent !
-Laisse-moi exulter, Bennett, j'ai jamais cru qu'on gagnerait ! 170 à 290, bon sang ... On prend la tête du championnat ! Et avec le bon roi Weasley, Gryffondor va lamentablement perdre la semaine prochaine, c'est comme si on avait déjà la coupe !
Un deuxième oreiller s'écrasa sur son visage. Il le brandit et tenta de me le jeter à son tour, mais je sortis ma baguette et parvins à le ralentir pour qu'il se place en douceur derrière mon dos. Montague leva les yeux au ciel, mais avant qu'il ne puisse ouvrir la bouche, la voix de Lee se fit à nouveau entendre :
-On rappellera tout de même la lamentable tricherie de Serpentard qui a conduit au forfait de la capitaine de Poufsouffle et incroyable gardienne Victoria Bennett. Sans ça, Serpentard n'aurait jamais gagné ce match, ce qui fait que me concernant, Poufsouffle est champion dans mon cœur, qu'est-ce que vous en dites ?
Je n'entendis pas l'habituelle réprimande de McGonagall, mais en revanche, les applaudissements nourris qui répondirent à Lee m'allèrent droit au cœur. Lee avait sans doute raison, ma présence aurait pu éviter la défaite de Poufsouffle et nous garantir la coupe : j'aurais fait plus d'arrêts que Cooper et j'aurais peut-être pu maintenir un écart assez grand pour nous permettre de perdre les points du Vif d'Or. Mais cela, nous ne le saurions jamais. Montague s'était remis à bougonner dans son coin, marmonnant que les allégations de Jordan gâchaient leur victoire. Quelques minutes plus tard, la porte de l'infirmerie s'ouvrit avec fracas sur mon équipe maussade qui m'entoura, la mine défaite. Touchée, je frottai le bras d'Evelyn avec douceur.
-Vous vous êtes bien battus, vous y étiez presque ...
-Ce qui écœurant c'est que si tu avais été là, on les aurait battus, renifla Smith avec mépris. Bletchley était fébrile, si avait pu creuser l'écart ...
-On est désolé, Capitaine, conclut Kenneth avec un gros soupir. Mais si ça peut te rassurer, j'ai envoyé à cognard à Warrignton qui l'a mis K.O., je lui ai fait perdre quelques neurones supplémentaires.
-Et Judy a été impériale sur Malefoy, elle lui a coupé la course chaque fois qu'il voyait le Vif d'Or, ajouta Owen avec un regard admiratif pour la batteuse.
Kenneth ne parut pas apprécier ce regard, car il se rapprocha de son amie et passa derrière ses épaules un bras qui me parut un brin protecteur. J'avais l'impression que c'était presque une ambiance de deuil qui s'épaississait autour de nous, pesante et suintante, jusqu'à ce que la porte ne s'ouvre de nouveau, cette fois avec force d'éclat qui firent sursauter Montague.
-C'est moi qui lui donne ! C'est à moi que Chourave les a données !
-Mais Emily, on peut faire une chacun ! Allez, s'il te plait !
-Vous êtes vraiment des gosses ...
-Alors toi, tais-toi ! Je supporte tes disputes avec Vic' depuis des années, tu vas bien supporter quelques cris !
Emily fut la première sur moi, à la fois furibonde et surexcitée. Elle se planta devant mon lit avec un immense sourire, les mains cachées dans le dos, pendant que Roger prenait place sur une chaise d'un air bougon. Simon fut le dernier à arriver et se plaça à côté d'Emily, un sourire malicieux aux lèvres. Difficile de songer que notre équipe venait de perdre quand je voyais leur visage radieux.
-Allez, Victoria, quelle main ? entonna Emily, bondissant presque sur place.
Perplexe mais décidant de me prêter au jeu, je pointai sa gauche. Elle me tendit alors une lettre cachetée par un sceau de cire orange creusé de deux « C ». En le remarquant, Kenneth m'arracha presque la lettre des mains pour l'observer d'un peu plus près, les yeux écarquillés.
-Mais c'est l'emblème des Canons de Chudley, ça !
-Sérieux ? se recria Evelyn, incrédule. Allez, ouvre Vic !
-Et vous, donnez l'autre ! ajouta Judy en pointant sa batte sur Emily et Simon. Je n'ai pas fendu un seul crâne de la saison, ce serait dommage que je commence par vous !
-Et j'espère que ça vaut mieux que les Canons, maugréa Smith, nullement impressionné.
Emily leva les yeux au ciel mais consentit à me tendre la seconde enveloppe, scellée elle par un symbole que je connaissais plus : la serre dorée des Harpies de Holyhead. Le cœur battant, je les ouvris toutes deux avec des gestes fébriles. Un sourire insensé s'étira sur mes lèvres et je levai le regard sur mes camarades qui attendaient tous la sentence en retenant leur souffle.
-Ce sont des propositions d'essais.
Malgré la défaite et la fatigue, tous éclatèrent de joie – enfin, si on pouvait compter le vague grognement d'approbation de Smith comme un signe de joie. Evelyn m'embrassa sur la joue en me faisant promettre de lui acquérir des places VIP quand je serais professionnelle, Judy et Kenneth se mirent immédiatement à me donner de nombreux conseils sur les clubs, exaltés et comme à son habitude, Emily rappela qu'elle était la première qui m'avait proposé le Quidditch. Je tapai mon poing contre celui de Roger qui me félicita avec un immense sourire. Même Montague, seul dans son lit, m'adressa un signe de la tête approbateur. Aucun joueur de son équipe n'était venu fêter la victoire avec lui. Je relus les lettres, galvanisée par leur promesse. Je n'avais pas joué et pourtant ils tenaient à me voir faire mes preuves ... J'allais finir par croire que j'étais réellement douée pour ce que je faisais. Madame Pomfresh passa outre sa règle des six visiteurs à la fois pour laisser mon équipe et mes amis fêter l'événement avec moi et après quelques minutes d'hésitation, une biéraubeurre fut offerte à Graham Montague. Il l'accepta de la main de Roger, un peu surpris et presque choqué lorsqu'il lui donna une tape qu'on pourrait qualifiée d'amicale sur l'épaule. J'eus un sourire désabusé. Mon équipe avait perdue et jamais je ne connaitrais la joie de brandir la coupe de Quidditch devant tout Poudlard. Pourtant, les deux lettres m'offraient l'espoir d'avoir tellement plus ...
***
Serpentard était à présent favori pour gagner la coupe, ce qui était inacceptable pour une grande partie de l'école, ulcérée par la façon dont il avait construit leur succès – l'éviction de la moitié de l'équipe de Gryffondor en novembre, ma blessure ... Aussi la plupart des élèves se resserrèrent autour de l'équipe d'Angelina la semaine suivante, seule à pouvoir encore détrôner Serpentard car Serdaigle avec deux défaites était trop loin. A peine sortie de l'infirmerie, j'avais pris Ron Weasley par une oreille et l'avait entrainé jusqu'au terrain de Quidditch sous les regards amusés des Gryffondors. La victoire passait par une bonne performance de leur gardien. Et j'avais pu constater, perchée sur le balai prêté par Judy, que Ron était loin d'être mauvais, en réalité. Il était capable d'avoir la main sûre et avant une bonne vision du jeu, une bonne anticipation du geste. Pas réellement remise de ma blessure, je ne pus lui donner l'exemple, mais je passai deux heures à lui donner des conseils en tous genres, sur son jeu mais aussi sur sa façon de gérer le stress. Alors que nous rangions les balles, je pus apercevoir sa baguette et la ressemblance avec la mienne me frappa. Elle était plus longue et plus épaisse, mais c'était indéniablement du bois de saule. Un sourire avait fendu mon visage.
