II - Chapitre 27 : La chute

BONJOUR A TOUS ! 

Encore merci pour tout vos gentils commentaires de la semaine dernière, je suis super contente que ce chapitre vous ait plu ! 

Voilà sinon j'espère que vous allez tous bien et que vous profitez bien de vos vacances (en tout cas moi je vais profiter des miennes, pfiou !). Bonne lectuuuure ! 


Chapitre 27 : La chute

L'état de grâce dura huit jours, huit jours où je me faisais une joie de fredonner quotidiennement Do your hear the people sing ? devant une armure, provoquant une réaction en chaîne qui ne manquait pas d'enchanter les élèves et de mettre Ombrage dans un état de rage indicible. Mais le chant n'était pas mort avec le sortilège de Simon : lorsque les armures cessèrent de répondre à ma voix, ce furent les élèves qui le firent et on entendait régulièrement quelqu'un siffloter l'air avec insouciance dans les couloirs. Bien sûr, Ombrage voyait cela comme une preuve manifeste d'insubordination mais comme lui avait fait vertement remarquer McGonagall, elle ne pouvait pas plus nous empêcher de chanter que d'être malade pendant ses cours. Et si la nouvelle directrice n'avait pas pu prouver que Simon était à l'origine de l'enchantement, les professeurs, eux, ne s'y trompèrent pas : il n'y avait qu'un élève dans cet école capable de modifier les sortilèges ancestraux de Poudlard. En sortilège, Flitwick lui apporta une boite de souris en sucre qu'il partagea avec moi et McGonagall accorda mystérieusement trente points à Poufsouffle après avoir décréter que la métamorphose du furet de Simon en mésange était l'une des plus belles réussites qui eue été faite dans l'école. Les marques de fierté des professeurs montraient bien la complexité de ce que Simon avait eu à accomplir et cela avait un effet bénéfique sur son humeur. Son acte de rébellion, si simple et anonyme était-il, l'avait grandement apaisé et même si nous n'avions pas reparlé de notre conversation qui avait suivi l'enchantement, j'avais à présent l'espoir que son engouement étouffe ses envies de vengeance. En tout cas, il souriait plus, riait plus et c'était fait une joie de me réveiller en fanfare le jour de mes dix-huit ans avant que je ne découvre le pull jaune et noir à rayure le plus hideux qui n'ait jamais été tricoté sur cette terre, rappel de mon idée de nous acheter pour nos anniversaires les cadeaux les plus moches qui soient. Le présent de Miles avait été plus satisfaisant avec une boussole à balai flambant neuve et un exemplaire Quidditch à travers les âges, pour me renseigner, avait-il ajouter avec un sourire entendu. Roger avait également été inspiré par ce qui semblait être mon avenir avec une écharpe des Tornades et celle des Vautours. Emily m'avait quant à elle proposé une trousse remplie de produit diverses confectionnés par ses soins et j'avais reconnu avec une grande gêne la potion contraceptive parmi les flacons. Mais le plus touchant de mes cadeaux vint de mes parents : pour ma majorité dans le monde moldu, ils me proposaient de me payer cet été un voyage à Cracovie, la ville de mes ancêtres et que j'avais toujours rêvé de visiter. Alexandre était prêt à partir avec moi et même Jaga se trouvait étrangement intéressée par l'idée de retrouver les rues de son enfance, malgré ce qui s'était passé pendant la guerre, m'avoua-t-elle dans la première lettre que je recevais d'elle à Poudlard. Il était tant pour elle s'affronter ses fantômes.

-C'est dommage que tu n'y ailles que cet été, maugréa Octavia alors que nous étions affairées à la bibliothèque. Ça aurait été parfait d'avoir accès aux archives polonaise pour donner plus de solidité à notre devoir ...

-De toute façon, le devoir est figé, on rédige, fis-je valoir en observant les parchemins qui s'étalaient devant nous.

Je massai ma main, qui après près de trois heures de recopie effréné devenait raide et douloureuse. Roger, occupé à réviser son arithmancie devant nous, lorgna le morceau de parchemin qui couvrait son manuel.

-Vous en prenez de la place pour une simple rédaction ...

-Ça on t'avait prévenu, le tança sèchement Octavia. C'est vous qui avez insisté pour vous installer ici.

-La bibliothèque est bondée, rappela Simon en tournant négligemment une page d'Hamlet. On sent les examens se rapprochent ...

Octavia lui jeta un regard mauvais. La pièce était peut-être pleine d'élève qui révisaient, particulièrement des cinquièmes et septièmes année dont les échéances approchaient à grands pas, mais leur stresse ne paraissait pas atteindre Simon, qui continuait de lire tranquillement, la joue appuyée contre son poing.

-Oh oui, on voit que les examens approchent pour toi, ironisa-t-elle en dressant un sourcil. Tranquillement occupé à lire pendant que nous on s'acharne ...

-Je n'y peux rien si je suis naturellement doué ... Non Vicky ne me frappe pas !

J'avais armé ma main, anticipant la vantardise, mais devant son mouvement de recul je changeais de stratégie et écrasai son pied sous mon talon. Avec une grimace de douleur, Simon se laissa aller contre la table et j'eus un sourire satisfait.

-Bouge, Bones, tu baves sur mon devoir.

-Je te déteste.

-Moi aussi, Minus. Maintenant, bouge.

Roger laissa échapper un petit rire alors que Simon se redressait en maugréant et éloignait sa chaise de moi pour palier à d'autres mouvements d'humeurs de ma part.

-Si tu es si naturellement doué, aide-moi à comprendre l'arithmancie, il faut absolument que j'aie au moins un effort exceptionnel si je veux être accepté en médicomagie ...

-Tu veux être guérisseur ? s'étonna Simon en dressant un sourcil.

Roger poussa un profond soupir avant de lui jeter un regard contrarié. Visiblement, il n'était pas le premier à être surpris par le choix de carrière du Capitaine de Serdaigle. J'avouais l'avoir également été, jusqu'à ce que Roger m'explique comme il me fit à Simon :

-Quand j'étais petit, j'ai attrapé une forme très rare de dragoncelle, très violente, presque mortelle. Je suis resté presque un an à Ste Mangouste et quand j'en suis sorti, on m'a dit que je ne pourrais jamais faire de sport, ou de trop gros efforts, je n'étais même pas sûr de pouvoir aller à Poudlard. Mais une guérisseuse m'a prise en sympathie et est venue presque tous les jours chez moi pour me remettre sur pied et pour que je puisse avoir la vie que je mérite. C'est la femme la plus admirable que je connaisse et c'est grâce à elle que j'en suis ici maintenant. Disons qu'elle m'inspire.

-Je ne savais pas, souffla Octavia, stupéfaite. Mais euh ... Ta belle-mère n'est pas guérisseuse, aussi ?

Un large sourire fendit le visage de Roger.

-En fait, c'est elle. Mon père et elle ont fini par tomber amoureux, c'est une belle histoire, quand on y pense. Bon, ma mère n'était pas ravie, mais c'est elle qui avait voulu se séparer de mon père alors ...

-Les sorciers divorcent ? murmurai-je discrètement à Simon.

Bien qu'il paraissait encore vexé par le coup, il hocha la tête pour confirmer. Roger était le premier enfant du divorce que je croisais à Poudlard, chacun de mes camarades semblait avoir grandi dans une famille plus ou moins unie. J'avais fini par me dire que les couples sorciers ne se séparaient pas, qu'après le mariage, une sorte de magie amoureuse les liaient à jamais. L'idée était absurde, mais lorsqu'on observait le nombre de divorce exploser dans le monde moldu, il semblait impensable que la société magique n'en soit pas impactée.

