II - Chapitre 16 : Que vienne le chaos
Bonjoooooour ! Fidèle à ma parole, me voilà ! J'espère que vous allez tous bien ainsi que vos proches !
Allez, on retourne à Poudlard dans ce chapitre ! Il se peut qu'à un moment je me sois emballée avec les pièces de théâtre mais que voulez-vous, c'est l'un de mes points faibles ... Bonne lecture !
Et surtout RESTEZ CHEZ VOUS ! <3
Chapitre 16 : Que vienne le chaos.
J'aurais voulu croire que c'était faux, mais Simon m'avait donné des preuves supplémentaires qui s'alignaient et écartaient la moindre erreur. Les Selwyn habitaient au cœur de Londres, comme Mel, et la jeune femme avait les traits qui la rapprochait d'Ulysse et Nestor : les cheveux châtains, le port royal et les yeux d'un gris incisif. Ça ne m'avait pas frappé d'un prime abord car je n'avais rien cherché des Selwyn en elle et que les traits communs avaient été brouillé par sa féminité mais maintenant que son visage apparaissait de plus en plus souvent dans mon esprit, je ne voyais que cela. De plus, Simon m'avait avoué avoir rencontré Melania plusieurs fois au Ministère où ils avaient accompagné leurs pères respectifs pour différentes réceptions. S'il était possible qu'elle n'ait jamais fait attention à lui, Simon lui avait parfaitement repéré cette jeune fille qui prenait place à droite de son père, place qui aurait dû revenir à l'héritier présomptif de la famille, à savoir son frère jumeau Nestor. Un fait qui l'avait interloqué et qui avait gravé dans sa mémoire le visage de Melania Selwyn.
Et quelle famille. Les Selwyn avaient beau ne pas être férus de magie noire et être restés en retrait du conflit avec Voldemort durant la première guerre, ce n'était pas pour autant qu'ils avaient de la tendresse pour les moldus – Ulysse comme Nestor me l'avaient bien prouvé. Visiblement, Melania avait des opinions différentes, mais que ferait sa famille si elle apprenait qu'elle fréquentait un moldu ?
Que ferait Nestor s'il apprenait qu'elle fréquentait le frère de celle qui l'avait défiguré ?
Les questions m'avaient tenu éveillés toute la nuit et Simon était resté avec moi, présageant que je serais trop nerveuse pour dormir. Cette fois, nous ne nous étions pas endormis ensemble : nous avions passés des heures à tenter de comprendre comment une sorcière de Sang Pur et issu de la noblesse avait pu se trouver sur le chemin d'un petit mécano de Terre-en-Landes, à des centaines de kilomètres de chez elle. Lorsque nous nous étions calmés, j'avais consenti devant l'insistance de Simon d'en parler à ses parents. Rose et George étaient restés assis de l'autre côté de la table à me contempler d'un regard vide et je lisais dans le fond des prunelles de George la même interrogation que Simon : comment faisais-je pour me mettre dans des situations pareilles ?
-On ne peut pas dire que ce soit la meilleure nouvelle des vacances, soupira Rose après quelques minutes de silence. Tu as absolument reconnu Melania Selwyn ?
-Mais oui, maman, répéta pour la troisième fois Simon avec un certain agacement. Elle était préfète de Serpentard et je l'ai vu plusieurs fois aux banquets du Ministère ...
-Je pense qu'on peut avoir confiance en la mémoire de Simon, trancha George, sortant de son mutisme pour la première fois depuis que nous avions franchis la porte. S'il dit que c'est la petite Selwyn, alors c'est elle.
Mes doigts se crispèrent sur la table. En haut, j'entendais un vague brouhaha émaner de la chambre de Susan, qui s'affairait pour finir sa valise à temps. J'étais soulagée qu'elle soit occupée en haut et qu'elle ne puisse pas entendre ce qu'il se jouait dans la salle à manger : elle avait déjà bien à s'occuper des BUSEs, elle n'avait pas à porter le poids de mes problèmes.
-Il y a un risque, vous croyez ? m'enquis-je dans un filet de voix. Que ça mette le feu aux poudres de Nestor Selwyn et qu'il ... ?
Le reste ne parvint pas à franchir mes lèvres. J'ignorais si cela pouvait m'atteindre : je serais à Poudlard pour les prochains mois, sous la sécurité d'Albus Dumbledore. Mais je ne pouvais pas en dire autant de mon frère, ce moldu qui menaçait de salir le sang sans tâche des Selwyn ... Mon estomac eut un soubresaut qui me fit monter la bile à la gorge. Rose et George échangèrent un regard et je sentis le père de Simon se raidir imperceptiblement.
-J'ai eu l'occasion d'entrapercevoir ce Nestor, avoua-t-il avec un déplaisir évident. Son père l'a obligé à prendre un emploi au Ministère, au département des Relations Magiques Internationales – il avait de bons rapports avec Croupton, et il voulait que son fils se fasse les dents. En fait, je pense surtout qu'il ne savait pas quoi faire de ce garçon, et qu'il ne voulait surtout pas le laisser prendre des responsabilités au sein des affaires familiales. Je l'ai observé, surtout quand j'ai su ... (il me jeta un bref regard avant de soupirer en un souffle qui ressemblait à un grondement d'ours). Pas une flèche, le gamin. Aigri et arrogant, il a l'impression que le fait d'être un Selwyn est une réponse à tout. Et je peux vous l'assurer, pas courageux pour deux noises. Il n'aura jamais le cran de faire quelque chose qui l'enverrait tout droit à Azkaban. (Il me fixa plus franchement de ses yeux verts qu'il avait légués à son fils et dont le regard me perça le front). Ce qu'il t'a dit l'été dernier, sur le quai de gare ... des fanfaronnades.
-Et Julius Selwyn, son père, ne le laisserait jamais agresser des moldus, enchérit prudemment Rose. Ça entacherait la réputation des Selwyn, qui se veulent une famille honorable malgré leurs opinions. Après est-ce qu'il laisserait sa fille sortir avec un moldu pour autant ...
-Sans doute pas, grommela George. Mais il trouverait une solution plus pacifique. Disons, financière, je dirais.
J'ignorai si leurs paroles me rassuraient réellement, mais elles délièrent peu à peu mes entrailles alors que le spectre d'une attaque massive de Nestor Selwyn s'éloignait. Mais cela n'eut pas l'air de contenter Simon, qui n'avait pas défroncé les sourcils de l'entretien.
-D'accord, tant qu'il est isolé et qu'il risque Azkaban, il ne tentera rien, admit-t-il pragmatiquement. Sinon, il aurait tenté quelque chose contre Vicky dès cet été ... Mais il ne l'a pas fait, parce qu'un certain Mage Noir ne s'est pas montré. Désolé de remettre ça sur la table, ajouta-t-il précipitamment alors que George ouvrait la bouche d'un air irrité. Mais je pense que c'est bien le nœud du problème. En juin dernier, il pensait que Vous-Savez-Qui réapparaitrait sans doute, que les attaques contre les nés-moldus et moldus se multiplieraient et qu'il jouirait d'une sorte d'impunité, de flou lié à son retour. Ça ne s'est pas passé comme ça, alors il a abandonné l'idée mais ... Qu'est-ce qui se passerait si ce certain Mage Noir refaisait officiellement surface ?