-Tu sais quels sorciers choisit la baguette de bois de saule ? avait-je lancé, le balai sur l'épaule, prête à partir.
Ron avait secoué la tête, perplexe et mon sourire s'était agrandi.
-Des sorciers au grand potentiel mais au sentiment d'insécurité injustifié. Tu es bon, Weasley, il serait peut-être temps de te faire un peu confiance. Conseil de la gardienne adoubée par Viktor Krum. Tu peux le faire.
Et je l'avais planté là, médusé, contemplant sa baguette comme si c'était la première fois qu'il la voyait. Et étrangement, j'avais eu l'intuition que son match contre Serdaigle serait bien meilleur que les précédents. Cela ne manqua pas. Pour la première fois, Ron réalisa un match complet qui offrit la victoire et la coupe à Gryffondor. Humiliée par Ginny Weasley, Cho en jeta son balai par terre et Roger parut momentanément m'en vouloir d'avoir aidé Ron qui n'avait laissé passer qu'un seul souafle. Mais même Serdaigle finit par exulter : la coupe échappait à Serpentard et je fêtai la victoire d'Angelina, en larme alors qu'elle brandissait le trophée, comme si c'était la mienne.
En revanche, mon soutien ouvert à Gryffondor avait réellement occasionné la rancœur de Miles, qui en plus avait été critiqué pour sa fébrilité lors du match contre Poufsouffle. L'instant de grâce de Quidditch avait pour lui éclater le jour où je m'étais faite agressée et malgré le fait qu'il disait parfaitement comprendre ma haine pour l'équipe de Serpentard qui m'avait privée de finale, je sentais que ces gestes à mon égard s'étaient faits plus forcés, moins naturels. La fracture entre nous était plus que consommée et plus je réfléchissais, plus j'avais la certitude qu'il était impossible que notre couple survive à Poudlard. Nos vies une fois à l'extérieur seraient bien trop différentes, nous n'aurions absolument pas les mêmes préoccupations. Et j'avais eu les échos de la réunion qui s'était faite autour d'Ombrage après mon agression : Miles était celui qui s'était le plus tu, de peur de s'attirer les foudres de sa directrice et je n'avais pas oublié son envie de s'effacer alors que Warrington martyrisait un pauvre enfant. Il n'avait pas de cause à défendre dans cette guerre et je ne consistais pas une raison suffisante de lutter – ce qui en soit pouvait également être révélateur de ses sentiments à mon égard. Mais moi je ne pouvais pas me contenter de ça et j'ignorais s'il était prêt à l'accepter.
Cela me mettait d'humeur sombre alors que les révisions pour les ASPIC s'intensifiaient. Mon avenir était presque assuré avec trois équipes différentes qui sollicitaient mes services, mais elles demandaient toutes de réussir l'examen à hauteur de quatre ASPIC pour espérer entrer dans l'équipe et de toute manière, je voulais mettre à point d'honneur à finir convenablement ma scolarité. Les cours n'étaient plus que consacrés à la préparation de l'échéance où nous révisions ce qui était le plus susceptible de tomber et on sentait la fébrilité des professeurs face au jour qui approchait. Ils avaient beaucoup d'espoir sur notre génération avec plusieurs élèves aux capacités plus élevées que la moyenne : Simon, Emily, Roger, Gloria Flint ... Et alors qu'ils évoquaient notre avenir, je voyais souvent le regard de mes professeurs vagabonder sur une chaise vide qui avait un jour accueilli Cédric. S'il avait vécu, lui aussi aurait été le porteur de tous les espoirs de Poufsouffle et de l'école. McGonagall apostropha vertement Simon qui lisait plutôt que révisait à la bibliothèque, Flitwick donnait des cours particuliers à certains de ses élèves presque tous les soirs et Chourave passait quotidiennement dans notre Salle Commune pour échanger avec nous. Dix jours avant, elle accrocha au tableau d'affichage les horaires et modalités d'examens pour les cinquièmes et septième année. Susan avait verdi en les lisant.
-Le pire dans tout ça, c'est que si on réussit tous bien Ombrage utilisera ça à son compte, fit sombrement remarquer Renata en recopiant les horaires. De quoi foirer ses examens juste pour prouver que non, son système n'est pas idéal ...
-Ça ne servirait à rien, évalua Emily avec défaitisme. Si échec il y a, elle dira que c'est la faute des professeurs et elle les renverra tous ...
-Merci de penser à nous, Fawley, mais c'est surtout à vous qu'il faut penser, déclara Chourave en tapotant son épaule. Ne gâchez pas votre avenir pour une raison si futile, donnez le meilleur de vous-même ... Par ailleurs ... (Elle nous adressa à tous un sourire tordu). Je ne pense pas qu'il y aura de problème avec vous, mais la directrice a fait savoir que toute triche sera sévèrement punie, bla-bla ...
L'ennui de Chourave à nous donner l'information arracha un éclat de rire à la Salle et creva quelque peu la tension dans laquelle elle baignait. Une immense majorité d'élève travaillait d'arrache-pied et Emily était si stressée qu'elle en avait donné une retenue à un deuxième année qui avait eu l'audace de jouer aux échecs version sorcier sur la table où elle révisait. Chourave comme Helga Poufousffle dans son cadre au-dessus de la cheminée posa sur nous un regard maternel.
-De toute manière, j'ai une confiance absolue en chacun d'entre vous. Par contre, Bones, si Minerva nous voyait ne pas réviser, elle vous transformerait en porcelet, vous êtes au courant ça ?
-Oh, vous pensez qu'elle pourrait plutôt le transformer en crevette ? enchéris-je avec un immense sourire. J'en rêve depuis des années !
Simon, assis juste à côté de moi, asséna son livre sur mon crâne et toute la Salle partit d'un grand rire, y compris notre directrice de Maison. Celle-ci s'installa dans le fauteuil en face de nous comme si elle était une élève parmi d'autres et nous scruta de son regard brillant.
-Et comment ça va, vous deux ? La main, monsieur Bones, ça ira pour les ASPIC ?
Déroutée, Simon jeta un regard à sa main gauche. La plaie avait arrêté de saigner depuis longtemps et il garderait sans doute les cicatrices du « je dois respecter l'autorité ». Pour ne pas avoir à contempler le fruit de son injuste heure de colle, il gardait en permanence la main bandée.
-Ça ira, je n'ai plus mal, affirma-t-il avec un sourire. Je vous remercie, professeur.
-Et vous, Bennett ? Votre dos ?