-Et toi, McLairds ? ajouta Roger avec un doux sourire. Tu t'es décidée pour le Ministère ?

-Je pense que je vais postuler à la Coopération Magique internationale, confirma-t-elle d'un ton résolu. Tous les travaux que j'ai fait sur le Code donneront du poids à mon dossier et qui sait, peut-être même que je pourrais approfondir mes recherches.

-Si tu sors un livre, n'oublie pas de noter quelque part que j'ai participé, marmonnai-je, vaguement jalouse.

Octavia eut un sourire énigmatique.

-Peut-être que tu auras le temps de m'aider, entre deux entrainements de Quidditch. Tu as reçu d'autres propositions ?

-En juin, je pense, après la finale, évaluai-je en faisant tourner ma plume entre mes doigts. Gwladys Sayer m'a dit que les recruteurs venaient plus aux matchs de fin d'année ...

-Tu as intérêt à faire mordre la poussière à ton copain alors, plaisanta Roger. En plus tu as de la chance, je pense vraiment que Montague sera forfait !

Le capitaine de Serpentard ne se remettait définitivement pas de son passage dans l'armoire à disparaitre et restait cloué à l'infirmerie. En plus de prendre la gestion de l'équipe, Miles avait été chargé de lui transmettre les cours, puisque ni Warrington, trop idiot, ni Selwyn dont la tâche était indigne de son rang n'avait souhaité le faire. Je jetai un regard de biais à Octavia. Plusieurs fois, alors que nous étions penchées sur nos parchemins respectifs, j'avais tenté de lui avouer la scène que j'avais surpris avec Simon quelques semaines plus tôt, curieuse de savoir où en étaient les choses. J'eus un sourire crispé.

-On verra bien, le Poursuiveur que Miles a recruté a l'air très fort ... Mais c'est un attaquant, comme Pucey et Warrington.

-Et ? se troubla Roger.

Mon sourire se fit presque machiavélique et je m'en voulus aussitôt. Ce n'était pas gentil que d'espérer le malheur de mon petit-ami, mais j'avais une idée assez précise du match qui allait se profiler.

-Miles est habitué à avoir au moins Montague qui reste en arrière et qui défend – et sacrément bien. Il ne sait pas ce que c'est que d'être livré à lui-même face aux poursuiveurs adverses, il n'a jamais été acculé devant ses buts ... ça va lui faire tout drôle, parce que mes poursuiveurs aiment beaucoup ce genre de situation.

Roger frappa son poing contre sa table, faisant sursauter Octavia et des cinquièmes années qui révisaient derrière nous. Il pointa un doigt triomphant sur moi.

-Ah ah ! Je savais qu'il y avait une pointe de méchanceté chez toi, Sainte Madame-j-ai-le-nom-d-un-reine !

Simon lui jeta un regard torve par-dessus Hamlet.

-Ça fait six ans que tu la vois me frapper et tu viens seulement de te rendre compte qu'elle était méchante ?

Pour toute réponse, je donnai un coup à son livre qui alla s'écrasa sur son nez. Cette fois, Simon sortit sa baguette et je me repliai, heurtant presque Octavia au passage, brandissant la mienne dans le même temps.

-Bon sang, vous êtes insupportables ! râla la jeune fille en me repoussant, avant de fusiller Simon du regard. Et range ça, s'il te plait, j'ai encore au moins vingt centimètres de parchemin à écrire, je ne tiens pas à ce que Pince me vire de la bibliothèque par ta faute.

Le regard rivé sur moi, Simon finit à contrecœur par ranger sa baguette et je fis de même, le lorgnant du coin de l'œil au cas où il lui prendrait l'idée saugrenue de m'attaquer physiquement. Roger me jetait un regard où je pouvais presque lire la fierté.

-Tu vois, c'est pour ce genre de raison que tu peux poursuivre dans le Quidditch et pas moi. C'est le genre de facteur que je ne prends absolument pas en compte, je me contente de jouer, d'adapter mon jeu au match. Toi, tu réfléchis vraiment en amont, tu es fine dans ton analyse et tu ne te contentes pas que de ton poste. Non, vraiment, je serais super content que ce soit toi qui brandisses la coupe.

-Oh, Davies, me moquai-je, bien que touchée par la marque de confiance. Ce n'est pas fait, tu sais, je suis peut-être plus habituée que Miles à être livrée à moi-même, mais je ne suis pas infaillible, je sais que je vais me prendre une volée de but ... Et si je me blesse en essayant de sauver un souafle bien ... ils sont foutus. Notre stratégie de jeu ne marche que parce que je suis là pour assurer derrière.

-Et c'est moi qui manque d'humilité ? s'offusqua Simon.

-Mais tu vas baisser d'un ton ? ragea Octavia en pointant sa plume sur lui. Elle est juste derrière !

En effet, Mrs. Pince arpentait les rayonnages, apostrophant vertement un groupe de troisième année qui mangeait des friandises à même le sol. Elle les vira à grands renforts de cris qui plongèrent la bibliothèque dans un silence pesant et stressé. Hermione Granger venait d'entrer, visiblement anxieuse, trainant à sa suite des Harry et Ron qui la fixait l'air consterné. La colère de la bibliothécaire nous avait nous aussi réduit au mutisme et j'en profitais pour achever la rédaction de notre deuxième partie, longue de deux rouleaux de parchemins. Seigneur, je ne pourrais plus écrire aux ASPICs après avoir rédigé ce devoir. Lorsque j'y posais le point final, je me laissai aller contre mon dossier avec un grand soupir. Ce faisant, je croisais le regard vert et pétillant de Simon planté sur moi. Je me raidis sur ma chaise, alerte.

-Qu'est-ce qu'il y a encore ?

Un sourire effleura ses lèvres, et il reposa les yeux sur son livre avant de me contempler à nouveau. C'était peut-être une illusion donnée par le soleil couchant qui rougeoyait dans la pièce, mais il me semblait qu'au-delà de cette lumière les joues de Simon avaient légèrement rosies.

-Je pense que cette fois, je les ai. Doute que les étoiles ne soient que flammes, doute que le soleil n'accomplisse son tour, doute que la vérité soit menteuse infame ... mais ne doute jamais de mon amour.

Il avait gardé les yeux rivés sur les pages, un sourire incertain aux lèvres. Ses doigts tapotèrent nerveusement la couverture mais je n'y portais pas attention, toute occupée que j'étais à piquer un fard face au regard presque choqué que Roger portait sur nous.

-C'est dans la pièce ! explicitai-je précipitamment. J'avais mis Simon au défi de trouver mes vers préférés !

-Et c'est ça ? interrogea Octavia, l'air amusé.

Ce fut le moment que choisit Simon pour relever la tête et darder son regard intense sur moi. Mes joues s'enflammèrent pour de bon mais je fus forcée d'acquiescer à contrecœur. Simon brandit triomphalement le poing en l'air avec un éclat de rire. J'utilisai l'un de mes morceaux de parchemin pour m'éventer et apaiser le feu sur mon visage. Je m'étais attendue à subir les moqueries de Simon, mais pas à devoir le faire en public.

-Victoria Anne Jadwiga Bennett, tu es une romantique, conclut-t-il avec un sourire satisfait. Et ça j'avoue que c'est une surprise, je ne m'attendais pas à ce que ce soient des vers de cet acabit ... mais je dois admettre que c'est assez joliment dit.

