I - Chapitre 24 : Alea jacta est

Bonjour Bonjour ! 

Je poste aujourd'hui parce que demain je sors (et que je serais occupée à vibrer devant la dernière étape de montagne du Tour de France, oui même le vélo j'adore (j'ai pris une photo avec Sagan à Toulouse <3 je suis tellement fière que je le dis partout pardon)) 

On arrive doucement mais surement vers la fin de la première partie ! Alors préparez-vous psychologiquement ahah ! Bonne lecture ! 


Chapitre 24 : Alea jacta est*.

Etrangement, cette journée cauchemardesque était ce qu'il me fallait pour commencer sereinement mes examens. La crise de larme dans les bras de Cédric m'avait purgé de toute la tension et des non-dits, et même si depuis nos rapports étaient étrangement cordiaux, ils n'y avaient rien de la froideur que je craignais. Emily et Miles avaient passés le week-end à achever de me préparer, et même Simon et Cédric y apportaient leur contribution – ce dernier prétendait que ça l'aidait à se distraire de la troisième tâche. Je croisais régulièrement Chourave, et si la plupart du temps elle se contentait de me sourire, j'étais presque persuadée qu'elle veillait sur moi. De la même manière, il était difficile de me défaire de Miles, ou de l'un de mes amis. Mais je ne m'en plaignais pas : les heures que je passais le soir dans mon lit, quand tous étaient endormis, suffisaient à ma solitude.

Les examens arrivèrent bien trop vite à mon goût, et je fus trop occupée à les réussir pour songer à quoique soit d'autres. Si l'Histoire de la Magie et les runes anciennes furent une formalité, j'avais eu des difficultés pendant la pratique de métamorphose, et à la fin de l'examen de Défense contre les Forces du mal, j'avais été prête à enfoncer ma baguette dans le nez déformé de Maugrey.

La semaine s'acheva sur l'examen de Botanique, l'un de ceux qui m'angoissaient le moins. Ce fut donc apaisée et souriante que je me servis mon bol de chocolat. Sa chaleur se diffusa sur ma peau et je passai un soupir de bien être.

-Je ne sais pas ce que ça a donné, conclus-je alors que Susan me jetait un regard interloqué. Mais c'est fini.

-Parle pour toi, il me reste l'Histoire de la magie, marmonna Susan en touillant négligemment son thé. On échange nos places ?

-Nop.

Elle me gratifia d'un regard ennuyé. Son Histoire de la magiede Bathilda Tourdesac était ouvert à côté de tasse, et elle s'y plongea, les sourcils froncés. Simon avança la main pour fermer son livre d'un geste sec.

-Hey ! protesta Susan, fusillant son frère du regard.

-Les révisions de dernière minute, ça ne sert à rien !

-Hier matin tu révisais ton vocabulaire de rune, lui rappelai-je en dressant un sourcil. Et je t'ai interrogé jusqu'à ce qu'on entre dans la salle !

-La main dans le sac, s'esclaffa Emily en tapotant l'épaule de Simon. On ferait bien de se dépêcher si on veut être à l'heure à la serre ...

-Attends, je veux le courrier avant !

Les hiboux et chouettes s'engouffrèrent dans la grande Salle un instant plus tard, et Ogma, le hibou des Bones, se posa sur le livre de Susan, lacérant une partie des pages de ses serres. Susan poussa un gémissement en détachant les lettres de sa patte. Ogma repartit aussitôt, ne laissant derrière lui qu'une page déchirée que Susan contempla avec dépit.

-Stupide hibou.

-Ce n'est pas la fin du monde, la rassura Simon en donnant un coup de baguette sur le livre, qui répara la page abîmée par Ogma. Tu aurais une noise ? Il m'en manque une pour La Gazette.

Susan fouilla son sac pour lui fournir la pièce, et Simon put, comme tout les matins, étaler l'exemplaire de La Gazettedevant lui. Il faillit s'étouffer dans la gorgée de café qu'il venait de prendre.

-Qu'est-ce qu'il y a ? m'inquiétai-je en remarquant que ses yeux s'étaient écarquillés. Un problème .. ?

-Non, répondit-t-il immédiatement. Non, non, c'est ... La harpie.

-Ouf, se rassura Susan en se détendant.

Nous échangeâmes un regard nerveux. Chaque matin, nous craignions de voir un nouveau signe qui serait relié à Tu-Sais-Qui dans La Gazette, et jusque là le journal des sorciers ne nous avait alerté en rien. Il n'y faisait même plus la moindre allusion à Croupton – mais d'après Rose Bones, le ministère préférait garder cette affaire secrète. Combien d'autres affaires La Gazette passait-elle sous silence ?

-Et qu'est-ce qu'elle dit cette fois, Skeeter ? s'enquit Emily, insensible à l'émoi qui nous avait pris, Susan et moi. Hermione et Harry ont rompu ?

-C'est sur Harry, admit Simon, qui lisait l'article avec attention. Et c'est ... bon sang, c'est troublant.

Susan fronça les sourcils, et tendit la main pour réclamer le journal. Je lus par dessus son épaule l'article qui était titré Harry Potter « Perturbé et dangereux ».Si la moitié du temps, les hypothèses selon lesquelles le sort qu'avait jeté Tu-Sais-Qui à Harry lui avait en partie grillé le cerveau et que son comportement en pâtissait paraissait fantaisistes, les informations sur la douleur de ladite cicatrice et la pratique du Fourchelang m'embarrassèrent quelque peu. Susan avait pincé des lèvres.

-Il a vraiment quitté son cours de Divination parce que sa cicatrice lui faisait mal ? s'étonna Emily.

-Moins fort ! lui enjoignis-je en jetant un regard derrière moi, à la table des Gryffondor.

Mais Harry déjeunait plus loin avec Ron et Hermione. Je ne pus m'empêcher de constater qu'eux aussi lisaient La Gazette, mais Harry la replia avec indifférence.

-Je ne fais pas divination, rappela Susan. Mais ... Elizabeth, si, et elle a effectivement dit que Harry avait quitté précipitamment le cours lundi dernier, à cause de sa cicatrice.

-Sérieusement ?

-Oh Em', s'il te plait, râla Simon en repliant sèchement La Gazette. C'est de la Divination, moi aussi j'utiliserais la moindre excuse pour pouvoir détaler de ce cours.

-Sans compter qu'à part ça et le Fourchelang, le reste est absurde, poursuivit Susan. Enfin, ça fait quatre ans que je côtoie Harry, et même si je ne lui ai jamais franchement parlé, rien dans son comportement ne m'a donné l'impression qu'il était déséquilibré. Au contraire, pour un garçon qui a vécu de tels drames je trouve qu'il s'en sort remarquablement bien. Se baser sur les dires de Drago Malefoy, en plus ! Ça montre le manque de professionnalisme de Skeeter, elle devrait savoir que Harry et Malefoy se détestent et que son témoignage serait biaisé.

