II - Chapitre 24 - 1 : La famille cachée


A une courte majorité c'est le "couper" qui l'emporte ! Si vous souhaitez lire le chapitre dans son entièreté je vous propose de passer votre chemin et de lire le tout la semaine prochaine, comme ça ça contentera tout le monde? 

En plus pour le coup ce chapitre peut se découper (presque au milieu en plus). Ce ne sera pas le cas des suivants qui sont divisés en 3, donc après la semaine prochaine je reprendrais mon rythme normal d'une semaine sur deux ! 

J'en profite pour remercier tout ceux qui ont joué le jeu de la FAQ, c'était cool ! Je répète ici que je n'y répondrais pas avant un mois, alors s'il y a des questions qui vous viennent comme ça n'hésitez pas ! 

Bonne lecture ! 


Chapitre 24 : La famille cachée.

-Alors tu l'as dit à mamy, mais pas à moi ?

Mon père soupira face à mon ton accusateur et se retrancha derrière la porte du frigo ouvert pour ne pas à avoir à affronter mon regard impérieux. Mais malheureusement pour lui et malgré la lenteur calculée pour extraire le lait, j'étais toujours debout devant lui lorsqu'il la referma.

-Je n'en ai pas explicitement parlé à ta grand-mère, précisa-t-il avec lassitude. Je ... lui ai juste demandé comment on se reconstruisait après avoir perdu sa famille. Avec les précisions que je lui ai données, elle a dû deviner. Après tout, elle a connu les parents de George quand elle vivait à Terre-en-Landes alors ...

-Très bien. Mais pourquoi moi je ne savais pas ?

J'avais certain scrupule à agresser Simon sur ce point qui continuait de me blesser. Mais je balayais tout cela avec mon père, cet homme à qui je ressemblais tant et qui m'avait caché, au même titre que Simon, cette vérité essentielle. Mon père préféra attendre pour répondre, versant du lait dans son thé, comme hypnotisé par sa blancheur qui opacifiait la transparence impure du thé.

-C'est assez compliqué, comme histoire, souffla mon père en reposant la bouteille. J'ai connu Edgar et Cassiopée, je discutais assez souvent avec eux, des gens charmants, disponibles ... jamais je n'aurais pu soupçonner qu'ils soient des sorciers jusqu'à ce que George et Rose viennent nous voir pour toi. Quand la rumeur s'est répandu que toute la famille était morte dans une fuite de gaz, j'ai tout de suite accouru chez eux ... C'est là que j'ai rencontré George et Rose ... et que j'ai vu qu'en réalité, Simon était en vie. Il s'accrochait à elle, tu aurais vu ça ...

Il but une gorgée de son thé, les yeux dans le vague. Si j'avais eu envie d'hurler à plein poumon quand sa seule réaction lorsque j'étais venue le confronter avait été « ah, il t'a en enfin parlé », j'avais à présent de la peine pour lui, cet homme au grand cœur et qui avait dû être affecté par la tragédie avant même d'en saisir tous les aspects. Il secoua la tête, les lèvres pincées.

-Chérie, cette histoire n'était pas à moi. J'ai très peu parlé à George et Rose, je n'avais pas les mêmes rapports avec qu'eux qu'avec Edgar et Cassiopée et j'ai très vite deviné que de toute manière ... Simon préférait oublier. Ce n'était pas à moi de décider s'il devait se souvenir ou non.

-Alors ... Tu connaissais bien ses parents ?

Les traits de mon père se détendirent quand il entendit que mon ton s'était radouci et il m'adressa un sourire empreint de nostalgie et de tristesse.

-Bien, je ne sais pas. Je n'irais pas jusque dire qu'ils étaient mes amis mais ... c'étaient des personnes que j'appréciais. Jamais je n'aurais pu deviner qu'ils étaient des sorciers, avant que Rose et George viennent me voir pour toi ... Surtout Cassie, enfin ... Elle venait souvent à l'église, en dehors des heures de messes. Elle n'était pas croyante mais ... elle trouvait l'endroit apaisant, parfait pour une introspection, pour se rappeler quel était sa place dans l'univers ...