Je haussai les épaules. J'étais toujours un peu raide, si bien que je m'étais mise à craindre pour les essais mais une lettre de la Ligue, informée de mon état par Madame Bibine, m'avait assuré qu'ils pouvaient être repoussé en cas de blessure. J'avais eu peur de garder la cicatrice en l'état qu'elle avait la première fois que je l'avais contemplée, large, brune et fripée dans mon dos mais Pomfresh me fournissait chaque jour une pommade de ses soins qui faisait effet et réduisait la marque.
-Je pense que ça ira aussi, professeur. Je pense même que je pourrais faire mes essais comme il était prévu la semaine qui suit les ASPIC.
-N'oubliez pas d'envoyer une demande d'autorisation à vos parents pour qu'ils nous la renvoient signée, me rappela pour la cinquantième fois Chourave. La directrice ne vous laissera pas sortir sans cela ... Comment prennent-ils votre choix de carrière ?
-Assez bien, étrangement, assurai-je avec sincérité. Il faudra que j'aille élever un temple en l'honneur des parents de Simon.
-On a déjà un mausolée dans le cimetière de Terre-en-Landes, tu pourras aller y brûler un cierge.
-Vous avez carrément un mausolée ?!
Chourave eut un sourire attendri en nous observant. Je voyais parfaitement la nostalgie briller dans ses yeux : elles avaient vu deux crevettes en train de se battre arriver un jour à Poudlard et elle les quittait à présent toujours crevette et un peu moins crevette, un peu moins en train de se battre, sept ans plus tard. J'ignorais si c'était un déchirement pour elle de voir partir chaque génération, ou si ça avait fini par devenir une habitude. Mais Pomona Chourave ne semblait pas femme à s'habituer aux adieux. Elle nous observa réviser d'un œil scrupuleux, particulièrement planté sur Simon qui n'avait même pas daigné ouvrir un manuel. Il se contentait d'aider Susan pour son sortilège de disparition plus qu'aléatoire.
-Bones, entonna la professeure, suspicieuse, vous avez pensé à notre entretien ?
Simon détourna les yeux d'Ogma, qu'était censé faire disparaitre Susan – et auquel elle avait à la place donné une couleur fuchsia qui avait indigné l'oiseau. La pauvre semblait désespérée.
-Mais j'y arrivais la dernière fois ...
-C'est le stress, Susie, essaie de te détendre, la rassura Simon en passant une main dans son dos, avant de se tourner plus franchement vers Chourave. Pardon, professeur, quoi ?
-Votre orientation, asséna-t-elle, l'air contrarié. L'IRIS demande qu'un dossier soit envoyé avant-même les ASPIC et tous les professeurs vous ont fait une lettre de recommandation. Vous vous êtes décidé ?
L'ensemble de la tablée, composée d'Emily, Susan, Ernie, Hannah et moi, se tourna vers Simon, perplexe. La rougeur de celui-ci avait effacé ses tâches de rousseurs et il se trouva une passion soudaine pour la contemplation des plumes roses d'Ogma.
-L'IRIS ? répéta Emily, incrédule. Mais tu n'entres pas au Ministère ?
-Qu'est-ce que c'est ? chuchota Hannah à Ernie.
-L'Institut de Recherche Intensitive en Sortilèges, un grand centre de recherche de magie, expliqua-t-il en jetant un coup d'œil presque révérencieux à Simon. Mais il fait avoir un niveau très élevé en tout ce qui est sortilège, métamorphose, maléfice, ça pousse vraiment très loin les limites de la magie et ils ont un partenariat avec le département des mystères de toute l'Europe ... Des sorciers du monde entier et de tout âge viennent y étudier tant c'est prestigieux ...
-Mais peu de gens l'intègre après leurs études, normalement ! ajouta Emily, éberluée. Il faut avoir une recommandation d'une institution, du Ministère, par exemple ...
Les explications d'Ernie et d'Emily paraissaient avoir accentuer la gêne de Simon, qui pour la masquer rendit à Ogma sa couleur naturelle avec une infinie lenteur, presque plume par plume. Je le contemplai, médusée. J'ignorais qu'un tel institut existait, ni même qu'il pouvait intéresser Simon. Mais McGonagall l'avait bien perçu : Simon ne faisait qu'effleurer son potentiel. Sans doute étaient-ils beaucoup à songer qu'il y avait trop de magie brute en lui pour le lancer dans une carrière sans un dernier affinage ... Chourave continua de le fixer jusqu'à ce qu'il lâche du bout des lèvres :
-Je n'ai pas particulièrement eu le temps d'y songer, professeur ...
-Oui bien sûr, vous n'avez pas eu le temps de songer à grand-chose, bougonna Chourave, les sourcils froncés. Est-ce qu'au moins vous avez commencé le moindre dossier ?
Le silence de Simon était éloquent et je me retins de le frapper avec mon dictionnaire de rune. Avec un certain agacement – et un véritable nœud dans le ventre – je songeai que son attentisme devait signifier qu'il aurait sans doute mieux à faire dehors que des études supplémentaires. Et par Merlin que ça donnait envie de lui tirer les oreilles. Et les cheveux. Puis achever le tout d'un coup de poing dans le nez.
-T'es un idiot, Bones, le tançai-je, exaspérée. Franchement, est-ce qu'il y a une voie qui te plairait plus que ça ?
Simon me lorgna l'air agacé mais Chourave me lança un regard entendu, presque soulagé. Soudainement, je me fis la réflexion qu'elle en parlait sans doute ouvertement pour que Susan et moi soyons au courant et qu'on le pousse à constituer le dossier.
-C'est à Oxford, marmonna Simon, comme si cela justifiait tout.
-Et alors ? contrattaqua Susan, irritée. Tu y transplaneras et en plus ce n'est pas loin de la maison ! l'IRIS, c'est une opportunité en or si tu peux y entrer ! Vic' a raison, c'est tout ce que tu aimes, tu vas continuer d'étudier la magie tout en ayant un salaire ! Comment tu peux refuser ça ?
-Je ne suis pas sûr d'être pris.
-Ah ça c'est sûr que si tu ne fais pas de dossier, tu ne seras pas pris ! Va chercher tes papiers au lieu de glander sur cette table !
C'était la première fois que je voyais Susan s'énerver véritablement sur Simon, bien plus que pour l'histoire de l'A.D. où elle avait simplement semblé craquer. Là, c'était de la colère froide qui émanait d'elle et je voyais dans ses yeux verts qu'elle retenait la moitié des paroles qu'elle pouvait prononcer – sans doute parce qu'elles concernaient ses parents. Simon la considéra, entre fierté de voir sa sœur s'affirmer et agacement que ce soit contre lui.
-Je ne sais pas si ...
-Est-ce qu'il faut vraiment que je me joigne à Susan ? soupirai-je d'un ton théâtral. Parce que là tu n'y survivras pas, Bones. Va chercher ces papiers.
-Et je les aiderais, renchérit Emily avec empressement. L'IRIS, Simon, par le caleçon de Merlin, qu'est-ce qui te prend ?
Simon rejeta sa tête en arrière avec un grognement étouffé, vaincu par notre coalition. Il finit par se lever l'air bougon et j'attendis qu'il disparaisse dans le couloir qui menait à sa chambre pour lever la main à l'adresse de Susan. Elle y frappa avec entrain avant de toquer dans le poing qu'Emily lui présentera. Mon amie avait sans doute été le facteur X dans la reddition de Simon : à nous il pouvait expliquer qu'il refuse mais pas à elle. Chourave sourit d'un air radieux.