Emily parut lui accorder ce point, sans être totalement convaincue. Elle lorgnait du côté de Harry, suspicieuse, si bien que je dus la rappeler à l'ordre d'un claquement de doigt sous son nez.

-Arrête, tu deviens gênante !

-Parlons d'autre chose, maintenant, nous chuchota précipitamment Simon. Cédric arrive ...

Effectivement, notre champion venait de passer les doubles portes de la Grande Salle. Il adressa un signe de main aux filles de Serdaigles qui lui souhaitaient bonne chance pour ce soir, avant de nous rejoindre au pas de course pour éviter Ernie Macmillan qui le fixait, le regard brillant.

-Jour J, se réjouit Erwin, qui s'était approché de nous dès que Cédric s'était installé. Comment tu te sens ?

-Je crois que ça va, évalua Cédric – et cela avait l'air véridique. J'ai fait une bonne nuit, je n'ai presque pas cogité hier soir, et j'ai une faim de loup.

-Ce qui est un très bon signe, approuva Emily en prenant son assiette. Du bacon, des pommes-de-terre, la totale ?

-On va devoir t'abandonner assez tôt, m'excusai-je avec un sourire. Mais on doit aller jusqu'aux serres et si on ne veut pas arriver trop tard ...

Mais Cédric balaya mes excuses d'un geste de la main, la bouche pleine du morceau de toast qu'il venait de croquer. Simon lui donna une tape dans le dos en se levant.

-Mais on te laisse entre les mains de Susan. Tu l'aideras à réviser son Histoire de la Magie ...

-Je veux bien, mais j'ai tout oublié.

-Honte à toi Cédric Diggory, répliquai-je en attrapant mon sac.

En réalité, c'était un ancien sac d'Emily qu'elle me prêtait jusque la fin de l'année. Mes amis m'avaient également fournis plumes, encre et parchemin, et Cédric m'avait prêté tout ses manuels pour les révisions – lui qui était exempté d'examen. Il avait passé les épreuves dans le fond de la salle, à relire ses propres sortilèges, et Flitwick lui avait même proposé d'aller s'entrainer dans une salle adjacente. Chourave quant à elle l'avait d'ors et déjà prévenu qu'elle ne l'attendait pas le vendredi matin : qu'il se repose, qu'il s'entraine, peu importait, mais il ne servait à rien qu'il perde son temps dans sa serre le matin de la troisième tâche. Ce fut ainsi que nous abandonnâmes notre ami, qui ne parut pas traumatisé puisqu'il se pencha sur les révisions de Susan avec un sourire.

-Le pire c'est que ça a l'air vraiment d'aller, remarqua Emily alors qu'on s'engageait dans le parc ensoleillé par le mois de juin. Contrairement à sa copine, j'ai l'impression que Cho allait vomir dans son bol. Les BUSEs doivent la rendre malade.

-Vivement ce soir, marmonnai-je tout de même. Que ce soit définitivement terminé ... Et que je rentre à la maison profiter de ma majorité.

-Oh pitié, gémit Simon. Je crois que je vais aller passer un mois en vacance dans notre maison de France ...

-Vous avez une maison en France ? Et pourquoi je n'ai jamais été invitée ? Dis-moi qu'elle est sur la côte d'Azur – j'ai toujours rêvé d'aller me baigner dans la Méditerranée !

Simon leva les yeux au ciel devant l'enthousiasme exagéré d'Emily. Alors que nous arrivions vers la serre numéro 3 où devait se dérouler notre examen, je jetai un coup d'œil par dessus mon épaule et mon regard effleura les gradins de Quidditch, presque masqué par une immense haie que l'on avait vue poussé à mesure que le mois avançait. Un mur gigantesque de végétation, qui malgré le soleil qui le frappait me paraissait sombre et inquiétante. Une main se posa sur ma taille, et je sursautai en levant les yeux sur Miles. Je ne m'étais même pas rendue compte que je m'étais immobilisée.

-Allez, viens, me murmura-t-il avant de m'embrasser sur le sommet du crâne. N'y pense pas maintenant.

-Au moins ce soir ce sera fini.

Miles eut un vague sourire, et sa main remonta pour me caresser doucement le bras. Il pressa ses lèvres contre ma tempe, comme pour m'insuffler du courage.

-Oui. Ce sera fini.

***

-C'était très bien, Bennett.

-Merci professeur.

-Et j'ai vu le professeur Flitwick, il m'a dit que votre sortilège d'Aguamenti était très réussi. Il a été réellement satisfait de vos efforts, je pense que vous aurez une bonne note en Sortilège ...

La tirade du professeur Chourave me rassura quelque peu – je n'avais pas su quoi penser de ma performance en Sortilège. Les examens avaient officiellement pris fin, et notre Directrice de Maison remontait avec nous vers le château pour le déjeuner. Elle gambadait au milieu de ses élèves, posant sur chacun d'entre nous un sourire maternel, le regard pétillant. Peu de chose, pas même la perspective de l'ultime tâche, pouvait entamer la bonne humeur de Pomona Chourave.

-Et Minerva – enfin, le professeur McGonagall – a été bluffé par vos sortilèges d'apparition Fawley, ajouta-t-elle à l'adresse d'Emily. Je pense qu'elle voudrait vous touchez un mot concernant votre volonté d'entrer au Ministère après vos études, elle saura mieux vous conseiller que moi à ce sujet ...

-Vous allez soutenir Cédric ce soir professeur ? s'enquit Mathilda avec un doux sourire.

-Enfin, Bale, la rabroua gentiment Chourave. Nous devons soutenir Poudlard, pas simplement Cédric, c'est l'honneur de l'école qui est en jeu ...

Mathilda rougit, presque honteuse, et avança de quelques mètres pour rejoindre Erwin, laissant Chourave avec Emily et moi. Simon s'était dépêché de sortir une fois l'examen terminé. La professeure se pencha sur nous, sur l'air de la confidence.

-Je ne préfère pas le crier sur tout les toits, mais évidemment que je soutiendrais Cédric ce soir. Vous lui transmettrez le message ?

-Comptez sur nous ! promit Emily dans un éclat de rire.

Elle jeta un coup d'œil derrière elle, et accéléra rapidement à son tour. Chourave et moi suivîmes son regard et vîmes Roger Davies remonter juste derrière nous, et nous dépasser, les yeux rivés sur un questionnaire d'examen d'Arithmancie, me semblait-il. A ma plus grande surprise, Chourave se mit à pouffer quand ses oreilles furent hors de portée.

-A les jeunes. J'adore suivre vos histoires, c'est tout bonnement fascinant.