-Tu rêves que Bletchley te prononce ces phrases ? s'enquit Roger, qui lui aussi s'était esclaffé.

Mon cœur tomba dans ma poitrine et en un éclair, je vis Miles penchée sur moi et me susurrant les mots à l'oreille. Cela glaça le feu sur mon visage. C'était une vision plus angoissante que romantique. Mon estomac se contracta.

Bon sang, Roger avait raison. J'adorais ces vers, c'était l'amour faite de poésie, et c'était réellement comme ça que je me représentais le sentiment amoureux : quelque chose de pérenne en laquelle j'avais une confiance et une foi absolue. J'étais censé rêvé que le garçon que j'aimais me regarde droit dans les yeux et me les déclame.

-Victoria ? Ça va ?

Visiblement, je devais faire une tête étrange si Octavia McLairds me posait cette question avec tant de sollicitude. J'observais la tablée et je constatais avec embarras que tout le monde me fixait, l'air surpris de ma réaction. Roger en ferma son manuel d'arithmancie pour se pencher sur moi.

-Euh ... Loin de moi l'idée de faire mon « Emily », mais ... ça va bien avec Bletchley ?

Je déglutis un peu trop nerveusement, ce qui accentua l'insistance dans leurs regards. Je fis tournoyer ma plume dans ma main, me concentrant sur son mouvement lent et gracieux pour éviter d'avoir à leur faire face. Ils avaient parfaitement vu ma réaction à l'idée que Miles me déclame ces mots, leur mentir serait stupide. Surtout à Simon qui me connaissait si bien.

-Ça va ... C'est juste ... il se passe trop de choses en ce moment, et je ne suis pas sûre d'être prête. (Je toussotai, consciente que la phrase portait à confusion). Il m'a proposé d'aller vivre avec lui après Poudlard, par exemple.

-Et alors ? lâcha Roger, étonné. On y réfléchit aussi avec Emily ...

Mais Simon eut un sourire entendu. Il ne me regardait pas : il continuait de lire Hamlet malgré la fin du défi, se balançant sur sa chaise avec une certaine nonchalance. Même Octavia me lança une petite œillade supérieure qui me fut insupportable, mais que je compris : elle m'avait prévenue.

-Je suppose que Bennett est moins au fait des coutumes sociétales sorcières, explicita-t-elle à un Roger abasourdi. Pour nous c'est normal d'envisager sa vie entière avec la personne avec laquelle on est à Poudlard et de quitter le nid familial immédiatement après l'école. Mais Victoria qui a été élevée dans un autre monde ...

-Au-delà de ça, intervint Simon en jetant un regard peu amène à son ex-petite-amie, chacun fait comme il le sent parce que chacun est différent et a un rapport à l'avenir différent. Je ne compte pas prendre mon indépendance immédiatement après Poudlard non plus. C'est idiot de ramener ça à sa condition de née-moldue.

Octavia le contempla longuement avant d'incliner la tête pour lui accorder ce point, soudainement penaude. Elle m'adressa un regard désolé avant de reprendre avec plus de douceur :

-Bon, du coup ... Qu'est-ce qui te fait peur ? C'est l'idée de quitter le nid ou ... c'est Miles ?

Le nid. Miles. Les deux. Oui, les deux à la réflexion. J'avais beau ne pas être proche de lui et être loin de la situation qui m'avait amené à ressentir ce vide émotif, et pourtant j'avais l'impression de l'effleurer à nouveau quand je le confronter aux doux mots de Shakespeare. Doute que les étoiles ne soient que flammes, doute que le soleil n'accomplisse son tour, doute que la vérité soit menteuse infâme mais ne doute jamais de mon amour. Ma gorge se serra.

Non seulement j'étais incapable de les entendre... Mais j'étais incapable de les prononcer.

Je fermais les yeux et me pris la tête entre les mains, indifférente aux regards qui pesaient toujours sur moi. Seigneur, je ne pouvais plus fermer les yeux, il fallait que je me rende à l'évidence. J'avais beau apprécier Miles, son contact, sa compagnie, m'être tendrement attachée à lui ... l'amour, lui n'était jamais venu.

***

Je n'avais pas eu le courage de faire part de mes conclusions à mes camarades de tablée, qui n'avait pas insisté davantage, sentant sans doute que j'avais besoin d'y réfléchir seule. Je m'étais attendue à ce que Simon revienne sur le sujet lorsque nous nous étions retrouvés seuls dans la Salle Commune, mais il m'avait surpris en me demandant seulement de l'aider pour une traduction de rune. Il ne s'était jamais intéressé à ma relation avec Miles, sauf après la mort de Cédric pour m'inciter à rester avec lui. Mais Simon avait toujours été avare de détails concernant les histoires d'amour, que ce soit les siennes ou celles des autres. A part quelques piques avant que je ne sois avec Miles, une ou deux plaisanteries sur Roger et Emily, il n'avait jamais émis le moindre avis sur nos relations amoureuses. Et le pire avait été le concernant : il n'avait rien laissé filtrer sur son histoire avec Octavia jusqu'à ce qu'il nous l'annonce après quelques semaines voire quelques mois de silence. Pourtant, j'aurais aimé avoir son retour d'expérience, comme il avait vécu sa relation avec Octavia ... quand est-ce qu'il avait su qu'il devait y mettre fin. Parce qu'à présent que j'avais établi les choses, c'était bien la question qui se posait : devais-je oui ou non mettre fin à notre couple ?

J'en devenais bipolaire. Un jour j'étais persuadée que ce n'était pas grave, que ma relation avec lui m'était agréable, j'étais globalement heureuse avec lui et qu'au fond, c'était ce qui importait. L'amour viendrait avec le temps. Puis l'instant d'après, je paniquais : lui et moi n'avions absolument pas la même perception de l'avenir, que ce soit pour nous-même ou pour notre couple. Notre relation n'était pas viable en dehors des murs de Poudlard.

Mais avant que je ne puisse réellement poser la réflexion, la réalité de Poudlard me happa de nouveau. Ombrage continuait de rependre son venin, mais nous continuions de lui résister avec nos armes : deux classes supplémentaires avaient eu le droit à une retenue collective après une épidémie massive d'« Ombragite Chronique », le Do you hear the people sing résonnait régulièrement dans les couloirs, sous forme de discrets sifflements ou de chants fredonnés à mi-voix et Peeves était devenu plus nuisible et plus populaire que jamais. Et alors que cette guerre clandestine contre la dictature Ombragienne battait son plein, le Quidditch et les examens reprirent leurs droits sur les esprits.

-Je suis sûre qu'on va gagner la coupe, Capitaine, me rassura Judy après une séance particulièrement harassante à une semaine du match. Je ne vois pas comment elle peut nous échapper, même si on perd le match, il faudrait que Serpentard gagne largement pour nous dépasser ...

-Et avec la future gardiennes des Tornades de Tutshill dans les buts, autant dire que c'est peine perdue pour eux ! enchérit joyeusement Evelyn avec un sourire éclatant.

-Boh, râla Smith en fronçant du nez. Bennett est tellement pleine de bons sentiments qu'elle serait capable de laisser gagner son copain.

Judy, juste derrière lui, commença à lever sa batte de façon menaçante mais je la devançai en frappant le crâne de Smith du manche de ma Comète. Il se frotta l'arrière de la tête en me jetant un regard courroucé que je lui rendis bien.