-Merci les filles, je savais que je pouvais compter sur vous. Ça fait des semaines que Filius me harcèle pour savoir s'il a transmis son dossier ... ça fait presque dix ans qu'on n'a pas réussi à placer d'élève à l'IRIS, le seul autre étudiant à Poudlard qui en aurait les capacités serait Hermione Granger, mais je la vois plus au Ministère ... Et j'avoue que je serais très fière que ce soit un élève de ma Maison.
-On va l'y faire rentrer, de gré ou de force, assurai-je à ma professeure. Même s'il faut que je l'amène à Oxford chaque matin pour cela.
Chourave parut ravie, d'autant que Simon revenait de son dortoir, une liasse de parchemin à la main. Sa mission achevée, elle nous laissa à nos révisions avec un dernier sourire et Emily la regarda s'éloigner, l'air rêveur.
-Rien pour elle, ça vaut le coup d'être tombé ici ... Vous vous souvenez de notre répartition ?
-Je me souviens de Vic' qui se collait à moi comme un enfant, maugréa Simon en déroulant les parchemins devant lui.
-Tu es obligé de tout le temps la rappeler, celle-là ? grinçai-je en relevant les yeux de mon dictionnaire de rune.
Malgré son agacement évidement, Simon eut un doux sourire qui me rappela également que cette fois-là il ne m'avait pas repoussé : il avait accepté que je me cache derrière lui au moment où je faisais mon entrée dans le monde de la magie, et la poussette qu'il m'avait faite au moment où, tétanisée, je devais m'avancer vers le Choixpeau avait été loin d'être brusque. Pour la première fois, je pris conscience qu'il m'avait accompagné ce soir-là plus gentiment qu'il le ferait les cinq années qui suivirent. Alors malgré ma contrariété, je lui rendis son sourire et je me levai en refermant mon dictionnaire.
-Bon, je suppose qu'affairés comme on l'est, on n'ira pas prendre notre dîner dans la Grande Salle. Je ramène des sandwichs ?
-Pour nous aussi, Vic', s'il te plait ! me supplia Hannah en portant ses mains jointes au niveau du cœur. Je ne finirais jamais de réviser les potions !
-Et la personne qui rit comme une baleine près du feu est priée de se la fermer ! s'écria férocement Emily, les yeux dardés sur un groupe de troisième année.
-Je vais venir d'aider, j'ai besoin d'une pause, décréta Renata en fermant son grimoire.
Réprimant ma surprise, je la laissai me suivre hors de la Salle Commune. Depuis que la pression des examens s'était intensifiée, Renata s'était de nouveau renfermée dans sa bulle, agressant silencieusement chaque personne qui la dérangeait. Je savais qu'elle souhaitait poursuivre dans l'astronomie, une matière qui la passionnait – et cela ne me surprenait pas, c'était une activité solitaire loin des préoccupations humaines. Elle passait des heures entières sur ses cartes du ciel et ses calculs d'Arithmancie. J'eus un pincement au cœur lorsque je chatouillai la poire et que le tableau bascula pour me dévoiler la cuisine. L'endroit avait perdu de sa saveur depuis que je n'étais plus susceptible d'y rencontrer Fred et George. Et surtout, il m'évoquait trop mes souvenirs avec Miles. Fort heureusement, avant que je ne sombre dans la morosité, Dobby se planta devant moi, vêtu d'un pull violet et d'un affreux cache-théière en laine.
-Miss Victoria Bennett ! Vous êtes venue chercher du chocolat ?
-Non, pas cette fois Dobby, répondis-je précipitamment alors que Renata esquissait un sourire amusé. En fait on voudrait ... une vingtaine de sandwich, si ça ne te demande pas trop de travail, bien sûr ... Sinon, on ira à la Grande Salle ...
-Mais non, enfin, Dobby est très content d'aider la gentille Victoria Bennett ! affirma l'elfe avec un sourire qui dévoila ses dents pointues. Ça ne lui prendra que peu de temps ... Restez-là !
-Il t'aime bien, remarqua Renata en dressant un sourcil.
Je haussai les épaules pour éluder la remarquer. Ma relation avec les elfes de maison de Poudlard était bonne parce que j'étais l'une des rares à être gentille et polie avec eux. J'aurais voulu faire plus, leur parler de liberté ... Mais on voyait bien à la façon dont ils mettaient le seul elfe libre à l'écart qu'ils n'étaient pas prêts. Mais peut-être qu'un jour, il y aurait d'autres Dobby. Il revint avec rapidité, portant deux plateaux remplis de beaucoup plus de sandwich que j'en avais demandé. Je pourrais nourrir la moitié de la Salle Commune avec cela. Nous prîmes les plateaux et je remerciai chaleureusement le petit elfe qui bondissait devant moi. Renata dut s'y reprendre à deux fois pour trouver la porte du fait de son chargement, et se faisant, elle fit tomber un papier de la poche de sa cape. Laissant mon plateau sur un buffet, je me penchai pour le ramasser.
-Renata, tu as ...
Je me figeai en posant les yeux sur le papier. C'était une photo, en réalité.
Une photo de Cédric.
Je reconnus le moment : c'était après notre victoire contre Gryffondor en cinquième année. Il était encore vêtu de sa robe de Quidditch, trempé jusqu'aux os et je me vis en arrière-plan de la Salle Commune en train de secouée mes boucles mouillées. La photo avait été prise sur le vif, capturant Cédric en plein éclat de rire face à une personne hors du cadre. J'eus l'impression de recevoir un violent coup de poing dans l'estomac et lentement, je relevai les yeux sur elle. Mon cœur s'arrêta de battre et Renata blêmit si fort que je craignis qu'elle ne défaille. Pour la première fois depuis que je la connaissais, son visage exprima autre chose que de la désapprobation ou de l'agressivité : une onde de terreur et de douleur balaya tout le reste.
-Ne le dis pas, supplia-t-elle à mi-voix. S'il te plait, Victoria ...
Je la fixai, le cerveau étrangement vide. Ne pas dire quoi ? Pourquoi se promenait-t-elle avec la photo de Cédric dans sa poche ? Et soudainement, alors que Renata me fixait avec une certaine détresse que je n'aurais jamais pu imaginer de sa part, la vérité me frappa de plein fouet. Je me félicitai d'avoir posé le plateau, car en cet instant, j'aurais tout laissé tomber. Des larmes me vinrent aux yeux.
-Oh, Renata ...
Les yeux de Renata restèrent eux parfaitement sec derrière ses lunettes. Posant à son tour son plateau, elle m'arracha sèchement la photo des mains pour la remettre dans sa poche d'un geste fébrile.
-Ce n'est rien, éluda-t-elle à voix basse. Ce n'est rien, simplement ... Ne le dis à personne, d'accord ?
Incapable d'articuler le moindre mot, je hochai la tête. Renata ferma les yeux un instant, l'air de vouloir désespérément ses esprits, et bien que son visage ait retrouvé son impassibilité habituelle je parvins encore à distinguer quelques éclats de douleurs dans le pli de ses lèvres et la lassitude de son regard. D'un air digne, elle reprit son plateau et repartit sans m'adresser ni un mot, ni un coup d'œil. Pantelante, il me fallut un long moment pour songer à faire de même, sonnée parce que je venais de découvrir. Ça dépassait totalement l'entendement et cela rouvrait une plaie que j'avais pensée cicatrisée depuis quelques semaines.