J'eus un sourire entendu en me souvenant qu'Alexandre avait précisé que Cassiopée venait souvent discuter sur Dieu avec notre père. Sans doute le concept devait-il être étrange pour une sorcière dont l'unique croyance dans ce monde était celle en la force de la magie. Peut-être que c'était ce vide spirituel qui poussait certains sorciers à faire le mal ... Mon père contempla le fond de sa tasse d'un œil vide.

-J'ai fini par comprendre ce qui les avait tués, murmura-t-il en un souffle. Que ce n'était pas le gaz, que c'était quelque chose qui me dépassait. Et quand je suis allé voir George pour avoir de vos nouvelles et qu'il m'a appris pour l'évasion ... (Il pressa son pouce et son index sur ses paupières). Bon sang, je n'ai jamais pensé qu'une prière pouvait être inutile, mais s'il y a dans ton monde des forces capables de tuer des enfants innocents, alors je ne vois pas ce que Dieu peut faire contre ça.

J'eus l'impression qu'une main glaciale se refermer sur mon cœur et affoler mon rythme cardiaque. Dans ton monde ....

-Papa, mon monde, comme tu le dis, n'est pas maléfique. Il n'y a pas besoin d'être sorcier pour tuer des enfants innocents, l'histoire de mamy nous apprend que les Allemands faisaient ça très bien.

-Je sais, Victoria, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire, assura mon père d'une voix douce. Dieu nous a laissé le libre arbitre qui est à la fois son cadeau le plus précieux et le plus dangereux et c'est grâce à ce libre arbitre que l'homme est capable du meilleur comme du pire. Et ne te trompe pas : si Dieu veille sur nous, il veille sur ton monde également, c'est quelque chose que j'ai mis longtemps à assimiler ... Mais je l'ai toujours considéré comme un Dieu universel et vous faites parti de notre universalité. Seulement je me demande quels pouvoirs peut bien posséder Dieu contre la magie. C'est assez ... déstabilisant.

Il se détourna de moi pour poser sa tasse dans l'évier, un pli au coin de ses lèvres qui marquait sa perplexité face à cette question théologique. J'avouai ne m'être jamais interroger sur cet aspect-là des croyances chrétiennes. Confrontée à la magie, j'avais simplement cessé de croire en Dieu mais la réponse pour mon père ne pouvait pas être son absence pure et simple. Il m'adressa un pauvre sourire.

-Mais bon, je vais chercher. Je pense que je vais essayer de relire les vieilles thèses théologiques de l'époque où la magie semblait palpable et réelle pour les hommes d'église, peut-être qu'ils m'aideront ...

-La réponse n'était pas souvent : « la magie vient du diable » ?

Mon père parut mortifié par ma pique mais j'adoucis son humeur avec un sourire que j'espérais angélique.

-Tu ne devais pas aller travailler chez les Bones ? contrattaqua mon père, sans doute pour m'éloigner moi et mes propos impies.

-Très bien, d'accord ... Mais si tu trouves ta réponse, tiens-moi au courant. Ça m'intéresse de savoir qu'on n'est pas des créatures du diables.