-Contente-toi de faire des efforts défensifs, Smith, au lieu de douter de moi. Ce sera de l'énergie mieux dépensée.

-Bien parlé !

Je vis volte-face. Nous venions de pénétrer dans le hall et Miles venait à ma rencontre, un immense sourire aux lèvres. L'insigne de Capitaine qui semblait lui être promis pour le dernier match étincelait sur sa poitrine, tranchant avec le vert de sa robe de Quidditch. Mes entrailles se nouèrent lorsqu'il passa un bras derrière mes épaules et qu'il adressa un sourire goguenard à Smith.

-Parce ne croyez pas que Serpentard a abandonné l'idée de gagner la coupe. Alors prépare-toi, Smith, ce sera plus difficile que les matchs précédents.

-Mais plus facile qu'à l'entrainement, rétorqua le poursuiveur avec un regard brûlant. Salut.

Il jeta son balai sur son épaule et s'éloigna en direction de notre Salle Commune. Une partie de l'équipe lui emboita le bas, lorgnant Miles l'air méfiant et je fus presque déçue de voir Kenneth partir à son tour après m'avoir salué. Quand ils eurent tous disparus, je me tournai vivement vers Miles et pointai le manche de mon balai sur sa poitrine.

-Attention, Bletchley. On avait dit pas de provocation d'avant-match.

-Oh mais Vic', c'est une simple pique ! Tu en acceptes des pires de Davies !

Ce n'était pas faux, mais j'étais certaine que celles de Roger atteignaient ses limites morales. Concernant certains membres de l'équipe de Serpentard, j'en étais moins sûre. Miles eut un petit sourire.

-En plus quand tu regardes, la réponse de Smith c'était un compliment pour toi. « Moins dur qu'aux entrainements »... il t'estime comme Gardienne.

-J'espère bien, vu les efforts que je fais pour rattraper ces conneries ... Mais pourquoi je te parle de ça, moi ? (Je le poussai de mon balai pour m'arracher à sa prise). Je pensais qu'on avait aussi dit qu'on ne parlait pas de Quidditch jusqu'aux finales ?

-Nom d'un dragon, tu es intransigeante, râla Miles en levant les bras au ciel. De toute façon, j'ai mon propre entrainement qui m'attend, Uquhart est déjà sur le terrain ... On se revoit après ?

Je déclinai l'invitation, arguant que j'allais sans doute plutôt prendre une bonne douche et sombrer dans le coma, puis Miles se pencha vers moi pour m'embrasser. Je le laissai faire, le cœur battant, analysant mes émotions de façon absurde jusqu'à ce qu'il se détache et s'en aille, le balai sur l'épaule. Je pestai contre moi-même. Avec mes interrogations absurdes, je gâchai chaque moment que j'avais avec lui. Exaspérée, je me dirigeais vers ma Salle Commune avec l'intention d'aller noyer mes problèmes dans l'eau chaude, mais une main agrippa vertement mon bras, m'entrainant dans une direction opposée à celle que je voulais prendre. Avec stupeur, je reconnus le visage d'Ulysse Selwyn.

-Sois naturelle, Bennett, ne fais pas comme si je t'avais kidnappé, me chuchota-t-il en me faisant avancer dans le couloir.

-Mais qu'est-ce que tu me veux ?!

J'aurais voulu me détacher, mais sa prise sur mon bras était trop forte et il me dirigea avec une poigne autoritaire. Il ne me lâcha qu'une fois arrivée dans un recoin désert pour croiser les bras sur sa poitrine et de me contempler comme si j'étais la source de tous ses maux.

-Ma sœur a eu la stupidité de donner notre adresse à ton frère qui depuis lui envoie toutes les semaines – voire plusieurs fois par semaine – des lettres. Il faut que tu lui dises de mettre fin à ça.

-Alex envoie des lettres à Mel ? répétai-je, incrédule.

Mon frère, taxé d'illettrisme tant son parcours scolaire avait été chaotique, le premier à se moquer du romantisme, le garçon cynique par excellence envoyait des lettres d'amour ... L'idée m'arracha un rire qui se noya dans un gémissement. C'était absurde, mais cela montrait tout l'attachement d'Alexandre à Melania. Selwyn poussa un grognement.

-Oui et c'est problématique figure-toi. On n'a pas de boite aux lettres, on reçoit le courrier par hiboux donc le facteur moldu frappe à notre porte régulièrement pour nous livrer des lettres pour Melania. Pour l'instant elle arrive à les récupérer à temps et à le justifier auprès de mon père et de mon frère, mais il n'empêche que c'est suspect.

L'envie de rire me passa instantanément et je compris vite quel problème posait le romantisme de mon frère. Si par malheur Nestor ouvrait l'une de ses lettres à la place de sa sœur ... Mon cerveau surchauffa un instant avant que je n'hoche la tête d'un air résolu.

-D'accord, oui. Je sais exactement qui missionner. Je vais arranger ça.

-Quelle capacité de réaction, se moqua Selywn, la mine néanmoins satisfaite. On peut dire que tu sais rebondir, Bennett. Je te remercie.

-Merci à toi. Je veux dire, de m'avoir prévenu.

Selwyn parut surpris de la politesse mais malgré ma détestation du personnage, je ne pouvais qu'admettre que son aide avait été précieuse et l'était encore. Je n'étais pas ingrate. Il eut un léger sourire, inclina la tête et sans attendre son reste s'éloigna. Je restai un instant dans le couloir, le regard porté dehors. Il faudrait que j'envoie une lettre ce soir à mon grand-père, il était l'unique personne avec ma grand-mère à être au courant pour Melania, il n'y avait que lui qui pouvait agir en mon nom dehors et convaincre Alexandre de cesser ces lettres. Ma poitrine fut étreinte par la culpabilité. Seigneur, il devait vraiment être fou d'elle ... Serait-il capable de ressentir à nouveau ce dont je l'avais privé ?

Avant que la réflexion ne puisse glisser sur ma propre relation avec Miles, un bruit métallique attira mon attention. Un groupe de Serpentard venait d'arriver sur le palier et je reconnus Warrington avec un grand déplaisir. Il n'avait pas deviné que j'étais à l'origine de l'infection de la peau qui avait mis pour ma plus grande fierté plusieurs jours à disparaitre, mais je préférais l'éviter par prudence. Son œil malfaisant se vrilla sur moi et il chuchota quelque chose à l'oreille de Drago Malefoy à côté de lui en désignant, lui arrachant un sourire qui me donna froid dans le dos. Lui-même était entouré de ses deux gorilles qui jouaient à présent comme batteur. Tous portaient le badge argenté de la brigade inquisitoriale et portaient la robe émeraude des joueurs de Serpentard.

Oh Seigneur, ça faisait longtemps ...

Sentant le danger venir d'être seule face à une telle engeance, je fis volte-face, une main plongée dans ma poche, effleurant ma baguette et l'autre serrée sur mon balai, prête à l'asséner de toutes mes forces sur la tête dure de Warrington. Au moment où j'allais tourner et peut-être me mettre à courir, j'entendis une agitation caractéristique derrière moi. Retenant un soupir face à une situation qui était devenue presque familière, je me retournais vivement pour déployer un bouclier sur lequel s'écrasèrent deux éclaires rouges qui ricochèrent pour aller se perdre sur les vieilles pierres du château. Sans attendre qu'ils se remettent de leur surprise de me voir réagir si vite, je me mis à courir pour de bon. Je pensais être meilleure duelliste que chacun de ces garçons, seule contre quatre je ne donnais pas cher de ma peau.