-Ce n'est pas idiot ce que tu dis, remarquai-je sottement.
Simon me jeta un regard oblique qui hésitait entre l'amusement et l'agacement. Faute de trouver un camp, il le tourna vers ses parents, impétueux, mais aucun des deux ne le regardait. Rose fixait son mari, comme si elle n'osait pas intervenir avant lui, et George avait les yeux perdus quelque part au-dessus de l'épaule de Simon. Je me retournai discrètement pour apercevoir plus loin, au-dessus de la cheminée, le portrait des trois enfants Bones, dont Edgar qui était mort des années auparavant. J'avais rarement vu une photo de sorcier aussi figée : aucun des trois ne bougeait réellement, pas même pour faire un signe de main. Amelia était la plus raide et se tenait très droite, promenant son regard inquisiteur sur la pièce par-dessus son nez immense qu'elle pointait effrontément en notre direction. George était le plus discret et ses seuls mouvements consistaient à tenter de se cacher dans l'ombre de son frère et sa sœur à qui il jetait des regards fréquents. Le plus actifs semblait être Edgar, élégamment vêtu et esquissant un sourire bienveillant. Il était plus fin et moins massif que George et Amelia et se redressait fièrement, comme pour assumer physiquement son statut d'aîné et de chef de famille – leurs parents devaient être morts lorsque la photo avait été prise. Dans ses yeux que je devinai aussi vert que ses frères et sœurs brillait une malice familière qui n'était pas sans rappeler celle de Simon.
George finit par pousser un profond soupir et passa une main sur son visage et dans sa barbe.
-Si – et je dis bien si – ce Mage Noir venait à réapparaitre, nous agirons en conséquence, déclara-t-il d'une voix neutre. En attendant nous allons ouvrir d'avantage l'œil et peut-être essayer de sonder discrètement les Selwyn. Et bien entendu, surveiller Alexandre.
-J'irais jeter des sortilèges de protection chez lui, promit Rose, visiblement soulagée de la réponse de son mari. Et observez le petit frère de votre côté – Ulysse c'est ça ?
-C'est ça, confirmai-je sombrement.
Je n'avais plus aucun contact avec Ulysse Selwyn depuis qu'il m'avait cassé le nez au début de l'année dernière, et je m'en portais parfaitement bien. L'idée de devoir m'approcher à nouveau de ce garçon me révulsait.
-Sans vous mettre en danger, s'assura néanmoins George d'un ton bougon. Et parlez-en à Chourave, elle doit être au courant et surtout, ce n'est pas à vous de gérer ça ...
-Ils sont majeurs, George, soupira Rose avant que Simon n'ait eu le temps d'ouvrir la bouche pour protester.
Elle le gratifia d'un regard appuyé pour qu'il continue à se taire et ce fut ce qu'il fit, croisant les bras sur sa poitrine pour tenter de se contenir. George observa quant à lui tour à tour sa femme et son fils et je fus presque persuadée de voir les prémices d'un sourire faire frémir sa barbe.
-Je ne le nie pas. En revanche, ils sont toujours élèves et sous la houppe de Dolores Ombrage, en très bon terme avec Julius Selwyn.
-Vu comme ça, céda Rose après un instant de silence. Mieux vaut s'en remettre à Chourave ... Changement de directive, ajouta-t-elle à notre adresse avec un sourire penaud. N'observez pas Ulysse Selwyn, et s'il y a le moindre problème ...
-On va directement voir Chourave, achevai-je avec hochement de tête. Entendu.
-Toi aussi tu as entendu, Simon ?
Les lèvres de Simon se tordirent à la question de son père et celui-ci soupira profondément, y voyant sans doute le signe qu'il comptait désobéir dès le premier orteil posé à Poudlard – peut-être même avant. Rose eut une moue déçue et tenta de parlementer :
-Tu t'en es très bien sorti jusque là, chéri, et je sais que ça n'a pas dû être facile ... Mais nous ne pouvons pas risquer qu'il arrive quoique ce soit de suspect sous le nez d'Ombrage ...
-Pourquoi ? Vous allez me faire croire qu'elle peut quelque chose contre tante Amelia ? Elle est sans doute celle qui prendra la succession de Fudge !
-Et elle n'en est que plus redoutable pour Ombrage. Chaque arme qu'elle pourra brandir contre Amelia sera bonne à prendre – et tu peux être l'une de ses armes, Simon, si tu fais le moindre pas de travers.
Les lèvres de Simon se serrèrent en une mince ligne, mais il ne laissa échapper aucune protestation. Pour achever de désamorcer la révolte qui grondait en lui, je mis une main que j'espérai apaisante sur son bras et fis remarquer :
-Et ce n'est pas à toi de prendre des risques pour ça, Simon. C'est moi que ça concerne, c'est ma famille. Alors on le fera à ma façon.
L'argument parut peser car Simon abandonna la partie, signifiant sa défaite par un grognement qui fit soupirer sa mère de soulagement. La grande horloge élancée des Bones faite de bois chaud et d'or sonna les deux heures et pour fêter de passage à une heure nouvelle, le cadran s'ouvrit pour laisser s'échapper une nuée de coucous qui piaffèrent avant de s'envoler dans la nature. Rose se leva d'un bond, soudainement affolée.
-Mille gargouilles galopantes, Amelia va m'attendre ! Et vous ! Vous devez aller à la gare, le train part dans une heure ...
-On y sera à temps, la rassura son mari avec un sourire vaguement amusé. Mais toi dépêche-toi, Amy est d'humeur massacrante quand tout ne va pas comme elle le souhaite ...
Rose hocha vigoureusement de la tête, et se dépêcha d'ouvrir sa penderie où un cintre enchanté lui tendit sa cape, et elle nous embrassa rapidement chacun d'entre nous sur la joue.
-Pas de bêtises, prenez soin de vous et on se revoit à Pâques ! résuma-t-elle avant de s'élancer sur les premières marches de l'escaliers. Susie-chérie, j'y vais !
-J'arrive !
Susan dévala l'escalier, ses cheveux défaits courant librement dans son dos et se contenta d'un baiser sur la joue de sa mère avant de remonter les marches quatre à quatre, essoufflée. Rose se courba pour entrer dans la cheminée et un instant plus tard, après avoir lancé la poudre et annoncé « Atrium », un étincelant feu émeraude l'engloutit toute entière pour ne laisser que des cendres à peine fumantes.
-C'est quoi l'Atrium ? demandai-je d'un ton badin pour tromper la nervosité.
-Une sorte de grand Hall au Ministère, me répondit succinctement George en se levant. Vous avez tout, vous ? Bien, poursuivit-t-il une fois que nous avions répondu par l'affirmative. Je vais aider Susan, pour être sûr qu'on arrivera à temps ... Et profitez-en pour vous reposer un peu, vous avez une tête à faire peur ...
-On le fera dans le train, grommela Simon.