Je l'embrassai sur la joue et se faisant réussir à capter le sourire qui frémissait sur ses lèvres. J'emportais tous mes grimoires et parchemins étalés sur la table de la salle manger – ce que je pouvais faire maintenant que ma mère ne grognait plus à chaque évocation de la magie – dans un sac et lui fis signe avant de claquer la porte. Le mois d'avril était clément dans le Gloucestershire : le soleil brillait entre deux nuages qu'une légère brise ramenant avec elle les effluves du printemps poussaient. Un temps parfait pour voler, songeai-je en poussant mon vélo devant moi. Mais rouler, ce n'était pas plus mal. Mon cœur se serra lorsque je vis arriver la belle maison victorienne des Bones au détour d'un virage. En un flash, la photo qui s'étalait en Une de la Gazette se superposa à elle, y imprimant la sinistre Marque des Ténèbres au-dessus de son toit. J'avouai y entrer avec un certain malaise depuis que je savais quels drames s'étaient déroulés dans cette maison, mais chaque fois, l'adorable sourire de Rose suffisait à faire fondre la boule d'appréhension.

-Victoria ! Tu ne devais pas être chez Miles, aujourd'hui ?

Je me maudis une fois de plus d'avoir laissé échapper l'information face au regard pétillant de Rose. George et elle m'avait proposé de venir déjeuner avec mes parents le week-end, ce à quoi j'avais répondu qu'un « ami » m'avait déjà invité. Information qu'il m'avait valu le long regard entendu de Rose et qui à la manière d'une mère ne m'avait pas lâché jusqu'à ce que je crache le morceau. Je passai une main gênée dans mes boucles.

-On a décalé, apparemment sa mère n'était pas disponible ... Du coup j'y vais mercredi.

Les yeux de Rose étincelèrent. Je m'en voulais qu'elle en sache plus que ma mère concernant ma vie amoureuse mais je connaissais trop bien mes parents pour laisser échapper la moindre miette d'information : l'idée d'un gendre sorcier leur serait déjà difficile mais en plus je doutais fortement qu'ils acceptent que je passe le week-end – et donc une nuit – chez lui.

-Simon et Susan ne sont pas là, ils sont partis au Chemin de Traverse avec George, m'apprit Rose en s'effaçant enfin pour que je puisse rentrer. Ils doivent rentrer dans une heure, mais tu peux évidemment rester, ma chérie.

-C'est gentil ... Vous ne travaillez pas ?

Rose repoussa ses cheveux châtains en arrière en un geste élégant. C'était vraiment une belle femme avec son visage en forme de cœur, son nez retroussé et de pétillants yeux bleus. Mais comment n'avais-je jamais pu voir que Simon n'avait rien d'elle ? Mon regard se porta ostensiblement sur le portrait d'Edgar, juste derrière Rose. Indéniablement, Simon avait hérité de ses yeux et de son nez, ainsi que sa stature plus modeste que celle d'Amelia et George. Rose fronça les sourcils devant mon regard vide et pivota vivement pour observer ce qui m'absorbait tant. Ses traits se figèrent.

-Oh ... (Elle leva des yeux désolés vers moi). Susan m'a dit que Simon t'avait enfin dit la vérité ... Tu veux en parler ?

J'hésitai quelques secondes avant de hocher la tête avec lenteur. Oui, j'avais besoin d'en parler, et d'en parler avec quelqu'un qui avait des précisions et qui serait disposée à m'en faire part. Susan ne savait somme toute que peu de chose et Simon ... La moindre information ne lui était arrachée qu'avec la plus grande des douleurs. Rose posa une main douce sur mon bras avant de passer de me conduire dans leur bibliothèque, au premier étage de la tour ronde de leur maison. La famille Bones avait accumulé avec les siècles des centaines de livres, moldus comme sorcier et j'avais pu trouver sur les étagères une magnifique édition de Notre-Dame de Paris de Victor Hugo – l'un des rares français qui ait mon respect. Rose s'installa sur un sofa installé près de la fenêtre un instant plus tard avec deux volumes qui semblaient être des albums et m'invita à m'assoir avec elle.

-Je pense que ça t'aidera de voir les images, expliqua-t-elle avec un sourire. Beaucoup de photo ont été détruites cette nuit-là, mais j'ai réussi à en récupérer certaines et avec celle que j'avais déjà ... Tiens, regarde !