Renata Morton, l'impassible, l'agressive, la solitaire, avait été amoureuse de Cédric Diggory. Elle l'avait vu risqué sa vie dans le tournoi, sortir avec Cho ... puis mourir dans le labyrinthe.
***
Comme elle l'avait souhaité, je ne parlais à personne de ma découverte sur Renata. C'était une histoire qui lui appartenait, qu'elle gardait comme un trésor au plus profond d'elle-même. Depuis quand, comment, pourquoi ... Je n'avais pas voulu savoir. Cela aurait de nouveau solidifier le fantôme de Cédric qui s'était effacé avec les semaines et je n'avais pas besoin de cela. Malgré tout, cela m'avait permis d'expliquer de nombreuses choses concernant ma camarade de classe : son mépris pour le tournoi, son opposition surprenante à Ombrage en début d'année au nom de la mémoire de Cédric, les larmes qui étaient apparues dans ses yeux lorsque j'avais lu l'article de Harry ... Renata était toujours hantée par Cédric et déterminée à se battre contre ceux qui lui avaient enlevé. L'amour avait survécu à la mort et la profondeur manifeste de ses sentiments m'avaient amené à réfléchir.
Avec tous nos efforts combinés, Simon avait achevé son dossier pour l'IRIS, y ajoutant les lettres de recommandations de tous les enseignants, ainsi que celle de sa tante Amelia. La seule ombre au tableau : Dolores Jane Ombrage. A mi-mot pendant le cours de Défense contre les Forces du Mal, elle avait fait savoir qu'une lettre de sa part pouvait mettre fin à toutes ses ambitions et j'avais dû sacrifiée ma main, écrasée par Simon pour passer la frustration ne pas pouvoir faire subir de maléfice au sourire de crapaud d'Ombrage.
-Pour une fois que je suis un petit peu motivé pour quelque chose, elle veut me l'enlever ! éructa-t-il en sortant, hors de lui.
-Ravie de voir que ton entrée à l'IRIS te tienne finalement à cœur, chantonnai-je joyeusement en le suivant dans le couloir. Dois-je en conclure que tes plans pour dehors ont changés ?
Simon me jeta un regard exaspéré mais resta coi. Jubilant intérieurement, je me gardai d'insister. Il montrait quelques signes positifs depuis son sortilège sur les armures de Poudlard et surtout, depuis ma blessure. Susan m'avait appris, rayonnante, qu'il s'en était voulu de m'avoir laissée seule alors que le climat était propice à une attaque et cela paraissait jouer sur sa perception de l'après-Poudlard : serait-il capable de me laisser seule face à une bien plus grande menace ? J'en avais néanmoins ressenti un grand malaise. Je n'avais plus réfléchi à cet aspect-là de notre relation depuis Pré-au-Lard et le moment où il m'était paru évident que nous étions tous deux près à de grandes extrémités l'un pour l'autre. Sans comprendre pourquoi, cela continuait de me troubler et je repoussai la réflexion pour passer sur des choses plus urgentes. Les ASPIC étaient dans une semaine et je sentais chaque jour la pression me gagner. Notre devoir était achevé avec Octavia et nous devions préparer la soutenance qui nous servait d'épreuve pour l'examen. J'avais acquis une aisance rassurante en sortilège, maléfice et contre-maléfice grâce à Simon et Flitwick m'avait assuré que ma remarquable maîtrise des sortilèges informulés seraient un atout indéniable, car une partie de l'épreuve pratique se déroulait silencieusement. En revanche, je continuais de pécher en métamorphose. J'avais l'impression d'avoir cette année atteint mon plafond de verre en cette matière et ce fut sans doute pour cette raison que j'y travaillais avec un acharnement assez inutile compte tenu des maigres résultats.
-Il faudra que tu m'aides pour le sortilège protéiforme, j'ai encore un peu de mal ... Ah et le sortilège du patronus, aussi.
En quelques mois d'essai, je n'avais jamais réussi à faire mieux qu'une brume blanche, relativement épaisse qui restait encourageante mais qui persistait à ne prendre aucune forme. Simon eut un sourire désabusé.
-On connait tous les deux le problème de ton patronus. Ton souvenir n'est pas assez puissant, Vicky. Et je sais même exactement ce qui se passe : tu penses d'abord à un souvenir avec Cédric, mais tu te rends compte que ça ne peut pas marcher alors tu changes, mais tu restes triste parce que tu as pensé à lui. J'ai tort ?
Je lui jetai un regard contrarié. Non, c'était d'une justesse déconcertante. Seigneur, y-avait-il un aspect de moi qu'il ignorait un tant soit peu ? Maintenant qu'il connaissait mes vers préférés de Shakespeare et mon penchant inavoué pour une forme de romantisme, j'en doutais. Simon parut satisfait.
-D'ailleurs, tu t'es vraiment améliorée cette année. Je t'assure, c'est un patronus assez solide pour te permettre d'échapper au pouvoir paralysant des Détraqueurs et de transplaner. Et ce sera mieux que la plupart des élèves qui, grâce aux fantastiques cours de notre professeur, ne se sont sans doute jamais exercés. En plus il ne manque pas grand-chose pour qu'il devienne corporel.
Je le lorgnai obliquement.
-Et vais-je un jour voir à quoi ressemble ton patronus corporel ? Je vais finir par croire que tu ne peux plus en produire ...
Face à sa réticence à lancer le sortilège devant tous, j'avais fini par croire qu'après la mort de Cédric et la résurgence du fantôme de sa famille lui avait faire perdre la faculté de produire un patronus. Mais il me surprit : après avoir vérifié que le couloir était désert, il sortit sa baguette et ferma les yeux, l'air concentré. Puis après quelques inspirations, son visage se détendit et il souffla :
-Spero patronum.
L'habituelle brume argentée jaillit de la pointe de sa baguette mais au lieu de se répandre dans l'espace comme pouvait le faire le mien, elle se massifia et se solidifia en une silhouette munie d'ailes et d'un bec acéré. Une seconde plus tard, un faucon baignant dans une belle lumière d'argent fendait les airs, gracieux et puissant. Il fit quelques tours de couloir jusqu'à qu'il exécute un virage serré pour foncer sur moi. Je me retranchai derrière Simon avec un cri pour l'éviter et il disparut dans le mur du château sous les éclats de rire de celui-ci.
-Pas de panique, Vic', il n'allait rien te faire ! s'esclaffa Simon en me repoussant.
-Tu m'en diras tant, glapis-je, émerveillée malgré moi. Mais ... pourquoi tu ne t'es pas vanté avant ?
Le sourire de Simon se fit gêné et il se passa une main sur la nuque.
-Boh ... Tu sais, un patronus, c'est personnel. C'est un peu comme l'épouvantard et l'amortentia : c'est représentatif de ce que tu es au fond de toi, ça révèle un peu de ta personnalité, un peu de ton âme. Je ne me sentais pas de le montrer à tout le monde, c'est tout.