Mais il n'attendit pas le départ de son père pour croiser ses bras sur la table et enfouir sa tête dedans, épuisé par notre nuit blanche. J'observai George monter les escaliers d'un pas lourd, et se passer une main sur son crâne dépourvu de cheveux en un geste qui me paraissait fébrile. Malgré sa sérénité apparente, il ne paraissait pas savoir quoi penser de l'affaire dont je venais lui faire part et je devais avouer que je ne savais pas quoi en penser moi-même. La nouvelle nature de Mel – Melania – se superposait à la condition cachée de mon grand-père à qui j'avais préféré ne pas reparler pendant les vacances. Avec l'impression qu'on injectait du plomb dans mes entrailles, je réalisais que le monde des sorciers commençait à bien trop s'imbriquer dans ma famille – et qu'un jour, il me serait impossible de cacher plus longtemps toute cette magie à mes parents.
***
Comme au voyage qui nous avait ramené chez nous, j'avais passé l'immense majorité du trajet à dormir sur les genoux de Miles, à cette différence que Simon était également emmitouflé dans sa cape, prenant une banquette à lui seule pour pouvoir dormir à son aise. Emily avait été surprise de notre fatigue commune et j'avais éludé les questions en expliquant que l'on avait profité de notre dernière soirée à Terre-en-Landes pour festoyer avec nos amis jusque tard dans la nuit. Susan, qui savait pertinemment que c'était faux, avait dardé sur moi un regard curieux que je n'avais pu soutenir et j'étais tombée dans les doux bras de Morphée, bercée par les roulements du train et la main de Miles qui caressait mes cheveux.
Poudlard me happa dès le premier orteil que je posais sur les pierres de l'antique château. Octavia avait fendu la foule pour se frayer un chemin jusque moi et m'annoncer qu'elle m'attendait le mardi matin dès l'ouverture de la bibliothèque pour que l'on travaille notre sujet d'Histoire de la Magie, et s'en était allée tout aussi promptement, ignorant royalement Simon qui nous avait jeté un regard que j'aurais qualifié de terrifié. Kenneth et Judy étaient venus m'entouré au dîner pour savoir quand je comptais reprendre les entrainements de Quidditch, avec en ligne de mire le match contre Gryffondor et Smith m'avait lorgné d'un air mauvais tout le long de la conversation. J'avais croisé avec un déplaisir certain le professeur Ombrage dans les couloirs lors de la reprise des cours, un sourire affreusement satisfait aux lèvres alors qu'elle descendait de la Tour Nord où le professeur Trelawney dispensait ses cours, qui ne se faisait à présent plus sans elle. Et pire que tout, je m'étais presque cachée derrière une armure lorsque j'avais vu Ulysse Selwyn apparaître au débout d'un couloir, le cœur battant la chamade.
-Pourquoi il faut que tout parte en vrille l'année de nos ASPICs, râlai-je au petit-déjeuner le mardi matin.
-Tu exagères, tout ne part en vrille, protesta Emily en sucrant son thé. Simon ne descend pas ? Sa Gazette l'attend.
En effet, une chouette effraie tournoyer paresseusement autour de notre table et concentrer ses cercles autour de nous. Mais faute des trois noises payées en échange du journal, elle repartit avec celui-ci par la fenêtre de la Grande Salle.
-Sans doute pas, il dort souvent le mardi matin, comme on a deux heures de libre, fis-je remarquer. Et moi aussi j'aurais dû dormir mais je dois avancer sur mes notes d'Histoire de la Magie, sinon Octavia va m'étriper ce soir ...
Le reste de ma phrase fut masquée par un cri aigu poussé derrière moi à la table des Gryffondor. Je fis prestement volte-face pour voir Hermione Granger étaler un journal sur la table devant Harry et Ron, qui se penchèrent dessus avec avidité et agitation. Emily poussa un grognement sonore étouffé le thé qu'elle buvait et je me retournai vers elle en fronçant les sourcils.
-Ils n'attirent déjà pas assez l'attention comme ça ..., maugréa-t-elle en reposant sa tasse de thé. Bon, je vais retourner dans la Salle Commune moi ... Je te rejoindrais peut-être à la bibliothèque après, d'accord ?
J'acquiesçai laconiquement et Emily s'éloigna d'un pas vif en rejetant ses longs cheveux blonds derrière son épaule. Je jetai un regard déchiré aux omoplates de mon amie, qui adressait un signe de main accompagné d'un sourire à table des Serdaigles. Roger lui répondit tout aussi aimablement et lorsqu'il se retourna vers Cho à qui il parlait, je surpris sur ses lèvres un sourire indéniablement niais qu'il tenta de masquer à son attrapeuse. J'avais l'impression qu'un gouffre s'était ouvert entre Emily et moi, mais ce n'était qu'en rentrant des vacances de noël que j'avais constaté la profondeur de ce qui nous séparait. Avec une simple phrase.
« Ça a été tes vacances ? »
J'avais alors mentalement énuméré ce qui s'était passé – ma dispute avec mon grand-père, et la révélation de l'identité de la petite-amie de mon frère. Deux faits dont je ne pouvais pas lui parler, des secrets qui me touchaient et me meurtrissaient bien trop pour que je prenne la peine d'en informer Emily, tristement ignorante de tout ce qui s'était passé. Elle ne savait rien du cinq novembre et du visage calciné de Nestor Selwyn, rien des véritables raisons de l'attaque de Kamila, et il aurait été délicat de lui parler de Melania, car la dangerosité de l'information dépendait du retour de Voldemort auquel elle refusait de croire. J'aurais voulu lui en parler, arrêter de lui cacher des informations, mais ça ferait trop de choses à expliquer, une trop grosse dose de confidences que je n'avais pas le courage de lui avouer. Par ailleurs, je n'avais jamais à mentir à Emily : il s'agissait de pans de ma vie auxquels elle s'intéressait assez peu et sur lesquels elle ne m'interrogeait jamais. Malgré tout, cela creusait un profond fossé entre nous et dans ces premiers jours de retour à Poudlard je ne voyais pas comment le combler.
La mort dans l'âme, je finis par m'extirper de ma chaise et à m'élancer vers la sortie. Mais au moment où je m'apprêtai à passer les portes en chêne massif je perçus un mouvement sur la table et Serdaigle. Roger Davies me faisait signe de sa place aux côtés de Cho Chang et non loin d'Octavia McLairds qui leva sur moi un regard indifférent lorsque je m'approchai de leur table.
-Ça a été les vacances Bennett ? m'accueillit alors Roger, un grand sourire aux lèvres. Prête pour la seconde partie de saison ?
-Vu la tête qu'elle tire, pas franchement, lâcha Octavia avec un certain déplaisir. Tu t'es reposée au moins ? Je te jure si ce soir tu dors sur ta table ...
-Je ne dormirais pas sur ma table, la coupai-je avec lassitude. Et je comptais finir de travailler mes notes sur le sujet alors si je peux ...
-Parce que tu n'as pas fini de les travailler ? Mille gargouilles, Bennett, on a déjà assez pris de retard, qu'est-ce que tu as foutu de tes vacances si en plus de ne pas t'être reposée, tu n'as pas travaillé ?