-Vous faites des paris dans la Salle des professeurs ? plaisantai-je.

Chourave se contenta de lever les yeux au ciel et de siffloter doucement, ce qui en soit me donna ma réponse. Deux élèves de Serpentard nous dépassèrent, et une fois qu'ils furent à distance raisonnable, ma directrice de Maison se rapprocha de moi.

-Comment vous allez, Bennett ? Depuis notre conversation de la semaine dernière ?

-Ça va encore, la rassurai-je. Les examens n'ont pas l'air d'être la catastrophe que j'attendais, et je n'ai eu aucune alerte depuis ...

-Tant mieux, tant mieux ... Ne vous tracassez plus pour vos examens, les dés sont jetés à présent.

Elle serra brièvement mon épaule. Cette fois, toute trace de bonhomie avait déserté son visage.

-Mais pour l'autre partie ... restez prudente, Bennett. Ce soir, tout les yeux seront braqués sur la troisième tâche, il ne faut pas que ce soit le cas des votre.

-Vigilance constante ? citai-je avec l'ombre d'un sourire.

Le professeur Chourave pinça les lèvres, avant de pousser un soupir :

-Hey bien, le professeur Maugrey vous aura au moins appris ça.

J'essuyai un petit rire, et le trajet se fit silencieusement jusqu'à la Grande Salle. Une atmosphère de joyeuse attente y régnait, maintenant que les examens étaient finis. Les cinquièmes et septièmes années avaient l'air plus soulagés que les autres : ils avaient eu à subir l'épreuve des BUSEs et des ASPICs. Maintenant, seule comptait la tâche qui se profilait ce soir, et même les principaux intéressés semblaient s'en désintéresser totalement. Avec stupeur, je constatai qu'il y avait des visages inconnus – et plus âgés que les élèves – dans la foule. Harry était entouré de l'ensemble des Weasley – y compris un frère plus âgé, et celle que je reconnus comme étant la mère de Fred et George, pour l'avoir vu plusieurs fois sur le quai de gare à houspiller ses fils. De la même façon, Fleur Delacour semblait manger aux côtés de ses parents à la table de Serdaigle, et quand mon regard se porta sur notre table, Cédric souriait à une femme brune – aussi brune que lui. A côté, Simon serrait la main d'un homme plus petit que Cédric, mais qui possédait les mêmes yeux gris et vifs. Le visage de Chourave se fendit d'un sourire.

-Ah, Dumbledore m'avait prévenu !

Et elle s'avança joyeusement entre les tables de Gryffondor et Poufsouffle, s'écriant avec un sourire affable « Mr et Mrs Diggory ! ». Je restai plantée au bout de notre table, hébétée, ne sachant si je devais comme Emily aller saluer les parents de Cédric, ou si je devais plutôt aller me cacher quelque part avec Miles. Finalement, alors que j'amorçai un pas vers la sortie, la voix de Cédric m'interpella, me coupa net dans mon élan.

-Vic' ! Vic', viens !

Je fis volte-face pour voir Cédric courir vers moi, un immense sourire aux lèvres. Non, décidemment, rien sur son visage n'indiquait qu'il allait entrer dans un labyrinthe à la dangerosité inconnue le soir même. Il me prit par les épaules pour m'emmener vers l'endroit où il déjeunait avec ses parents.

-Alors, la Botanique ? s'enquit-t-il joyeusement. Ça a été ?

-Je pense que oui ...

-Je n'en doute pas, tu as toujours été bonne en Botanique ! Viens, il faut que je te présente mes parents ! Nos familles ont le droit de nous visiter pour la dernière tâche ...

Sa bonne humeur était si communicative que j'en souris, partageant son allégresse. Ce fut sans doute grâce à la chaleur que me partageait son sourire que je fus à peine embarrassée de me trouver devant sa mère, devant laquelle me planta Cédric.

-Maman, je te présente Victoria !

La mère de Cédric se retourna, et baissa ses yeux noisettes sur moi. C'était une très belle femme, au nez droit et aux pommettes hautes, et dont les épais cheveux bruns retombaient gracieusement sur ses épaules. Je lui trouvais une ressemblance frappante avec son fils, qui s'accentua lorsqu'elle me sourit avec gentillesse.

-Bien sûr, Victoria ! (elle me serra chaleureusement la main) Cédric m'a si souvent parlé de toi, je suis ravie de pouvoir enfin mettre un visage sur un nom. Comment tu vas ?

-Très bien, Mrs. Diggory.

-Flavia, rectifia-t-elle. Appelle-moi Flavia, je t'en prie.

-Et mon père, poursuivit Cédric en me dirigeant vers un homme plus petit que lui – et un peu plus gras – qui me serra vigoureusement la main.

-La petite gardienne, reconnut Amos Diggory, un grand sourire aux lèvres. Oui, Cédric nous a parlé de toi, il paraît que Viktor Krum t'a proposé un poste ? C'est ça Ced ?

Je fusillai mon ami du regard, alors que Simon se cachait dans son jus de citrouille pour étouffer son rire. Les joues pâles de Cédric se colorèrent vivement, et il fit vaguement un geste pour que son père se taise. Un air d'incompréhension qui fut plus comique qu'autre chose se peignit sur le visage d'Amos, et ce fut sa femme qui, avec un regard agacé, se chargea de dénouer la situation en s'exclamant :

-Par Merlin, les elfes se surpassent cette année ! C'est à cause des délégations ?

-Grâce aux délégations, je dirais, embrayai-je en m'installant à table. On a même parfois le droit aux viennoiseries françaises au petit-déjeuner.

-Et à de la bouillabaisse aussi, enchérit Emily en fronçant du nez.

Flavia Diggory nous jeta un regard reconnaissant, et s'assit à mes côtés. Le reste suivi, et j'eus alors un aperçu de ce que pouvait être un repas dans la famille de Cédric. En réalité, Amos monopolisait beaucoup la parole : il déblatérait sur les problèmes ministériels, faisaient quelques remarques sur les résultats de Quidditch, et ponctuait régulièrement chacune de ses remarques d'un « pas vrai Ced ? ». Cédric répondait généralement par un sourire poli, et attendait que son père se détourne avant de me toiser d'un air entendu, comme pour dire « tu comprends maintenant ? ». Flavia était bien plus silencieuse, mais un silence qui était pour moi lourd de sens : ses yeux étaient mobiles, et quand on regardait attentivement, son visage s'animait en fonction de ce qu'elle entendait. Chaque fois que son mari interpelait son fils, un pli mécontent se formait discrètement au coin de sa bouche, et ses sourcils se froncèrent légèrement quand Erwin commença à s'enthousiasmer pour la tâche du soir. Tout en elle était expression, quand on savait comment regarder.