Et étrangement, je le croyais sur parole. Simon était quelqu'un de très pudique malgré ses fanfaronnades. Je fus d'autant plus touchée d'avoir ainsi insisté à la formation d'un patronus de sa part. Je lui cachais mon sourire attendri avant qu'il ne se fasse plus railleur.
-Alors si tu me connais par cœur, il devrait deviner la forme du mien avant même que je le produise non ?
-A dire vrai, je parierais sur un chien, dit Simon avec un grand sérieux. Un labrador, ou peut-être un berger allemand.
Avant que je n'aie pu me sentir vexée ou impressionnée par la rapidité de sa réponse, je me figeai au milieu du couloir. A quelques mètres devant nous, Miles relisait la copie rendue par Ombrage – calamiteuse pour tous, mais personne n'y donnait de cœur. Mon cœur s'emballa et je fus l'espace d'un instant tentée de faucher le coude de Simon et de faire volte-face pour avoir à éviter de lui parler. Mais au moment où je mettais mon plan à exécution, Simon poussa un immense soupir et lâcha :
-Vicky ... tu ne serais pas en train de faire la technique de la fuyarde, par le plus grand des hasards ?
J'eus un sourire crispé. Je fuyais quand j'avais peur, Simon le savait pertinemment. J'avais fui Miles par peur de mes sentiments naissants pour lui ... et j'étais à présent terrifiée à l'idée de les sentir mourir.
-Euh ... ça se pourrait bien. Tu vas m'obliger à aller lui parler ?
-Je ne vais t'obliger à rien du tout, répondit-t-il précipitamment d'un ton sec. C'est à toi de voir comment tu veux gérer ça, je n'ai aucun conseil à te donner.
-Mais ... pourtant ... Avec Octavia ...
-Chaque situation est différente. Mais ce que je sais, c'est que ce n'est pas forcément sympa de la laisser s'envenimer.
Je rentrai la tête dans les épaules devant le reproche voilé. Il avait raison, j'évitai Miles depuis quelques jours ; mais j'avais la nette impression que l'inverse était également vrai, il n'avait pas digéré que j'aide Gryffondor à le battre. Simon prenait soin de ne pas me regarder, sans doute pour que je ne connaisse pas le fond de sa pensée et que je décide par moi-même. Il gardait son regard perdu dans le parc, une expression étrangement neutre sur le visage.
-Ecoute, toi tu fais ce que tu veux, mais moi je vais aller réviser, annonça-t-il finalement à mi-voix. Quoiqu'il arrive, on se retrouve dans la Salle Commune pour travailler ton sortilège protéiforme, d'accord ?
Et sans me laisser le temps de répondre, il fit volte-face comme j'avais rêvé de le faire et remonta le couloir. Pendant une affreuse seconde, je dus lutter pour ne pas le suivre mais je fus assez forte pour le regarder s'éloigner et disparaitre à un angle. La tentation passée, je pus tourner mon regard vers Miles et mon cœur se serra. Avec une certaine appréhension, j'avançai vers moi avec l'impression qu'il était au bout d'un tunnel long comme la distance qui nous séparait de Londres. Je le rejoignis après ce qui me parut une éternité où trop de choses se mélangèrent dans mon esprit et posai une main peu sûre sur son bras. Il sursauta en levant les yeux de sa copie, et me sourit.
-Ah, c'est toi. Je ne t'ai pas vue à la fin du cours.
-Je calmai Simon, Ombrage l'a énervé. Alors, qu'est-ce que ça donne ?
La question badine sonnait affreusement faux à mes oreilles, pourtant, je fis un effort pour m'intéresser aux nombreux commentaires d'Ombrage, pour la plupart cassant et dénués d'intérêt pédagogiques. L'œil de Miles était sombre.
-J'ai vu la copie d'Ulysse, elle n'était pas aussi, critique, plutôt élogieuse, même ...
-Son père doit l'avoir dans la poche, c'est pour ça qu'elle l'a nommé préfet-en-chef à la place de Simon, évaluai-je prudemment pour ne pas froisser Miles. C'est comme ça qu'elle fonctionne, à l'influence et à ce qui fait grandir la sienne.
Avec un grognement, Miles froissa son parchemin et le rangea dans son sac. Je pressai doucement son bras.
-Arrête, cette femme ne s'y connait pas en enseignement, ses devoirs ne veulent strictement rien dire ...
-Je sais, mais c'est la façon dont le monde fonctionne qui me dépite. Quel inconvénient d'être né Bletchley ...
-Tu préférerais être né Selwyn dans une famille à l'éthique plus que douteuse ? Ou McLairds à devoir sacrifier bonheur et ambition au nom de la famille ? répliquai-je en tentant de ne pas être cassante. Au moins en étant né Bletchley, tu as pu développer ta propre personnalité et ça te laisse une liberté de manœuvre dans ton avenir. Je ne suis pas sûre qu'on étant né Selwyn tu aurais été autorisé à entrer au Département de régulation des créatures magiques.
Les lèvres de Miles se déformèrent en une moue contrite, mais il parut m'accorder silencieusement ce point. Le couloir se vidait : les élèves se précipitaient soit dehors pour profiter du soleil de juin, soit dans la bibliothèque et les Salles Communes pour réviser leurs examens. Avec un pincement au cœur, je me rendis compte que c'était la première fois que je me retrouvais seule avec Miles depuis qu'il m'avait proposé de vivre avec lui après l'école. Autant dire une éternité. Il parut également s'en rendre compte car il se trémoussa, comme embarrassé.
-Au fait, ton dos ... ça va mieux ?
-Oui, la crème de Pomfresh fait effet. Je vais pouvoir passer mes essais après les ASPIC.
-Tu veux mon balai ?
Je ne pus retenir une furtive grimace de dégoût. Le balai de Miles, un sublime Nimbus 2001, lui avait été offert par le père Malefoy en échange duquel son fils Drago pourrait entrer dans l'équipe. Je savais que c'était la plus belle chose qu'il possédait et il en prenait un soin particulier, mais la qualité du balai était pour moi ternie par la façon dont il se l'était approprié.
-Non merci, ça va, je m'entraine avec celui de Judy depuis une semaine, je commence à prendre mes marques. Peut-être que je prendrais un Brossdur cet été ...
-Les Nimbus sont mieux, plus fins et plus sûrs. Un nouveau modèle va sortir cet été, le 3000. Moins performant que l'éclair de feu, bien sûr, mais de belle gamme quand même.
Qui du coup serait sans doute hors de prix, songeai-je à part moi. Mais je me gardai d'en faire part à Miles et lui promis de réfléchir à cela une fois que je saurais où je serais prise – et si je l'étais. Il leva les yeux face à tant de prudence qu'il devait juger excessive. Je me rendis compte au fil des mots que c'était devenu presque douloureux pour nous de parler de Quidditch avec ce qu'il s'était passé ses dernières semaines et je voyais bien la retenue de Miles dans chaque mot. Je finis par demander du bout des lèvres pour crever l'abcès :
-Tu m'en veux encore d'avoir aidé Ron ?
Miles s'assit sur le parapet sous les arcades qui bordaient la cour, la bouche tordue par l'indécision.