Elle avait ouvert le premier album qui contenait des photos dans une pièce aseptisée, avec une Cassiopée aux traits tirés qui tenait dans ses bras un nouveau-né. En haut de la page une étiquette avait été glissée : « Matthew ». Rose tourna lentement les pages et je pus le voir grandir, ses cheveux pousser et devenir roux, son nez s'allonger à la manière des Bones ... Parfois il souriait face à nous d'un air déjà sarcastique qui ne faisait qu'accentuer sa ressemblance avec Simon. Puis ce fut le retour dans la chambre aseptisée pour la naissance de Spencer, bien plus chétif que son aîné et qui tenait davantage de Cassiopée avec ses traits délicats et ses cheveux blonds. Il bougeait moins que Matthew sur les photos et paraissait même les éviter par timidité. Il était difficile d'apercevoir ce que Simon m'avait décrit sur le pont : l'enfant maîtrisait déjà sa magie à six ans. Sur beaucoup d'image, je reconnaissais la maison, aménagée de manière différente et habitée d'autres personnes, d'une autre âme. Puis mon souffle se bloqua dans ma gorge. Le nom de Simon venait d'apparaitre, surplombant une photo où Cassiopée le serrait tendrement contre son sein, un sourire ému aux lèvres. Pas une seule fois elle ne tourna les yeux vers nous : elle contemplait son enfant, effleurant son front lisse et son nez du bout du doigt avec des gestes si délicats que sa peau semblait faite de porcelaine. Ses lèvres remuaient doucement et je compris inexplicablement qu'elle chantait. J'attirai un peu plus l'album à moi, fascinée et touchée par l'image. La lumière entrait en abondance par l'arrière, illuminant les visages tout en y jetant des ombres qui les floutaient et les rendaient anonymes. Ça donnait au tableau une ambiance de sainteté. C'était comme contempler une Vierge à l'enfant.

C'était la première preuve tangible des origines de Simon. Et ça me brisait le cœur.

-Cassie disait qu'elle pleurerait si c'était encore un garçon, souffla Rose en pressant mon bras avec douceur. Elle a pleuré, certes mais ... de bonheur plus qu'autre chose.

-Elle a dû déchanter après.

Mais ma pique était noyée par l'émotion contenue dans ma voix, la rendant rauque et éraillée. La pression de Rose s'accentua sur mon bras et elle changea de page pour me permettre de voir Simon grandir dans un cadre totalement différent de celui dans lequel je l'avais connu. Je l'avais toujours connu comme étant un enfant qui somme toute avait été mon miroir masculin : frêle, presque chétif avec des problèmes manifestes de croissance. Mais l'enfant qui grandissait devant mes yeux n'était pas celui dont j'avais le souvenir : il était en bonne santé avec les rondeurs qui caractérisaient la petite enfance et une taille acceptable pour son âge. Avec une impression glacée au creux du ventre, je songeai que c'était le drame qui avait affecté sa croissance. De temps à autre, j'apercevais des visages connus dans des fonctions totalement différentes de celles que je leur connaissais. Amelia Bones, bien sûr, les cheveux encore roux et le visage moins sévère, et bien évidemment George et Rose, plus jeunes, plus heureux et plus absent. Rose tapota une photo de famille où Simon était entouré de ses frères et ses parents. Ce n'était pas la première que je croisais, mais ce fut la première où je discernais réellement le garçon que je connaissais à présent, dans son sourire malicieux et un nez qui commençait à s'allonger. Mais les différences étaient également grandes. Je n'avais jamais vu un air aussi épanoui sur son visage, cette détente totale de ses traits qui le faisait paraître moins sévère, moins lutin, simplement ... heureux. Il soufflait une bougie plantée sur un gâteau et repoussai le visage de Matthew qui semblait vouloir le faire à sa place. Mes entrailles se nouèrent quand je vis le chiffre. L'impression se confirma lorsque je tournais la page sur le vide et les cases sombres d'une vie fauchée. Les trois ans de Simon avaient été leurs derniers instants de bonheur.