-On se calme ! intervint Roger alors que je serrais les poings et les dents pour retenir une cinglante réplique et qu'Octavia me fusillait du regard. Vous règlerez ça ce soir, mesdemoiselles, en attendant ...
Il pivota plus franchement vers moi et son visage se fit plus sérieux. Cho avait un léger sourire aux lèvres, comme si elle savait sur quel sujet Roger allait m'entretenir.
-J'aimerais que cette partie de saison se passe mieux que la précédente. Alors on a pensé avec Cho réunir les quatre Capitaines, afin qu'on mette les choses au point et éviter le bordel qu'on a eu aux matchs de novembre ...
-Oh par les chaussettes de Merlin, c'est vraiment tout ce qui vous intéresse, persiffla Octavia avec un somptueux dédain.
-Parce que le Quidditch fait tourner Poudlard plus que toi et des devoirs d'Histoire de la Magie, rétorqua Cho d'un ton sec.
Octavia plissa les yeux avec mépris et s'abstint de répondre en buvant une gorgée de son thé. J'observai l'attrapeuse, agréablement surprise du changement d'attitude qui semblait d'être opéré en elle : elle paraissait plus détendue, plus sûre d'elle et plus souriante. Roger lui adressa un regard appréciateur qui aurait fait hérisser les poils d'Emily avant de reporter son attention sur moi :
-Alors ? Qu'est-ce que tu en dis ?
-Que tu te charges de Montague, répondis-je après un instant de réflexion. La dernière fois que j'ai voulu interférer avec lui, son équipe m'est tombée dessus deux jours plus tard pour me battre avec un balai ...
-Ils ont fait ça ? s'étonna Octavia en écartant sa tasse de ses lèvres. Enfin, ils ne sont pas très brillants mais ...
-Pas très brillant, mais certains sous les ordres de quelqu'un qui s'en rapproche. Et dans son genre, Ulysse Selwyn est plutôt intelligent.
La mention du jeune frère de Melania et Nestor me tordit les entrailles, et Octavia comme moi coulâmes un regard vers le Serpentard qui déjeunait en solitaire, lisant avec un soin tout particulier la une de La Gazette du Sorcier. Comme s'il sentait la brûlure de nos yeux fixés sur lui, il leva le regard et ses doigts se figèrent sur la page qu'il s'apprêtait à tourner. Je détournai rapidement le visage pour ne pas croiser ses prunelles qui ressemblaient bien trop à celles de sa sœur. Octavia fronça les sourcils.
-Ulysse ? Pourtant ce n'est pas son genre ...
-Va dire ça à mon nez cassé de l'année dernière, répliquai-je amèrement, avant de hausser les épaules avec une indifférence feinte. Enfin, peu importe. C'est une bonne idée de faire une réunion entre Capitaine, mais je pense qu'il faudrait que Bibine soit là, si jamais ça dérape ...
-Excellente idée, approuva Roger en opinant du chef. Je lui en parlerais dans la semaine ... Et tu crois que je dois demander l'autorisation d'Ombrage ? Après tout ... On est un groupe de plus de trois personnes.
L'ironie dégoulinante dans les propos de Roger m'arracha un sourire et je lui conseillais de voir avec Bibine s'il était nécessaire d'avertir Ombrage d'une telle réunion. Je pris donc congé sans demander mon reste après une dernière pique d'Octavia me rappelant notre rendez-vous du soir. Je traversai le Hall, le nez dans les notes que je relisais avant d'aller à la bibliothèque lorsqu'un bras m'attrapa à la taille pour me plaquer contre un torse. De surprise, mes notes m'échappèrent et s'éparpillèrent sur le sol et je laissai échapper un glapissement assez peu digne.
-Mais Miles !
-Oups. Désolé.
Mais pour se faire pardonner, il me serra un peu plus contre lui et plaqua un baiser bruyant sur ma joue. Je le repoussai au visage, amusée malgré moi et me penchai pour ramasser mes parchemins. Je les serrai contre la poitrine avant de revenir vers Miles et de me dresser sur la pointe des pieds. Il courba docilement l'échine pour franchir les quelques centimètres qui séparaient ses lèvres des miennes et je crispai mes mains contre mes notes alors qu'il m'embrassait avec douceur.
-Ça va aujourd'hui ? s'enquit-t-il en écartant une mèche de mon front. Moins fatiguée ?
-Je te dirais ça ce soir après mon entretien avec Octavia McLairds. Là, je risque d'être épuisée.
Un petit rire s'échappa de la poitrine de Miles et il m'embrassa sur le sommet du crâne.
-On va dans les cuisines ? me proposa-t-il en tirant sur ma main en direction du couloir qui menait à ma Salle Commune. Ça te détendra peut-être avant cette harassante journée de cours et la diabolique Octavia McLairds.
Je souris, tentée, mais réussis à trouver la force de tirer sa main vers les escaliers et la bibliothèque.
-Je dois finir de travailler avant les Sortilèges. Une autre fois ?
Miles eut une moue déçue, mais il m'emboita docilement le pas jusqu'au deuxième étage. Il me regarda noircir mon parchemin sans relâche pendant les dix premières minutes, la tête posée sur ses bras croisés sur une pile de livre, l'air de royalement s'ennuyer. Je lui jetai un regard désolé en mordillant nerveusement le bout de ma plume.
-Tu aurais pu aller te rendormir.
-Bah, non. On ne s'est quasiment pas vu hier, autant en profiter un peu. Je rêve, où j'ai entendu Davies proposer une réunion des Capitaines de Quidditch ?
-C'est exactement ce qu'il a proposé, confirmai-je en trempant ma plume dans l'encre.
Miles poussa un grognement sonore, les yeux à moitié clos par l'ennui.
-Montague n'acceptera jamais. Il est particulièrement aigri depuis qu'il s'est pris un vent avant les vacances par Gloria Flint.
-Excuse-moi ? me récriai-je avant de baisser d'un ton face au regard hostile des autres élèves qui travaillaient autour de nous : mais elle n'était pas, hum ... fiancée à Ulysse Selwyn ?
Miles consentit à ouvrir un œil sur moi et me fixa longuement d'un regard vide de ceux qui tentaient de rassembler leurs pensées.
-C'est vrai que l'idée d'un mariage était prévue l'année dernière. Mais Ulysse y a renoncé il y a quelques semaines, assez brusquement. Ça a créé un sacré drame, Gloria refuse de lui adresser la parole et elle plus infecte que d'habitude.
-Mais ils sortaient ensemble ...
-Et alors ? rétorqua Miles en haussant les épaules. Les sentiments, ça change. Peut-être qu'Ulysse s'est rendu compte qu'il ne voulait pas passer le restant de sa vie avec Gloria et je ne peux pas l'en blâmer.
Je gardai le silence, méditant silencieusement l'information. Ainsi, Ulysse Selwyn avait renoncé à un mariage avec cette détestable Gloria Flint – ce qui, comme le soulignait Miles, pouvait parfaitement se comprendre. Mais je ne pus m'empêcher de me demander avec une certaine agitation si cela avait un rapport de près ou de loin avec la relation entre sa sœur aînée et mon frère. Etait-il simplement au courant ? Je levai les yeux sur Miles. Lui savait pour Nestor Selwyn et le cinq novembre, et il m'avait toujours aidé, toujours soutenu. Je lui cachai déjà la nature sorcière de mon grand-père – et ce secret était déjà assez lourd à porter. Peut-être que Mel était une information qu'il méritait de connaître ... Il finit par sentir mon regard sur lui et riva ses yeux sur les miens, intrigué par l'attention dont il faisait l'objet.