-Bennett ! rugit Warrington en me coursant. Arrête-toi, sinon on te met en retenue ! Tu ne joueras pas le match, Bennett !

Un sortilège frôla mon oreille et brûla ma peau. J'y portais la main : je saignais. Peu importe le maléfice, il devait être agressif. En un éclair, je me souvins que le père Malefoy avait été cité par Harry comme l'un de ceux qui avait rejoint Voldemort le soir de son retour. Mon rythme cardiaque s'emballa.

Là, j'entrais dans la vraie vie.

Tournant à un angle, je me cachais dans une alcôve derrière la statue d'une sorcière dont les yeux étaient bandés, la respiration haletante, la baguette entre les doigts. Ils me découvriraient vite, mais à terme je savais qu'ils pouvaient me rattraper : ils étaient sportifs et avaient des plus grandes jambes que moi. Mais j'avais l'avantage de la magie sur eux tous : j'étais vive et je maitrisais les sortilèges informulés mieux que la plupart de mes camarades. Alors je restais masquée dans l'ombre de la sorcière jusqu'à ce qu'ils me dépassent tous. Avant qu'ils ne se rendent compte que je n'étais plus devant eux, je brandis ma baguette : le maléfice du saucisson frappa le plus gros des deux acolytes entre les omoplates et il s'écroula face contre terre. Je bondis de ma cachette lorsque les autres s'immobilisèrent avec stupeur et eut le temps lancer un sortilège de stupéfixion sur le second Batteur avant de prendre la fuite de là où je venais.

-Cinquante points en moins pour Poufsouffle, Bennett ! vociféra Warrington en s'élançant à ma poursuite.

Mais il croit sérieusement que ça me faire arrêter de courir ?! Cela parut également consterné Malefoy, qui lui lança avec agacement :

-Mais tu crois qu'on est encore chez les bébés ? Tu veux enlever des points à une Sang-de-Bourbe, c'est ça ta réponse ?

Le sang battait si fort à mes tempes que je n'entendis pas la réponse de Warrington, ni le sortilège qu'ils tentèrent de nouveau de me lancer et qui allait ricocher sur un mur. Mes poumons me brûlaient si fort que chaque inspiration ne m'apportait presque plus d'énergie, aussi-je me fis-je violence pour faire brusquement volte-face. Ils ne sont que deux ... moins forts que moi ... moins fort que moi ... Les mots du faux-Maugrey me flottèrent dans mon esprit. « Ce n'est pas trop mal, Bennett, mais un jour, il va falloir songer à attaquer ». Ma résolution parut ravir Drago Malefoy qui s'écria :

-Stupéfix !

Je parai sans aucune difficulté et sans attendre un nouvel assaut, ma baguette fendit l'air et une nuée de chauve-souris attaquèrent mes assaillants. J'entendis leur cri de surprise et les vis se débattre avec les rongeurs volants qui me masquaient à eux et ce fut pour moi la plus belle des victoires. Sans attendre de pouvoir la contempler, je me remis à courir mais d'une allure moins soutenue tant je peinais à trouver mon souffle, mon balai fermement tenu dans une main. J'arrivai avec soulagement à un escalier dans lequel j'entendais une agitation rassurante : la foule serait mon meilleur allié. Mais avant que je ne puisse m'y mêler, avant même que je ne puisse descendre la moindre marche, la voix trainante de Drago Malefoy retentit derrière moi :

-Pas si vite la Sang-de-Bourbe.

Je n'eus pas le temps de me retourner : soudainement, mon dos me brûla, si cruellement que cela m'arracha un cri. Je sentis mes forces m'abandonner et tout mon corps se relâcha : laissant tomber ma baguette et mon balai, je m'écroulai et les escaliers m'avalèrent dans une douloureuse obscurité.

***

Mon corps et mon esprit protestèrent tout deux lorsque je décidai d'ouvrir un œil. La lumière me parut trop agressive et je fermai aussitôt mes paupières. Des points douloureux se manifestèrent alors un peu partout en moi, m'arrachant un gémissement. Je voulus rouler sur le côté mais ce fut pire : mos dos cria grâce et une brûlure souffla une surface un peu en dessous de mes omoplates. J'entendis des pas précipités s'approcher de moi et une voix rouspéta avec une douceur surprenante :

-Oh, non, non, Bennett, restez tranquille, sur le côté ... Voilà, comme ça ...

Des mains fermes me ramenèrent dans ma position initiale alors que d'autres pas se faisaient entendre :

-Madame Pomfresh ? Comment elle va ?

-Elle est réveillée ?

-Sortez tous d'ici ! exigea Pomfresh avec autorité. Vous viendrez la voir lorsqu'elle sera consciente, oust, dehors !

Je fus reconnaissante à l'infirmière de me laisser ce répit : j'éprouvais des difficultés à maintenir les yeux ouverts, luttant contre les douleurs qui semblaient irradier dans mon corps avec mes omoplates comme foyer. Mon lit s'affaissa : Pomfresh inclina délicatement mon visage et appuya quelque chose de froid contre mes lèvres.

-Allez Bennett, buvez, vous vous sentirez mieux ... Allez, faites un effort ...

Je parvins à avaler quelques gouttes d'un liquide amer. Cela m'arracha une quinte de toux qui me déchira la poitrine et m'obligea à ouvrir les yeux. J'étais bien dans l'infirmerie baignée par la lumière du soleil couchant, allongée sur le côté en blouse. Mon poignet et mon thorax étaient couverts de bandage et maintenant que j'y faisais attention, j'avais l'impression qu'une substance huileuse et épaisse recouvrait mon dos. Pomfresh s'était relevée et rangeait des flacons dans ma table de nuit. Elle m'adressa un long regard grave.

-Comment vous vous sentez ?

-Un peu mieux, répondis-je d'une voix rauque.

La potion semblait faire effet et couper le lien qui reliait mes nerfs à mon cerveau pour atténuer ma souffrance : j'avais l'impression qu'une couverture chaude m'enveloppait un soir de nuit glaciale. Malgré tout, je sentais que je ne pouvais pas effectuer le moindre mouvement sans me remettre à gémir de douleur.

-Madame Pomfresh ... Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

J'avais de vagues souvenirs : Warrington, Malefoy et ses acolytes, la course poursuite, le maléfice devant l'escalier ... Mes bandages devaient s'expliquer par la chute subie. Pomfresh pinça les lèvres et je vis une lueur furieuse envahir son regard.

-Une attitude méprisable, Bennett, lâche et méprisable. Quatre contre une ... Votre chute dans l'escalier a fait des dégâts : le poignet et deux côtes cassées, mais pour celles-ci j'ai supposé que le maléfice qui vous a atteint au dos a dû les fragiliser. Lui par contre ... C'est un sortilège très limite, Bennett, je ne sais pas qui vous a fait ça ni où il l'a appris, mais vous devriez aller en parler à votre directrice de Maison, ce n'est pas le genre de sortilège qu'Albus Dumbledore accepterait à Poudlard. Je pense que je vais vous garder quelques jours.

Quelques jours ... Mes idées se remirent en place de façon brusque et je tentai de me redresser, affolée. Mon corps protesta à grand cri et je m'affalai dans mon lit avec un cri de frustration, les larmes aux yeux. Pomfresh me ramena contre mon matelas avec douceur et fermeté.

-Mais madame ..., protestai-je faiblement, j'ai un match dans une semaine ...