-C'est la dernière image qu'on a d'eux, conclut Rose en refermant l'album. Parfois, je me rassure en me disant qu'ils ont fini leur vie sur une bonne note ...

-Je trouve ça ... incroyables qu'ils se soient impliqués dans la résistance tous les deux alors qu'ils avaient trois enfants ...

Les lèvres de Rose se plissèrent en une moue et elle caressa l'album de ses doigts.

-C'est justement pour eux qu'ils le faisaient. Pour Edgar, c'était impensable de laisser l'ombre de Voldemort s'étendre et de condamner ses fils à vivre dans une guerre permanente ... un monde sans espoir. Et Cassie n'était pas moins déterminée et en un sens, c'était celle qui se mettait le plus en danger car contrairement à Edgar, elle était sur le terrain. C'était une Auror très doué. D'ailleurs, George te dira le contraire, mais je ne pense pas que ce soit ça qui les ait tués. Ce sont les plans du Ministère. Millicent Bagnold voulait faire de lui le chef du Département de la Justice : elle trouvait Croupton trop dur, trop absolutiste, et que ça ne faisait que provoquer une escalade dans la violence de la guerre. D'autant plus que Tu-Sais-Qui utilisait les agissements des Aurors de Croupton pour justifier ses propres violences et décrédibiliser le Ministère. Alors ça ne l'arrangeait pas qu'on le remplace par Edgar, surtout qu'il connaissait ses liens avec Dumbledore, sans savoir réellement s'il était vraiment actif. Alors autant ne pas prendre de risque et ... frapper un grand coup. Edgar était très aimé au Ministère, quelqu'un de très efficace et de très influent dans le Mangenmagot, un véritable pilier. Il s'est imposé très jeune, et il s'est très vite rendu indispensable ... Ça a sérieusement ébranlé le Ministère ... C'était le premier haut-fonctionnaire tué par une attaque.

Elle ferma les yeux un instant, les paupières tressaillant face aux images qui lui revenaient en tête. Je la laissai reprendre ses esprits, moi-même troublée par son récit et encore ébranlée par toute cette vie inconnue de Simon qui m'était apparue de façon si brusque, si réelle.

-C'est moi qui l'aie trouvé, tu sais, m'apprit-t-elle avec un pauvre sourire. Simon. Je travaillais tard au Ministère cette nuit-là et les Aurors sont passés devant mon bureau, Maugrey à leur tête – c'est lui qui a formé Cassie ... Alors je les ai suivis et lorsqu'ils ont été certain que les Mangemorts étaient partis, ils m'ont laissé entrer.

Ses lèvres se tordirent et ses yeux se portèrent presque instinctivement vers l'escalier, le premier endroit que l'on voyait depuis la porte. Là où avait été retrouvé le corps de Matthew Bones.

-J'étais avec Maugrey dans sa chambre ... on a entendu un bruit et il a ouvert le placard à la volée, baguette à la main ... Bon sang, comme si cet enfant n'avait pas été assez effrayé, il fallu qu'il se retrouve devant un Maugrey survolté ... Je l'ai sorti de là, et il s'est accroché à moi ... J'ai l'impression qu'il ne m'a jamais lâché, en un sens.

Sa main se perdit sur sa poitrine, au niveau de son cœur qui avait dû exploser lorsqu'elle avait aperçu cet enfant apeuré, mais vivant. Avec horreur, je me rendis compte que pour arriver à la vie et à l'espoir, elle était passée dans un véritable purgatoire. Quelle douleur ça avait dû être pour elle de découvrir le corps de Spencer dépassant à moitié de son lit ... Soucieuse de détourner son attention de ces déchirants souvenirs et effacer les larmes dans les yeux bleus de Rose, je pris l'autre album sur mes genoux et déployai les souvenirs qu'elle recelait. Un petit rire la secoua lorsque je découvris avec surprise des images de Poudlard.