-Oui ?
-Il faut que je te parle d'un truc, avouai-je, prenant ma décision en un quart de seconde. Un truc ... Olala, Miles, c'est compliqué.
Je lui déballai tout : la fille avec laquelle mon frère sortait depuis des mois et que Simon avait reconnu formellement comme Melania Selwyn. Les yeux de Miles s'écarquillèrent et il se redressa, parfaitement éveillé. Il ponctua la fin de mon récit exactement comme Simon et George d'un :
-Comment tu fais pour te mettre dans des situations pareilles ... ? Bones est certain que c'est Melania Selwyn ?
-Certain, assurai-je, mortifiée. Mais ses parents disent que si sa famille le découvre, ils essaieront de régler ça pacifiquement, et que Nestor ne tentera rien s'il risque de se retrouver à Azkaban.
-Ils n'ont pas tort, Nestor n'était pas un brave, admit Miles avec prudence. S'il t'a attaqué il y a cinq ans, c'est simplement qu'il pensait que tu étais une pauvre gamine sans défense qui n'irait jamais voir le directeur ... Et pour cette dernière partie, il n'avait pas tort. Vous les Poufsouffles, vous n'êtes pas connus pour être des cafteurs.
-Très drôle. Qu'est-ce que tu en penses, toi ?
Miles resta un moment coi, le regard plongé par la fenêtre. Le ciel était clair et traversé par quelques nuages d'un gris perle qui n'avaient rien de menaçant. Il soupira profondément au bout de quelques secondes et passa une main dans ses cheveux qui les décoiffèrent à peine. Mais je doutais que les cheveux de Miles puissent être décoiffés.
-Les Bones ont sans doute raison. Il n'y a rien à craindre, Nestor ne prendra jamais le risque d'être envoyé à Azkaban et le père tentera de régler ça discrètement. Mais c'est plutôt à toi qu'il faut poser la question. Qu'est-ce que tu comptes faire ?
-Comment ça, qu'est-ce que je compte faire ?
-Tu ne vas pas en parler à ton frère ?
Je ne répondis pas, rendue muette par la stupeur. C'était une question légitime, mais que, préoccupée par les conséquences que cela pourrait avoir sur moi, je ne m'étais pas encore posée. Je tripotai nerveusement ma plume, indécise.
-Evidemment qu'il devrait savoir, surtout que ça a l'air sérieux avec elle, concédai-je. Mais ... ça devrait venir d'elle, pas de moi. C'est leur couple, je n'ai pas à m'immiscer dedans ...
-Alors parle à Melania, et pousse-la à lui avouer, proposa Miles avec simplicité. Elle ne devrait pas être trop difficile à contacter, au pire on peut demander de l'aide à Ulysse ...
-Tu crois que j'irais dire à Ulysse Selwyn que sa sœur sort avec mon moldu de frère ?
La bouche de Miles se pinça devant la faille de son raisonnement et son regard se replongea par la fenêtre, comme en quête d'une autre solution. Je repoussai mon parchemin de note, à présent totalement déconcentrée.
-Laisse tomber, finis-je par lâcher avec défaitisme. Je vais y réfléchir jusqu'aux vacances de Pâques et je verrais bien ce que je fais à ce moment-là ...
Il vrilla de nouveau ses yeux sur moi, d'un brun noisette que le soleil éclaircissait, leur donna une teinte d'ambre chaude et agréable. Il y avait de la contrariété qui se ressentait dans la crispation de ses traits et de l'inquiétude qui transparaissait du pli de ses lèvres.
-Ton frère, un joyeux luron indélicat et adepte des alcools avec l'une des sorcières les mieux nées et les plus convoitées de la communauté magique, résuma Miles avec un certain ébahissement. C'est un couple encore plus déséquilibré que Bones et McLairds. Eux au moins ils étaient aussi bien nés bien que l'autre.
-C'est vrai que Simon est bien « nez », plaisantai-je, prenant la perche tendue pour me détendre. Le sien est plus long que celui de Cyrano de Bergerac – bon sang ! me récriai-je, faisant sursauter Miles et une sixième année qui lisait derrière lui. C'est ça que j'aurais dû lu acheter pour son noël, pas Hamlet !
-Je n'ai absolument rien compris.
Un sourire mutin retroussa mes lèvres et au lieu de finir mes notes d'histoire de la magie, j'entrepris de renseigner Miles sur l'art délicat du théâtre, vantant mes auteurs et pièces favoris et récitant des passages de mémoire tout en jouant seule les rôles. J'ignorais si ça amusait ou exaspérait Miles, mais celui-ci finit par vouloir sortir prématurément de la bibliothèque. Comprenant qu'il voulait me fuir moi et mon flot de vers théâtraux incessant, je le suivis dans les couloirs, babillant de plus belle l'une des tirades de Cyrano de Bergerac que j'aimais particulièrement jusqu'à la salle de Sortilège :
-Ecoutez ! Ce n'est plus sous ses doigts le fifre aigu des camps, c'est la flûte des bois ! Ce n'est plus le sifflet du combat sous ses lèvres, c'est le lent galoubet de nos meneurs de chèvres ... Ecoutez ... C'est le val, la lande, la forêt, le petit pâtre brun sous son rouge béret, c'est la verte douceurs des soirs sur la Dordogne ... Ecoutez les Gascons : c'est toute la Gascogne !
-Je viens de comprendre pourquoi tu es nulle en cours, déclara Miles en s'immobilisant devant la salle de Flitwick alors que je souriais fièrement. Parce que tu as la tête pleine de vers inutiles.
-Ils ne sont pas inutiles mes vers ! protestai-je en le frappant à la poitrine. Sache que Cédric a réussi sa première tâche grâce à mes vers !
Je me tus, assez surprise de voir le nom de mon défunt ami surgir si facilement de ma bouche et de la douleur sourde qui m'assaillit lorsque mes oreilles en entendirent les sonorités. Miles me contempla, un léger sourire aux lèvres et me prit la main avec douceur.
-Lequel ?
-« Suivez l'ardeur qui vous emporte et dans l'assaut criez : Dieu pour Henry, Angleterre et Saint George ! », récitai-je machinalement. C'est Shakespeare pour le coup.
-Et tu aimes beaucoup Shakespeare ...
J'eus un sourire coupable. Il devait l'avoir compris pendant la dizaine de minute où je lui avais joué une partie de Songe d'une nuit d'été. Je me laissai aller contre lui et il passa un bras au creux de mon dos pour m'étreindre doucement et souffler à mon oreille :
-Et tu ne veux pas me dire la suite ?
J'étouffai un rire dans sa poitrine quand je compris qu'il voulait éloigner mon esprit de Cédric en le précipitant dans le théâtre et je m'écartai légèrement pour le gratifier d'un sourire reconnaissant.