-Je suis désolée Bennett, vous ne pourrez pas tenir votre rang. Déjà avec les fractures je ne suis pas sûre que je vous aurais laissée monter sur un balai mais avec votre dos, il en est tout simplement hors de question.

Les larmes me montèrent de nouveau aux yeux mais cette fois, la douleur n'en était pas en cause. C'était la déception amère qui ruissela sur mon visage alors que je voyais s'envoler mes espoirs de brandir la coupe lors de ma dernière année à Poudlard. Et elle s'intensifia, s'acidifia tel un poison lorsque je me rappelais que la plupart des recruteurs venaient observer ce match. J'avais beau avoir déjà les essais des Tornades, ils n'étaient pas l'assurance que je serais prise et j'aurais aimé avoir d'autres portes ouvertes. Mais elles se fermaient devant moi avec un claquement sonore. Pomfresh frotta doucement mon bras et fit apparaitre un mouchoir du bout de sa baguette.

-Je suis vraiment navrée Bennett ... Vous voulez que je permette à vos amis de venir ? Ils sauront sans doute vous remonter le moral ...

-Qui ? croassai-je en essuyant mes larmes tant bien que mal.

-Bones, Davies, Fawley et Bletchley.

La mention de Miles me donna une furieuse envie de marteler mon lit de coup de poings. Il était si fier d'être capitaine : c'était à lui de faire en sorte que ses joueurs ne me coursent pas dans les couloirs. Mais quand bien même il leur aurait demandé de ne pas le faire, je doutais que des gens comme Malefoy, fiers de leur nom et de leur sang, ne lui accorde le moindre crédit. Voilà pourquoi Miles n'avait pas été nommé capitaine dans un premier temps. Je pris plusieurs inspirations pour faire disparaitre cette colère subite et refouler les larmes avant de hocher la tête à l'adresse de Pomfresh. Elle réajusta pudiquement ma couverture sur moi et disparut derrière le paravent qui me dissimulait aux yeux des autres. Là où je m'attendais à voir Simon surgir le premier, ce fut Susan qui se précipita vers moi pour attraper ma main, les yeux écarquillés.

-Par Merlin Vic', qu'est-ce qu'ils t'ont fait ... ?

Je lui adressai un léger sourire pour la rassurer mais il fut gâché par des larmes qui s'échappèrent de nouveau de mes yeux. Les doigts de Susan serrèrent les miens et elle s'accroupit pour être à ma hauteur.

-Je vais poser une question stupide mais ... comment tu vas ... ?

-Pas très bien, je l'avoue ...

Emily, Roger et Miles étaient arrivés silencieusement derrière elle. Ma meilleure amie avait la main plaquée contre mon visage et Roger s'autorisa à s'assoir sur mon lit et me tapota les jambes dans un geste qui se voulait encourageant. Il eut un sourire à mi-chemin entre le dépit et la fierté.

-Tu nous en réserves des surprises. Seule contre quatre et tu réussis presque à t'en sortir. Pour un bout de fille comme toi, ce n'est pas trop mal.

-Roger, par pitié, tais-toi, souffla Emily en prenant place sur l'unique chaise qui se trouvait à mon chevet. Mille gorgones ...

Miles était resté à l'entrée du paravent, comme paralysé. Je lui adressai un regard qui fit remonter la colère en moi et préférai me concentrer sur Roger. Il semblait le seul à garder le contrôle de ses émotions.

-Et qu'est-ce qu'ils ont eu, eux ?

Je m'attendais à la réponse, mais j'avais qu'un espoir battait follement en moi que, face à la catastrophe, la justice triompherait enfin. Mais les yeux baissés de Miles et le regard qu'échangea Roger avec Susan le brisa en mille éclats. Mon amie serra doucement mes doigts.

-Ils ont dit que tu les avais attaqués à Ombrage, m'avoua-t-elle alors avec lenteur, comme si cela pouvait rendre les mots moins pénibles. Parce qu'ils étaient membres de la brigade inquisitoriales et de l'équipe de Serpentard. Que tu t'étais cachée et que tu avais attendu qu'ils passent pour jeter un sort à Crabbe et Goyle ... alors tu t'imagines, ils se sont défendus et c'est en se défendant que tu serais tombée dans l'escalier.

L'injustice de la situation provoqua rire et larmes : c'était si représentatif de ce qu'avait instauré Ombrage ces derniers mois ... Et je savais que j'aurais beau protester, clamer mon innocence, la directrice n'en aurait cure. Roger me frotta de nouveau les jambes et ajouta :

-Ombrage a retiré des points à Poufsouffle et voulait te mettre en retenue mais c'est là qu'on a su que ton état était ... critique et Chourave a réussi à t'éviter ça en arguant que tu étais déjà assez punie physiquement.

Il échangea un nouveau regard avec Susan, puis avec Emily qui leva brièvement les yeux au ciel. Alors je remarquais l'immanquable. Mon cœur manqua un battement.

-Où est Simon ?

Un nouvel échange de regard me prouva que j'avais posé la question qui les gênait. La bouche d'Emily se tordit, Roger se trouva une passion soudaine pour la contemplation de son bouton de manche, et Miles poussa un infime grognement. Devant tant de réaction de repli, je me tournai vers Susan, dont l'agacement et la résignation me donnèrent ma réponse.

-On va dire ... que devant la décision de la directrice, il s'est laissé emporter, soupira Emily.

-Mais très honnêtement, ne lui en veux pas, poursuivit Susan en crispant ses mains sur les miennes, comme pour m'éviter une réaction physique. Je peux comprendre, c'est ... c'est scandaleux, on était tous là à vociférer, à te défendre, dire que tu étais une fille adorable qui ne ferait pas de mal à une mouche ...

-En soit, ce qu'il a dit reflétait notre pensée, ajouta Roger avec défaitisme. Et ce n'était pas beaucoup pire que ce qu'on disait, en réalité. Mais il a explicité des choses – le lien qu'elle a avec le père Malefoy, le fait qu'elle-même a sans doute un petit côté anti-né-moldus, et puis simplement, il a crié plus vite et plus fort que tout le monde.

-Je pense que si on ne l'avait pas retenu, il aurait lancé un sort à Warrington aussi, ajouta Emily, dépitée. Et je n'aurais pas été contre, tu aurais vu le sourire qu'il avait ... Enfin bref, une semaine de retenue et son badge de préfet-en-chef retiré. Elle l'a donné à Selwyn.

-De toute façon, on savait que ce n'était qu'une question de temps, conclut Susan avec un haussement d'épaule. Depuis le début de l'année elle rêve de se payer le neveu d'Amelia Bones et depuis le début de l'année on doit le retenir. Je trouve même que c'est un véritable miracle qu'il ait tenu jusque mai.

Elle me serra la main avec un sourire complice, frissonnant sur ses lèvres comme pour se donner courage. Il y avait du vrai, dans la conclusion de Susan, ce n'était jamais que l'inéluctable qui se déroulait. Pourtant, j'avais tout de même un étau qui me compressait la poitrine et une envie de tirer les oreilles de Simon. Avec un certain dépit, je songeai que j'allais être privée de cela : j'aurais trop pitié de lui lorsque je poserais les yeux sur sa main charcutée. En réalité, c'était déjà cela qui primait et la culpabilité née du fait que c'était de ma faute qu'il devait supporter ça.

-D'accord ... ce n'est pas très grave, juste ... (en un éclair, l'attaque me revint en tête et un détail m'interpella). Au fait, quelqu'un a récupéré mon balai ?