-Ah et j'ai vu ton père hier, Simon, dit Amos en lui donnant une tape dans le dos si puissante qu'elle l'envoya valser contre la table, et recracher une partie de ses pommes-de-terre. Il m'a demandé de te passer le bonjour.

-Vous lui direz que j'ai failli mourir étouffer par un morceau de patate, haleta Simon après avoir fait passer ladite patate d'une gorgée de jus de citrouille.

-Il faudra que je parle à ce morceau de patate pour lui demander comment il a fait.

Amos me jeta un drôle de regard, mais Emily fut secouée d'un fou rire qui l'obligea à lâcher ses couverts et à s'écrouler contre Cédric, la main plaquée contre sa bouche. Simon plissa les paupières, mais un fin sourire ourla ses lèvres.

-Tu as un mois pour me torturer, et la seule chose que tu aies trouvée c'est que je meurs étouffé par un morceau de pomme-de-terre ?

-Failli mourir, rectifiai-je d'un ton badin. Après je te réanimerais et je te ferais subir encore plus de torture. Au fait, maintenant je pourrais colorer tes cheveux en vert, mais en le faisant exprès cette fois, fantastique non ?

-Tu aurais dû m'inviter en France, chantonna doucement Emily.

-Je ne sais pas ce qui est le pire, hésita Simon, l'air songeur. Les tortures de Vic', ou un mois complet enfermé dans une maison avec Emily ?

Cette dernière lui flanqua un insistant coup de coude, la mine presque vexée. Cette fois, la commissure des lèvres de Flavia était relevée, appréciatrice. En revanche, pendant notre joute verbale, le regard d'Amos s'était porté sur la table d'à côté, et je le suivis jusqu'à l'attroupement de Weasley qui s'était fait autour de Harry Potter.

-C'est vraiment sympa aux Weasley d'être venu pour Harry, commenta Emily avec une certaine prudence. C'est vrai que le pauvre, pour le coup il n'a pas franchement de famille ...

-Il a l'appuis des médias, ça devrait lui suffire, répliqua sèchement Amos.

-Papa ...

-Quoi ? Tu as lu comme moi l'article du début d'année ! En plus il paraîtrait que ce garçon serait ... (il baissa la voix après un regard suspicieux pour les Weasley) perturbé. C'était dans le journal ce matin ...

-Et c'était surtout écrit par Rita Skeeter.

Susan venait d'apparaître derrière nous, le regard aussi flamboyant que ses cheveux. Elle fixait le père de Cédric avec une certaine réserve.

-Elle a aussi dit de mon père qu'il ressemblait à une limace avec un bâton, ajouta-t-elle avec une certaine vergue. Je ne l'ai pas crue ce jour là, je ne la crois pas d'avantage aujourd'hui.

Simon fixait sa sœur d'un œil brillant, un sourire fier aux lèvres qu'il tentait de masquer au père de Cédric. Celui-ci donnait l'impression d'avoir avalé une couleuvre contraint et forcé, avant de se redresser de toute sa hauteur.

-La Gazetteest un journal très sérieux, jamais ils ne laisseraient jamais Rita Skeeter publier ...

-Simon, ton père m'a dit que tu viendrais sans doute le rejoindre au Mangenmagot après tes études ? s'enquit Flavia avec un sourire qui était clairement de façade.

Mais Simon jeta un regard équivoque à la mère de Cédric, regard qui disait clairement qu'il n'avait pas plus envie que moi de discuter de son avenir. Par désespoir de cause, elle se tourna vers Emily :

-Et toi au département des mystères ? Amos connaît une Langue-de-plomb, tu pourrais venir à la maison cet été pour le rencontrer ...

-Ce serait avec plaisir, Flavia, accepta Emily, un peu trop précipitamment. Mais il faut que je parle au professeur McGonagall avant, je ne suis pas tout à fait sûre d'avoir le bon niveau en métamorphose ...

-Alors, l'Histoire de la Magie ? m'enquis-je à l'adresse de Susan. Ça a été ?

-Il me manquait quelques dates, mais globalement, je pense que ça devrait passer ... Par les chaussettes de Merlin, cache-moi !

Elle se retrancha derrière moi, courbant l'échine pour appuyer son front contre mon épaule, ses mains crispées sur mon bras. Je lançai un bref coup d'œil dans la direction crainte par Susan pour constater que le frère d'Emily, Sullivan, fouillait la table du regard, les yeux pleins d'espoir. Réprimant un éclat de rire, je caressai la tête rousse de mon amie.

-Ne t'inquiète pas, il ne risquera pas venir te chercher là.

-Je n'en peux plus. Je suis à deux doigts de céder à l'appel de ma baguette.

-Oh, ne te prive pas, intervint Emily en dressant un sourcil.

Elle semblait avoir compris d'un regard de quoi il en retournait et toisai son frère d'un air peu appréciateur.

-Sulli ne sait pas lâcher la situation, quand bien même elle serait désespérée. Si ça peut lui donner une leçon ...

-Quelle situation ? réagit Simon.

Susan se masqua encore d'avantage derrière moi, mais cette fois pour se soustraire au regard de son frère. Simon plissa une nouvelle fois les yeux, ne parut pas vouloir insister, se contentant d'enfourner une autre bouchée de pomme-de-terre. Néanmoins, je ne pus m'empêcher de remarquer que son regard glissait régulièrement vers Sullivan Fawley, et j'étais presque certaine de pouvoir lire dans ses traits les maléfices qu'il songeait à lui envoyer pour ainsi importuner sa sœur.

Le repas s'acheva bien plus sereinement qu'il n'avait commencé. Cédric partit faire le tour du château avec ses parents, nous laissant Emily, Simon et moi sur un banc, avec en ligne de mir les immenses haies qui paraissaient chatouiller les cieux.

-Je l'ai vu allez chez Hagrid, hier, commenta Emily sans détacher son regard du labyrinthe. Je pense qu'il est allé sonder les fameux Scout à têtard.

-Je ne suis pas certain que ça se dise comme ça, mais soit. Et de ce que j'ai pu subir, il maîtrise parfaitement les maléfices élémentaires et mêmes quelques sortilèges additionnels fort utiles.

-Alors on n'a aucune raison de s'inquiéter ?

Emily me jeta un regard de biais, où brillait une certaine appréhension.

-Je suppose que non. Mais bon, on est ses amis. On s'inquiétera quand même.

-Et vous ne serez pas les seuls.

Cho venait d'arriver derrière nous, et s'assit lourdement à côté de moi. Ses cheveux noirs de corbeau étaient ramenés en une queue-de-cheval, et elle avait une tâche d'encre sur sa joue. Quand Emily le lui fit remarquer avec une pointe de satisfaction sadique que seule moi perçue, un sourire confus s'étala sur ses lèvres et elle essuya passivement l'encre.