-Ça va. Tu as eu le droit à assez de vers pour aujourd'hui et ... ça va mieux, d'ailleurs. Enfin, je le supporte mieux.
-Parfait alors.
Il pressa ses lèvres contre mon front et nous restâmes un moment enlacés ainsi devant la classe de sortilège, non loin de l'endroit où nous avions échangés notre troisième baiser qui avait été le point de départ de notre relation de couple. Je fermai les yeux, apaisée et la douleur reflua naturellement dans son antre, chassée par la chaleur bienfaisante qui se répandait dans ma poitrine comme un baume. J'étais en train de me demander si Miles n'en profitait pas pour dormir, la joue appuyée sur mes cheveux, lorsque la porte de la salle s'entrouvrit légèrement et que des voix agitées ne fendent le silence agréable dans lequel nous étions murés :
-... dore fera quelque chose, Filius. Dix, par Helga, c'est affolant ... Et pas des moindres ... Je vais aller voir Minerva avant mon cours. Tu as les septième année là ?
-Oui, répondit la voix fluette de Flitwick. Je garderais un œil sur le petit Bones, si c'est ce que tu allais me demander.
-Tu me connais trop bien ...
La porte s'ouvrit plus franchement et je me décollai prestement de Miles avant qu'elle ne découvre le professeur Chourave, les traits affaissés par la lassitude et une lueur alerte dans les yeux. La dernière fois que j'avais vu ma Directrice de Maison avec cet air si grave, je lui avais annoncé que j'avais à moitié brûlé le visage de Nestor Selwyn et le sourire dont elle me gratifia ne chassa pas le moins du monde l'anxiété apparente qui brillait dans son regard.
-Bennett ! Vous allez bien ?
-Bien professeur, assurai-je en tentant de ne pas montrer que j'avais écouté les derniers mots de sa conversation.
-Tant mieux, tant mieux ... Je vous vois en Botanique ce soir – vous aussi Bletchley, et plus en forme que la dernière fois, vous m'avez ruiné une tarentula vénéneuse.
-Quelle petite tragédie, murmura cyniquement Miles à mon oreille alors que Chourave s'éloignait.
Un sourire effleura mes lèvres mais ne s'y épanouit pas tout à fait. J'étais troublée par les paroles que j'avais entendu et l'étrange demande de Chourave à Flitwick.
Pourquoi surveiller Simon ?
***
Perplexe, je m'étais installée avec Miles de façon machinale et avait attendu patiemment qu'il fasse son apparition, ce qui arriva cinq secondes à peine avant la sonnerie – les cheveux ébouriffés et la cravate dénouée annonçant clairement qu'il venait à peine de sauter du lit. J'avais observé la réaction de Flitwick et surpris de fréquents regards de mon professeur pour Simon. Au milieu du cours, il s'était même fendu d'un « vous allez bien, Bones ? » auquel le concerné répondit par l'affirmative, un peu étonné. Au-delà de son intérêt étrange pour Simon, Flitwick avait l'air plus nerveux que d'ordinaire. Il rata un simple sortilège de désillusion sur un hibou et oublia totalement de récupérer nos devoirs si ardemment confectionnés pendant les vacances. Mais cet état de fébrilité ne semblait touché uniquement le professeur d'enchantement : McGonagall fut également plus sèche si toutefois c'était possible et jetai de nombreux regard furieux au tabouret présent dans un coin de sa salle, comme s'il était la source de tous ses maux. Mais Chourave m'inquiéta le plus : elle couvait littéralement Simon du regard pendant notre cours et cette attention inhabituelle fut sans doute la raison de sa fuite précipitée une fois la cloche sonnée. Emily l'avait vite suivi, couverte d'engrais de bouse de dragon que Chourave avait accidentellement renversé sur elle et Ombrage, qui avait assisté au cours, souriait d'un air si satisfait que j'avais failli vomir sur les jeunes pousses de mandragores.
-Professeur, vous allez bien ? finis-je par m'inquiéter alors que la classe se vidait, ne laissant qu'Ombrage qui remballait tranquillement ses affaires.
Chourave me renvoya un regard désolé et ses yeux glissèrent ostensiblement derrière mon épaule, derrière laquelle elle pouvait apercevoir la Grande Inquisitrice de Poudlard.
-Je suis navrée Bennett, c'est une journée difficile ... Vous n'avez pas lu La Gazette, ce matin ?
-Non, avouai-je, assez surprise. Pourquoi, qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Une peur glacée me saisit le ventre de façon impromptue. Cette inquiétude latente que j'avais pu percevoir toute la journée sur le visage de mes professeurs, cela pourrait-t-il qu'il y ait un rapport avec ... ?
-Ça concerne ... ?
-Professeur Chourave ?
Nous pivotâmes toute deux sur Dolores Ombrage, qui souriait mais rien ne m'avait jamais semblé aussi faux et artificiel que ce sourire. Il était dépourvu de toute chaleur et d'amabilité et ses lèvres flasques accentuaient sa malheureuse ressemblance avec un crapaud.
-Un mot, je vous prie ?
Chourave ne paraissait pas réellement disposée à accorder un entretien à cette femme et je la vis la toiser avec une répulsion non-dissimulée. Mais elle ne pouvait rien refuser à la Grande Inquisitrice alors elle acquiesça en silence. D'un geste de la tête, elle m'indiqua la sortie, et je me précipitai dehors, les entrailles nouées et avec la ferme intention de me procurer une Gazette le plus vite que possible. Puis en passant devant la bibliothèque, je me souvins qu'Octavia m'y attendait surement, mais le désespoir se transforma en détermination lorsque je me souviens qu'elle était issue d'une vieille famille magique et qu'elle devait être l'une des personnes les mieux informées de ce qui se passait dans le monde extérieur. Peut-être recevait-t-elle même La Gazette comme le faisait Simon ... Je la trouvai finalement seule sur une table, une pile de grimoire – dont certain si vieux que le parchemin des pages s'était noirci – posé devant elle. Elle me foudroya du regard lorsqu'elle me vit arriver.
-En retard, Bennett. Ça ne devrait pas me surprendre, j'ai l'impression que tu personnifies le retard – comme celui qu'on a sur notre projet, tu te rappelles ?
-Octavia, entonnai-je, le souffle saccadé. Est-ce que tu aurais une Gazette ? S'il te plait ?
Je m'attendais à voir la Serdaigle exploser devant ce nouveau contre-temps, mais je fus surprise de voir ses yeux s'écarquiller et un éclair de compréhension les traverser. Elle parut hésiter, mais finit par hisser son sac sur ses genoux et à en extirper le fameux journal. Je le dépliai avec avidité devant moi, écartant les grimoires d'Octavia pour me faire de la place. Le titre me glaça jusque la moelle et mon sang se figea dans mes veines.
-Oh Seigneur ...
Je vis Octavia hocher la tête, comme si elle approuvait mon ébahissement. La Une représentait dix photos en noirs et blancs, des photos de type carcérales que l'on prenait avant d'enfermer quelqu'un – du même type que l'image de Sirius Black qui avait été placardée partout il y avait deux ans cela. Mais c'était bien la même rengaine qui recommençait ... A ceci près qu'elle était dix fois pire.