-Celles-ci sont plus centrées sur leurs études, m'expliqua-t-elle alors que je l'interrogeais du regard. Et il doit y en avoir de leur mariage sur la fin aussi ...

-Ils ont été préfets-en-chefs tous les deux ? m'étonnai-je en remarquant l'insigne épinglé sur leur poitrine.

La photo que je contemplais avait été prise devant le Lac Noir qui scintillait sous la dernière lumière du jour. Edgar, imberbe et souriant, enlaçait sans complexe une Cassiopée qui tentait de le repousser à force d'éclat de rire. L'album fut moins éprouvant que le précédant, moins cruel car je me retrouvais face à quelque chose de plus connus et à la fois inconnu : la jeunesse d'un couple dans les parcs de Poudlard. Je fus étonnée de la rapidité à laquelle l'album passait de l'école à leur mariage, une cérémonie visiblement fastueuse si j'en jugeais par la foule sur les photos et par la somptueuse robe de Cassiopée. Je tiquai face à un portrait qui réunissait visiblement les deux familles de l'heureux couple. George était présent du haut de sa douzaine d'année, si imberbe et si chevelu que je ne faillis pas le reconnaître. Amelia l'était également, ainsi que leurs parents. Diamétralement opposée de l'autre côté des mariés s'étalait ce qui semblait être la famille de Cassiopée. De son père, aucune trace, mais l'élégante femme brune derrière elle devait être sa mère. Elles avaient la même finesse de trait, les mêmes lèvres fines, le même port altier. La femme tenait par l'épaule une jeune fille délicate d'une main recourbée telle une serre, mais c'était d'avantage l'homme qui se tenait à l'extrême de la photo, encadrée d'une petite femme effacée et d'un garçon qui ne cessait de lui jeter des regards fréquents qui attira mon regard. Je pointai l'homme du doigt, muette de stupeur et Rose eut un sourire entendu.

-Et oui. C'est Barty Croupton.

-Mais ... Qu'est-ce qu'il ... ?

-C'était le frère aîné de Cassiopée.

C'était tout bonnement impensable. Je me mis à dévisager l'homme sur l'image, son air sévère accentué par sa moustache sombre si nette qu'elle semblait avoir été faite à la règle et la raie stricte qui coupait ses cheveux. Il était impossible de ne pas reconnaître celui que j'avais croisé au Tournoi des Trois Sorciers, les cheveux gris et son visage bien plus marqué. Il partageait avec sa mère la chevelure brune et la mine solennelle mais n'avait rien de sa finesse. Je me tournai vers Rose, estomaquée.

-Mais Simon sait ça ?! Il savait l'année dernière quand ... ?

-Non, me coupa Rose en levant une main. Non, Simon n'a jamais rien vouloir savoir de sa famille maternelle ... J'ai eu assez peur, l'année dernière, d'autant plus que Simon était l'héritier de la fortune des Croupton et qu'à ce titre, Barty pensait devoir avoir un droit de regard sur son éducation. C'est en grande partie pour ça que j'ai quitté son service pour celui d'Amelia : dans les semaines qui ont suivies la fin de la guerre, il venait sans cesse me harceler concernant Simon. Non, il n'a appris que cet été, quand on a su la mort de Barty et qu'un huissier est venu nous présenter le testament après sa majorité.

C'était donc cela que Susan avait perçu ... la famille restante de Cassiopée avait été Barty Croupton ... Je tentai de me souvenir du comportement du fonctionnaire, de regards qu'il aurait pu avoir pour Simon pendant ces séjours à Poudlard mais rien de probant me revint. Sans doute Dumbledore avait-il veillé à ce qu'il ne trouble pas la quiétude de son neveu. Mon regard tomba sur la photo et je fronçai les sourcils. Quelque chose clochait quand j'étudiais les Croupton. Je montrai l'enfant derrière lequel se tenait Barthy Croupton, qui dans sa blondeur et ses tâches de rousseurs m'évoquait quelque peu Simon.