-Désolée. J'avais mon examen d'Arithmancie ce matin, je n'ai pas très bien fait attention ...

-Alors les BUSEs ? demandai-je poliment. Une formalité ?

-On verra quand les résultats arriveront ... Où est Cédric ?

-Parti vadrouiller avec ses parents.

Toute la belle couleur que le soleil pouvait donner au visage de Cho le déserta.

-Ses parents ? répéta-t-elle en une voix qui tenait plus du couinement.

-Et prépare ton plus joli sourire, parce que les voilà ! s'exclama joyeusement Emily en pointant les arcades qui brodaient le parc.

Cédric venait d'en émerger avec ses parents. Le sourire d'Emily était presque féroce et la rappelai à l'ordre d'un regard. Simon se dressa sur ses pieds, nous prenant chacune par le bras pour nous inciter à faire de même.

-Et il n'a pas besoin de voir ça tout de suite, ajouta-t-il avec un regard mauvais pour le labyrinthe. On ferait bien de ...

-D'aller leur montrer le saule cogneur, poursuivis-je en accélérant le pas pour nous éloigner du terrain de Quidditch. Qu'est-ce que tu en dis, Cédric ?

Mon ami me gratifia d'un regard surpris, nous qui nous précipitions presque sur lui en s'efforçant de paraître enjoués.

-Quoi ?

-Le saule cogneur ! Chourave nous a dit qu'il avait été planté il y a une vingtaine d'année, je ne suis pas sûre que vous ...

-Oh, il a été planté lors de notre dernière année d'étude, se souvint Flavia avec un immense sourire. Mais ça me ferait plaisir de le revoir, en effet.

-Le jeu quand on l'a découvert, c'était de s'avancer le plus près possible sans se faire envoyer dans le décors, renchérit Amos. Qu'est-ce que nous étions idiot, tu imagines, Ced ? George n'arrêtait pas de nous le dire – ton père, Simon, le prudent du groupe. Les Bones ont toujours été d'une prudence excessive, tu ne trouves pas, Ced ?

Simon et Cédric échangèrent un regard, et je lisais dans les yeux de Simon que si son ami osait répondre par l'affirmative, il ne serait plus en état de concourir ce soir. Les yeux de Flavia brillèrent de nostalgie.

-Oh non, pas tout les Bones. George et Amelia peut-être, mais je me souviens d'Edgar ... Un homme droit et juste, mais il avait un côté tête brûlée. Un jour où j'avais bousculé McGonagall alors qu'elle portait des tonnes de parchemin ... Par Merlin, tu l'aurais entendu hurler, tout le monde se serait caché dans un petit trou pour éviter de se retrouver devant elle ! Mais Edgar est venu se planter devant elle et me défendre ... Je ne suis pas sûre que ça puisse être qualifié de « prudence excessive ».

-Tête brûlée ... Le pire c'était sa femme. Cathy ? Une sacrée bonne femme.

-Cassie.

Le nom était d'une voix morte, pas plus haute qu'un murmure. Inquiète, je me tournais vers Simon. Son pas avait ralenti, et son regard s'était figé, fixant le paysage d'un œil vitreux. Laissant partir le groupe qui se précipita vers le saule cogneur, je m'approchai de lui et touchai doucement son bras. Un tic nerveux agita sa joue.

-Elle s'appelait Cassie – Cassiopée, marmonna-t-il en frottant son nez. Et je ne sais même pas pourquoi je dis ça.

-Parce que c'est important, soufflai-je en frottant son bras. C'était ta tante, quand même.

-Oui enfin ... j'avais trois ans quand ils sont morts.

-Ça ne change rien aux liens du sang. A l'importance qu'ils peuvent avoir dans ton esprit.

Les lèvres de Simon se pincèrent en une grimace de dépit. Je savais que la mémoire du frère de George, décédé avec sa famille peu avant la fin de la guerre, était encore très vive dans la famille. Un grand portrait des trois enfants Bones – Edgar, Amelia et George – trônait au dessus de leur cheminé, et une photo des deux garçons du couple était également visible, à côté de celle des enfants de George et Rose. Simon passa une main dans ses épis.

-Ouais. Bah ... évitons de parler des morts aujourd'hui.

Il me dépassa souplement, les mains enfoncées dans ses poches. Cédric avait profité du trajet pour présenter Cho à ses parents. La pauvre avait piqué un véritable fard, et gardait les joues d'un rose soutenu alors qu'Amos s'extasiait devant le saule cogneur. Flavia avait dû se rendre compte du malaise de Simon, car elle n'évoqua plus la fratrie Bones, et passa le reste de l'après-midi à discuter avec Cho, la commissure des lèvres légèrement relevée mais le regard alerte. J'avais fini par m'asseoir seule en tailleur sur un banc. Emily et Simon s'amusaient à colorer les feuilles d'un peuplier, et Cho profita que la mère de Cédric rejoigne son mari pour se mêler au jeu. Cédric trottina vers moi, avec la mine de quelqu'un qui voulait s'échapper.

-Ça se passe plutôt bien, commentai-je quand il s'assit près de moi.

-Très bien, oui. Mon père n'arrête pas de tailler Harry quand il le peut, ma mère cuisine Cho sur absolument toute les coutures – et Emily a l'air de beaucoup s'en amuser – et mes parents sans délicatesses parlent sans vergogne de l'oncle et de la tante morts de Simon. Tout va bien.

-C'est bien ce que j'ai dit.

Cédric coula sur moi un regard de biais, et un sourire effleura ses lèvres malgré lui. J'avais retiré ma médaille de baptême et je jouai avec pour tromper la nervosité. Il était dix-huit heure : il serait bientôt temps d'aller dîner. La dernière étape avant la troisième tâche. Les cliquetis de ma chaine parurent intriguer Cédric, qui me la prit doucement des mains pour inspecter la médaille. Son sourire se fit plus franc.

-Saint George ?

-Lui-même en personne. Je suis en train de lui demander de terrasser les dragons qu'il y aura dans le labyrinthe, comme ça ce sera plus facile.

-Demande-lui plutôt de terrasser les Scrouts. J'ai été les voir hier ... Je ne sais ce qu'Hagrid leur a fait, mais ils sont énormes.

-Ils sont tombés dans la potion magique quand ils étaient petits – un peu comme Hagrid, je crois.

L'incompréhension dans les yeux de Cédric me fit sourire, et j'éludai les explications d'un haussement d'épaule. Il caressait doucement le relief de Saint George sur ma médaille, et la retourna pour en lire le revers.

-Victoria – 8 mai 1978. C'est au cas où tu te perds ?