-Dix Mangemorts, couinai-je, totalement abasourdie. Dix Mangemorts évadés ...
-C'est bien Bennett, tu sais compter.
Mais son ton était beaucoup moins virulent et elle se tordit le cou pour lire l'article avec moi. Je me laissai tomber sur ma chaise, complétement sonnée, lisant les mots qui accompagnaient les dix photos d'un œil vide. « Le ministère de la Magie a annoncé tard dans la nuit qu'une évasion massive avait eu lieu à Azkaban » ... « Dix prisonniers sous haute surveillance » ... « se sont rassemblés autour de Black lui-même qu'ils considèrent comme leur chef » ...
-« Black point de ralliement d'anciens Mangemorts », lut Octavia avec un ricanement dans la voix. Et malgré tout le dispositif déployé – et un nombre démentiel de Détraqueurs lancés dans tout le pays – ils ne l'ont jamais retrouvé, alors dix ...
La mention des Détraqueurs me glaça le sang et je portai ma main contre les lèvres, horrifiée. La conversation que j'avais eue avec Simon et Alexandre sur l'étroit balcon de mon frère me revint à l'esprit. J'avais évoqué la possibilité que les Détraqueurs, naturellement acquis à la cause de Voldemort, ne laisse échapper ses Mangemorts les plus loyaux enfermés pour lui.
Alors c'était arrivé. Ils échappaient au contrôle du Ministère...
-Fudge est vraiment le pire des imbéciles.
Octavia leva sur un moi un regard surpris mais je l'ignorais, bouillonnante de colère. L'énervement avait complètement balayé l'épouvante et je fixai le visage rond mais atterré du Ministre de la Magie donnant son interview avec le plus grand dégoût.
-Je veux bien que Black ait un quelconque rapport avec l'évasion, mais ce n'est certainement pas le cerveau de l'opération : il n'aurait jamais pu faire sortir dix personnes seul si les Détraqueurs avaient été là ! Non ?
Octavia pinça des lèvres. J'ignorais totalement ce qu'elle pensait du retour de Voldemort, mais elle était issue d'une famille à la carrière Ministérielle : il y avait de grande chance qu'elle suive les directives de Fudge. Pourtant, après avoir relu l'article et passer une main qui me paraissait troublée dans ses cheveux d'acajou, elle admit :
-Ça paraît peu probable, oui. Je vois mal ... oui, je vois vraiment mal comment une seule personne aurait pu en faire sortir dix sous le nez des Détraqueurs. Alors soit Black n'était pas seul et disposait d'une force bien plus puissante soit ... les Détraqueurs ont été défaillants.
-Je vote pour les deux. Dumbledore le savait : les Détraqueurs rejoindraient Voldemort un jour ou l'autre.
Octavia sursauta si fort qu'elle faillit tomber de sa chaise et me gratifia d'un regard complétement éberlué.
-Mais enfin Victoria, qu'est-ce qui te prend de prononcer ce nom ?
Je ne répondis pas, les mains plaquées contre le bas de mon visage, lorgnant les sorciers dans leur cadre. Certains me toisaient avec une telle arrogance que je me sentais rabaissée, fussent-ils de simples images, d'autres paraissaient attendre avec nonchalance, appuyés sur le bord de la photo. La seule sorcière du lot, une femme au visage émacié munie d'une folle chevelure de boucles sombre me fixaient avec un sourire plein de dédain à peine esquissé sur ses lèvres décharnées. Avec un frisson, je détachai mon regard des évadés pour les porter sur Octavia.
-Qu'est-ce que tu en penses, toi ?
-Moi ? répéta-t-elle sur la défensive.
-Oui, toi. Dix Mangemorts s'évadent sous le nez de Fudge, qu'est-ce que ça t'inspire ?
Elle ouvrit la bouche, avant de la refermer et de froncer les sourcils. Elle resta silencieuse un long moment, ses yeux se promenant de mon visage jusqu'au journal avant de revenir sur moi. Elle paraissait tiraillée.
-Je t'avoue que je ne sais pas trop. Je suis de celle qui ne pense pas que Tu-Sais-Qui soit de retour – on avait aucune preuve, rien ne trahissait sa présence ... Mais ça ... (Elle poussa un gros soupir et haussa les épaules). L'explication de Fudge est légère, mais de là à dire que Tu-Sais-Qui est derrière tout ça ...
-Alors tu es aussi idiote que Fudge.
Les yeux d'Octavia flamboyèrent, mais je soutins son regard, tout aussi courroucée.
-Et qu'est-ce qu'il faudrait que je fasse ? rétorqua-t-elle durement. Que je défie le Ministère, que je doute de leurs paroles ? Ce sont nos dirigeants, on les a élus pour qu'ils nous gouvernent, qu'ils nous protègent. Ils sont garants de l'ordre et de notre sécurité, on est obligé de les écouter. Si on arrête d'avoir confiance en nos dirigeants, alors ce sera le chaos.
-Alors que le chaos vienne. En réalité, il est déjà à nos portes.
L'aveuglement des dirigeants et de la majorité du monde Magique allait beaucoup trop loin. Ils cherchaient une preuve de la résurgence de Vous-Savez-Qui, et elle s'étalait à présent là à la Une de La Gazette sous la force de dix portraits animés d'hommes et de femme ayant commis des horreurs au nom du Seigneur des Ténèbres et de la pureté du sang. J'avais attendu patiemment que Voldemort me fournisse cette preuve, cette preuve qu'il n'était pas qu'un spectre insaisissable, un mirage que j'avais cru apercevoir lorsque mon meilleur ami était mort, et elle était là. Voldemort était de retour et il était actif : il pouvait à présent compter sur son armée de fidèle presque au complet et sur l'allégeance vraisemblables des Détraqueurs.
-Il est temps d'arrêter de faire l'autruche, assénai-je, la voix vibrante de colère. On a été patient avec vous : on vous a laissé enfoncer la tête dans le sol pour ne pas voir l'évidence, on vous a laissé dire que Cédric était mort dans un tragique accident et bafoué sa mémoire, on vous a laissé dire que tout allait bien. Maintenant ça suffit ! (Je brandis le journal pour l'agiter devant le nez d'Octavia). Tout ne va pas bien ! Comment on peut encore répéter ça quand les dix plus fidèles assassins de Voldemort sont lâchés dans la nature ? Comment vous pouvez encore vous répétez ça ?
Octavia avait tressailli au nom du Mage Noir mais eut la décence de ne rien répondre à mes accusations. Elle se contenta de fixer la Une d'un regard qui me parut déchiré et qui m'adoucit quelque peu : elle ne restait pas crampée sur ses positions. Ses opinions étaient en train de vaciller, et peut-être que si je lui laissais le temps de la réflexion, elle basculerait dans le vrai. Je laissai retomber La Gazette, oscillant entre révolte sourde et épuisement. J'espérais de tout mon cœur qu'Emily et Miles emprunteraient ce cheminement. J'ignorais totalement si je pouvais rester patiente avec ce qui venait de se dérouler sous le nez du Ministère. Nous restâmes un moment plongées dans un silence lourd et pesant, jusqu'à qu'Octavia ne le rompe du bout des lèvres :
-Est-ce que tu as vu qui s'était échappé ?