-Mais il a un fils, alors ... pourquoi est-ce que Simon a hérité ?

Rose eut un sourire amer.

-Le fils s'est fait Mangemort. Enfin, on n'est pas sûr, ajouta-t-elle précipitamment quand j'ouvrais de grands yeux éberlués. C'est une histoire très étrange, très trouble ... Barthy ne s'est jamais vraiment occupé de Barty Junior, et j'avoue que je n'avais aucun contact avec la famille, Cassie a cessé de parler à son frère après la mort de leur mère ...

Rose pinça les lèvres avec une certaine désapprobation.

-Toujours est-il qu'on ne connaissait pas ce gamin. Après la chute de Tu-Sais-Qui, il s'est fait prendre avec un groupe de Mangemort dont tu as dû entendre les noms, ils se sont échappés en même temps que Jugson ... Bellatrix, Rabastan et Rodolphus Lestrange. Ils... Ils ont torturé jusqu'à la folie un couple d'Auror, ça a été un drame ... Et le petit Barty a été pris avec eux. Est-ce qu'il était vraiment Mangemort ou est-ce qu'il était simplement au mauvais endroit au mauvais moment, je n'en sais absolument rien. Je n'ai pas été procureure de ce procès-là, Alice Londubat était l'une de mes amies à Poudlard ... J'ai exhorté Croupton à faire de même, un père ne devrait jamais avoir à juger son fils mais ... Visiblement, certains liens sont plus distendus que d'autre. Non seulement il a présidé le procès, mais en plus il l'a envoyé à Azkaban, livré tout droit aux Détraqueurs. Le gamin est mort un an plus tard, enterré dans le cimetière de la prison ...

Je déglutis pour faire passer la boule qui m'enserrai la gorge. Pour éloigner mon esprit de cette sordide histoire, je poursuivis mon étude de la photo. J'effleurai du regard la jeune fille délicate qui bougeait à peine sur l'image. Elle ressemblait à Cassiopée avec ses traits fins et son regard fumé, mais contrairement à sa sœur aînée elle était une vraie beauté, avec des pommettes hautes et une opulente chevelure noire comme celle de sa mère.

-Et elle... ?

-Lysandra ? précisa Rose d'un ton prudent. Elle s'est mariée à un Sang-Pur américain et est partie vivre avec lui aux Etats-Unis après la mort de Cassie. Sans doute pour oublier ...

-Hé bien, quelle famille ...

Rose s'esclaffa doucement et referma l'album pour le poser au-dessus du premier.

-Oui, c'était une époque assez atroce. Et voilà comment l'arbre généalogique Croupton a été déblayé. Du côté mâle, il ne restait plus que Simon ... Je te jure que si cette crapule de Barty avait pu me l'arracher pour réussir avec lui tout ce qu'il avait raté avec son fils, il l'aurait fait.

Le visage de Barty Croupton Junior me revint en mémoire et je fus de nouveau frappée par sa ressemblance fortuite avec Simon. Avec un certain malaise, je me rendis compte qu'il aurait pu vivre mille différentes, des vies qui l'auraient sans doute façonné de façon totalement différente ... des vies dans lesquels je n'aurais pas existé pour lui. L'idée me gêna assez pour affoler mon rythme cardiaque et je croisai mes bras sur les entrailles qui venait de se tordre. Rose parut percevoir mon trouble car elle posa une main douce sur mon genou et me sourit avec une telle douceur maternelle qu'une chaleur bienfaisante se répandit dans ma poitrine.

-Je suis heureuse que tu sois au courant, c'était étrange de te voir ignorer tout cela ... je pensais ... Que Simon t'en parlerais, après la mort de Cédric. Que ça ferait remonter des choses et qu'ils n'auraient plus d'autre choix que de t'en parler mais ... Visiblement, il n'était pas prêt.