-Très drôle. Non, c'est une médaille de baptême. Quand tu entres dans la grande famille des chrétiens, on t'offre cette médaille. Normalement, ça ne devrait pas être Saint George, mais Sainte Marie plutôt. Mais j'étais un bébé fragile, ils ont pensé qu'être liée à Saint George me donnerait plus de force.

-Et ça a marché, sourit Cédric, sans quitter la médaille des yeux. Tu es devenue une fille forte, Vic'.

J'eus un vague sourire, embarrassée. Les rayons de soleil se fractionnaient en milles éclat en heurtant l'or de ma médaille, la faisant briller d'une lueur chaude et agréable entre les doigts de Cédric. Comme une toute petite source de chaleur et d'espoir.

-Garde la, proposai-je, mue d'une soudaine impulsion. Pour la tâche.

-Quoi ?

-Ma médaille de baptême. Garde la. Je ne suis plus croyante depuis longtemps, mais ... Autant mettre toutes les chances de notre côté, non ? Peut-être que Saint George, Saint Protecteur de l'Angleterre qui a terrassé le terrible dragon se protégera toi aussi.

Un instant, Cédric hésita, ses yeux passant de la médaille à mon visage. Puis il secoua obstinément la tête, et il me tendit ma chaine.

-Non, Vic'. C'est ta médaille, ta protection. Et tu as autant besoin de protection que moi ...

Le sous-entendu était lourd, et me tordit les entrailles. Mais ce qu'oubliait Cédric, c'était que j'étais aussi entêtée que lui. Je pris ma chaine, mais pour la lui mettre de force dans la paume, et replier ses doigts sur elle.

-Je serais au milieu d'une foule, ça ira. Non, garde la ! (j'enfermai sa main repliée dans les miennes, malgré la résistance que ses doigts voulaient m'opposer). Toi tu seras seul dans ce labyrinthe. Avec ça au moins, tu aurais Saint George avec toi. Et un petit peu moi, aussi.

Cédric me dévisagea longuement, ses doigts toujours tendus contre les mains, prêts à s'ouvrir pour me rendre ma médaille. Mais sa résistance s'effrita devant mon regard inflexible et ses doigts se resserrèrent contre sa paume, y serrant la chaine dans son poing. Y voyant un signe de son acceptation, je me penchais vers lui, et embrassai brièvement sa tempe.

-N'oublie juste pas de me le rendre en sortant du labyrinthe, j'y tiens.

-Ne t'en fais, j'en prendrais soin, me rassura Cédric, un sourire incertain aux lèvres. Vic' ... Juste, merci.

J'eus un vague mouvement d'épaule pour accueillir ses remercîments, mais Cédric tint à garder l'une de mes mains dans les siennes.

-Non, vraiment, Vic'. Je ne sais pas comment te remercier pour tout ce que tu as fait cette année, et comment me faire pardonner du fait de ne pas avoir été à la hauteur ...

-Enfin Cédric, ce n'est pas comme s'il y avait eu une hauteur à atteindre ...

-Si, il y a un minimum. Je n'aurais pas dû réagir comme ça tout le long de l'année avec Bletchley, je savais que tu l'aimais bien, et surtout ... Vic', je suis vraiment désolé pour ce qui c'est passé devant le bureau de Chourave. D'avoir si mal réagi alors que ... tu avais besoin de moi.

-Cédric, arrête ! l'interrompis-je en piquant un fard. Oui tu as mal réagi, mais ce n'est pas grave, on a su dépasser ça ! Je ne t'en veux pas ...

-Tu pourrais. Aïe ! (Je venais de le frapper sèchement à l'épaule). D'accord, tu ne m'en veux pas !

-Merci.

Les yeux de Cédric roulèrent dans leurs orbites. Il ouvrit la paume pour découvrir ma chaine, et la passa à son cou, rentrant la médaille dans son col.

-Et du coup ... entre Bletchley et toi ... ça se passe bien ?

Je regrettai soudainement de lui avoir prêté ma chaine, car mes doigts furent agités de tic nerveux et auraient été ravis d'avoir quelque chose à tripoter. Faute de mieux, ils jouèrent avec un pan de ma chemise.

-Très bien, soupira-je avec prudence.

-Si tu veux, tu peux aller le rejoindre ...

-Je lui ai dis que je passais l'avant-épreuve avec toi.

Mon ton était catégorique, et un sourire effleura les lèvres de Cédric, comme si ça le rassurait de remarquer qu'il passait avant Miles. Je réprimais l'abattement qui montait en moi face à ce constat et observai un moment Emily, Simon et Cho colorier le peuplier. Chourave aurait été outrée, et j'étais en train de me demander si je n'allais les dénoncer en citant l'unique nom de Simon quand Cédric entonna :

-Mes parents n'ont vraiment pas été délicats, pas vrai ?

Je tournai le visage vers lui pour constater que ses yeux étaient rivés sur la même direction que moi – et plus précisément sur Simon. Il était le plus actif, et je ne pouvais m'empêcher de songer qu'il s'investissait sur cette tâche pour purger la peine qu'Amos et Flavia avaient fait remontré à la surface.

-Non, admis-je en secouant la tête. Pas vraiment.

-J'ai vu que Simon n'allait pas bien, dès que le nom d'Edgar Bones a été prononcé. J'aurais voulu aller voir, mais j'ai vu que tu y étais alors ...

-Pas de problème, je suis habituée à ses états d'âme. Même ce genre d'état d'âme, je reconnais les signes.

-Je peux te poser une question ?

Je dressai un sourcil surpris.

-Tu viens de le faire, mais je t'écoute.

-Tu détestes vraiment Simon ?

Je m'attendais à quelque chose dans ce goût là, mais je fus tout de même étonnée de voir cette interrogation sur la table. Mon regard coula vaguement sur l'objet de la question, avant de revenir sur Cédric.

-La plupart du temps, répondis-je en haussant les épaules. Je pense aussi qu'on se connaît si bien qu'on sait exactement quoi dire pour faire sortir l'autre de ses gongs, et que ça nous amuse et qu'on se déteste mutuellement pour ça. Mais comme sans lui je serais sans doute beaucoup moins le « petit soleil de Poufsouffle », qu'il me permet de me défouler et qu'il subit toute la rage, toute la colère et la frustration que vous n'avez pas à subir ... J'ai un peu besoin de lui. Il fait partie de mon équilibre.

-Donc tu reconnais qu'il est important dans ta vie ?

-Il occupe une place importante, avouai-je du bout des lèvres. Ce qui est normal, on a grandi ensemble, et on s'est construit ensemble, d'une manière ou d'une autre. Ça ne change rien au fait que les deux-tiers du temps, j'ai envie de l'étriper.

Cédric sourit doucement, et me dévisagea, assez longtemps pour que je fronce les sourcils, perplexe.

-Quoi ?

Il continua de me fixer, un sourire énigmatique aux lèvres. Puis il se leva, et ébouriffa joyeusement mes boucles.