Je la lorgnai avec défiance : elle se mordait la lèvre, comme nerveuse et ses ongles parfaitement entretenus pianotaient sur le grimoire posé à côté d'elle.
-Je n'ai pas détaillé, je suis née-moldue, ça ne me dit rien ...
-Les Mangemorts peut-être mais pas les victimes, fit valoir Octavia avec une surprenante douceur. Tiens, regarde plus attentivement.
Elle me retourna le journal pour que je puisse l'examiner à mon aise et je m'exécutai avec un soupire. La femme avait torturé un couple d'Aurors, les Londubat, jusqu'à entrainer une « incapacité permanente » sur eux, de même que son mari et son beau-frère. Un homme au visage grêlé avait communiqué des secrets du Ministère à Voldemort. Un homme qui avait me contemplait l'air sarcastique avait tué de façon brutal Fabian et Gideon Prewett. Visiblement irritée de me voir chercher sans trouver, Octavia finit par pointer une photo d'un sorcier qui gardait les vestiges d'une certaine élégance qu'Azkaban lui avait ravi : ses cheveux sombres encadraient un visage aux traits fins et une barbe peu entretenue masquait le bas de son visage. Il était appuyé contre son cadre et était l'un des rares qui ne me regardaient pas : ses yeux étaient levés en l'air, et la commissure de ses lèvres légèrement relevée, comme s'il prenait un malin plaisir à m'ignorer. Je finis par détacher mon regard de son visage pour lire la légende qui accompagnait sa photo. Un cri resta bloqué dans ma gorge :
« Robert Jugson, condamné pour les meurtres particulièrement ignobles d'Edgar et Cassiopée Bones et de leurs deux fils ».
« Je garderais un œil sur le petit Bones ».
Seigneur, oui. Et plutôt les deux yeux.
***
Octavia m'avait charitablement laissé son journal et nous avions préférés remettre notre séance au lendemain : les esprits étaient trop échauffés et il fallait absolument que je mette la main sur Simon.
Si j'étais révoltée et en colère, alors dans quel état serait-il lorsqu'il verrait que le meurtrier de ses cousins était en liberté ?
Le visage d'Edgar Bones et son sourire bienveillant et ceux de ses fils, si jeune, deux fleurs coupées avant l'éclosion, dansèrent dans mon esprit alors que je parcourais le château, La Gazette pressée contre ma poitrine. Il ne fut pas difficile à trouver : il travaillait dans la Salle Commune, histoire de s'avancer avant le dîner, avec Emily qui lisait un épais grimoire de métamorphose dans son fauteuil. Je jetai un regard déboussolé à mon amie, incapable de prévoir la réaction qu'elle aurait face à ma nouvelle, et Simon finit par lever des yeux intrigués sur moi. Je ne m'étais pas rendue compte que j'étais restée plantée devant eux, incapable de bouger, les doigts crispés sur le journal, sans décrocher le moindre mot.
-Ça ne va pas ? s'inquiéta Simon devant mon mutisme.
-Pas vraiment, avouai-je d'une petite voix.
Je lorgnai une fois de plus Emily, qui avait froncé les sourcils. Elle finirait bien par être au courant, mais j'avais peur de sa réaction – et ce qu'elle pourrait provoquer sur Simon. J'aurais préféré le voir seul à seule. Faute de quoi, je fus forcée de lui tendre La Gazette, un goût amer dans la gorge. Simon la saisit, visiblement perplexe et l'étala par-dessus les parchemins qui jonchait la table. Presque aussi tôt, ses yeux s'arrondirent sous le choc et il blêmit sous ses tâches de rousseurs.
-Bon sang, c'est quoi ça ?
-Ça quoi ? s'enquit Emily en glissant à terre pour lire par-dessus son épaule.
Simon ne répondit pas, le souffle coupé par l'horreur. Il se contentait de parcourir l'article des yeux, ses lèvres remuants sans qu'aucun son n'en sorte. Puis une étincelle s'enflamma dans ses iris, provoquant un feu qui embrasa son regard et me fit comprendre qu'il avait parfaitement vu qui s'était échappé. Son poing se serra si fort que ses jointures blanchirent et il repoussa sèchement le journal, malgré Emily qui n'avait toujours pas fini sa lecture.
-Hey ! protesta-t-elle.
Mais Simon ne l'écoutait pas : il s'était dressé sur ses pieds, et avait passé ses deux mains dans ses cheveux, les nouant à l'arrière de son crâne comme si cela pouvait le calmer. Malgré tout je percevais le tressautement de ses doigts et sa silhouette tremblait de colère contenue. Je me précipitai vers lui et mis une main que j'espérais apaisante sur son bras. Mais avant que je ne puisse trouver la moindre parole tranquillisante à lui prodiguer, Emily sortait de sa torpeur pour souffler :
-Dix Mangemorts ... Par le caleçon de Merlin, mais qu'est-ce qu'ils ont foutus ... ?
Nous baissâmes les yeux sur elle en un parfait ensemble qu'elle dût sentir, car elle leva sur nous un regard qui se fit presque craintif. Elle avait parfaitement identifié le nom qui nous brûlait les lèvres et en lequel elle refusait totalement de croire : il flotta entre nous, prenant chaque seconde plus d'épaisseur et rendant l'atmosphère suffoquante. Je posais une main sur ma poitrine où la révolte sourde grondait et emballai mon cœur, comme pour m'inciter à l'explosion, mais je n'avais pas le loisir d'exploser. Car j'avais une bombe à retardement à mes côtés dont les dégâts seraient bien plus dévastateurs que les miens.
-Qu'est-ce qu'ils ont foutus ? répéta Simon d'une voix blanche. C'est une vraie question ?
Emily ne pipa mot, se contentant de nous contempler tout à tour, les yeux écarquillés. Finalement, elle finit par bredouiller qu'elle allait manger et disparut prestement, courant presque jusque la sortie, sous le regard éberlué des plus jeunes. Etrangement soulagée qu'elle se soit éloignée d'elle-même, je me laissai aller sur le fauteuil, passablement lasse.
-Mais quel bordel ...
Simon ne répondit rien. Il resta silencieux, les mains toujours nouées dans ses cheveux, la mâchoire contractée. Un muscle tressautait nerveusement sur sa joue.
-Ça peut avoir des bienfaits, fis-je remarquer d'une petite voix. Les explications du Ministère sont lacunaires ... Ils mettent tout sur le dos de Sirius Black ... Je veux bien qu'il soit puissant et dangereux, mais de là à échapper à une bande entière de Détraqueurs ... Des gens vont commencer à s'interroger.
Encore fois, je ne reçus aucune réponse. Il resta coin et immobile de longue minute, le regard perdu dans le vide, avant de lâcher du bout des lèvres :
-Je ... je vais voir Susie. A plus.
Sans me laisser le temps de protester, il s'élança vers le dortoir des filles et disparut brusquement. Je restai dans le fauteuil, hébétée et énervée, la tête pleine de la nouvelle tempête qui s'abattait sur nous. Pour semer le chaos.
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