Le nouvel échange de regard fit tomber mon cœur comme une pierre dans ma poitrine. Je me souvenais l'avoir lâché en tombant dans les escaliers ... Susan pressa mes doigts, caressant doucement le dos de ma main avec des geste qui me semblaient trop précipités.

-On a retrouvé ta baguette avec toi et quand on a cherché ton balai ...

-On l'a retrouvé à l'étage, Victoria, poursuivit Emily d'une voix douce. Complétement brisé, ils l'ont cassé en plusieurs morceaux ... Des morceaux irréparables. On a essayé avec Simon, mais même on arrivait à le reconstituer, ses sortilèges ont été affectés ... Je suis désolée.

Je ne sus comment je réussis à retenir mes larmes. Ma vieille et fidèle Comète, pour laquelle j'avais dépensé une somme colossale au début de mes études, qui m'avait accompagnée durant tant de victoire et de déception ... Je me laissai aller contre mes oreillers, les paupières closes pour rassembler mes pensées et ne pas laisser la panique me gagner. J'aurais tout le temps de laisser mes émotions me submerger lorsque je serais seule cette nuit.

-Très bien ... D'accord ... Euh ... Où sont mes affaires ?

Emily se dressa de sa chaise et alla me chercher un petit sac qui contenait ma tenue de Quidditch et ma baguette. Preuve de la violence du sortilège qui m'avait heurté, le dos du tissu était troué et noirci aux bords. Réprimant ma nausée, je demandai à Susan de décrocher l'insigne de capitaine. Je battis des cils pour chasser les larmes. Ce ne serait pas moi qui le porterait pour le dernier match.

-Va le donner à Smith et demande-lui d'organiser des essais dès demain. On va essayer de limiter les dégâts.

-Smith ? s'étonna-t-elle, les yeux écarquillés. Tu es sûre ?

Je hochai difficilement la tête. Oui, j'étais sûre de moi. J'avais réfléchi à ma succession ces dernières semaines et malgré mon désamour total pour sa personnalité, je devais avouer que Smith était un candidat naturel : il avait une très belle vision du jeu et paraissait supporter mieux que Judy et Kenneth la pression des cours. Donner aux batteurs le brassard pour leur année d'ASPICs les handicaperait lourdement, ainsi que l'équipe.

-Oui, Smith. Et tu lui dis d'avoir l'esprit ouvert, de demander à ceux qui ont joué comme gardien dans des sports moldus, c'est comme ça que j'ai commencé. Et de venir me voir demain, aussi, c'est très important il faudra que je lui parle.

Susan acquiesça, un peu surprise. Je me tournai ensuite vers Emily.

-Je vais devoir rester quelques jours ici, alors je veux bien que tu m'apportes mes affaires pour que je ne perde pas mon temps et que je révise un peu ...

-Oui, bien sûr, aucun problème ... Mais Vic', repose-toi aussi ... Ce que tu as au dos, je l'ai vu en aidant Pomfresh à t'enlever ta robe, c'est vraiment moche ...

-D'ailleurs on ferait bien te laisser, enchérit Roger avec un doux sourire. On va aller dîner et tu as une mine à faire peur ... Mais on reviendra demain, promis.

Il tapota une dernière fois ma jambe avant de se lever, suivi d'Emily qui en plus m'embrassa sur la joue. Susan garda ses doigts entrelacés jusqu'au bout aux miens et ne suivit le couple qu'à contrecœur, lorsque je lui fis comprendre d'un regard que j'avais un dernier compte à régler. Miles ne bougea pas d'un iota, toujours adossé au paravent, fuyant mon regard, les mains dans les poches. Je le fixai sans rien dire jusqu'à qu'il daigne lever les yeux sur moi. Je lisais tout son malaise et sa culpabilité dans ses prunelles brunes et pourtant cela en fit qu'enfler mon courroux.

-Est-ce qu'au moins tu leur as dit ? lâchai-je d'une voix relativement égale. Est-ce qu'au moins tu leur as dit que tu refusais qu'il y ait ce genre de provocation d'avant match ?

Le regard de Miles se porta de manière magnétique sur ses chaussures.

-J'ai essayé ... J'ai essayé, je te jure mais ... ils ne m'ont pas écouté, ils ...

Evidemment qu'ils ne l'avaient pas écouté. Evidemment qu'un Drago Malefoy n'obéissait pas aux ordres d'un Miles Bletchley. Et Warrington ne suivait que les forts. En un sens, Miles n'y pouvait rien, mais l'idée qu'il soit leur capitaine et qu'il n'ait pu empêcher ça répandait un goût amer dans ma bouche. Sans que je ne puisse les en empêcher, de nouvelles larmes me montèrent aux yeux et roulèrent sur mes joues et Miles parut un instant désœuvré. Il s'avança vers moi, tendant une main mais je me repliai instinctivement sur moi, réactivant les douleurs un peu partout sur mon corps. Miles se figea et laissa retomber sa main. Le geste parut presque l'atteindre physiquement.

-Ecoute Victoria ... Si tu savais à quel point je n'en veux de ne pas avoir su les tenir ... Mais même si j'avais pu ... Vic', c'est parce que tu es une née-moldue qu'ils t'ont fait ça ... pas seulement à cause du Quidditch.

Il y avait du vrai, mais le match avait compté. Le cri de Warrington résonnait encore à mes oreilles : « tu ne joueras pas ce match, Bennett ! ». Il avait eu ce qu'il voulait, je ne le jouerais pas. Les larmes se firent brûlante et j'enfonçai mon visage dans l'oreiller pour les masquer à Miles. C'était injuste de lui en vouloir à lui, me répétai-je sans pouvoir empêcher un sentiment de trahison me grignoter le ventre. C'était injuste ... Toute cette situation n'était qu'injustice.

-Il y avait les deux, fis-je valoir d'une voix lente. Miles je ... je vais me reposer, maintenant, s'il te plait.

-D'accord, souffla-t-il, l'air rassuré de me voir moins virulente. Je reviendrais demain aussi ... Prends soin de toi.

Il parut hésiter quelques secondes avant de se pencher sur moi et de m'embrasser sur la joue. Le baiser manquait de naturel, même de sa part et alors je la sentis nettement, presque physiquement, cette fracture entre nous, ce trou béant qui s'était ouvert ces dernières semaines, ce vide émotif qui m'effrayait depuis mon retour de vacance. Il ne se retourna même pas alors qu'il quittait l'infirmerie à pas lourd. Enfin seule, je laissai libre court à mes larmes et Pomfresh eut la décence de faire semblant de ne pas les voir. Elle attendit patiemment qu'elles se tarissent pour m'apporter un plateau pour le dîner mais je n'avais jamais eu moins faim de ma vie. De plus, pour ce faire, elle avait dû me redresser avec une immense douleur et difficulté et je devais me tenir droite sans appuyer mon dos pour ne pas réveiller d'avantage la brûlure. Je réussis à manger quelques pommes-de-terre pour faire plaisir à l'infirmière, vidée de toute énergie, même incapable de penser : c'était trop, l'outre était pleine. La nuit était tombée dans l'infirmerie et Pomfresh me faisait boire différentes potions destinées à guérir mon dos quand la porte s'ouvrit. Avec un grognement, elle se leva en me donnant un flacon d'une couleur verte fort peu ragoûtante.

-Buvez-ça cul sec, Bennett, ce n'est pas la meilleure de mes potions, m'enjoignit-elle avant de sortir du paravent. Les visites sont terminées depuis une demi-heure !