-Je pense que tu as été chercher Bletchley beaucoup trop loin, me lança-t-il avant de mettre ses mains en porte-voix : A table !

***

Le coup de sifflet strident retentit dans le stade – qui n'en était plus un. Blanc comme un linge, mais le regard brillant et déterminé, Cédric pénétra dans le labyrinthe, Harry sur ses talons, sous les applaudissements nourris de Poudlard et ceux polis des délégations. Avec angoisse, je vis les ténèbres l'entourer, et le happer, jusqu'à le dissimuler totalement à ma vue. Un orchestre accompagnant les premiers pas des champions dans le labyrinthe entonnait une mélodie entrainante qui me crispa plus qu'autre chose. Je les lorgnai sombrement, eux et leurs cuivres insupportables.

-C'était nécessaire ? marmonnai-je.

-Je trouve ça sympa, commenta Miles en passant une main derrière mon dos. Allez, détends-toi, Vic'. Quoiqu'il arrive, les dés sont jetés.

Je poussai un grognement sonore qui aurait rendu Emily fière. Elle, Simon et Susan avaient grimpé au plus hauts des gradins, comme s'ils avaient espéré voir ce qu'il se tramait à l'intérieur. Mais c'était peine perdue : les haies montaient si haut que je devais me tordre le cou pour en apercevoir la cime. Le labyrinthe semblait aspirer toute la lumière en son sein, et la luminosité ambiante en pâtissait. Le ciel indigo s'obscurcissait de minute en minute et Flitwick avait crée des bulles lumineuses qui flottait au dessus de nous. Miles effleura l'une d'entre elle, qui remonta mécaniquement après le contact.

-Je déteste cette expression, dis-je en fixant la bulle qui s'envolait vers les hauteurs des gradins. « Les dés sont jetés ». Je ne sais pas, ça me donne l'impression que maintenant qu'un événement est en marche, peu importe notre volonté, peu importe notre détermination, on ne pourra rien y changer. Qu'on n'a aucune prise sur notre destin, sur notre vie. Je trouve ça déprimant.

-Et bien je t'en prie. Toi, ta volonté et ta détermination, allez le chercher dans le labyrinthe.

Je plantai mon coude dans les côtes de Miles, un sourire s'étalant sur mes lèvres malgré moi. Pour toute représailles, il passa un bras derrière mon dos pour m'attirer à lui, et posa son menton sur le sommet de mon crâne. Nous étions retranchés à l'ombre des gradins, excentré de l'entrée du labyrinthe dans lequel venait d'entrer Viktor Krum. Depuis sa dispute avec Cédric devant le bureau de Chourave, nous ne nous cachions plus. Il m'avait même pris la main alors qu'Ulysse Selwyn et Gloria Flint s'approchaient de nous, et j'y avais vu le signe ultime qu'il avait coupé les ponts avec eux. D'après lui, Selwyn le laissait relativement tranquille, plus mal que bon gré, et les seuls piques qui lui parvenaient émanaient de Warrington, ce qui était amplement gérable selon lui.

-Ma sœur m'a même demandé si je comptais t'emmener chez moi pendant les vacances, raconta-t-il après un signe de la petite Felicity, plus haut dans les gradins.

-Et quelle a été la réponse ?

-Oh Vic' ... (Il se passa une main sur le visage, manifestement embarrassé). Crois-moi, tu ne veux pas rencontrer mes parents. Et ne pense surtout pas que c'est parce que j'ai honte de toi ...

-Tu as plutôt honte de ta famille, compris-je, sans savoir si j'étais déçue ou perplexe. Ne t'en fais pas, je ne comptais pas t'amener chez moi non plus. Mes parents auraient une crise cardiaque s'ils savaient que je sortais avec un sorcier. Et je refuse d'amener mon copain avant que mon frère ne ramène l'une de ses copines.

Miles essuya un petit rire, et déposa un baiser dans mes cheveux. Je souris, et malgré la tendresse de Miles, mon regard était irrémédiablement attiré vers l'entrée du labyrinthe. Verpey émit un dernier coup de sifflet, et Fleur Delacour fut à son tour aspirée par les haies. Je levai les yeux vers la tribune des juges. Madame Maxime en était descendue pour discuter avec Hagrid, les yeux mobiles et nerveux de Karkaroff parcouraient la foule, et sa main était crispée sur son bras gauche. Dumbledore avait croisé les doigts devant son visage, le regard comme l'esprit perdu au loin. Même Verpey semblait agité et tentait d'engager la conversation avec l'homme qui occupait sa droite. Mais Cornelius Fudge ne semblait pas avoir le moins du monde envie de discuter, et se penchait plus volontiers vers Dumbledore qui répondait par monosyllabe ou d'un hochement de tête. Cette fois, le Ministre de la Magie en personne avait fait le déplacement pour remplacer Croupton.

-Pourquoi j'ai l'impression que tout le monde stresse ?

-Vic', c'est une déformation de ton propre stresse, tenta de me rassurer Miles en prenant ma main. Allez viens, on va rejoindre des gens, ça te changera les idées ...

-Pas Simon et Emily. Ils seront aussi stressés que moi, et si j'y vais je vais essayer de positiver alors que je n'en ai pas envie.

Un sourire effleura les lèvres de Miles, et faute de mieux, il me conduisit vers Kamila, assise seule sur l'un des premiers rangs, les coudes posés contre ses genoux, et la joue appuyée contre son poing. Elle leva un œil sur nous quand nous nous installâmes à côté d'elle.

-Il n'y a plus qu'à attendre, nous lança-t-elle avec un soupir contenu. Et vu le calibre des autres épreuves, je pense qu'on est parti une bonne heure, si ce n'est plus ...

-Maintenant tu peux le dire : Krum était prêt ? plaisanta Miles.

Elle haussa les épaules, et son regard se perdit vers les tribunes des juges. L'orchestre avait enfin cessé de jouer, et je poussai un soupir de contentement.

-Il avait l'air serein ce matin, toujours.

-Je vais voir ma sœur, me souffla Miles en pressant doucement ma main. Je te rejoins après.

J'opinais du chef, et il embrassa doucement ma joue, avant de remonter vers Felicity, qui battit des mains en le voyant arriver. Kamila me jetait un regard de coin, amusée.

-Je vois que vous êtes passés à la vitesse supérieure depuis le bal, remarqua-t-elle, la commissure des lèvres relevée.

-Hum. Il s'est fait quelque chose au bras, ton directeur ? J'ai l'impression qu'il empêche son bras de se détacher.

Karkaroff avait raffermi sa prise sur son bras gauche, si fort que je voyais d'ici ses jointures blanchirent. Le regard de Kamila s'assombrit, et elle lorgna la tribune l'air mauvais.