-Je dois avouer que quand j'ai vu que ma copine faisait tout son possible pour que la coupe m'échappe, je ne l'ai pas très bien pris. Mais je te l'ai dit, je comprends que ce n'était pas contre moi mais contre les autres et c'est ton droit d'avoir la haine contre eux. Simplement ... je ne sais pas, j'étais là, aussi, ça aurait dû compter.
J'avais beau déjà avoir eu cette discussion avec lui, cela me gênait toujours autant que ça me mettait en colère. J'aurais voulu me taire, juste m'excuser, assurer que de toute manière ça n'arriverait plus et franchir d'un bond ce gouffre qui semblait toujours plus s'ouvrir entre nous ... Mais il commençait à être profond, ce gouffre. Et malgré toute ma bonne volonté, malgré tout le positif que j'avais pu tirer de notre couple, je sentais à présent que ça n'en valait plus la peine. Le cœur en miette, je décidai de contrattaquer avec douceur :
-Et moi, j'ai compté ? Quand je t'ai demandé de faire en sorte qu'il n'y ait pas de provocation d'avant-match et que tu t'es rendu compte que tes joueurs n'étaient pas réceptifs à l'idée, est-ce que j'ai compté ?
Miles papillonna des yeux, étonné que je réponde ainsi au moment où j'aurais dû passer l'éponge. Mais je ne pouvais plus simplement pardonner et oublier comme ça avait été le cas pour son aveuglement de début d'année. Ce n'était pas viable.
-Mais bien sûr, Vic', comment tu peux dire ça ? Simplement, comment tu voulais que je les empêche ... ?
-En me prévenant, par exemple. Moi je pensais que tu les tenais, j'ai totalement baissé ma garde. Me prévenir que je risquais quelque chose, ça aurait été déjà bien.
Son visage se décomposa et il parut désarçonné par ma répartie. J'avais eu le temps de réfléchir à tout cela, allongée dans mon lit à laisser libre court à mes angoisses, à tout ce qui avait pu déraper entre nous, et je m'étais rendue compte que je n'étais pas l'unique responsable, moi et mon vide émotif pour lequel je culpabilisais. Miles avait cédé à de vieux travers que j'avais décidé d'ignorer et qu'il avait évité durant un an avant que la pression de les mette de nouveau en exergue. Je fermais les yeux.
-Tu aurais pu demander de l'aide à Montague aussi. La seule fois où j'ai été blessée il a passé un savon à Warrington parce qu'il avait faussé le match, qu'il n'avait pas su ce qu'il valait parce qu'il ne s'était pas mesuré à moi. Mais non, Montague est resté seul à l'infirmerie, vous n'êtes même pas venus le voir après la victoire ...
Je rouvris les yeux. Miles était livide, les bras croisés sur sa poitrine avec une nonchalance feinte. J'étais peut-être injuste ... Mais c'était des choses que j'aurais faite pour lui, vide émotif ou non. Elles ne lui avaient pas effleuré l'esprit.
-Donc tu vois, il y avait des choses que tu pouvais mettre en place, sans te mettre en danger. Mais tu as préféré ne pas le faire. Pour garder l'approbation factice de tes joueurs ou simplement parce que tu n'y as pas songé ... Que tu croyais que tes mots suffisaient ...
Mais le pincement des lèvres de Miles me prouvait bien que ces mots n'avaient pas suffi et qu'il en avait été conscient. Sans doute avait-il décidé de passer sur ce point, tout fier d'être le Capitaine et enivré par la perspective d'une victoire. Cette constatation me conforta dans mon choix et mon analyse. Je n'avais pas été parfaite ... mais il ne l'avait pas été non plus.
-Et contre Ombrage ? poursuivis-je avec douceur, la gorge compressée. Tu es le seul qui n'a pas pris la parole en ma faveur. Pourtant, la parole du capitaine de Serpentard contre ses joueurs ça aurait peut-être eu du poids ...
-Elle avait déjà collé Bones, tu as vu l'état de sa main après une semaine ?!
-Simon n'était pas le seul, Emily et Roger aussi ont parlés !
-Arrête de tout me mettre sur le dos ! finit par s'écrier Miles en faisant un large mouvement du bras. N'essaie pas de te justifier comme ça, Victoria, je vois très bien ce que tu es en train de faire !
Il s'immobilisa, une main sur la tempe, la mâchoire contractée. Je m'étais tendue face à cet éclat et la culpabilité à présent familière vint se lover de nouveau au creux de mon ventre.
-Ne crois pas que je ne vois pas ce qui se passe depuis le retour des vacances, Victoria, poursuivit-il d'une voix rauque, sans me regarder. Ne crois pas que je ne te sens pas t'éloigner, que je ne vois pas comment tu te crispes dès que je te touche, que je ne remarque pas que tu fais tout pour m'éviter. Ça a commencé avant ta blessure, ça, Victoria. Et je pense que je n'ai rien fait pour le provoquer.
Non, absolument rien ..., admis-je à part moi, soudainement honteuse d'avoir voulu mettre notre éloignement sur le compte de cette affaire. Il avait raison, ça précédait bien ma blessure – et ça la dépassait. Ce n'était pas une question de Quidditch. C'était une question de perception de l'avenir, de valeur, d'un écart qui avait toujours été visible entre nous mais sur lesquels les événements avaient jeté une lumière crue. Un écart infranchissable, me rendais-je compte, une boule au ventre.
Alors à quoi bon perdre du souffle à le combler ?
-Je suis désolée, Miles, vraiment ... Mais ... je pense que je ne peux pas venir vivre avec toi après Poudlard. Et à dire vrai ... je doute même qu'on ait un avenir après Poudlard.
Les mots m'écorchèrent les lèvres et me brûlèrent la langue. J'avais beau ne pas être tombée amoureuse, je m'étais tendrement attachée à Miles, à notre couple et prononcer ces quelques phrases qui pouvait en sonner le glas m'était douloureux. Miles, dont le regard s'était perdu dans le parc, le riva de nouveau sur moi. La résignation qui faisait luire ses prunelles m'indiquait que ces derniers jours, son esprit avait fait le même cheminement que le mien.
-C'est ce que j'ai fini par comprendre aussi, confirma-t-il d'une voix défaite. Qu'on avait des perspectives totalement différentes. Que pour l'instant on tenait ... mais que dehors, tout éclaterait.
Un bouchon douloureux se forma dans ma gorge. Cela me faisait mal de l'entendre mettre des mots sur des réflexions qui me taraudait depuis des semaines, mais ça me soulageait aussi, en un sens. Nous étions sur la même longueur d'onde. Miles soupira en se frotta le visage, les traits crispés par ce qui était en train de se jouer entre nous.
-Bien sûr, il y avait quelques petites choses évidentes, comme le fait que tu veuilles absolument rentrer chez toi après Poudlard, que tu ne sembles pas prête à t'engager plus sérieusement ... Et comme je te l'ai dit, ça fait des semaines que je te sens t'éloigner, des semaines que je me demande ce que j'ai fait pour que ça arrive, que j'essaie de trouver un sens ...
-Je suis vraiment désolée ...
Mais il balaya mes excuses d'un geste de la main et ses lèvres se retroussèrent en un rictus dépité.