-Je ne suis pas sûre qu'il le soit encore, avouai-je avec un certain malaise. Il ... il ne m'a même rien dit, c'est moi qui aie fouillé dans les journaux et depuis le jour où je l'ai confronté il refuse d'en parler, comme si ... ça ne changeait rien.

Les doigts de Rose se crispèrent sur mon genou, accentuant mon malaise. Je voyais dans ses yeux tous les espoirs qu'elle portait sur moi, tout le bien que j'étais capable d'apporter à celui qui était devenu son fils, mais j'ignorais si j'en étais digne. Si eux, l'homme et la femme qui l'avaient l'élevé, les personnes que Simon aimait le plus au monde n'avait pas réussi à lui faire accepter la réalité, j'ignorais si j'étais capable de le faire. Les larmes qu'ils s'était refusés à faire couler sur la plage me revinrent et ma poitrine s'étreignit davantage.

-Il a un vide en lui, explicitai-je en un souffle. Et il est complétement plongé dedans ... il n'arrive pas à sortir du gouffre, j'ai l'impression. Et l'ambiance à l'école, ça n'aide pas ...

-Vous n'êtes pas à l'école, ici, rappela Rose avec douceur. Peut-être qu'il y a quelque chose à faire pour l'intéresser à autre chose ... Je ne sais pas, faire une soirée avec vos amis, des après-midis dans les campagnes ... Un retour aux sources.

Je pinçai des lèvres. Bien sûr, c'était des choses que j'avais envisagé mais elles avaient été rendues compliquée par l'absence d'une partie de la bande de Terre-en-Landes, partie soit en vacances pour certains, soit restés dans leurs universités respectives pour l'autre, et par le sérieux de Simon concernant nos révisions des ASPICs – et pire que tout, les BUSEs de Susan. J'en fis part à Rose qui poussa un soupir de dépit.

-Oh, je vous jure nous, les Poufsouffles, râla-t-elle, m'arrachant un sourire. Bosseurs jusque dans l'absurde ... C'est vrai que Susie ne semble pas sereine pour les examens, mais lui s'en sortira très bien, il a largement de quoi entrer au Ministère ...

Je m'efforçai de rester impassible tout en me promettant d'aller tirer les oreilles de Simon. J'étais surprise qu'il ne leur ai pas fait part de son intention de ne surtout pas entrer au Ministère, mais je compris un instant plus tard quand Rose continua de babiller de façon plus joyeuse sur ce qu'elle avait prévu quand il y serait rentré, qu'Alastor Maugrey – le vrai, cette fois, pas l'imposteur que nous avions eu en professeur l'année dernière – s'était déjà trouvé ravi de donner des conseils au fils de son ancienne protégée et je compris que Simon devait avoir une pression monstre sur les épaules. Tous les Bones ou presque entraient au Ministère, très souvent – ou même exclusivement – au Département de la Justice Magique. Mêmes leurs compagnons, en témoignait les carrières de Rose et Cassiopée Bones. George et Rose ne devait pas envisager une autre voix pour le fils de celui qui avait failli présider la Justice Magique, un garçon qui dans ses capacités et ses valeurs avait parfaitement le potentiel pour s'y élever. Mais j'avais fini par le comprendre : Simon n'était pas un animal politique. Soit le Ministère le détruirait, soit c'était lui qui détruirait le Ministère et l'un comme l'autre n'était pas souhaitable. Je gardai mes réflexions pour moi : c'était à Simon d'en parler à ses parents. Je gérais déjà trop de chose dans sa vie et mon avenir était déjà bien assez flou pour que je m'occupe de celui de Simon. 


Voilà, vous aurez la suite du chapitre la semaine prochaine ! Prenez soin de vous et restez prudents ! 

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