-Je ne resterais pas longtemps, je viens juste déposer ça.

Je faillis recracher la potion, à la fois parce son goût était infect mais également parce que j'aurais reconnu cette voix entre mille. Pomfresh hésita, l'air contrarié et finit par hocher la tête. Son regard était peu amène.

-Et je vais vous préparer de l'essence de Murlap, aussi, ça fera du bien à cette main.

-Ne vous donnez la ...

Mais Pomfresh avait déjà disparu dans sa réserve, l'air proprement énervée – mais je n'étais pas sûre que la cause de sa colère soit la visite impromptue. Simon apparut un instant plus tard, des livres et des parchemins plein les bras, ainsi que l'horrible pull qu'il m'avait offert pour mon anniversaire. Pour la première fois depuis que je m'étais réveillée, je me sentis sourire sincèrement.

-Tu espères vraiment que je vais mettre ça ?

Simon ne répondit pas tout de suite, occupé à poser toutes les affaires sur l'étroite table de nuit. Mes révisions, mes manuels, et même quelques pièces de théâtre ... ils avaient pensé à tout. Et alors qu'il rangeait mes parchemins avec minutie, mon regard se posa sur sa main gauche couverte de bandages et que le sang commençait à colorer au dos. Mon souffle se bloqua dans ma gorge. Simon capta mon regard et dissimula sa main derrière son dos. Son visage s'était fermé.

-Si tu pouvais ne pas te mettre en colère, la situation est déjà bien assez pénible.

-Je n'en avais pas l'intention, affirmai-je à mi-voix, la trachée comprimée. Simon ... Je suis désolée ...

Il m'adressa un regard consterné, la stupéfaction balayant toutes les émotions que j'avais pu entrapercevoir sur son visage grave quand il était entré dans la pièce. Ses yeux glissèrent ostensiblement sur mon poignet enrubanné et s'y fixèrent. Une flamme de colère embrasa son regard et de nouveau, le vert mousse s'endurcit en l'émeraude.

-Vicky, surtout, mais alors surtout, ne t'excuse pas. Tout ce qui est arrivé n'est absolument pas ta faute, tu es une victime, c'est à toi t'attendre des excuses.

-Ombrage t'a collé ... ça ne serait pas arrivé si ...

Mais Simon balaya tout d'un revers de main agacé – sa main bandée et dont la tâche de sang s'élargissait. Le geste lui arracha une grimace et il la dissimula à nouveau pour se fendre d'un rictus amer.

-La colle, je ne la dois qu'à moi, Vicky, ne t'inquiète pas. La preuve que si tu n'es pas là pour me tenir la main je suis totalement en roue libre ... Mais arrête, ne t'en fais pas ! ajouta-t-il précipitamment en constatant que je blêmissais. Je sais que je n'aurais pas dû m'énerver comme ça, que de toute manière ça n'aurait absolument rien changer mais ...

Sa mâchoire se contracta, étouffant ses mots et son regard d'émeraude se riva de nouveau sur mon poignet cassé. Plus je la voyais, plus je détestai cette couleur dans ces yeux, cette couleur sombre et froide qui signifiaient que trop d'émotions négatives le parcouraient. Avant que je ne puisse ouvrir la bouche, le rassurer, faire disparaitre cette couleur, Madame Pomfresh fit irruption dans le paravent, tenant dans ses mains un bol de liquide ambré qu'elle tendit à Simon.

-Mettez votre main là-dedans, Bones, ça ira mieux après.

Simon pâlit sous ses tâches de rousseurs.

-Merci Madame, mais ça ira ...

-Simon, intervins-je avec fermeté. Mets ta main dans ce bol, ou je le fais. Et même diminuée je suis capable de te battre, fais attention.

Un léger sourire flotta sur les lèvres de l'infirmière alors que Simon me jetait un regard ennuyé, presque déchiré. Considérant l'affaire comme résolue, Pomfresh mit le bol sur ses genoux et s'en retourna aux soins de Montague, alité de l'autre côté de la pièce. Avec un soupir qui sonnait comme une reddition, Simon se mit à dérouler son bandage, la paume tournée vers moi pour que je ne puisse pas voir la blessure sur sa main. Mais alors qu'il devait la plonger dans le liquide, je réussi à apercevoir la plaie sanglante couverte de sang séché qui m'empêcha de lire l'inscription.

-Qu'est-ce qu'elle t'a fait écrire ? s'enquis-je d'une voix tremblante.

Les lèvres de Simon se tordirent et pourtant, un instant plus tard, il poussa un infime soupir de soulagement alors que les effets curateurs de l'essence pénétraient dans la plaie. Cela détendit son visage et le vert de ses yeux s'éclaircit.

-« Je dois respecter l'autorité », murmura-t-il finalement. Un moyen de remettre les Bones à leur juste place, je suppose ... En dessous d'elle.

Il garda un moment le silence et je sentis qu'il y avait autre chose, autre chose que la colle moyenâgeuse qui avait creusé ce message absurde dans sa chaire. J'attendis patiemment, le dos en feu après être restée si longtemps assise dans appuis, qu'il ne se lâche. Les lèvres pincées, il finit par le faire :

-Elle m'a parlé d'Egard et ... de mes parents, rectifia-t-il de lui-même et ce fut une mini-victoire pour moi. De ma famille en générale, que les Bones étaient une immense imposture, que mon père avait usurpé sa place ... Que je ressemblais à ma mère ... et que je risquais de finir comme elle. Bref, pas des choses très agréables. Je pense que si j'avais eu ma baguette sous la main, j'aurais peut-être craqué.

-Quelle saloperie, soufflai-je, révoltée qu'elle ait profité de ce moment pour le torturer psychologiquement. Simon ...

J'avançai ma main pour prendre la sienne, la saine, et serrer ses doigts. Le mouvement étira la blessure dans mon dos et je retins une grimace. Simon sourit courageusement, faiblement, de façon infime. Il caressa le dos de ma main de son pouce.

-Mais ... il y a eu un truc bénéfique, tu sais. Parce que pendant que je l'entendais rependre son venin sur ma famille, sur mes parents surtout ... j'ai réalisé qu'en fin de compte ... j'étais fier d'être leur fils.

Sa voix se brisa sur la fin et mon cœur se brisa en écho. Je vis les larmes lui monter aux yeux et il les chassa d'un battement de paupière. Si j'en avais eu la force, j'aurais été tentée de me lever pour l'enlacer. C'était la plus belle preuve d'acceptation dont il pouvait faire preuve. Je serrais ses doigts d'un geste tremblant.

-Je suis fière de toi, Simon un-jour-je-saurais-ton-second-prénom Bones.

Il essuya un petit rire qui détendit définitivement les traits de son visage et éclaircit son regard. Il caressa du bout des doigts les bandages sur mon poignet, qui avait nécessité que l'on me retire la montre que ses parents m'avaient offert pour les dix-sept ans.

-Et moi je suis presque vexé que tu aies trouvé d'autres personnes à martyriser.

-Ce ne sera jamais aussi drôle que te martyriser toi, protestai-je avec un faible sourire, avant de me rembrunir. Bon sang, j'ai été bête ... J'avais réussi à tous les semer, et j'ai baissé la garde ...

-Au moins ça t'apprendra pour la prochaine fois. N'oublie jamais ce que nous as appris le faux-Maugrey, Vicky ...

-Vigilance constante, achevai-je, entre amertume et détermination. Oui, je n'oublierais plus jamais. 

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