-C'est après que tu aies lancé un maléfice à Warrington que j'ai ouvert les yeux, ajouta-t-il d'un ton qui se voulait neutre. Que j'ai compris. Tu avais simplement réalisé avant moi ... Je ne pouvais pas te suivre dans la voie que tu choisissais. Tu ne pourrais pas rester inactive dehors, Vic'. Tu ne comptes pas te laisser faire et j'admire réellement que tu es le courage de t'opposer à des forces qui te dépassent, mais moi je ne l'ai pas. Je suis vraiment désolé mais ... j'en suis tout simplement incapable.
Le « pas même pour toi » était implicite, mais je le sentis tout de même me traverser comme une lame glacée dans mes entrailles. Lui aussi avait dû sentir une sorte de vide, un moment où il s'était rendu compte qu'il ne m'aimait pas assez pour sacrifier la moindre partie de lui.
-Je comprends, soufflai-je, un étau compressant ma gorge. Vraiment, je comprends et je ne t'en veux pas.
Miles se fendit d'un petit rire singulièrement dépourvu de joie.
-Sainte Victoria. Tu es d'une incroyable patience et compréhension avec tout le monde : moi, Bones, Emily ... Je n'ai jamais compris comme tu as pu me pardonner de ne pas t'avoir cru pour Tu-Sais-Qui. Comment tu as pu me supporter pendant des mois, m'entendre le nier avec tout ce que tu risquais ...
-Je ne dis pas que ça a été facile, déclarai-je avec prudence. Simplement, je ne voulais pas te perdre et je savais qu'un jour, à un moment ou un autre, la vérité triompherait. C'est pour ça que je ne perds pas espoir avec Emily. Mais ... Miles, j'atteins mes limites. Tu as vu juste, je ne peux pas fermer les yeux et laissez d'autre mener un combat, laisser mon monde valser sans rien faire. (je fermai les yeux et mes paupières tressaillirent). On n'est juste pas assez fort pour survivre à ça.
Je voulais par-là dire que notre amour n'était pas assez fort pour qu'on se permette de conséquentes concessions et Miles parut le comprendre ainsi. Sans me démentir, il détourna le regard pour le river vers le parc. En contrebas, des élèves révisaient à même l'herbe fraiche et verdoyante, profitant de l'éclat du soleil pour chasser la noirceur de leur quotidien. Mathilda et Erwin traversèrent la cour, main dans la main, et se souriant d'un air radieux qui contrastait avec la tension sur le visage de Miles.
-Alors qu'est-ce qu'on fait ? murmura-t-il, presque pour lui-même.
Les larmes me brûlèrent les yeux et je les refoulai d'un battement de cil. La réponse était évidente, mais ni lui ni moi n'avions le cœur à la prononcer. Alors un épais silence, lourd de sous-entendu et non-dit nous enveloppa désagréablement et nous restâmes longuement figé, paralysée par ces mots qui flottaient entre nous comme un spectre qui refusait de prendre consistance. Ce fut Miles qui fut assez courageux pour prendre une tremblante inspiration et les prononcer :
-C'est peut-être mieux qu'on s'arrête-là. Avant qu'on se détruise, avant qu'on devienne un poids l'un pour l'autre. De toute manière ... ça a quelque chose d'inéluctable. Tu l'as dit, on est simplement ... pas assez fort.
De nouveau, les larmes menacèrent de me submerger et je m'avançai vers lui sans pouvoir m'en empêcher, comme finalement terrifiée que les choses entre nous se finissent. Mais il avait raison, c'était inéluctable ... A quoi bon s'échiner à maintenir à flot une relation dépourvue d'avenir et de réel amour ? Nous méritions mieux, l'un comme l'autre. Alors je pris sa main avec douceur et la serrai. Miles me laissa faire comme une poupée de chiffon.
-Oui. Je pense aussi ...
Miles eut un léger sourire, tremblant et vaincu. Il ne semblait pas sur le point de pleurer, mais je le sentais tout de même blessé, meurtri ... mais également soulagé. Une légère pointe de soulagement dans l'océan de désolation que représentait son regard. Celle qu'il allait passer à autre chose et pouvoir vivre la vie qu'il souhaitait, sans obstacle. Elle n'aurait pas grande importance cette lueur, mais un jour elle grossirait et nous nous rendrions compte que nous avions fait le bon choix. Alors m'accrochant à elle, je me dressai sur la pointe des pieds pour poser délicatement mes lèvres sur sa joue, un ultime baiser, un baiser d'adieu qui scellaient nos paroles et solidifiait la réalité entre nous.
-Je ne regrette rien, murmurai-je en m'écartant. Je te promets.
Miles eut un petit ricanement et, lentement, dénoua ses doigts des miens, comme pour matérialiser ce lien entre nous qui s'effritait et ne laissait à présent que les souvenirs. Puis il recula d'un pas, réajusta son sac sur son épaule et me sourit.
-Moi non plus... Tu en valais le coup, Victoria Bennett. Bonne chance.
Et au moment où il paraissait se laisser submerger par l'émotion, il fit volte-face et s'éloigna à grand-pas au rythme desquels battit mon cœur pendant quelques secondes. Je laissai enfin échapper une larme, sans savoir si elle avait le goût de la douleur ou du soulagement. Un an ne s'effaçait pas d'un claquement de doigt, malgré les marques évidentes il me faudrait du temps. Mais j'avais maintenant une nouvelle perspective d'avenir devant moi qui se libérait. Avant de me mettre à pleurer pour de bon, je m'ébrouai à mon tour et quittai ce couloir qui comptait à présent à autre spectre, celle d'un couple tendre, confiant, et uni mais dont la réalité avait mis en lumière le manque de sentiment réel. Et soudain, le fantôme s'effrita, devint une ombre à peine discernable qui retourna à la poussière dont elle était née.
Bon, j'ai réécrite cette scène, et même au bout de la 2e version je ne suis pas sûre d'en être entièrement satisfaite. Je ne voulais pas d'une scène violente, ce n'est pas la dynamique entre Victoria et Miles qui ont toujours eu un relation très posée, comme ce n'est dans le caractère ni de l'un, ni de l'autre de s'énerver.
Voilà, désolée pour ceux qui aimaient beaucoup ce couple, mais comme beaucoup ont commencé à le voir, elle n'avait pas beaucoup d'avenir en dehors de Poudlard. J'espère que la finalité vous aura satisfait quand même !
EDIT : Petit entorse au canon où il est spécifiquement précisé que Poufsouffle battait de justesse Serpentard lors du dernier match. Or, il se trouve que si j'avais suivi cette indication, Poufsouffle serait à trois victoires sur trois, donc ils auraient gagné la coupe. Sauf que c'est Gryffondor qui la gagne donc ... J'ai été forcée de les faire perdre.
EDIT 2 : Le chapitre prochain est long et coupable en deux. Vous le voulez en deux parties avec une partie la semaine pro et dans deux semaines?
J'en profite pour rappeler qu'après celui là il restera trois chapitres à la partie 2 ! La partie 3 avance lentement (deux chapitres) mais je compte poster entre les deux un Bonus en trois parties histoire que je prenne un peu d'avance ! Ah et bien sûr, il y aura le chapitre de transition. Voilà pour les nouvelles !
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