-Je n'en sais rien, il est bizarre depuis quelques semaines. Hyper nerveux, il a perdu de sa superbe. Mais cela dit, ce n'est pas pour me déplaire ...

-Je me doute.

Je ne savais pas quoi penser du ton amer de Kamila. Ses yeux étaient dardés sur le labyrinthe, et ses sourcils étaient si froncé que cela donnait à son visage un aspect inquiétant. Même la lueur des bulles enchantées de Flitwick ne parvenait pas à réchauffer son regard. Remarquant que je la fixai, inquiète, elle me rassura d'un sourire.

-Et au fait, j'ai croisé Simon la dernière fois à votre bibliothèque. Il lisait ton devoir sur Grindelwald et la Pologne ...

-Ah.

Ce devoir était l'unique rescapé de l'explosion de mon sac : je l'avais miraculeusement sorti avant pour le rendre au professeur Binns, et la quatrième partie avait été subtilisée par Simon, qui pour une raison inexplicable avait tenu à le lire en entier. Kamila eut un léger sourire.

-Oui. J'en ai parlé un peu avec lui ... Il m'a dit de ne surtout pas te le dire, mais ton devoir était remarquable.

-Voyez-vous cela, ricanai-je en secouant la tête.

-Non, je t'assure. Il a dit qu'il avait trouvé ça très intéressant, et que ta conclusion le faisait réfléchir. Du coup je me demandais : comment tu as conclu ça ?

-Par une hypothèse. Celle que Grindelwald a instrumentalisé la guerre chez les moldus pour servir son propre dessein. Je pense même qu'il jouait sans doute sur les deux tableaux – les alliés, et l'Axe – et qu'il a attisé leur haine respective pour empirer le conflit. Il les a monté les uns contre les autres pour créer un chaos indescriptibles, et du chaos il serait arrivé, lui, le sorcier providentiel, sauveur des moldus ...

-« Pour leur plus grand bien ».

La voix de Kamila était à peine plus haute qu'un murmure, et alla se perdre dans la nuit. Je resserrai mes bras sur mon ventre, prise d'un violent frisson.

-Oui, c'est ça. « Pour leur plus grand bien ».

Nous échangeâmes un regard, lisant dans les yeux chacune de l'autre les fantômes qui pouvaient être liés à cette maudite phrase. Le nom de sa grand-mère, tuée par la famille qui représentait Grindelwald en Pologne, transpirait dans ses prunelles torturées. Elle resta un long moment à me contempler, puis quelque chose dans le fond de son regard vacilla. Elle se leva d'un bond, et m'adressa un sourire.

-Je suis vraiment trop excitée pour attendre une heure ici que Viktor sorte vainqueur de ce labyrinthe, se moqua-t-elle. Je vais faire un tour, tu m'accompagnes ?

J'hésitai un instant, mais ma jambe qui ne cessait de faire des bonds nerveux m'indiquait que j'aurais moi aussi du mal à rester statique en attendant Cédric. Alors j'acceptais la proposition de Kamila, et nous quittâmes le terrain de Quidditch. Aussitôt, une vague de fraicheur bienfaitrice vint m'effleurer le visage, et j'appréciais éminemment de m'éloigner du bourdonnement sourd des conversations autour de moi. L'obscurité nous enveloppa, mais de façon infiniment plus bienveillante que ne l'avait fait celle du labyrinthe autour de Cédric.

-Vous avez franchement un parc agréable, dit Kamila alors qu'on approchait de la forêt interdite. Le notre est bien plus grand – vraiment, plus grand – mais je ne sais pas, je lui trouve moins de charme. C'est peut-être dû à ce genre de construction.

Elle pointa du doigt la cabane de Hagrid, et un sourire amer déforma mes lèvres.

-C'est la maison de notre garde-chasse.

-Oh. (Il me sembla que ses joues rougirent, mais dans la pénombre, je n'en étais pas sûre). L'immense type ? Je vois un peu. Ce n'est pas un peu petit pour un homme si ... massif ?

-Ça lui convient, et c'est ce qui importe.

-C'est vrai, admit-t-elle en penchant la tête. Mes grands-parents maternels vivaient dans un appartement pire que miteux, quand ma grand-mère a été assassinée. Mais mon oncle, qui a vécu dedans pendant six ans, dit qu'il a toujours eu d'excellents souvenirs de cette époque. Ma mère était plus jeune, elle ne se souvient plus de grand-chose – et je pense qu'elle n'en n'éprouve pas l'envie. Depuis l'attaque, elle peut à peine se servir de son bras droit.

Elle garda le silence. Nous nous étions immobilisées devant la cahute de Hagrid, près de la lisière de la forêt interdite.

-Ma grand-mère s'appelait Agata. Elle avait vingt-neuf ans quand on l'a tué. Mon grand-père a passé les trois années suivantes en prison. Sa baguette a été détruite, et ses enfants ont été confié à leurs grands-parents qui s'occupaient à peine d'eux. Je sais que sa grand-mère battait ma mère, ce qui a empêché son bras de bien guérir. Et tout cela ... tout ça parce que ma grand-mère avait décidé de cacher son neveu, qui avait émis des doutes sur Grindelwald – et surtout si cet insupportable, cet enfoiré et cruel Marceij. Et je ne parle pas de son abominable progéniture.

-Je suis désolée, Kamila.

J'étais sidérée qu'elle se livre autant sur les douleurs qu'avait subi sa famille. Sans doute la douce enveloppe de la nuit était plus propice aux confidences que le brouhaha de la bibliothèque. Les sourcils de Kamila se froncèrent, et une moue déforma ses lèvres.

-Comment il s'appelait, déjà ? souffla-t-elle. Ton grand-père côté polonais ?

-Miro, répondis-je par automatisme, surprise. Pourqu... ?

-Miro comment ?

Les accents de froideurs qui avaient percés dans la voix de Kamila me glacèrent. Son visage s'était figé en un masque d'impassibilité qu'éclairait l'éclat froid d'une demi-lune. Soudainement, ça ne me semblait être une excellente idée d'être seule, loin de la foule et au pied de la forêt interdite avec l'une des duellistes les plus redoutée de Durmstrang. Je fis un pas en arrière, entonnant doucement :

-Je vais aller retrouver Miles. Maintenant peut-être qu'on aura une idée sur l'avancement du ...

-Miroslav Liszka.

Et, d'un geste si vif que j'eus de la peine à le percevoir, elle sortit sa baguette. J'eus à peine le temps d'effleurer la mienne qu'un éclat rouge jaillissait de la sienne et me frappait en pleine poitrine. 



Sachez que je suis très fort en train d'hésiter pour vous donner le chapitre suivant la semaine prochaine, tant j'ai hâte d'avoir vos réactions ... 

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